Mademoiselle Violeau/Aloïs Delacoux : Différence entre versions
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[93] JANET (TIENNETTE). Elle a continué l’ordre de succession dans les fonctions de sage-femme à l’Hôtel-Dieu, où elle entra le 15 mars 1629, et d’où elle sortit pour cause d’inconduite, disent les documens du temps. Il ne faut point se méprendre ici sur le véritable sens du mot inconduite. La discipline rigoureuse à laquelle l’établissement était soumis, les pratiques de dévotion qui étaient fréquentes et obligatoires, rendaient les infractions aux réglemens faciles, inévitables souvent, et elles suffisaient pour faire encourir les plus graves disgrâces. Ce furent sans doute quelques peccadilles de ce genre qui firent congédier la dame Janet dont les fonctions ne durèrent qu’une année. Jeanne Douilly la remplaça dignement et avec distinction, et dirigea le service des femmes enceintes jusqu’en 1651.
Il paraîtrait que la dame Douilly aurait été en réalité la première sage-femme de cet hospice capable, alliant une pratique éclairée à l’instruction théorique. Il est dit que durant sa [94] présence des chirurgiens étrangers venaient à Paris s’instruire dans l’art des accouchemens, mais que ce n’était qu’à grand’peine et à prix d’argent qu’ils pouvaient suivre cette clinique. On pourrait donc conclure de là que l’Hôtel-Dieu de Paris a été la première école d’accouchement de l’Europe, l’école de Salerne exceptée.
Pour cause d’infirmité la dame Douilly fut mise à la retraite en 1651, et remplacée par Marie De Laroche, veuve Moreau, dont la carrière n’a offert rien de remarquable. La dame Gayan, veuve Defrance, en 1660, succéda à Marie De Laroche. En 1662, la dame Debilly prit la place de madame Gayan. Madame Dutertre (voyez Lamarche), la première sage-femme de l’Hôtel-Dieu qui ait écrit, succéda en 1663 à madame Debilly, réformée pour cause d’infirmités. En 1686, madame Morlet eut la direction du service des accouchemens, lequel service fut donné à madame Descoux en 1691. La dame Legouey, dont nous avons déjà parlé, fut installée à l’Hôtel-Dieu en 1693; la dame Henault-Langlois en 1697. La fille de cette dernière, Élisabeth Langlois, succéda à sa mère dans les mêmes fonctions, en 1714. Demoiselle Edmée Gouet, en 1737, prit la place de la précédente, âgée et infirme. Mademoiselle Poor (voyez ce nom) fut nommée en 1729. En 1741, mademoiselle Violeau entra à l’Hôtel-Dieu pour prendre le service des femmes en couches; à sa mort, en 1764, mademoiselle Violeau fut remplacée par madame Delaplace, veuve d’un chirurgien de ce nom à Paris. C’est à madame Delaplace que succéda madame Dugès, mère de madame Lachapelle (voyez ces noms).
Depuis 1594, époque où nos recherches ont été arrêtées et à laquelle a dû commencer un service régulier à l’Hôtel-[95]Dieu pour les femmes en couches, jusqu’en 1795, vingt sages-femmes se sont succédé dans ce même service. Dans ce nombre il est plus que probable qu’il y en ait eu de fort recommandables par leur instruction et leur habileté. Cette longue carrière obstétricale n’a pas été seulement sans profit pour la science, mais fort peu encore pour l’humanité. La première cependant aurait dû y trouver des avantages immenses, et l’autre des trésors inépuisables; mais l’ordre de choses n’était point établi dans ce double but. Sous le premier rapport, l’Hôtel-Dieu était moins un refuge pour les malheureuses qui n’avaient pu échapper à la séduction, qu’une maison de discipline où tout le temps qu’elles y passaient était un temps de pénitence. Comme école, ce service n’était profitable qu’à un très-petit nombre. Ceux même des médecins et chirurgiens qui y étaient préposés pour les cas rares, n’avaient point le droit de suivre la pratique ordinaire des accouchemens. Les personnes du dehors n’obtenaient qu’à titre de faveur le privilége d’y pénétrer pour s’instruire.
Pour nous il est incontestable que l’Hôtel-Dieu a été le véritable berceau de la science et de l’art des accouchemens. Si la majorité de l’une et de l’autre s’est fait attendre si longtemps, il faut moins s’en prendre à celles même qui furent chargées de les diriger et de prendre soin de leur enfance, qu’à l’ordre de choses dont elles relevaient. Avec des réglemens mieux raisonnés, des administrateurs plus éclairés, cet établissement ne fût point resté si long-temps stérile, ou si peu productif en bienfaits. De même aussi que, pendant une suite de siècles, la mort n’eût point tenu son lit de justice à l’intention des milliers de malheureuses qui, n’ayant pu résister à la séduction, ont été précipitées dans ce gouffre [96] pestilentiel où tant de générations ont été immolées au fantôme de l’humanité.