Jeanne-Marie Phlipon/Fortunée Briquet : Différence entre versions
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ROLAND, (Marie-Jeanne Phelipon, Dame) fille d'un graveur, naquit à Paris en 1756. Elle reçut le jour d'une mère aussi bonne que vertueuse, et d'un père qui ne songeait qu'à devenir riche et qui se ruina. Deux besoins semblent avoir occupé entièrement son ame pendant sa jeunesse, celui d'aimer sa mère et celui de s'instruire. Ses premières années se passèrent au sein des beaux-arts. Elle cultiva avec succès la musique, le dessin, la gravure et les lettres. A neuf ans, elle lut et goûta Plutarque; à dix-huit ans, elle écrivit sur des matières abstraites des réflexions profondément méditées; à vingt-cinq ans, elle connaissait tous les bons livres anciens et modernes, avait fait des extraits de la plupart, et s'était approprié le génie des meilleurs écrivains français. L'anglais et l'italien lui étaient familiers. Elle composait dans ces deux langues avec facilité et même avec grâce. En 1780, elle épousa Roland. A la beauté, elle unissait des moeurs douces, une ame forte, un esprit solide, un coeur très-affectueux. Dans son séjour à Amiens, elle fit un herbier des plantes de la Picardie. A son retour d'Angleterre, en 1784, elle établit sa demeure à Villefranche, patrie de son époux, et s'adonna tant à l'économie champêtre, qu'aux actes de la bienfaisance. En 1787, elle parcourut la Suisse, et rapporta de ce voyage beaucoup de connaissances en histoire naturelle et en politique. Elle habita Paris en 1790. Sa maison devint le rendez-vous des législateurs les plus célèbres. C'est alors que la révolution développa en elle les idées libérales qui lui étaient, pour ainsi dire, innées. Elle crut que le terme des abus, l'encouragement des vertus et des talens allait* résulter de ce nouvel ordre de choses. Il lui semblait que la France allait être le séjour de l'industrie et du commerce; que les sciences et les beaux-arts y établiraient leur empire, et qu'elle ne serait peuplée que d'amis. Madame Roland, en décembre 1792, fut accusée, ainsi que son époux, d'avoir conspiré contre la république. Appelée à la barre de la Convention nationale, elle confondit son accusateur, et força par les grâces de son éloquence, ses ennemis à se taire et à l'admirer. Après le 31 mai, époque où Roland se déroba aux poursuites de ses persécuteurs, elle crut pouvoir rester sans danger à Paris, où elle s'occupait de l'éducation de sa fille. Les ennemis de son époux, qui étaient également les siens, la firent arrêter. Elle fut jetée dans les cachots de l'Abbaye, le 1er. juin 1793, et peu de tems après, elle fut transférée à Sainte-Pélagie. On lui offrit les moyens de s'évader; elle les rejeta, dans la persuasion où elle était qu'en servant de victime à la fureur de ses ennemis, elle détournerait l'orage près d'éclater sur Roland. Dans sa jeunesse, sous le tranquille abri du toit paternel, elle fut heureuse avec des fleurs et des livres; ces mêmes objets lui faisaient souvent oublier dans sa prison l'injustice des hommes, leurs sottises et ses maux. Ses compagnons d'infortune trouvaient en elle des consolations. Elle leur parlait avec la philosophie la plus douce et la plus généreuse. Ordinairement sa conversation était sérieuse sans être froide, et elle s'exprimait avec une pureté, un nombre et une prosodie qui faisaient de son langage une espèce de musique dont l'oreille n'était jamais rassasiée. Pour la perdre, on l'accusa de ce qui fait peut-être le plus d'honneur à sa mémoire. Sa correspondance et ses liaisons avec les députés connus sous le nom de Girondins, servirent de prétexte pour l'immoler. Ne pas faire l'apologie des 2 et 3 septembre, et soulever le masque qui couvrait les assassins de ces affreuses journées, c'était donner non-seulement des marques de probité, mais encore de vertu: cependant ce fut la véritable cause qui la conduisit à l'échafaud le 8 novembre 1793 (19 brumaire an 2). Le jour de son supplice, elle prouva que sa grande ame était supérieure à tous les évènements. Associée à un homme que le même sort attendait, elle parvint à lui donner du courage, et même elle fit naître plusieurs fois le rire sur ses lèvres. Au pied de l'échafaud, elle eut désiré confier au papier les nouveaux sentimens qu'elle avait éprouvés depuis la conciergerie jusqu'au lieu de supplice; mais on lui en refusa les moyens. Elle reçut la mort avec une sérénité et une constance héroïque, car elle savait que la postérité change, pour l'innocence et la vertu immolées, les échafauds en triomphes, et qu'une gloire immortelle remplace une ignominie passagère. La société perdit en elle une femme qui avait été bonne fille, bonne épouse et bonne mère. L'amitié, ce sentiment sacré si souvent profané et si peu connu, ne fut point un vain nom pour Madame Roland. Sa vénération et son attachement pour les 22 députés survécurent à la proscription de ces hommes illustres, et quoiqu'elle prévit que leur sort déciderait du sien, elle ne cessa pas de les proclamer ses amis. Plusieurs artistes ont fait son portrait. Il a été gravé par Gaucher.
Madame Roland employa les loisirs de sa captivité à écrire ses Mémoires, ils furent publiés d'abord par Bosc, ensuite par Champagneux. L'édition qu'en a faite ce dernier est intitulée: OEuvres de M. J. Ph. Roland, femme de l'ex-Ministre de l'Intérieur, contenant les Mémoires et Notices historiques qu'elle a composés dans sa prison, en 1795, sur sa vie privée, sur son arrestation, sur les deux ministères de son mari, et sur la révolution; son procès et sa condamnation à mort, par le tribunal révolutionnaire; ses ouvrages philosophiques et littéraires, faits avant son mariage; sa correspondance et ses voyages; précédés d'un discours préliminaire, par L.C.Champagneux, éditeur, et accompagnés de notes et notices, du même, sur sa détention, Paris, an 8, 3 vol. in-8. En général le style des ouvrages de Madame Roland est mâle et courageux, ses idées sont fortes et grandes. Ses Mémoires renferment quelques détails trop minutieux, et quelques négligences de rédaction; mais on doit dire qu'ils furent écrits dans l'espace de deux mois, au milieu des chagrins et des inquiétudes. De tous ces ouvrages, elle n'avait fait que ses Mémoires pour être imprimés sous son nom, et elle ne les composa que pour repousser la calomnie qui la poursuivait.
Les écrits de Madame Roland ont du mérite; cependant sa plus grande gloire réside dans les sentimens libéraux qu'elle a montrés, dans la conduite qu'elle a tenue et dans le courage qu'elle a déployé à une époque, où la plupart des amis du bien public n'osaient élever la voix. Elle eut quelque part au ministère de Roland. C'est elle qui écrivit au roi la fameuse lettre qui fit ôter le ministère à son époux. Elle composa aussi, au nom du Conseil exécutif provisoire, la lettre qui engagea le Pape à donner la liberté aux artistes français emprisonnés à Rome.