Marie d'Albret/Hilarion de Coste : Différence entre versions
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''''[II, 657] MARIE D'ALBRET, COMTESSE DE NEVERS, d'Eu, et de Rethel (1).
JEAN d'Albret Sire d'Orval, fils d'Amanieu d'Albret Comte de Dreux, Sire d'Orval, Lieutenant en Catalongne du Roy Louys XI. et d'Isabelle de la Tour, de la Maison des Comtes de Bologne et d'Auvergne, épousa Charlote de Bourgongne, fille de Jean de Bourgongne, Comte de Nevers, et de Paule de Bretagne, de la Maison de Penthevre; dont il eut trois belles filles, Marie, Charlote, et Helene. La 3. deceda sans avoir esté mariée. Charlote la 2. ou puisnée eut pour mary ce grand et renommé Capitaine Odet de Foix Vicomte de Lautrec, et Marie l'aisnée, à laquelle je consacre cet Eloge pour ses vertus, eut pour époux Charles de Cleves Comte de Nevers, fils aisné d'Engilbert Comte de Nevers et d'Auxerre, et de Charlote de Bourbon sa femme, et petit fils de Jean II. Duc de Cleves et d'Elizabet de Bourgongne heritiere de Nevers.
Ce fut le 25. jour de Janvier de l'an 1504. que fut celebré le mariage entre Charles de Cleves et Marie d'Albret-d'Orval; Hymen heureux et pacifique, auquel on pouvoit jetter des violettes en signe de reconciliation et d'amitié, puis que par son moyen les grands debats, les querelles et les differends qui estoient entre ceux des Maisons de Cleves et d'Albret-d'Orval pour les Comtez de Nivernois, de Rethelois, et la Baronnie de Douziois, furent composez: de sorte que ces belles et riches terres furent mises en sequestre sous la main de nostre bon Roy Louis XII. qui ayant ouy en son Conseil les raisons des deux parties (que les curieux pourront voir chez l'Historien du Nivernois) (2) moyenna les mariages de Charles et de Louis de Cleves, freres, avec Marie et Helene d'Albret, soeurs, et ordonna qu'à eux et à leurs descendans lesdites terres (3) appartien-[658]droient. Ce qui fut homologué en la Cour de Parlement.
Mais Helene d'Albret estant decedée devant qu'épouser Louys de Cleves, il y eut encore un autre debat et differend entre Marie d'Albret et Charles de Cleves Comte de Nevers son époux, pretendans qu'au moyen de l'accord et du Jugement du Roy Louis XII. les Comtez de Nivernois et de Retelois, et toutes les autres terres leur devoient appartenir au prejudice de Charlote d'Albret Vicomtesse de Lautrec, fille puisnée, ou selon que portent les memoires que j'ay par devers moy, troisiéme fille de Charlote de Bourgongne, qui soustenoit que n'ayant esté comprise ny nommée en l'accord ils ne luy pouvoient prejudicier. Surquoy pour appaiser les debats qui estoient entre ces deux sages et genereuses Princesses, Marie et Charlote d'Albret sa soeur, les amis de ces deux grandes Dames moyennerent l'an mil cinq cens vingt-cinq une transaction et partage, par lequel les Comtez de Nevers, d'Eu, et de Dreux, la Souveraineté de Boisbelle, et quelques terres en Berry demeureroient à Marie Comtesse de Nivernois, et le Comté de Retelois, la Baronnie de Douzy, Saint Veran et Rozoy, les terres souveraines outre Meuse, les terres de Champagne et de Guyenne à la Dame de Lautrec, laquelle eut d'Odet de Foix son mary trois enfans, deux fils qui moururent en bas aage, et une fille unique nommée Claude de Foix mariée en premieres noces à Guy XVII. du nom, Comte de Laval (4), duquel elle n'eut point de lignée, et en secondes à Charles de Luxembourg Vicomte de Martigues, dont elle eut un enfant qui mourut tost aprés, comme aussi la mere; par le decez desquels tout le bien de Jean d'Albret et de Charlote de Bourgongne escheut à Marie d'Albret Comtesse de Nivernois sa tante, Princesse grandement liberale, qui ayant herité de tous ses grands biens, fit plusieurs aumosnes dignes d'une Dame de son sang et de sa Maison, à ceux qui avoient recours à elle durant leurs afflictions, ayant esté la gloire et l'ornement des veuves de son temps: le Comte Charles son mary estant mort jeune à Paris le 17. d'Aoust de l'an 1521.
Marie d'Albret Comtesse de Nevers demeura veuve à [659] l'aage de 30. ans estant née le 25. jour de Mars de l'année mil quatre cens quatre-vingts unze, jour de l'Annonciation de la glorieuse Vierge Mere de Dieu, en memoire de laquelle on luy donna le beau et auguste nom de Marie au Sacrement de Baptesme: aussi elle a eu une particuliere devotion à Nostre-Dame. Tous les jours de sa vie elle se mit sous la protection et la sauvegarde de cette Reine des Anges et des hommes, et Emperiere du Ciel.
Comme la Comtesse Marie estoit de grande Maison, de grande beauté, et possedant de grands biens, (n'ayant qu'un seul fils et unique heritier, François de Cleves I. Duc de Nivernois, duquel elle accoucha au Chasteau de Cuffy prés de Nevers le second jour de Septembre de l'an mil cinq cens seize) elle fut par diverses fois recherchée en mariage de plusieurs grands Princes: à quoy cette tres-chaste Princesse ne voulut jamais entendre, ayant ensevely avec le Comte son mary tous ses plaisirs, ses joyes, et ses contentements, disant plus veritablement que la Reine des amantes infortunées chez Virgile:
Celuy qui le premier ma franchise dompta,
Mes pudiques amours en mourant remporta,
Les ait, et les conserve avec luy sous la terre.
Celuy-là pour jamais au tombeau qui l'enserre
Car elle demeura veuve l'espace de 28. ans, jusques à l'an mil cinq cens quarante-neuf qu'elle deceda. Son plus grand soin (aprés avoir donné quelque temps au service de la divine Majesté) estoit de faire instruire soigneusement François de Cleves son fils unique, qui a esté l'un des vaillants et des sçavants Princes de son temps. Il fit paroistre sa valeur et son courage en plusieurs signalez services qu'il a rendus à nos Rois François I. et Henry II. durant les guerres qu'ils eurent contre les ennemis de cet Estat, et son sçavoir en la grande assemblée que le Roy Henry II. fit des Princes et des Grands de son Royaume l'an 1557. où ce Prince illustre brillant des Maisons de Nivernois et de Cleves fit voir en la harangue qu'il prononça pour les Princes et pour la Noblesse, qu'il n'estoit pas moins sçavant que vaillant.
Si Marie d'Albret fut bonne mere à François de Cleves [660] son fils, elle fut encore bonne Dame et Maistresse à ses vassaux, envers lesquels elle fut fort charitable, et se monstra tousjours fort affectionnée à leur repos et à leur soulagement: aussi elle mourut avec la reputation d'estre l'une des sages, et des habiles Princesses de son temps, à laquelle on donna aprés son decez ce bel Eloge, d'avoir esté durant sa vieun miroir et un exemple de toutes les vertus. Elle mourut à Paris le vingt-septiéme jour d'Octobre de l'an mil cinq cens quarante-neuf, d'où son corps fut apporté à sa ville de Nevers, et au partir de la ville Monsieur l'Evéque de Paris avec son Eglise et tous les Mendians, comme aussi Messieurs de la Cour de Parlement, et les autres Cours souveraines en corps, l'accompagnerent jusques hors du faux-bourg. Elle fut inhumée en la Chapelle de la Maison de Cleves en l'Eglise des Cordeliers qui joint le Chasteau de Nevers, auquel lieu 40. ans aprés Ludovic de Gonzague et Henriette de Cleves sa petite fille, Ducs de Nevers, ont fait eslever un mausolée en memoire de sa vertu et de sa reputation.
Marie d'Albret Comtesse de Nevers, d'Eu, et de Rethel n'avoit point d'autre devise, que celle de Philippe et de Charles derniers Ducs de Bourgongne, et que les Princes et les Princesses des tres-illustres Maisons de Cleves et de Nevers, Charles Duc de Mantoue, Caterine Duchesse Douairiere de Guyse, Comtesse d'Eu, Caterine Duchesse Douairiere de Longueville, retiennent encore; sçavoir la Croix de saint André composée de deux bastons nouez ensemble, avec un fuzil et un caillou qui jette des flames, et ces mots Latins, ANTE FERIT QUAM FLAMMA MICET, Il frappe avant que la flame paroisse; ou bien comme disent d'autres, deux bastons ou branches de laurier mises en sautoir, lesquelles frapées rudement l'une contre l'autre font feu par leur concussion (comme dit Pline) ce que font aussi les os du Lyon selon plusieurs. Cette devise estoit animée par cette inscription Latine, FLAMMESCIT UTERQUE, L'un et l'autre s'enflame. Les Ducs de Bourgongne et les Princes de la Maison de Nivernois qui sont issus d'eux, ont voulu declarer par ces devises, que par le heurt de deux forces il ne peut advenir que danger. Ainsi qu'il est arrivé en-[661]tre les Maisons d'Orleans et de Bourgongne, pour la querelle desquelles la France a esté troublée par plusieurs années, ainsi que l'Italie l'a esté plusieurs siecles pour les divisions des Guelphes et des Gibelins, l'Angleterre pour les factions des Maisons de Lancastre et d'Yorc, ou de la Rose Rouge, et de la Rose Blanche.
(1) Albret-Orval, escartelé au I. et 4. de France, au 2. et 3. de gueules, à la bordure engreslée ou dentelée d'argent.
(2) Du Tillet.
(3) Guy Cequille
(4) Laval d'or à la croix de gueulles chargée de cinq coquilles d'argent, cantonnée de seize aiglettes d'azur.