Marie-Catherine Desjardins : Différence entre versions
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Marie-Catherine Desjardins | ||
Conjoint(s) | Claude-Nicolas de Chaste | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Madame de Villedieu | |
Biographie | ||
Date de naissance | Vers 1640 | |
Date de décès | 1683 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Marguerite Buffet (1668) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution. |
Notice de Donna Kuizenga, 2004.
Marie-Catherine Desjardins est probablement née à Alençon en 1640, d'une famille de la petite noblesse. Vers 1655 ou 1656, ses parents se séparent et sa mère s'établit à Paris avec ses deux filles. En 1658, Desjardins rencontre Antoine de Boësset, sieur de Villedieu, jeune homme issu d'une importante famille de musiciens de cour, dont elle tombe amoureuse et avec lequel elle entame une relation qui sera passionnée. Son sonnet Jouissance, qui circule en manuscrit avant sa publication en 1660, constitue pour elle un premier succès littéraire teinté de scandale. Elle commence alors à vivre sous sa bonne foi (libérée de la tutelle de ses parents). SonRécit de la farce des Précieuses conforte également sa réputation littéraire dans le milieu mondain et, en 1661, elle publie son premier roman (inachevé) ainsi qu'unRecueil de poesies. Desjardins se met alors à écrire pour le théâtre. Sa tragi-comédie Manlius Torquatus, jouée avec succès par la troupe de l'Hôtel de Bourgogne en 1662, suscite une fameuse querelle entre Donneau de Visée et d'Aubignac, ennemi de Corneille et mentor de Desjardins, à qui l'on reproche les transformations historiques de la pièce. Prise en otage par des cabales qui ne la concernent pas, Desjardins écrit seule la tragédie Nitétis. Après l'échec de la pièce en 1664, elle s'adresse cette fois à la troupe de Molière pour représenter sa troisième pièce, la tragi-comédie du Favory, qui connaît un certain succès et sera jouée à Versailles devant le roi en 1665.
À la même époque, de ruptures en retrouvailles, d'infidélités en promesses de mariage, la relation passionnelle de Boësset et Desjardins suit un cours orageux jusqu'en 1667, où Boësset épouse une autre femme et part pour la guerre. Criblé de dettes, il vend toutes les lettres amoureuses de son ancienne compagne à l'éditeur Claude Barbin. Desjardins voyage aux Pays-Bas et publie Anaxandre. L'année suivante, elle apprend la mort de Boësset devant Lille. Elle décide alors de signer désormais ses publications du nom de Madame de Villedieu, qu'elle avait déjà utilisé sporadiquement. Incapable d'empêcher la publication de ses lettres par Barbin, Villedieu publie de son côté un roman, Carmente, puis, à son retour à Paris, un second, Cléonice. Entre 1669 et 1672, elle travaille d'arrache-pied, poussée par ses problèmes d'argent et par son éditeur. Nous ne savons rien de sa vie pendant ces années où elle publie des ouvrages qui marqueront l'histoire du roman. Elle séjourne probablement dans un couvent en 1672. À sa sortie, elle mène une vie plus retirée et publie Le Portefeuille et Les Désordres de l'amour. En 1676, elle reçoit une pension du roi; en 1677, elle épouse Claude-Nicolas de Chaste et l'année suivante, elle donne naissance à un fils. Peu de temps après le décès de son mari, Villedieu, devenue Mme de Chaste, se retire à Clinchemore (Sarthe) auprès de sa mère, son frère et sa soeur. Elle y demeure jusqu'à sa mort en 1683.
Pionnière de la scène théâtrale professionnelle à Paris, Villedieu a joué un rôle important dans l'évolution du roman. Avec Cléonice (1669), elle a inauguré la nouvelle galante qui se distingue non seulement par sa brièveté, mais aussi par son respect de la vraisemblance, selon une vision de l'histoire exposée plus tard dans sa préface aux Annales galantes: les grands événements sont motivés autant, si ce n'est plus, par les sentiments que par les principes, ce qui donne l'occasion aux femmes d'y jouer un rôle central. Avec son Portefeuille, elle a approfondi le modèle du roman épistolaire naissant donné par Les Lettres portugaises. Enfin, dans les Mémoires de Henriette-Sylvie de Molière, roman para-autobiographique issu de la vogue des mémoires apocryphes, elle a interrogé le statut du texte littéraire féminin et exploré le rôle de l'auteure à travers un savant mélange de réalité et de fiction.
Villedieu a connu le succès à son époque et au dix-huitième siècle grâce à deux éditions de ses oeuvres complètes en 1720-21 et en 1740-41, mais elle a disparu du canon des auteurs français constitué après la Révolution. C'est à partir de l'étude magistrale de Micheline Cuénin que les critiques se sont intéressés de nouveau à elle. L'essor des études qui lui sont consacrées depuis les années 1980 est redevable à la critique féministe.
Oeuvres
- 1658 : «Etre dans une maison charmante et solitaire» (poème), in François Coletet fils (éd.), Les Muses illustres, Paris, P. David et L. Champhoudry, p.288.
- 1659 : «Portraits de Daphnis, de Melle Gaboury et d'elle-même», Recueil des portraits et éloges en vers et en prose dédié à Son Altesse Royale Mademoiselle, Paris, C. de Sercy et C. Barbin, p.265, 436, 444.
- 1659 : Récit en prose et en vers de la Farce des Précieuses, Paris, Luyne [édition authorisée, Paris, C. Barbin, 1660] -- Facsimile Genève, Slatkine Reprints, 1969.
- 1660 : «Jouissance» (et 10 autres poèmes), in Charles de Sercy (éd.), Poésies choisies de MM. Corneille, Boisrobert, de Marigny, Desmarests, Combaultet plusieurs autres: Cinquième partie, Paris, C. de Sercy, p.55-67 -- Éd. Nancy Deighton Klein, Selected Writings of Madame de Villedieu, New York, Peter Lang, 1995.
- 1661 : Alcidamie, Paris, C. Barbin.
- 1662 : Le Carousel de Mgr le Dauphin, Paris, Mille de Beaujeu.
- 1662 : Manlius, Paris, C. Barbin -- N. Klein, Selected Writings..., voir supra.
- 1662 : Recueil des poésies de Mademoiselle Desjardins, Paris, C. Barbin [édition augmentée, OEuvres de Mademoiselle Des Jardins, Paris, G. Quinet, 1664].
- 1663 : Lisandre, Paris, C. Barbin -- N. Klein, Selected Writings... voir supra.
- 1664 : Nitétis, Paris, C. Barbin -- Éd. Perry Gethner, Femmes dramaturges en France (1650-1750), t.II, Tübingen, G. Narr, 2002.
- 1665 : Le Favory, Paris, L. Billaine -- Éd. Perry Gethner, Femmes dramaturges en France (1650-1750), Paris, Seattle, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1993.
- 1667 : Anaxandre, Paris, C. Barbin.
- 1668 : Carmente, Paris, C. Barbin.
- 1668 : Lettres et billets galants, Paris, C. Barbin -- Éd. Micheline Cuénin, Société d'étude du XVIIe siècle, 1975.
- 1668 : Recueil de quelques lettres, ou relations galantes, Paris, C. Barbin.
- 1668 : Relation d'une Revue des troupes d'Amour, Fribourg, P. Bontemps.
- 1669 : Cléonice ou le Roman galant, Paris, C. Barbin -- Facsimile, avec introduction de R. Godenne, Genève, Slatkine Reprints, 1979.
- 1669 : Nouveau Recueil de pièces galantes, Paris, J. Ribou.
- 1669-1671 : Le Journal Amoureux, 6 vol., Paris, C. Barbin (seules les parties 1, 2, 5 et 6 sont de Villedieu).
- 1670 : Fables ou Histoires allégoriques, Paris, C. Barbin -- Extraits in N. Klein, Selected Writings..., voir supra.
- 1670 : Les Annales galantes, 4 parties en 2 vol., Paris, C. Barbin (anonymes) -- 2 vol., facsimile, avec introduction de R. Godenne, Genève, Slatkine Reprints, 1979.
- 1671 : Les Amours des Grands Hommes, 4 vol., Paris, C. Barbin -- Extraits in N. Klein, Selected Writings..., voir supra.
- 1672-1673 : Les Exilés de la Cour d'Auguste, 6 vol., Paris, C. Barbin.
- 1672-1674 : Les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, 6 vol., Paris, C. Barbin -- Éd. René Démoris, Paris, Desjonquères, 2003.
- 1673 : Les Nouvelles Afriquaines, Paris, C. Barbin.
- 1673 : Les Galanteries Grenadines, 2 vol., Paris, C. Barbin -- Éd. Edwige Keller-Rahbé, Saint-Etienne, Publications de l'Université, 2006.
- 1674 : Le Portefeuille, in OEuvres mêlées...,voir infra -- Éd. J-P. Homand et M-Th. Hipp, Exeter, Univ. of Exeter, 1979.
- 1674 : OEuvres mêlées, Rouen, Macherel.
- 1675 : Les Désordres de l'Amour, Paris, C. Barbin -- Éd. M. Cuénin, Textes littéraires français, vol.174, Genève, Droz, 1970.
- 1685 : Portrait des foiblesses humaines, Paris, C. Barbin.
- 1687 : Annales galantes de Grèce, 2 vol., Paris, C. Barbin.
- OEuvres de Mme de Ville-Dieu, 12 vol., Paris, Compagnie des Libraires, 1720-1721. -- Facsimile en 3 vol., sous le titre OEuvres complètes, Genève, Slatkine Reprints, 1971.
Traductions anglaises modernes:
Beaucoup d'oeuvres de Mme de Villedieu ont été traduites en anglais au cours du XVIIe siècle. Deux ouvrages sont disponibles en anglais dans une édition moderne:
- Le Favory (1664), traduit par Perry Gethner, sous le titre The Favorite Minister, in The Lunatic Lover and Other Plays by French Women of the 17th and 18th Centuries, éd. P. Gethner, Portsmouth (N.H.), Heinemann, 1994, p.27-88.
- Les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière(1672-74), traduit et édité par Donna Kuizenga sous le titre The Memoirs of Henriette-Sylvie de Molière, Chicago, University of Chicago Press, 2004.
Choix bibliographique
- Cuénin, Micheline. Roman et société sous Louis XIV: Madame de Villedieu (Marie-Catherine Desjardins 1640-1683). Paris, Honoré Champion, 1979.
- Keller-Rahbé, Edwige. Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherches. Lyon, PUL (à paraître en 2004).
- Kuizenga, Donna. «La Généricité dans les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière», in Suzan van Dijk et Madeleine van Strien (dir.), Féminités et masculinités dans le texte narratif. Louvain, Peeters, 2002, p.43-54.
- Kuizenga, Donna. «"La Lecture d'une si ennuyeuse histoire": topoï de la lecture et du livre dans les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière», in Jan Herman et Paul Pelckmans (dir), L'Épreuve du lecteur: livres et lectures dans le roman d'Ancien Régime. Louvain, Paris, Peeters, 1995, p.120-28.
- Lalande, Roxanne Decker (dir.). A Labor of Love: Critical Reflections on the Writings of Marie-Catherine Desjardins (Madame de Villedieu). Madison, NJ, Fairleigh Dickinson University Press/ London, Associated University Presses, 2000.
Jugements
- «Pour mon esprit, je peux dire qu'il est assez agréable et même assez universel. Je sais assez le monde et me tire assez bien d'une conversation. J'ai de l'inclination pour la poésie, et quand il m'est arrivé de faire des vers, j'y ai passablement réussi, mais je ne m'en veux pas prévaloir, car ce qui s'acquiert sans peine ne mérite pas beaucoup de louanges.» (Marie-Catherine Desjardins, «Portrait d'elle-même,» in Recueil des portraits... voir supra, p.265, cité dans Cuénin, op. cit, t.2, p.24).
- «Elle a une facilité estrange à produire; les choses ne luy coustent rien, et quelquefois elle rencontre heureusement. Tous les gens emportez y ont donné teste baissée, et d'abord ils l'ont mise au-dessus de Mlle de Scudéry et de tout le reste des femelles.» (Tallemant des Réaux, Historiettes [2e moitié du XVIIe siècle], Paris, Gallimard, 1961, t.2, p.900).
- «Elle est fameuse par ses Romans. Le premier, ou l'un des premiers qu'elle fit, devoit contenir plusieurs volumes in 8, selon la coutume de ce tems-la. Mais elle ne le poussa point aussi loin que son projet. [...] Mais elle n'enfouït pas son talent; car au contraire s'étant fait un nouveau goût de Narrations Romanesques, elle en publia un fort grand nombre, et y réussit très-heureusement. Elle mit à la mode ces petites Historiettes Galantes, qui font voir bientôt le mauvais ou le bon succès de la tendresse, et fit tomber ces longs et vastes récits d'Avantures héroïques guerrieres, et amoureuses, qui avoient fait gagner tant d'argent aux Imprimeurs de Cassandre, de Cleopatre, de Cyrus, et de Clelie, etc. Le nouveau goût qu'elle créa subsiste encore: et quoi que cette espece d'Ouvrages perde promptement la grace de la nouveauté, on lit encore avec plaisir les prémiers Romans qu'elle composa selon sa nouvelle idée.» (Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique [1697], Paris, Desoer, 1820, t.8, p.833).
- «Nous voyons tous les jours éclore de nouvelles et admirables Productions et Tragiques et Comiques, et un nombre considérable d'excellents Poëtes et de grands Ouvrages. Messieurs Corneille le jeune, Desmarets, Molière, Quinault, Gilbert, Boyer, Racine, et Mademoiselle Desjardins ont droit aux plus justes louanges qu'on ait jamais données.» (Michel De Pure, Idée des spectacles anciens et nouveaux, Paris, Brunet, 1668, Livre 2, chap.II, p.165).
- «C'est elle qui, par ses petites historiettes, a fait perdre le goût des longs romans à huit ou dix tomes. Elle écrivait d'un style fort vif, mais beaucoup trop libre et il fallait savoir la galanterie par expérience pour en parler si pertinemment. Sa prose paraît meilleure que ses vers.» (Louis Moréri, Le Grand dictionnaire historique[1759, nouv. éd], Genève, Slatkine reprints, 1995, t.6).
- «À l'égard de ses pièces de théâtre, vous avez dû voir qu'elles manquent de ce degré de force et de chaleur, sans lequel on ne l'élève jamais à la perfection de l'art. Aussi y chercherait-on inutilement ces grands traits, ces touches fortes, qui caractérisent le génie. On y remarque seulement une affectation singulière d'abaisser notre sexe. Ainsi, pour apprécier le mérite de Mme de Villedieu, il ne faut la considérer que comme Auteur de Romans. Elle avait une manière d'écrire tendre, galante, intéressante; beaucoup de coquetterie dans l'esprit: une expression vive et voluptueuse. C'est elle, dit M. de Voltaire, qui a fait perdre le goût des longs Romans.» (Joseph La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, ou lettres historiques et critiques contenant un précis de la vie des femmes qui se sont distinguées dans la littérature française, par une société de gens de lettres [par L. et J-Fr. de La Croix], Paris, Lacombe, 1769, vol.2, lettres I-III).
- «Son style, dit Voltaire, est vif et léger, ses images animées; elle a fait perdre le goût des longs romans. Ajoutons que ses ouvrages se ressentent un peu de sa vie galante, et qu'elle se plaît surtout à peindre les faiblesses de son sexe; disons aussi que dans ses romans historiques, elle a impitoyablement défiguré l'histoire.» (Joseph-Marie Quérard, La France littéraire, Paris, Firmin Didot, 1827-57, t.X).
- «Comme auteur, Mme de Villedieu eut une réputation, tout à fait éteinte aujourd'hui, mais qui ne fut pas entièrement imméritée. Sa prose a de l'élégance; ses poésies fugitives, quelquefois trop libres, sont gaies, faciles et naturelles; ses pièces de théâtre présentent de bons vers; ses romans, qui pour la plupart font partie de la révolution opérée contre les ouvrages de Mlle de Scudéry, sont vifs, passionnés, souvent bien conduits.» (Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie générale[1866], Paris, Firmin Didot frères, 1866).