Adrienne Lecouvreur/Henri Lyonnet : Différence entre versions
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[8] Mademoiselle Duclos avait rencontré, dans la seconde partie de sa carrière, une rivale puissante qu'elle avait considérée d'abord avec dédain. C'était une jeune femme dont la sveltesse contrastait avec son florissant embonpoint, dont la voix bien timbrée, mais posée, était incapable de ces coups de force qui avaient fait une partie de son propre succès, mais qui charmait littéralement son auditoire.
En d'autres termes, Adrienne Lecouvreur -c'était son nom- ne criait pas, ce qui constituait une nouveauté pour l'époque, remplaçant par l'intelligence, le geste et la noblesse, l'organe puissant de sa rivale, étonnant le public habitué à entendre vociférer des vers de Corneille ou de Racine.
D'où venait-elle cette comédienne, qui peut être considérée comme la plus vraie et la plus touchante de son siècle? Elle était née à Damery, près Epernay, le [9] 5 avril 1692, et son père, ouvrier chapelier, était venu, quelques années plus tard, loger près de la Comédie française. La jeune Adrienne fut élevée chez les Filles de l'Instruction chrétienne, rue du Gindre (actuellement la partie de la rue Madame, près celle du Vieux-Colombier). A quatorze ans, elle joue déjà la tragédie dans une troupe de jeunes amateurs auxquels Madame la Présidente Du Gué prête un jour la cour de son hôtel (présumé au No 8 de la rue Garancière). La tragédie choisie, c'était Polyeucte, avec Adrienne attifée dans une robe de la femme de chambre de la Présidente. A cette nouvelle, la Comédie, jalouse de ses privilèges, fait intervenir les archers, qui empêchent de jouer la petite pièce qui devait terminer le spectacle, et nos amateurs en sont réduits à se réfugier dans l'asile du Temple, asile inviolable, où ils peuvent donner deux ou trois représentations de leur innocente tragédie, en présence du Grand Prieur de Vendôme, frère du duc de ce nom.
Adrienne avait une tante blanchisseuse, qui comptait parmi ses clients le comédien Le Grand, récemment arrivé de Pologne et engagé au Théâtre français pour y tenir l'emploi des «rois». Le Grand était un médiocre acteur, mais un excellent professeur, comme le cas se présente fréquemment. Il voulut connaître le petit prodige, et, frappé des dispositions de la fillette, la logea chez lui et lui donna des leçons, la produisant sur quelques théâtres particuliers, avant de décider son père à l'accompagner à Lille, où il venait de lui faire obtenir un engagement. [10] Quel fut le père du premier enfant d'Adrienne, Elisabeth-Adrienne, baptisée à Paris, à Saint-Eustache, le 3 septembre 1710, bien que déclarée fille de Philippe Le Roy, officier de Monseigneur le Duc de Lorraine? Certains biographes désignent le comédien Clavel, frère de Madame veuve Fonpré, la directrice du Théâtre de Lille. Tout ce que l'on peut dire, c'est que ce Clavel, engagé à la Comédie le 9 juillet de cette année, préféra abandonner sa situation à la fermeture de Pâques de l'année suivante pour aller rejoindre Adrienne en province.
Puis nous retrouvons Adrienne Lecouvreur devenue première actrice à Strasbourg, aux appointements de deux mille livres, somme considérable pour l'époque. Elle a vingt ans, elle est vaillante, pleine de courage, riche d'avenir...et cousue de dettes...Le baron D... qui la protégeait est mort en quelques jours. Dans une lettre datée de Strasbourg septembre 1712, et passée en vente le 6 juin 1891, elle propose à Clavel de l'épouser. Celui-ci fait la sourde oreille et Adrienne, rendue à la liberté, accepte un nouveau protecteur en la personne de François de Klinglin, fils du prêteur royal, le premier magistrat de Strasbourg.
«Le comte de Klinglin, a écrit Des Boulmiers, avait peut-être l'extérieur moins séduisant que le jeune militaire dont il répara la perte, mais son esprit était agréable et son caractère plein de candeur et d'aménité. Adrienne se livra moins aveuglément à cette nouvelle passion; elle mit un long intervalle entre la déclaration et le bonheur de son amant...» Un an plus tard, elle [11] accouchait de Françoise-Catherine-Ursule. Cette union paraissait sincère de part et d'autre; tous deux étaient jeunes et amoureux. Lui ne faisait aucun effort pour renier sa paternité. Mais il fallait compter avec la famille, scandalisée de voir le fils du premier magistrat de Strasbourg acoquiné avec une comédienne. Un parti avantageux se présentait. Il fallut céder. Le mariage du père de sa seconde fille porta le désespoir dans le coeur d'Adrienne. Il ne lui restait plus qu'à quitter cette ville où elle avait éprouvé en quelques années tant de joie et de peine. Elle partit pour Paris, où elle reçut un ordre de début à la Comédie, la laissant libre de choisir pour ses débuts les rôles qui lui conviendraient dans les deux genres, car il était alors d'usage de se présenter dans la tragédie et dans la comédie. Elle désigna l'Electre, de Crébillon, pour la tragédie, et George Dandin(rôle d'Angélique) pour la comédie. Son succès fut prodigieux dans les deux genres (4 mai 1717). Aux tracasseries et aux cabales que l'on ne manqua pas de lui susciter, elle opposait un talent simple et vrai, noble et pathétique, écoutant docilement les conseils de maîtres comme d'Argental et le vieux Baron, qui reconnaissait en elle l'école de son Maître à lui. Le hasard aussi faisait bien les choses. Après une retraite de vingt-neuf ans, peu motivée, Baron, le grand Baron, l'élève préféré de Molière, rentrait à la Comédie et allait pouvoir lui donner la réplique.
Tour à tour Monime, Bérénice, Irène dAndronic, Alcmène dAmphytrion, elle enchante la Cour et la ville, jouant cent trente-neuf fois en dix mois. Relisons [12] le portrait qu'en a laissé le Mercure: «Mademoiselle Lecouvreur n'avait ni une prestance avantageuse, ni beaucoup de ces grâces dont le beau sexe est en possession pour charmer les yeux et le coeur; mais elle était parfaitement faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré; la tête et les épaules sont bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin et beaucoup d'agrément dans l'air et les manières; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié.»
Bien que fort effacée dans la comédie, ce fut elle cependant que Marivaux choisit pour créer le rôle de la marquise dans la Seconde Surprise de l'Amour, qu'elle joua, dit d'Alembert, avec des «allures de reine». En réalité, elle ne fit jamais que s'essayer dans le répertoire comique: en treize ans, on ne la vit que treize fois dans Célimène et quatre fois dans Elmire. En tragédie, elle avait su imposer sa diction modérée, nuancée, harmonieuse, comme ont su le reconnaître Riccoboni, Beauchamp, La Faye, Collé, etc. Ce dernier, Collé, n'a-t-il pas déclaré que personne n'a rendu comme elle, le premier acte de Phèdre et le rôle de Monime.
Peu d'actrices ont donné lieu à autant d'études et de recherches, surtout depuis que son nom fut remis en vedette, au XIXe siècle, à l'occasion de la pièce de Scribe et de Legouvé, que la Comédie-Française garda dans son répertoire, puis par celle de Sarah Bernhardt. Mais tous n'ont pas moins cherché à mettre en valeur le sou-[13]venir de la grande tragédienne que celui de la maîtresse de Maurice de Saxe. Avant de passer à l'histoire de ce roman, nous compléterons par quelques mots ce qui concerne sa vie intime jusqu'à cette époque.
Nous avons dit de quelle façon elle était née et comment elle avait été élevée. Son père, fort mal équilibré, devint fou et fut envoyé à Charleville où elle dut le faire enfermer. Un jour, il mit le feu dans sa chambre et ne fut sauvé qu'à grand' peine. Elle ne cessa jamais pourtant de s'occuper de lui, bien que le considérant comme «le premier de tous ses maux». Elle avait une jeune soeur, Marie-Marguerite, nature ingrate et querelleuse, médisante et vicieuse, qu'elle garda cependant avec elle durant de longues années, et dont elle dut enfin se séparer en la faisant entrer dans un couvent, où elle payait pension. Madame Sarah Bernhardt, dans sa pièce, a su tirer parti de ce personnage qu'elle a présenté sous son vrai jour.
A Paris, nous retrouvons Adrienne d'abord établie rue de Tournon, puis rue des Marais (rue Visconti actuelle, No 21), dans une maison connue sous le nom de l'Hôtel de Rannes, presque en face de celle où Racine était mort (maison disparue entre le 24 et l'angle de la rue Bonaparte). Il nous reste à dire comment Adrienne Lecouvreur rencontra Maurice de Saxe sur son chemin.
Fils naturel de l'Electeur de Saxe Frédéric-Auguste, depuis roi de Pologne, Maurice avait eu pour mère Aurore de Koenigsmark, Suédoise d'une rare beauté. Né à Gotzlar le 28 octobre 1696, il était donc de quatre ans plus jeune qu'Adrienne, et n'avait que vingt [14] ans quand il arriva en France pour la première fois, précédé d'une glorieuse réputation qui mettait déjà à son actif onze campagnes en Pologne, dans les Pays-Bas et en Poméranie. A Dresde, il avait épousé la comtesse de Loben, qui l'avait fatigué de sa jalousie -trop motivée sans doute- et qu'il avait délaissée pour une jeune Silésienne.
Très familiarisé avec notre langue, la seule qu'il eut voulu apprendre -sauf l'orthographe assurément, car la sienne était déplorable- le jeune colonel fut fort bien accueilli par le Régent, qui lui fit décerner de suite un brevet de maréchal de camp. Peu de temps après, ayant obtenu à Dresde la permission de s'attacher au service de la France, puis libéré de son mariage qu'il vit cassé à ses torts et griefs, il revenait chez nous, achetant le régiment de Greder, qui prit son nom.
On était à l'époque de la Régence. La vie lui paraissait douce et aimable. Tous les salons s'ouvraient devant le jeune héros dont on racontait les exploits. Il devint un assidu des représentations au Théâtre français. Il y vit Adrienne, et en devint tout de suite follement amoureux. C'est dans les ouvrages anonymes de l'époque, où les célébrités du jour sont désignées sous des noms de fantaisie, qu'il faut aller chercher les causes de cette liaison qui prit bientôt un caractère si sérieux. D'une taille moyenne, d'un tempérament robuste et fougueux, d'une force extraordinaire -cassant en deux un fer à cheval- d'une physionomie noble, douce et martiale, Maurice de Saxe, à la façon d'un héros de l'antiquité, exerçait, avec sa jeunesse en [15] plus, une fascination singulière sur les femmes. Sentimental à ses heures, il aima dans Adrienne la douceur de caractère, la candeur d'âme, bien que ce mot puisse étonner quelque peu, tandis qu'elle admirait en lui le caractère généreux, affable et compatissant. Le bonheur des deux amants dura ainsi sans nuages pendant trois ou quatre années, jusqu'au jour où l'ambition mordant au coeur le jeune maréchal, celui-ci conçut le projet de se faire élire souverain du duché de Courlande qui se trouvait sans chef. Adrienne songeait-elle, de son côté, à devenir duchesse de Courlande? Qui pourrait le dire? Ou simplement ne voulait-elle pas entraver la prodigieuse carrière de son amant? Toujours est-il qu'il ne semble pas qu'elle se soit opposée vigoureusement à ce départ. On connaît l'insuccès de l'entreprise. Maurice, désemparé, écrivit à ses amis de France pour se tirer d'affaire, et la tragédienne fut la première à répondre à cet appel; elle mit en gage ses diamants, ses bijoux, sa vaisselle, et fit parvenir quarante mille livres à l'infortuné prétendant, qui, d'ailleurs, lui témoigna sa reconnaissance dans les termes les plus touchants.
Maurice ne rentra en France qu'après trois ans d'absence et retrouva son ex-amante. Mais le volage comte de Saxe ne devait-il pas bientôt se fatiguer du caractère un peu triste et justement jaloux de sa fidèle amie? Il avait plu, du reste, à une grande dame, très galante, la duchesse de Bouillon, maîtresse en titre du comte de Clermont. La duchesse, pour détourner les soupçons, invita la tragédienne à sa maison de Pontoise, y reçut Adrienne «en reine», tout en conjurant [16] sa perte, si nous en croyons les aveux d'un complice, le petit abbé bossu, Siméon Bouret, clerc tonsuré, aveux enregistrés dans les papiers de la Bastille. Peintre en miniatures, cet abbé Siméon Bouret avait accès dans la maison de la duchesse de Bouillon. Celle-ci, profitant de la naïveté du petit abbé, l'aurait chargé de remettre une boîte de pastilles à Adrienne. Mais l'abbé, pris de soupçons ou de remords, et craignant qu'il ne se tramât quelque chose contre Adrienne, aurait trouvé plus simple d'écrire à la tragédienne pour lui fixer un rendez-vous au Luxembourg, afin de la mettre en garde contre ces pastilles suspectes. Confidence audacieuse qui tourna mal pour le petit bossu. Arrêté sur le champ, il fut envoyé pour trois mois à la prison de Saint-Lazare. Affaire des plus obscures, comme on le voit, dont les auteurs dramatiques devaient tirer parti, n'hésitant pas à faire empoisonner Adrienne par la duchesse de Bouillon.
Que la duchesse ait eu le plus grand désir de se débarrasser de sa rivale, ceci est incontestable. Mais qu'Adrienne soit morte empoisonnée par suite de ces agissements, c'est autre chose. Adrienne se trouvait alors dans un état de santé déplorable. D'Allainval, son respectueux ami, son conseil de toujours, affirme ainsi que, quatre ans auparavant, elle avait été atteinte d'une dysenterie dont elle n'avait réchappé que contre la prévision de tout le monde. Six mois après les événements que nous venons de raconter, durant le mois de février, elle était restée éloignée de la scène. Enfin, le 15 mars, elle faisait partie de la distribution qui com-[17]prenait OEdipe et le Florentin. Mademoiselle Aïssé, qui assistait à cette représentation, a raconté que la tragédienne fut prise d'une inflammation d'entrailles qui la força à s'aliter en rentrant chez elle. Cette crise violente, qui devait provoquer une hémorragie, dura cinq jours, et Adrienne s'éteignait le 20 mars 1730, à onze heures du matin. Maurice de Saxe, Voltaire et le chirurgien Faget avaient assisté à ses derniers moments. Les scellés furent apposés le jour même, et le lendemain matin on procédait à l'autopsie. Le soir du 21, la Comédie fit relâche, Mademoiselle Duclos en profita pour aller jouer Polyeucte à Versailles.
«Il y avait plusieurs mois, a écrit d'Allainval, qu'elle changeait pour ainsi dire à vue d'oeil, et que ses amis la pressaient de se ménager davantage; mais elle aimait mieux prendre sur sa santé que de manquer à ses camarades.» Cette dernière année avait été pour elle une accumulation de chagrins: la mort de son vieux camarade Baron, l'ingratitude de Piron, les tracasseries de ses rivales, et particulièrement de la Duclos, et, par dessus tout, les infidélités du comte de Saxe et les bruits de l'empoisonnement dont Bouret prétendait qu'elle avait failli être victime.
Cette mort, telle qu'elle nous est racontée par les documents les plus authentiques, n'est donc pas tout à fait conforme à la légende. Voltaire a écrit et signé: «Elle mourut entre mes bras d'une inflammation d'entrailles, et ce fut moi qui la fit ouvrir. Tout ce que dit Mademoiselle Aïssé sont des bruits populaires qui n'ont aucun fondement.» Il est vrai que le président Bouhier écri-[18]vait à Mathieu Marais: «La mort de la Lecouvreur fait trembler.» Mais qu'entendait-il par ces mots? «J'en suis très affligé, ajoutait-il, dans mon particulier.»
Sur le champ, avis avait été donné à d'Argental, le fidèle ami de toujours, qu'elle avait nommé son légataire universel et exécuteur testamentaire l'année précédente. Ce legs n'était qu'un fidei-commis au moyen duquel elle assurait sa fortune à ses deux filles, à l'exception de sa soeur, dont elle avait à se plaindre, mais à laquelle elle laissait cependant 560 livres de rente viagère. Mission délicate pour l'honnête d'Argental, qui fut plus tard menacé de chantage par cette soeur qui l'accusait de détournement d'actif, et dont il ne put obtenir un désistement qu'en lui versant 20.000 livres. Quant à Maurice, il envoya chercher le carrosse et les deux chevaux, comme lui appartenant, les fit vendre, et en versa l'argent à la succession.
Adrienne morte, des faits odieux vont se passer autour de son cadavre. La valetaille fait main basse sur tout ce qu'on peut prendre. Le curé de Saint-Sulpice, arrivé lorsque son ministère n'était plus nécessaire, se refuse à rendre les honneurs funèbres, arguant que la défunte n'a pas fait acte de repentir des scandales de sa profession; bien plus: il s'oppose à ce qu'elle soit inhumée parmi les fidèles, bien qu'elle eût témoigné l'extrême désir de recevoir les derniers sacrements et qu'elle fût morte dans le temps qu'on avait envoyé chercher un prêtre. D'où l'obligation pour le ministre Maurepas de donner des ordres pour faire enlever le [19] cadavre la nuit, afin de l'enterrer n'importe où, mais sans scandale.
Voltaire nous a laissé le procès-verbal de cette opération, qui fut hideuse. Dans une Epître à Falkener, après avoir rappelé les honneurs pompeux rendus à deux actrices anglaises, il ajoute:
«...Que l'aimable Lecouvreur
A qui j'ai fermé les paupières
N'a pas eu même la faveur
De deux cierges et d'une bière,
Et que Monsieur de Laubinière
Porta la nuit par charité,
Ce corps autrefois si vanté
Dans un vieux fiacre empaqueté,
Vers les bords de notre rivière.
A minuit, le corps d'Adrienne Lecouvreur avait été descendu dans un fiacre par des portefaix, puis, accompagné du Laubinière cité plus haut et d'une escouade du guet, transporté dans un terrain vague et déposé dans de la chaux vive, au milieu de chantiers, près de la Seine.
Différents endroits ont été désignés: la Grenouillère, c'est-à-dire vers le quai d'Orsay actuel, à l'angle du boulevard Saint-Germain; Ed. Fournier inclinait pour le coin des rues de Lille ou de l'Université et de Bourgogne. Longtemps après cette inhumation clandestine, d'Argental, âgé de 86 ans, fit graver sur une plaque de marbre un huitain que l'on plaça sur le mur de l'hôtel portant le numéro 115 rue de Grenelle, plaque scellée [20] plus tard sous le porche. Au lendemain de ce scandale, Voltaire seul avait protesté au sein de la réunion des comédiens. Sa voix resta sans écho. Siméon Bouret, l'abbé compromis, arrêté une seconde fois, ne fut remis en liberté qu'au bout de vingt mois, après qu'il eut rétracté toutes ses déclarations précédentes et reconnu la parfaite innocence de Madame la duchesse de Bouillon. A la Comédie, le vendredi qui suivit la mort d'Adrienne Lecouvreur, Grandval prononça un éloge funèbre écrit par Voltaire.
Adrienne Lecouvreur, femme vraiment distinguée, avait été la première actrice admise à dire des vers dans les salons. Elle fut la réformatrice du costume tragique avant Lekain et Clairon. Elle nous a laissé des lettres révélant son véritable esprit et son grand coeur. Ses filles épousèrent, l'une le musicien Francoeur, qui devint directeur de l'Opéra, et la seconde un magistrat de Strasbourg.
[Potraits:
- «Adrienne Lecouvreur», pl.4, p.13
- «Adrienne Lecouvreur, d'après Coypel, peinture», pl.5, p.14]