Marie de La Tour d'Auvergne

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Marie de La Tour d'Auvergne
Titre(s) Duchesse de Thouars
Conjoint(s) Henri de La Trémoille, duc de Thouars
Biographie
Date de naissance 1601
Date de décès 1665
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Sonja Kmec, 2003.

Marie de La Tour, née le 17 janvier 1601 à Turenne, est la fille de Henri duc de Bouillon (1555-1623) et de sa seconde épouse, Élisabeth de Nassau-Orange (1577-1642), fille de Guillaume le Taciturne et de Charlotte de Bourbon-Montpensier. Élevée dans la principauté indépendante de Sedan, elle reçoit de sa mère une éducation calviniste assez stricte. En 1619, elle épouse son cousin germain Henri de La Trémoille, duc de Thouars (1598-1674), qui lui est destiné depuis l'enfance. Peu à peu, elle prend la place de la duchesse douairière Charlotte-Brabantine comme maîtresse de maison et exerce son "autorité par procuration" notamment sur les terres de Laval et de Vitré. Accusée de mauvaise gestion, elle justifie la vente de domaines patrimoniaux et les frais engagés pour ses projets architecturaux dans un Mémoire écrit en 1661. Elle y explique la nécessité de rénover le château médiéval de Vitré et de reconstruire celui de Thouars, travaux qui commencent en 1638 d'après les plans de Jacques Lemercier. Malgré la conversion de son mari au catholicisme en 1628, elle reste fidèle à la religion réformée et assume le rôle de protectrice des communautés huguenotes de Poitou et de haute Bretagne. Elle élève ses filles Élisabeth (1628-1640) et Marie-Charlotte (1632-1682) dans la religion protestante et convainc son fils aîné, Henri-Charles, futur prince de Tarente (1620-1672), de se reconvertir au protestantisme à sa majorité. Lorsque les temples de Thouars et de Vitré sont menacés de destruction, Marie de La Tour négocie d'autres emplacements et surveille la construction de nouveaux bâtiments. Ses convictions religieuses n'empêchent pas la duchesse de fréquenter la cour royale et les salons de la princesse de Condé et de la marquise de Rambouillet, comme en témoigne son Recueil de devises.
En 1648, Marie de La Tour marie son fils aîné à Amélie de Hesse-Cassel et obtient l'insertion d'une clause particulière dans les traités de Westphalie, accordant au duc le titre nominal de roi de Naples. Après avoir fait campagne pour la reconnaissance officielle du statut de "princes étrangers" de ses frères Bouillon et Turenne à la cour de France, elle se joint à eux lors de la première Fronde début 1649. Suite à la paix de Rueil, elle se rapproche de Mazarin dans l'espérance d'obtenir le gouvernement du Maine, et refuse d'adhérer au parti des Princes. Lorsque son fils soutient ouvertement Condé en octobre 1651, elle reste en lien avec la cour et se pose en médiatrice. En 1656, elle obtient la libération de son fils, incarcéré à Amiens pendant plusieurs mois. Elle se lie d'amitié avec Mademoiselle de Montpensier et est une des premières à lui dédier son autoportrait.
Ayant contribué au règlement du différent entre les églises protestantes orthodoxes et universalistes en faisant signer un acte réconciliateur (l'Acte de Thouars) en 1649, Marie de La Tour renouvelle son soutien à l'Église Réformée en 1659, lorsqu'elle accueille le dernier synode national à Loudun. La même année, elle défie les calvinistes orthodoxes en appuyant la nomination du pasteur Alexandre Morus au ministère de Charenton. Malgré l'insistance de son fils cadet Louis-Maurice (1624-1681), oratorien, la duchesse réaffirme sa fidélité au camp protestant en 1662 en accordant la main de sa fille Marie à Bernard de Saxe-Weimar, neveu du fameux général. La santé de Marie de La Tour se dégrade, mais elle refuse de se convertir en dépit des pressions de la reine mère. À sa mort le dimanche 24 mai 1665, son corps est porté dans la chapelle ducale de Thouars sans aucune cérémonie.
Les contemporains de la duchesse de La Trémoille la qualifient de "reine des protestants" et de "précieuse". Le premier sobriquet reflète l'accroissement de son prestige à Charenton après les mariages catholiques de Châtillon, Montausier et Marguerite de Rohan en 1645. Saint-Simon décrit amplement l'ambition politique de la duchesse, faisant écho aux Mémoires de Mme de Motteville et se laissant guider par son aversion personnelle pour les La Tour d'Auvergne et les La Trémoille. Au XIXe siècle, Marie de La Tour est successivement vilipendée par Berthre de Bourniseaux (Histoire de Thouars, Niort, 1824, p.195, 199) qui l'accuse de tyrannie et de prodigalités, puis réhabilitée par Hugues Imbert (Histoire de Thouars, Niort, 1871, p.282-5), qui vante sa droiture et son humanisme. Aujourd'hui, son rôle politique paraît oublié; c'est en qualité de "précieuse" que Marie de La Tour est citée par des historiens de la littérature comme Myriam Maître (Les Précieuses, Paris, 1999, p.685).


Oeuvres

- vers 1646-vers 1662 : Recueil de devises, illustré d'une quarantaine d'images peintes à la main, données à Marie de La Tour par diverses personnes. Inédit.
- 1657 : Portrait de Mme la duchesse de La Trimouille fait par elle-mesme à Touars au mois de novembre 1657, in Divers portraits. s.l., 1659, p.15-22. (La même année son portrait est publié dans Recueil des portraits et éloges, en vers et en prose, dédié à son Altesse royale Mademoiselle. Paris, Ch. Sercy et Cl. Barbin, petit format p.68-77; grand format p.71-86.)
- 1661 : Mémoire. Le Mémoire de 1661, in Hugues Imbert (éd.), Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t.21, 1867.

Choix bibliographique

- La Trémoille, Charlotte-Amélie, comtesse d'Aldenbourg. Mémoires. Paris, 1876.
- La Trémoille, Henri, prince de Tarente. Mémoires. Liège, Bassompierre, 1767.
- La Trémoille, Louis, duc de. Les La Trémoille pendant cinq siècles. T.4: 1566-1709. Nantes, Grimaud, 1895.
- Tulot, Jean-Luc. "Les La Trémoille et le Protestantisme au XVIe et XVIIe siècle". Cahiers du Centre de Généalogie Protestante (à paraître).
- Weary, William. "The House of La Trémoille Fifteenth through Eighteenth Centuries: Change and Adaptations in a French Noble Family". Journal of Modern History, 40, 1977 ("on demand supplement").

Choix iconographique

- Anonyme. Portrait de Marie de La Tour d'Auvergne (gravure), à Paris chez Pierre Mariette, rue S. Iaques a l'Esperance. Bibliothèque Nationale, Cabinet des Estampes (N2 D 184345).
- Moncornet, B. Portrait de Marie de La Tour (gravure). Bibliothèque Nationale, Cabinet des Estampes (N2 D 184346-7).
- Anonyme. Recueil de dévises données à Marie de La Tour (40 emblèmes peints à l'aquarelle: parchemin, 40 ff, 320*250mm, reliure maroquin rouge à ses armes). Bibliothèque de l'Arsenal (MS 5217 Rés).

Jugements

- "Mme de La Trémouille qui étoit habile et ambitieuse, vouloit que son mari fût prince, comme issu par femme de Charlotte d'Aragon, héritière du royaume de Naples. Elle crut que pour parvenir à ses desseins il falloit faire quelque mal ou quelque peur au ministre; et comme ils sont grands seigneurs, et qu'ils avoient beaucoup de crédit et de puissance dans leur province, il leur fut aisé d'émouvoir des troubles en leur pays" (Mémoires de Mme de Motteville, éd. Michaud et Pouloulat, Paris, 1838, p.262).
- "Thessalonice [Mme de La Trémoille] et sa fille sont deux prétieuses de grande naissance, l'une du temps de Valere [Voiture], l'autre encore aujourd'huy une des agreables personnes de son siècle. Elle écrit galamment en prose, et elle a fait elle-mesme son portrait" (Antoine Baudeau sieur de Somaize, Dictionnaire des précieuses, éd. Ch.-L. Livet, Paris, 1856, t.1, p.231).
- "Mme de La Trémoille est une des plus illustres dames de ce siècle, mais la mauvaise fortune de sa maison et ses indispositions sont causes que tout le monde n'a pas le bonheur de la connoître" (Mémoires de Mlle de Montpensier, éd. A. Chéruel, Paris, Charpentier, 1858, t.1, chapitre 19).
- "d'un esprit élevé, qui sait se faire obéir dans l'étendue de ses terres, jusqu'à établir des droits indus et à faire tout trembler sous son autorité" (C. Colbert de Croissy, "Etat du Poitou", in C. Dugast-Matifeux, État du Poitou sous Louis XIV, Fontenay-le-Comte, 1865, p.94-95).
- "sa femme [Marie de La Tour] était digne fille de son père, et digne soeur de ses frères; elle se garda bien de laisser faire son fils catholique: le père l'était, c'était assez. [...] la duchesse de La Trémoille, leur soeur, [...] était ravie de les voir si proches de ce qu'ils s'étaient toujours proposé en agitant si continuellement la France; mais, parmi la joie des avantages si immenses que ses frères étaient sur le point d'obtenir pour eux et pour leur maison, elle ne laissait pas d'être peinée de voir son mari demeuré en arrière, et de ne pas devenir prince comme eux" (Mémoires du duc de Saint-Simon, éd. Y. Coirault, Paris, 1983-8, t.3, p.50-2).


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