Elisabeth-Sophie Chéron/Fortunée Briquet : Différence entre versions
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LEHAY, (Élisabeth-Sophie Chéron, Dame) naquit à Paris, le 3 octobre 1648. Tous les talens furent son partage. La musique, la peinture, la gravure, les langues savantes et la poésie firent tour-à-tour ses délices. Son père, qui était un peintre en émail, de la ville de Meaux, lui apprit les principes du dessin. Ses progrès furent si rapides, que son pinceau la rendit célèbre dès l'âge de 14 ans. Elle devint si habile dans cet art, qu'en 1672 Lebrun la jugea digne d'être présentée à l'Académie de peinture et de sculpture qui s'empressa de l'admettre au nombre de ses membres. Madame Lehay fit des tableaux d'histoire très-estimés: de ce nombre sont une Fuite en Égypte; Jésus-Christ au tombeau, et Cassandre interrogeant un génie sur la destinée de Troye. On conserve plusieurs de ses dessins d'après l'antique. Peu de personnes ont possédé comme elle le talent de dessiner les pierres gravées. Elle s'exerça avec un grand succès dans le genre du portrait, et le traita savamment et dans la manière historique: on doit à son pinceau le seul qui soit resté de Madame Deshoulières. Elle peignait les portraits de ses amis, ou pour leur en faire présent, ou pour les placer dans son cabinet: «J'ai, disait-elle, en leur absence, le plaisir de m'entretenir avec eux». Anne Ursule de Lacroix, nièces de son époux, furent ses élèves dans l'art de la gravure. Ce n'était point assez pour le génie de Madame Lehay de se faire admirer dans ses tableaux, par son goût de dessin, sa grande facilité de pinceau, et son intelligence supérieure du clair-obscur; elle ajouta encore à sa gloire, par des vers pleins de naturel, de force et de grâce. Ses ouvrages sont: Essai des Pseaumes et Cantiques mis en vers, enrichis de figures; Paris, 1693, in-8. Les figures ont été gravées par Louis Chéron, son frère. -- Traduction en vers français d'une Ode latine, ou Description de Trianon, par l'abbé Boutard; Paris, 1696, in 8. -- Préface, à la tête d'une production intitulée: Livre à dessiner, composé de têtes tirées des plus beaux ouvrages de Raphaël, gravé par M. Lehay; Paris, 1706, in-fol. Elle s'y exprime avec une simplicité pleine de noblesse. -- Cantique d'Habacuc, et le Pseaume 103, traduits en vers français, avec des estampes qui en représentent le sujet; Paris, 1717, in-4. Cette traduction fut publiée par Monsieur Lehay, son époux. Elle apprit l'hébreu, pour mieux entrer dans le sens des pièces qu'elle voulait traduire. Les journalistes de Trevoux assurent qu'elle a fit plus qu'elle ne prétendait; qu'elle est encore entrée dans l'esprit de ceux qui en sont les auteurs, et que nulle traduction n'a mieux conservé le sublime des Pseaumes. Digne rivale de J. B. Rousseau, elle eut le mérite de le précéder dans la carrière lyrique. Ce grand poète estimait particulièrement le Pseaume 73, qu'elle avait imité; il le fit imprimer à la fin de ses Poésies Sacrées, dans l'édition qu'il en donna peu de tems avant sa mort. -- Les Cerises renversées, Poëme en trois chants, publié en 1717, avec La Batrachomyomachie d'Homère. Raux l'a traduit en vers latins qu'il a fait imprimer (an 10), à la suite d'une traduction, en vers français, des Géorgiques de Virgile. Le héros de ce poëme est M. Lehay, sous le nom de Damon, et l'une des Dames du carosse est Madame Lehay. Son talent pour la poésie, et la richesse de son imagination, se font sentir dans ce badinage ingénieux, dont la fable est régulière, et les descriptions sont naturelles et vives. Cette pièce à laquelle le poète Rousseau trouvait du mérite, valut à son auteur, en 1699, une place dans l'Académie des Ricovrati de Padoue. Elle y fut admise sous le nom de la Muse Erato. Madame Lehay joignait à ces talens les qualités du coeur, une grande modestie, et l'art de se mettre à la portée de tout le monde, et de faire valoir le mérite des autres. Parmi les artistes qui eurent part à ses bienfaits, on cite Soleras, son maître de musique, que l'âge et les infirmités réduisirent à l'indigence, et un fameux sculpteur, l'abbé Zumbo. Sa maison était le rendez-vous de presque tous les gens de lettres de son tems. Louis XIV la gratifia d'une pension. De Piles l'a citée avec honneur dans la deuxième édition de son Abrégé de la Vie des Peintres. On doit son éloge à Fermelhuis, docteur en médecine; Paris, 1712, in-8. L'abbé Bosquillon fit les vers suivans pour le portrait de Madame Lehay:
De deux talents exquis l'assemblage nouveau,
Rendra toujours Chéroil l'ornement de la France;
Rien ne peut de sa plume égaler l'excellence,
Que les grâces de son pinceau.
A soixante ans, elle épousa Monsieur Lehay, qui n'était guère plus jeune qu'elle. Elle mourut à Paris le 3 septembre 1711, âgée de près de 63 ans.