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Version du 28 mars 2011 à 17:04
[I,7] AVERTISSEMENT au Lecteur.
PLUSIEURS ont écrit les vies des Hommes illustres; mais peu d'Autheurs ont fait les Eloges des Dames: Jean Boccace, Joseph Betussi, François Serdonati, Pierre Paul de Ribera, François Augustin della Chiesa, Jacques Philippes de Bergame, Bernardin Scardeoni, Jules Cesar Capacio, et Charles Pinto, tous Italiens, ont pris cette peine; les cinq premiers ont écrit en Italien, et les autres en Latin. Ces Autheurs m'estans tombez entre les mains, comme je travaillois au II. Tome de l'Histoire Catholique (dans lequel je publieray les vies et les faits heroïques des vaillants Princes, et des excellents Capitaines, qui par leurs armes ont defendu l'Eglise et servy nos Rois en ces derniers siecles) j'y trouvay tant de beaux exemples de Vertu, que je pris la resolution de mettre les Eloges de ces braves Heroïnes, parmy ceux des plus illustres Heros: mais la pluspart de ces Ecrivains n'ayants pas remarqué l'année de leur naissance, ny mesme celle de leur decez, j'ay destiné de faire un volume à part en l'honneur de celles qui par leur pieté, leur courage, et leur doctrine, ou par tous les trois ensemble se sont rendues recommandables de nostre temps et du temps de nos Peres, sans parler autrement des Saintes et des Beates, et de celles qui ont passé leurs jours dans des Cloistres, ayant dés leurs premieres années fait profession de la vie Monastique [n.p.] et Religieuse, à cause que j'ay appris que plusieurs Religieux de divers Ordres avoient entrepris ce sujet là: neantmoins pour satisfaire à quelques ames devotes et pieuses, je parle en passant des plus Illustres, et fais des Eloges des Dames qui ont estably et fondé des Congregations et des Compagnies en l'honneur de la Mere de Dieu, comme de sainte Terese, de la Reyne Jeanne de France, d'Antoinette d'Orleans de la Maison de Longueville, de Marie Victoire Fornere, de Beatrix de Silva, de Jeanne Françoise Fremiot, et d'autres.
C'est ce livre dont maintenant je te fais present (mon cher Lecteur) et pour t'obliger davantage, j'ay inseré les vies de quelques Dames et Princesses, qui ont vécu dans le XV. siecle, entre autres celles de Magdelaine de France Princesse de Viane, de Damigelle de S. Ange ou de Martinengue, de Jeanne Infante de Portugal, qui a esté en son temps un vray miroir de chasteté, le temple des vertus et la Vertu mesme: des Nogaroles de Veronne, dignes de toutes louanges pour leur sçavoir: de la vaillante Bonne Lombarde Paysanne de la Valteline, qui vivoit environ le temps de nostre Jeanne la Pucelle: comme si en ce siecle là les femmes eussent deu combattre contre les hommes pour le prix de la Valeur et de la Magnanimité.
J'ay aussi pour ton contentement mis à la fin des Vies et des Eloges, les Emblémes, les Hieroglyphes et les Symboles de celles qui ont pris, ou ausquelles on a donné des Devises, que j'ay trouvées en diverses Medailles, ou que j'ay recherchées chez Claude Paradin, [n.p.] Gabriel Simeon, Paul Jove, Hierosme Ruscelli, Jaques Tipot, Raphaël Sadeler, Octave Strada, Jean Jaques Luckius, Pierre Dinet et autres Auteurs qui ont écrit de ces curiositez. Je les ay expliquées n'ayant le plus souvent suivy leur opinion, ny m'étant arresté à leur jugement, à cause que la pluspart se sont seulement contentez de mettre leurs devises, avec leurs portraits sans s'arrester à nous enseigner pour quelle occasion elles les ont prises ou portées.
Pour satisfaire aux desirs de ceux qui ayment l'art Heraldique, ou la science Heroïque, j'ay mis en la marge les armes des Maisons de ces Heroïnes; et aussi celles de ceux dont je parle en ce Livre.
J'ay en passant soit dans les vies, soit en l'explication des devises, fait souvent des digressions contre l'oisiveté ou les autres vices, y estant obligé selon ma profession et pour la conscience, et pour la bienseance. J'ay mis les vies de ces Dames pieuses, vaillantes et sçavantes selon l'ordre de leurs noms pour les raisons que j'ay desjà dites, et à cause que j'ay creu que cet ordre ne te seroit pas desagreable.
Si quelqu'un dit qu'il eust esté plus seant qu'un autre qu'un Ecclesiastique eust fait ce traité des Vies ou des Eloges des Dames Illustres, je luy répondray que Bernardin Scardeoni Chanoine de Padoue: François Augustin della Chiesa Docteur, à present Evesque de Salusses: Pierre Paul de Ribera Chanoine de S. Jean de Latran: Jaque Philippe Thomassin Evéque d'Emonie, et le Pere Jaque Philippe de Bergame Religieux de l'Ordre des Hermites de S. Augustin, duquel la memoire est en benedi[n.p.]ction parmy les siens pour sa devotion et sa pieté, ont écrit de cette matiere devant moy. Que S. Hierôme et les autres Peres ces grandes lumieres de l'Eglise n'ont point dédaigné de remplir leurs Livres d'Eloges de plusieurs Dames. Que j'ay autant et plus de raison de faire les Vies de ces Heroïnes qui ont vécu et sont decedées en la creance de l'Eglise Catholique Apostolique et Romaine (au jugement de laquelle je soûmets non seulement mes écrits, mais aussi mes volontez et mes pensées) que le docte Amiot, Precepteur de nos Rois, Evéque d'Auxerre, et Grand Aumosnier de France, à employer ses veilles à traduire les vies des Hommes Illustres Payens, écrites par Plutarque.
Je vous supplie de me faire cette faveur avant que de lire ce Livre, que de voir les fautes de l'impression que j'ay remarquées à la fin de chacun de ces deux Tomes, qui sont survenues tant pour mon absence de cette ville, qu'à cause des maladies qui ne m'ont pas pû permettre de voir les épreuves. Je croy que vostre courtoisie et vostre bonté suppleeront aux plus legeres.
Adieu.