Louise-Florence-Pétronille Tardieu d'Esclavelles
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Louise-Florence-Pétronille Tardieu d'Esclavelles | ||
Titre(s) | Marquise d'Épinay | |
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Conjoint(s) | Denis Lalive d'Épinay | |
Dénomination(s) | Madame d'Épinay | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1726 | |
Date de décès | 1783 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de Mélinda Caron, 2007
Louise-Florence-Pétronille Tardieu d’Esclavelles est née le 11 mars 1726 à Valenciennes. Fille unique de Louis-Gabriel Tardieu, baron d’Esclavelles (1666?-1736) et de Florence-Angélique Prouveur de Preux (1695-1762), elle déménage à l’âge de dix ans à Paris, où son père meurt rapidement. Sans ressources, mère et fille vont vivre chez la soeur de Mme Prouveur de Preux, épouse du fermier général Louis de Lalive de Bellegarde, qui prendra en 1742 le titre d’Épinay. Louise d’Esclavelles demeure au couvent de 1737 à 1744 et elle se marie le 23 décembre 1745 avec son cousin germain, Denis-Joseph Lalive d’Épinay (1724-1782), après quoi elle partage sa vie entre la capitale et le château de La Chevrette. Le couple a deux enfants, Louis-Joseph (1746-1813) et Suzanne-Françoise-Thérèse (1747-1748). Les infidélités et les dépenses de son mari conduisent Mme d’Épinay à demander une séparation des biens, qu’elle obtient le 14 mai 1749.
En 1748, elle rencontre Claude-Louis Dupin de Francueil, avec qui elle a deux autres enfants: Angélique-Françoise-Charlotte, future Mme de Belsunce (1749-1813), élevée à la maison d’Épinay, et Jean-Claude Leblanc de Beaulieu (1753-1825), futur évêque, éloigné de la famille à sa naissance. C’est à l’automne 1751 qu’elle rencontre Friedrich Melchior Grimm, avec qui elle partage sa vie à partir de 1755. En 1756, Louise d’Épinay héberge Jean-Jacques Rousseau, dont elle a fait la connaissance en 1748, dans une maison située sur les terres de La Chevrette, à l’Ermitage. Elle commence à cette époque la rédaction d’un roman épistolaire autobiographique à clefs, l’Histoire de Mme de Montbrillant, et elle diffuse ses premiers textes dans la «Correspondance littéraire» de Grimm, un périodique manuscrit et clandestin destiné aux têtes couronnées d’Europe. En novembre 1757, elle part pour Genève, où elle restera deux ans. Elle s’y lie d’amitié avec Voltaire et fait imprimer deux recueils: Mes moments heureux (1758) et Lettres à mon fils(1759). À son retour à Paris, elle rencontre Denis Diderot et Ferdinando Galiani, secrétaire de l’ambassade de Naples, avec qui elle correspondra assidûment après le rappel de celui-ci au Royaume des Deux-Siciles, en 1769. La même année, elle prend en charge l’éducation de sa petite-fille, Émilie de Belsunce; cette occupation donnera lieu à la rédaction des Conversations d’Émilie, dont la première édition, anonyme, paraît en 1774. En 1771, en l’absence de Grimm, elle est responsable avec Diderot de la «Correspondance littéraire», dans laquelle elle diffuse plus d’une soixantaine d’articles, de critiques et de dialogues jusqu’à sa mort. La seconde édition, remaniée et augmentée, des Conversations d’Émilieparaît en 1781 et reçoit le prix Monthyon en 1783; l’Académie, largement favorable aux philosophes, couronne le livre face à Adèle et Théodore de Mme de Genlis. Louise d’Épinay meurt le 15 avril 1783 à la Chaussée d’Antin.
Si Les Conversations d’Émilie ont été bien accueillies par le public, rééditées à neuf reprises jusqu’en 1822 et traduites en plusieurs langues dès leur parution, ce ne sont pas elles qui ont assuré une place à Louise d’Épinay dans l’histoire de la littérature, mais plutôt son amitié et sa rupture avec Rousseau. C’est dans cette optique que l’Histoire de Mme de Montbrillant a été lue dès le XIXe siècle. Le titre Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay, choisi pour la première édition (tronquée) du texte en 1818, témoigne de la valeur documentaire d’abord accordée à ses écrits. Une partie de sa correspondance avec Galiani, également éditée à cette époque, a connu un sort semblable. Le nom de Louise d’Épinay a par ailleurs souvent figuré parmi ceux des hôtesses des salons de l’Ancien Régime, bien qu’elle n’ait jamais eu son «jour marqué». Le travail éditorial entrepris à la fin des années 1970 sur la «Correspondance littéraire» a mis au jour l’importance de la collaboration de Louise d’Épinay à ce périodique. Depuis les années 1980, ce sont surtout ses idées sur l’éducation et les femmes, généralement opposées à celles de Rousseau, qui ont attiré l’intérêt des chercheurs. On s’attache désormais à rendre son originalité à l’Histoire de Mme de Montbrillant, une oeuvre longtemps réduite à sa seule dimension autobiographique ou polémique. La reconnaissance de la valeur littéraire des écrits de Louise d’Épinay et l’attention portée à ses idées pédagogiques et philosophiques lui confèrent aujourd’hui pleinement le statut de représentante des Lumières.
Oeuvres
- 1756-1762? : Mémoires et correspondance de Madame d'Épinay, précédées d'une étude sur sa vie et ses oeuvres, Paris, Brunet, 1818 -- Les Contre-confessions. Histoire de Madame de Montbrillant, éd. Élisabeth Badinter, Paris, Mercure de France, 1989.
- 1758 : Mes moments heureux, Genève, de mon imprimerie [J.-V. C. de Gauffecourt].
- 1759 : Lettres à mon fils, Genève, de mon imprimerie [J.-V. C. de Gauffecourt] -- Lettres à mon fils. Essais sur l'éducation et Morceaux choisis, correspondance et extraits, éd. Ruth Plaut Weinreb, Concord, Wayside Publishing, 1989.
- 1769-1782 :Louise d’Épinay et Ferdinando Galiani, Correspondance, éd. Daniel Maggetti en coll. avec Georges Dulac, Paris, Desjonquères, 1992-1997.
- 1771 : «Dialogue copié d’après nature ou de l’amitié de deux jolies femmes» (diffusé en trois temps dans les ordinaires des 1er septembre, 1er octobre et 15 octobre 1771 de la «Correspondance littéraire») -- dans L’Amitié de deux jolies femmes; suivie de Un rêve de mademoiselle Clairon, éd. Maurice Tourneux, Paris, Librairie des bibliophiles, 1885.
- 1772 : «Rêve» (diffusé dans l’ordinaire du 1er janvier 1772 de la «Correspondance littéraire») -- dans L’Amitié de deux jolies femmes..., voir supra.
- 1774 : Les Conversations d’Émilie, Leipzig, Crusius.
- 1781 : Les Conversations d’Émilie, éd. remaniée et augmentée, Paris, Humblot -- éd. Rosena Davison, Oxford, The Voltaire Foundation, 1996.
Mis à part le «Dialogue copié d’après nature» et le «Rêve», aucun des textes de Louise d’Épinay ayant été diffusés dans la «Correspondance littéraire» ne figure sur cette liste. Il est à noter que plusieurs n’ont pas été retenus ou n’ont pas été entièrement reproduits dans l’édition (lacunaire) du périodique qui est actuellement disponible: Grimm et al., Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Maurice Tourneux, Nendeln, Kraus Reprint, 1968 [Paris, Garnier frères, 1877-1882]. La plupart seront toutefois bientôt disponibles grâce à l’édition critique des années 1753-1773 qui est en cours de parution: Friedrich Melchior Grimm,Correspondance littéraire, éd. Ulla Kölving et Robert Granderoute, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2006.
Choix bibliographique
- Badinter, Élisabeth, Madame du Châtelet, Madame d’Épinay ou l’ambition féminine au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2006 [Émilie, Émilie ou l’ambition féminine au XVIIIe siècle, 1983].
- David, Odette,L'Autobiographie de convenance de madame d'Épinay, écrivain-philosophe des Lumières. Subversion idéologique et formelle de l’écriture de soi, Paris, L’Harmattan, 2007.
- Davison, Rosena, «Madame d’Épinay and Girl’s Education», dans Femmes savantes et femmes d’esprit. Women Intellectuals of the French Eighteenth Century, dir. Roland Bonnel et Catherine Rubinger, New York, Peter Lang, 1994, p.219-241.
- Trouille, Mary Seidman, «La femme mal mariée. Madame d’Épinay’s Challenge to Julie and Émile», dans Sexual Politics in the Enlightenment. Women Writers Read Rousseau, Albany, State University of New York Press, 1997.
- Weinreb, Ruth Plaut, Eagle in a Gauze Cage. Louise d’Épinay Femme de Lettres, New York, AMS Press, 1993.
Choix iconographique
- 1759? : Jean-Étienne Liotard, Louise d’Épinay(pastel sur parchemin, 69 x 55 cm), Genève, Musée d’art et d’histoire.
Jugements
- «Ce n’est pas dans le moment où nos pleurs coulaient encore sur la tombe de Mme d’Épinay que nous avons osé consacrer dans ces fastes littéraires le souvenir qu’elle y paraît mériter au plus respectable de tous les titres. [...] Ce qui distinguait particulièrement l’esprit de Mme d’Épinay, c’était une droiture de sens fine et profonde. Elle avait peu d’imagination; moins sensible à l’élégance qu’à l’originalité, son goût n’était pas toujours assez sûr, assez difficile; mais on ne pouvait guère avoir plus de pénétration, un tact plus juste, de meilleures vues avec un esprit de conduite plus ferme et plus adroit.» (Jacques-Henri Meister, s.t. [mort de Louise-Florence-Pétronille Tardieu d’Esclavelle, dame de la Live, marquise d’Épinay], dans Grimm et al., Correspondance littéraire, novembre 1783, éd. Maurice Tourneux, voir supra, oeuvres, t.13, p.394-396)
- «Madame d’Epinai est morte l’année derniere. C’étoit la femme d’un fermier-général qui jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans ne s’étoit pas doutée qu’elle fut une femme d’esprit. Elle trouva un ami complaisant qui lui ouvrit les yeux sur ses moyens. De ce moment elle se met à faire vers & prose. Sa santé devint mauvaise. Elle mit cet accident sur le compte des muses. Elle accusa la gloire de lui avoir vendu bien cher ses lauriers. [...] Alors elle prit la résolution de devenir un peu célèbre. Choix sévère dans ses amis, réforme complette des adorateurs, bureau d’esprit, lectures périodiques, protection affichée aux jeunes auteurs, mépris marqué des femmes qui n’avoient que les graces d’un esprit facile & varié. À ces ridicules près accompagnés de plusieurs autres, c’étoit bien la meilleure pâte de femme! gaie, généreuse, n’ayant pas volonté, croyant aux grands, aux philosophes, & à tout ce qu’on vouloit.» (Correspondance secrète, politique & littéraire, ou Mémoires pour servir à l’histoire des cours, des sociétés & de la littérature en France, depuis la mort de Louis XV, 21 avril 1784, Londres, John Adamson, 1788, t.16, p.124-125)
- «On se plaint généralement qu’il est peu de livres qu’on puisse mettre entre les mains de ceux qui sont sortis de la première enfance. Quelques-uns des écrits de madame de Beaumont, et les Conversations d’Émilie sont presque les seuls ouvrages français où la morale soit mise à leur portée.» (Marie-Élisabeth Bouée de La Fite, Entretiens, drames et contes moraux, à l’usage des enfans, Paris, Brunot-Labbe, 1820, p.vii)
- «Mme d’Épinay proved herself a philosophe in her defense of virtue, of duty, and especially of usefulness, in her writing and through her actions. She engaged in the same debates as the men philosophes; what makes them of interest today, makes her equally so and equally a philosophe.» (Ruth Plaut Weinreb, Eagle..., voir supra, Choix bibliographique, p.114)