Marie-Madeleine de Vignerot

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Marie-Madeleine de Vignerot
Titre(s) Marquise de Combalet
Duchesse d'Aiguillon
Conjoint(s) Antoine Pont du Roure, marquis de Combalet
Biographie
Date de naissance 1604
Date de décès 1675
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Julie Roy, Danielle Haase-Dubosc, 2005

Fille de René de Vignerot, seigneur de Pontcourlay, et de Françoise du Plessis (soeur aînée du futur Cardinal de Richelieu), Marie-Madeleine naît au château de Glenay (Poitou) en 1604. Orpheline de mère en 1616, elle grandit au château de Richelieu sous la tutelle de sa grand-mère maternelle Susanne de La Porte, puis de son illustre oncle au service duquel elle restera toute sa vie. C'est lui qui arrange son mariage (1620) avec le neveu du duc de Luynes, Antoine de Brimouard de Beauvoir du Roure, sieur de Combalet, afin de se ménager un appui auprès du favori de Louis XIII. Veuve à dix-huit ans, Marie-Madeleine fait le voeu d'entrer au Carmel, mais reste à la Cour avec le titre de dame d'honneur de la reine-mère. Devenu premier ministre, Richelieu fait interdire à sa nièce la vie conventuelle, grâce à une intervention pontificale (1625). Il tente en vain de la marier au comte de Soissons et, selon certains, au frère du roi, Gaston d'Orléans. Auprès de son oncle, dont elle dirige la maison, elle remplit les fonctions d'un «ministre de la charité» et soutient les oeuvres et missions de la réforme catholique. La religion et la politique économique expansionniste allant de pair pour Richelieu, elle fréquente les dévots et promoteurs des missions en Nouvelle-France. Dès 1635, ses subventions alimentent l'établissement de l'Hôtel-Dieu et la fondation du monastère des ursulines de Québec. En même temps, elle seconde la politique de Richelieu envers les arts et fait présenter plusieurs pièces de théâtre au Palais Cardinal [Palais Royal]. Des oeuvres lui sont dédiées, parmi lesquelles Le Cid de Corneille, dont elle prend la défense lors de la fameuse querelle de 1637. Pascal, Voiture, Georges de Scudéry, parmi d'autres, obtiennent d'elle appui et subsides. Intelligente, entreprenante et d'une beauté remarquée, elle partage sa vie entre la Cour, le salon de son oncle et celui de Mme de Rambouillet (elle organise le mariage de Julie d'Angennes). Épousant la vision étatique du Cardinal, elle comprend les jeux d'intrigues des grands et se ménage de multiples alliances parmi les dames influentes de l'époque. Son amitié passionnée pour Mme du Vigean fait d'ailleurs l'objet de vers satiriques. En 1638, Louis XIII lui accorde le titre de duchesse d'Aiguillon et le duché afférent. Le Cardinal déclare en mourant (1642) qu'«elle était la personne du monde qu'il avait le plus aimée». Elle hérite de tous ses biens, se retire de la Cour, supervise la fin des travaux de construction de la Sorbonne et du Palais Cardinal, et fait face à de longs procès pour défendre son héritage et ceux d'autres membres de sa famille. Ses relations avec son neveu, le duc de Richelieu, sont particulièrement difficiles, car il épouse la fille de Mme du Vigean contre les souhaits des deux mères. Au début de la Fronde, en 1648, elle accueille Mazarin, le jeune Louis XIV et Anne d'Autriche à son château de Rueil où sera signée, quelques mois plus tard, la Paix de Rueil. Restée un pilier de l'État lors de la révolte des Princes, elle a la satisfaction de voir Longueville et Condé prisonniers sur ses terres, au Havre, dont elle occupe la charge de gouverneur (1649-1661). Gérant son duché tout en se consacrant aux oeuvres de charité, elle continue à recevoir des écrivains, des hommes de science et des dévots au Petit-Luxembourg. En 1651, elle fait don de 4000 livres à l'abbaye de Port-Royal. Ses liens durables avec Vincent de Paul l'amènent à présider l'Assemblée des Dames de la Charité et à devenir une auxiliaire précieuse de la Compagnie du Saint-Sacrement. Elle donne son appui à la plupart des fondations religieuses et charitables de la région parisienne et, à partir de 1658, soutient financièrement les Missions étrangères pour propager la foi catholique jusqu'en Chine. Elle meurt à Paris dans son palais, le 17 avril 1675, âgée de soixante-douze ans. Mme de Vigean habitait avec elle depuis de longues années. Restée attachée à l'ordre qu'elle aurait voulu rejoindre, et sincèrement dévote, la duchesse d'Aiguillon est inhumée en habit de carmélite.

Alliant le sens de la politique du religieux et celui de la religion du politique, s'appuyant sur l'État et l'immense fortune de Richelieu, elle a joué un rôle majeur dans la vie politique, religieuse, caritative, artistique et intellectuelle de son temps. Au Canada, où elle a financé bon nombre d'établissements religieux, elle a laissé le souvenir d'une femme de conviction, généreuse et pieuse.

Oeuvres

- Lettres: il existe certainement une correspondance très importante. Pour la correspondance de cour, consulter Archives des Affaires Étrangères Mémoires et Documents,fol. 33, 128. Cf. Inventaire sommaire des archives du département des Affaires étrangères. Mémoires et documents, Paris, Imprimerie nationale, 1883. Voir aussi les transcriptions des carnets autographes de Mazarin, réalisées par et pour Victor Cousin: Manuscrits de la bibliothèque Victor-Cousin à la Sorbonne, III, n.37-41. Cf. Deschamps, Paul, «Manuscrits de la bibliothèque Victor-Cousin à la Sorbonne», Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France Université de Paris et Universités des départements, Paris, Plon, 1918, p.369-465. De longs extraits de ces transcriptions sont cités dans Victor Cousin, «Carnets autographes du cardinal de Mazarin», Le Journal des Savants, 1854-1856. Plusieurs extraits de lettres sont également présents dans la biographie de la duchesse d'Aiguillon d'Alfred Bonneau-Avenant.

Choix bibliographique

- Bonneau-Avenant, Alfred, La Duchesse d'Aiguillon, nièce du cardinal de Richelieu, sa vie et ses oeuvres charitables, 1604-1675, Paris, Didier, 1879.
- Diefendorf, Barbara B., From Penitence to Charity. Pious Women and the Catholic Reformation in Paris, Oxford University Press, 2004.
- Fléchier, Esprit, Oraison funèbre de Mme Marie de Wignerod, duchesse d'Aiguillon,[...] prononcée en l'église des Carmélites de la rue Chapon, le 12 août 1675, par M. l'abbé Fléchier, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1675.
- Hildesheimer, Françoise, Richelieu, Paris, Flammarion, 2004.
- Tallemant des Réaux, Gédéon, «Madame d'Aiguillon», Historiettes [1650], Paris, Pléiade, 1960, vol I, p.304-311

Choix iconographique

- 1650-1660? : Jean Leblond, Madame la duchesse d'Aiguillon(burin sur papier), fait à Paris -- Bibliothèque et Archives Canada (1990-537-1)
- av. 1668 : Balthazar Moncornet (v. 1600-1668), Tres Haulte et tres Puissante Dame Dame Marie de Wignerod, Duchesse D'Aiguillon(burin sur papier, 16 x 11,20 cm), fait à Paris. Copie inversée du XIXe siècle (site Gravures dans l'histoire des Canadiens-Français de Benjamin Sulte -- Montréal, Musée Stewart au Fort de l'île Sainte-Hélène (Inv. 1978.164) -- Site du Musée virtuel du Canada
- av. 1756? : Paul Malepart de Beaucours (1700-1756, attribué à), Marie de Vignerot du Pont-de-Courlay, Marquise de Combalet et Duchesse d'Aiguillon (1604-1675), fondatrice de l'Hôtel-Dieu de Québec en 1639 (huile sur toile), fait au Canada -- Québec, Hôtel-Dieu -- Site du Musée de la civilisation de Québec

Jugements

- «Je cherchais l'an passé une âme courageuse qui put arborer le grand estendard de la charité en ces contrées: Ce grand Dieu de bonté y a pourveu. J'apprends que Madame de Combalet y veut mettre la main, et y fonder un Hospital en la Nouvelle-France» (Paul Lejeune, Relations des Jésuites pour l'année 1636, Paris, Sébastien Cramoisy, 1636).
- «Le regne de son oncle l'a rendue fort imperieuse; elle ne sçauroit quitter sa premiere fierté. Elle a de l'esprit, du sens et de la fermeté; mais elle est brusque et testue. Nous parlerons après de son avarice. On a fait bien des medisances d'elle et de Mme de Vigean. [...] Mme de Vigean se jetta à corps perdu entre les bras de Mme d'Aiguillon; c'eust esté une tygresse si elle l'eust rejettée. Elle a esté son intendante, sa secrétaire, sa garde-malade, et a quitté son mesnage pour se donner entierement à elle» (Gédéon Tallemant des Réaux, «Madame d'Aiguillon», Historiettes [1650], Paris, Pléiade, 1960, vol I, p.304-311, extrait cité p.309-310).
- «Ce fut pour ce prince [Condé] une sensible douleur de se voir entre les mains et sous la domination de la duchesse d'Aiguillon son ennemie, et une grande mortification au duc de Longueville de traverser en cet état les terres de son gouvernement. La duchesse d'Aiguillon, de son côté, n'en fut pas fâchée; et quand ils y furent, elle dit alors à la marquise de Sablé son amie, en roulant les yeux au ciel, et paraissant touchée de leur infortune, que, depuis que ces pauvres princes étaient au Havre, elle avait oublié toute la haine qu'elle devait avoir pour eux [...] et qu'en vérité, aussitôt que la paix générale serait faite, elle avait résolu dans son âme de bien les servir. La marquise, attachée aux intérêts des princes, lui répondit qu'elle les remettait à bien loin, et que des sentiments aussi charitables et aussi chrétiens que les siens devaient avoir une plus prompte exécution. Cette dame, dont l'esprit pénétrant savait sonder les plis et les replis du coeur humain, se moqua avec moi de cette bonté affectée, bien contraire, à ce qu'elle croyait, aux véritables sentiments de madame d'Aiguillon. Peut-être qu'elle se trompait: cette dame paraissait avoir de la piété» (Madame de Motteville, Chronique de la Fronde [1653], Paris, Mercure de France, 2003, p.348).
-«Nous eûmes à l'arrivée des vaisseaux [1675] une affliction des plus accablantes, ce fut la nouvelle du décès de notre illustre Fondatrice, Madame la Duchesse d'Aiguillon qui étoit morte le 17. D'Avril de cette année; nous regardions cette pieuse & vertueuse Dame, comme l'appui de notre maison, sans lequel il nous sembloit que nous ne pouvions pas nous soutenir. En effet nous perdîmes en elle une grande protection, une solide consolation & un rare exemple de vertu, elle nous animoit par ses lettres d'une manière qui ressentoit bien plus une personne consommée en spiritualité, qu'une Dame de la Cour. Nous la pleurâmes toute amerement comme notre mere, parce que l'attachement respectueux que nous avions pour elle étoit très sincere, & que nous étions consternées & pénétrées d'une très vive douleur. [...] nous m'épargnâmes rien pour témoigner combien sa mémoire nous étoit chère, & quels étoient nos sentiments d'estime, de vénération et de gratitude; les bien qu'elle nous a faits méritent qu'on s'en souviennent ici éternellement [...]» (Jeanne-Françoise Juchereau de St-Ignace et Marie-André Regnard Duplessis de Ste-Hélène, Histoire de l'Hôtel-Dieu de Québec (1636-1716), Montauban, 1751, p.223-225).
- «Les contemporains la décrivent comme cachant sous le masque de la modestie et de la dévotion son ambition inassouvie, à laquelle les projets matrimoniaux les plus brillants ou les plus fous élaborés par son oncle [...] ne donneront jamais satisfaction. Ajoutons à ce portrait une touche de préciosité -la dame est un des piliers de l'hôtel de Rambouillet-, qui habille cocassement sa fierté et son habileté manoeuvrière de discours patelins et affectés...» (Françoise Hildesheimer, Richelieu, Paris, Flammarion, 2004, p.155-56).

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