Giustiniana Wynne
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Giustiniana Wynne | ||
Titre(s) | Comtesse Orsini von Rosenberg | |
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Dénomination(s) | Ursins-Rosebnberg; Orsini-Rosenberg | |
Biographie | ||
Date de naissance | 21 janvier 1737 | |
Date de décès | 22 août 1791 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Rotraud von Kulessa, 2018
Giustinina Wynne est née le 21 janvier 1737 à Venise et morte le 22 août 1791 à Padoue. Son père, Richard Wynne, d’origine anglaise, s’installe à Venise en 1735 où il tombe amoureux d’Anna Gazzini (1713-1780). De leur union naissent six enfants, dont Giustiniana, en 1737. Giustiniana passe son enfance à Venise, une période à propos de laquelle ne subsistent que peu d’informations. L’année du décès de son père, en 1751, elle fait la connaissance d’Andrea Memmo (1729-1793), dans la maison du consul anglais Joseph Smith, bibliophile et mécène. L’idylle est toutefois sans avenir possible, car l’appartenance de la famille de Memmo à la haute noblesse vénitienne ne permet pas une relation légitime avec Giustiniana, d’origine trop modeste.
En octobre 1758, la mère de Giustiniana, soucieuse de la réputation de sa fille, entame donc un voyage à travers l’Europe qui la mène avec ses filles d’abord à Paris et ensuite à Londres. Durant tout le voyage, Giustinina entretient une correspondance avec son amant vénitien, dans laquelle elle lui raconte minutieusement ses rencontres avec de nombreux prétendants qui la courtisent de manière plus au moins polie et lui proposent soit leur protection, soit le mariage, comme c’est le cas d’Alexandre La Riche de la Pouplinière (1693-1762). La famille du prétendant français s’oppose cependant à cette union et menace Giustiniana d’empoisonnement.
Casanova parle de Giustiniana dans ses Mémoires, prétendant l’avoir aidé à avorter d’un enfant de Memmo. Giustiniana n’évoque pas cet épisode dans sa correspondance.
En novembre 1760, Giustiniana rentre en Italie, d’abord à Padoue, ensuite à Venise. Apparemment, les deux amants ne se seraient plus rencontrés qu’à des occasions officielles. Memmo entreprend une carrière de diplomate et d’homme politique au service de la République de Venise alors que, le 4 novembre 1761, Giustiniana épouse le comte Philip Joseph Rosenberg Orsini, ambassadeur de Vienne à Venise (1754-1764).
Devenue veuve en 1765, elle séjourne d’abord en Autriche, à Klagenfurt, puis rentre à Venise. Dans les années 1780, Giustiniana entreprend une carrière littéraire, soutenu par son sigisbée, le librettiste Bartolomeo Benincasa (1746-1816). Elle côtoie le cercle littéraire et artistique du sénateur et collectionneur d’objets d’art vénitien Angelo Quirini (1721-1796), groupe qui se réunit à l’Altichiero, la villa de Quirini, située à proximité de Padoue. Giustinina Wynne meurt le 22 août 1791, probablement d’une tumeur de l’utérus.
Son œuvre littéraire, entièrement écrite en français, comporte un poème de circonstance composé à l’occasion du mariage de la fille de son ex-amant Andrea Memmo, ainsi qu’une relation du séjour des Princes du Nord –les fils de Catherine II de Russie –, à Venise. Elle fait aussi une description originale de l’Altichiero, la Villa d’Angelo Quirini. Dans ses Pièces morales, elle réunit des réflexions personnelles de nature très diverse. Elle y développe notamment ses idées au sujet de la position de la femme dans la société et au sujet du rapport entre les sexes. Dans le chapitre dédié à ses premiers voyages, Wynne fait un récit de sa relation avec Memmo et de son voyage à Paris et Londres qui constitue un résumé remanié de sa correspondance avec son amant. Elle doit sa renommée littéraire avant tout à son roman de mœurs, Les Morlaques, qui compte parmi les premiers romans anthropologiques. Inspiré de l’ouvrage d’Alberto Fortis (Voyage en Dalmatie, 1774) et d’un fait-divers, il raconte l’histoire de Jella et Jervaz qui sert de toile de fond à une description détaillée des mœurs des Morlaques (dans l’actuelle Croatie). La romancière y introduit des réflexions rousseauistes sur les avantages d’une société à l’état de nature. L’originalité du roman tient au fait que l’autrice applique les idées des Lumières et celles qui peuvent être considérées comme proto-féministes aux Balkans, un espace culturel peu abordé par les penseurs du XVIIIe siècle. L’ouvrage connait un certain succès à son époque : il est traduit en allemand et en italien, Goethe et Germaine de Staël s’en sont inspirés. Toutefois, si la recherche contemporaine s’est jusqu’à présent quasi uniquement penchée sur son échange épistolaire avec son amant Memmo, une édition critique des Morlaques est en cours.
Oeuvres
- 1782 : Du séjour des comtes du Nord à Venise en janvier MDCCLXXXII. Lettre de Mme la comtesse douairière des Ursins, et Rosenberg à Mr Richard Wynne, son frère à Londres, Venise
- 1785 : Pièces morales et sentimentales, Londres, J. Robson
- 1787 : Alticchiero, Padoue, Venise, Nicolò Bettinelli
- 1787 : A André Memmo Chevalier de l’Etole d’or et procurateur de St. Marc, à l’occasion du mariage de sa fille ainée avec Louis Mocenigo, Venise, Stamperia Giuseppe Rosa
- 1788 : Les Morlaques, roman historique, descriptif et poétique en prose, Modène, Société typographique
Choix bibliographique
- Bignami, Giuseppe, Mademoiselle X.C.V., Introduzione alla figura e all’opera di Giustiniana Wynne Contessa di Rosenberg e Orsini, Gênes, Pirella, 1985.
- Bešker, Inoslav, I Morlacchi nella letteratura europea, Rome, Il Calamo, 2007.
- Isenberg, Nancy, ‘Caro Memmo, mon cher frère’. Seduzioni epistolari di una giovane angloveneziana in viaggio per l’Europa nel tempo di Casanova. L’inedito carteggio di Giustiniana Wynne ad Andrea Memmo (1758-1760), Trévise, Elzeviro, 2010.
- Maixner, Rudolf, « Traductions et imitations du roman Les Morlaques », dans Revue des études slaves, t. 32, 1955, p. 64-79.
Jugements
- « Madame, La belle épitre que V.E. a laissé imprimer sur le séjour du C. et de la C. du Nord dans cette ville vous expose à souffrir en qualité d’auteur, des compliments de tous ceux qui se mêlent d’écrire. Puis je me flatte, madame, que V.E. ne dédaignez pas les miens. Le petit roman, Madame, traduction sortie de ma plume pesante et raide n’est pas un présent, mais une offrande très chétive, que j’ose faire à la supériorité de votre mérite. J’ai trouvé, Mad. : dans votre lettre le style coulant et sans prétention de la bonne compagnie ; le seul dont une femme de condition qui écrit à son ami, doit dignement se servir. Vos digressions et vos pensées sont des fleurs qui… : [excusez un auteur qui vous vole] la délicieuse nonchalance de l’aimable écrivain on… un feu follet qui de fois à autre sort de l’ouvrage malgré l’auteur et brule le papier. J’aspire, Mad. A me rendre propice la déité à laquelle la raison m’avise de faire hommage. Agréez donc l’offre et rendez heureux celui qui le fait avec votre indulgence. J’ai l’h. de me signer, si vous voulez bien me le permettre, avec un très profond respect ([Giacomo Casanova] Lettre de Casanova à Giustninia [s.d.]: in Aldo Rava éd.,Lettere di donne a Giacomo Casanova, Milan, Fratelli Treves Editori 1912, p. 227-228).