Madeleine-Angélique Poisson : Différence entre versions
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Madeleine-Angélique Poisson | ||
Conjoint(s) | Gabriel de Gomez | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Madame de Gomez | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1684 | |
Date de décès | 1770 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution. |
Sommaire
Notice de Séverine Genieys-Kirk, 2005.
Madeleine-Angélique Poisson, née à Paris (Saint-Sulpice) le 22 novembre 1684, est la fille des acteurs Paul Poisson et Marie-Angélique Gassaud Du Croisy, et la petite-fille d'une des figures de proue de l'Hôtel de Bourgogne, le comédien et auteur Raymond Poisson. Mariée à un gentilhomme espagnol, Dom Gabriel de Gomez, réputé riche mais en réalité endetté, elle a recours à sa plume pour survivre.
Elle prend vite goût à l'écriture théâtrale: en témoignent ses premières oeuvres, quatre pièces, dont la plus célèbre est sa tragédie Habis (1714), qui figure toujours au répertoire de la Comédie Française en 1732. Devant le succès que connaît cette tragédie, critiques et accusations se multiplient, et Gomez se voit contrainte d'adjoindre au texte une préface où elle revendique sa qualité d'auteure. En 1724, elle réimprime la pièce dans ses OEuvres mêlées, aux côtés de Sémiramis, de Cléarque, Tyran d'Héraclée (jouées en 1716 et 1717) et de Marsidie, la Reine des Cimbres, jamais représentée. Le reste du recueil, semi-autobiographique, rédigé sous forme de lettres, comprend des vers circonstanciels adressés aux grands et aux proches, un échange épistolaire fictif et une «nouvelle ameriquaine».
Commence alors une période fructueuse: Mme de Gomez se livre à une production narrative intense et ininterrompue pendant près de vingt ans. En 1724, elle a déjà écrit deux romans, des «histoires secrètes», au cadre historique mais de caractère anecdotique, et s'attelle à la suite des Journées amusantes, best-seller de nature didactique et journalistique, dont le premier volume est sorti en 1722 et le second vient de paraître. Elle prend aussi part aux controverses poétiques, de façon explicite, à travers sa Lettre sur le Poème de Clovis (1725) et Le Triomphe de l'Éloquence (1730). Dans les préfaces de Crémentine, Reine de Sanga, des Anecdotes persanes (1727) et de La Jeune Alcidiane (1733), suite éponyme du roman de Gomberville (1651), elle s'inscrit également dans les débats de l'époque concernant l'écriture romanesque. Après le dernier volume des Journées amusantes, paraît un autre succès de librairie, Les Cent nouvelles nouvelles (1731-1739), ainsi qu'un recueil de contes brefs, La Nouvelle mer des histoires (1733-1735). Vers 1737, alors veuve, Mme de Gomez se remarie à un certain Bonhomme; ce remariage semble coïncider avec la fin de sa carrière littéraire. Elle se retire, avant 1764, à Saint-Germain-en-Laye, lieu de retraite des anciens comédiens, et de la famille Poisson en particulier. Elle y meurt le 28 décembre 1770.
Les OEuvres mêlées de Mme de Gomez nous révèlent son réseau de connaissances, mais aussi le projet qui sous-tend son écriture polymorphe, celui de la célébration des femmes. Ainsi, au bouquet qu'elle adresse à sa dédicataire, l'actrice Desmares, font écho celui qu'elle écrit en l'honneur de la diva Mlle Le Rochois, les vers acrostiches en hommage à Mlle de La Force et l'éloge de Mlle de Scudéry. Dans lesEntretiens nocturnes de Mercure et de la Renommée (1731), elle esquisse en quelque pages, à l'image de Marguerite Buffet ou de Mlle L'Héritier, une historiographie des femmes de lettres. Quant auxJournées amusantes, dont le thème principal est la lecture, elles nous ramènent à la tradition de l'Heptaméron, mais rappellent aussi celle, plus contemporaine, de la conversation-cadre des romans de Mlle de Scudéry et de Mme d'Aulnoy.
Mme de Gomez a joui d'une grande popularité de son vivant. En font foi non seulement les multiples réimpressions, au cours du XVIIIe siècle, des Cent Nouvelles nouvelles et des Journées amusantes -dont des extraits, ainsi que des passages de La Jeune Alcidiane, ont été réédités et abrégés dans La Bibliothèque universelle des romans (1776)-, mais aussi les traductions étrangères. En Angleterre, le lectorat s'est ainsi enthousiasmé pour La Belle Assemblée (1724-1734), titre qu'a donné Eliza Haywood à sa traduction des Journées amusantes. Néanmoins les auteurs de dictionnaires biographiques, qui ont répété leur préférence pour Les Cent Nouvelles nouvelles, se montrant peu favorables aux Journées amusantes (pourtant plus souvent rééditées), ont déprécié cette auteure. Comment donc, devant la dévalorisation de son oeuvre, expliquer son indubitable succès éditorial? En redécouvrant cette dramaturge, romancière et «essayiste» encore bien méconnue, malgré de brèves apparitions, restées sans suite, dans la critique littéraire des quatre dernières décennies.
Oeuvres
- 1714 : Habis (trag. en 5 actes, en vers), Paris, Pierre Ribou. Comédie-Française (Paris), 17 avril 1714.
- 1716 : Sémiramis (trag. en 5 actes, en vers), in OEuvres mêlées..., voir infra. Comédie-Française (Paris), 1er février 1716.
- 1717 : Cléarque, Tyran d'Héraclée (trag. en 5 actes, en vers), Paris, Pierre Ribou. Comédie-Française (Paris), 26 novembre 1717.
- 1718 : Les Épreuves (ballet héroïque en trois actes, en vers libres, inachevé), in OEuvres mêlées..., voir infra, p.299-324. Non représenté.
- 1719 : Histoire secrète de la conqueste de Grenade, Paris, Ch.-M. d'Houry.
- 1722 : Anecdotes, ou Histoire secrète de la maison ottomane, 4 t. en 2 vol., Amsterdam, La Compagnie.
- 1722-1731 : Les Journées amusantes dédiées au Roy, 8 vol., Paris, G. Saugrain.
- 1724 : Marsidie, Reine des Cimbres, Tragédie, in OEuvres mêlées..., voir infra, p.209-262. Non représentée.
- 1724 : Nouvelle amériquaine, in OEuvres mêlées..., voir infra, p.325-366 et p.389-399 -- Hannah Fournier (éd.), http://margot.uwaterloo.ca/francais.html.
- 1724 : OEuvres mêlées de Mme de Gomez. Contenant ses Tragédies & différents ouvrages en vers & en prose, Paris, Jean-Baptiste Mazuel; Paris, G. Saugrain; Paris, C. Leclerc (3 éditions la même année).
- 1724 : Critique des critiques d'Inès de Castro, tragédie de M. de La Mothe, Paris, Mesnier, attribution.
- 1725 : Lettre sur le nouveau poème de Clovis, Paris, P. Prault.
- 1727 : Anecdotes persanes, 2 vol., Paris, Leclerc; Paris, D. Mouchet.
- 1727 : Crémentine, reine de Sanga, histoire indienne, 2 vol., Paris, Prault.
- 1730 : Le Triomphe de l'éloquence, Paris, Leclerc.
- 1731 : Entretiens nocturnes de Mercure et de la Renommée aux jardins des Thuilleries, Paris, Leclerc.
- 1732-1739: Les Cent nouvelles nouvelles, 36 parties en 19 vol., Paris, Vve Guillaume.
- 1733 : La Jeune Alcidiane, 3 vol., Paris, Guillaume-Denis David.
- 1733-1735 : La Nouvelle mer des histoires, 6 parties en 3 vol., Paris, C. Guillaume.
- 1734 : Histoire d'Osman, Ier du nom, XIXe empereur des Turcs et de l'imperatrice Aphendina Ashada, 2 vol., Paris, Prault.
- 1737 : Histoires du Comte d'Oxfort, de miledy d'Herby, d'Eustache de St-Pierre et de Béatrix de Guines au siège de Calais, sous le règne de Philippe Valois, Paris, De Poilly.
Choix bibliographique
- Day, Shirley Jones. «A Woman Writer's Dilemma: Madame de Gomez and the Early Eighteenth-Century Novel», in Roland Bonnel and Catherine Rubinger (dir.), Femmes Savantes et Femmes d'Esprit: Women Intellectuals of the French Eighteenth Century. New York, Peter Lang, 1994, p.77-98.
- Garcia-Garrosa, Maria-Jesus. «Dias alegres, de Gaspar Zavala y Zamora: Recuperacion de una obra perdida (I) Historia editorial». Dieciocho: Hispanic Enlightenment, 26, 2, 2003, p.199-222.
- Genieys-Kirk, Séverine. «Madeleine-Angélique de Gomez (1684-1770): Historiographer of Women», in Michael Brophy, Phyllis Gaffney et Mary Gallagher (dir.), Festschrift for C.E.J Caldicott. Dublin, University College Dublin Press (à paraître).
- Mish, Charles C. «Mme de Gomez and La Belle Assemblée». Revue de littérature comparée, 24, 1960, p.213-225.
- Showalter, English, Jr. «Writing off the Stage: Women Authors and Eighteenth-Century Theater». Yale French Studies, 75, 1988, p.95-111.
Liens électroniques
- CESAR, Calendrier Electronique des Spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution:
http://www.cesar.org.uk/cesar2/people/people.php?fct=edit&person_UOID=100645
http://www.cesar.org.uk/cesar2/books/anecdotes/display.php?volume=3&index=212
http://www.cesar.org.uk/cesar2/books/leris/view_entry.php?id=4248&search_string=gomez&refresh=1105788709
Jugements
- (à propos des Journées amusantes) «The extraordinary Approbation the two Former Volumes of this Work have met with from all Persons of Polite Taste, both in France and England, is a sufficient Testimony of their Excellency: but because the whole Matter seem'd to be concluded in the last, and some Persons from thence may infer this to be a spurious Addition; we think it necessary to inform the publick that it was at the Request of several of the first Nobility of France that the Author was prevail'd on to make a Continuation. Whoever examines and compares the one with the other, will easily perceive they were wrote by the same Hand: that Purity of Language; that Spirit and Delicacy of Sentiment; that Exactness of Chronology, and Geography, which is to be found in all the Lady's Quotations from History, and Descriptions of Places, could be imitated by very few, if any of that Sex» (Eliza Haywood, préface à La Belle Assemblée, 4e éd., Dublin, R. Rhames, 1740, non paginée).
- (à propos de Sémiramis) «La poésie en est coulante, mais il y a peu de beautés de détail, et nulle force; l'on voit bien que c'est l'ouvrage d'une femme, beaucoup d'intrigue et de roman, peu de peinture, nuls caractères, rien de saillant. Elle n'a eu aucun succès; on a reparlé de cette pièce lors de la tragédie de Voltaire qui a le même titre, mais il n'y a nulle similitude; celle de Voltaire traite de Sémiramis veuve, et celle-ci de Sémiramis fille» (D'Argenson, Notices sur les oeuvres de théâtre [1725-1756], H. Lagrave (éd.), Studies on Voltaire and Eighteenth Century, 43, 1966).
- (à propos des Cent Nouvelles nouvelles) «On a toujours regardé ce Recueil d'Historiettes, ainsi que Les Journées amusantes du même Auteur, comme ses deux meilleurs Ouvrages. La plupart de ces nouvelles sont écrites avec feu, assez bien intriguées, les surprises bien ménagées, les sentimens delicats, & les passions y jouent leur jeu naturel» (Joseph La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises[par L. et J.-Fr. de La Croix], Paris, Lacombe, 1769, vol. 3, p.512).
- «On ne peut nier que Madame de Gomez n'ait eu quelque talent pour le genre dramatique; mais elle choisissoit mal ses sujets. Sa plume, propre à peindre des passions délicates, étoit peut-être un peu trop foible, pour tracer le caractère des Héros, & inspirer la terreur. On l'admire lorsqu'avec finesse elle fait arracher un secret par un Confident, & decouvrir les mysteres de l'Amour; mais s'il s'agit de décrire un combat, & de peindre une ame forte, son coloris, vif & riant par tout-ailleurs, s'affoiblit devant ces grands objets. On lui refuse l'art de conduire bien une intrigue; mais on lui accorde le merite de l'exposition. Sa Poesie est aisée & naturelle, mais souvent foible & négligée» (J. M. B. Clément et J. de La Porte, Anecdotes dramatiques, Paris, Veuve Duchesne, 1775, vol.3, p.213).
- «Madame de Gomez [...] was greatly respected for her amiable qualities, her wit, and her humour. She composed a great number of novels, which are written in an easy and natural style; many of them are in imitation of those written by the Queen of Navarre. Her reflections on the Passion of Love, is we think, one of her best productions. She defines that passion, as the origin of all the most amiable virtues that can adorn humanity, and make use of nearly the same arguments to prove the justness of her hypothesis as we find in the Debat de Follie & d'Amour, written by Louise Labé» (Ann Thicknesse, Sketches of the Lives and Writings of the Ladies of France, London, 1780-1781, vol.3, p.25-26).
- «Sa plume, plus féconde que correcte, fit éclore un grand nombre de productions galantes, sur lesquelles le public même frivole s'est beaucoup refroidi, et que le public sage n'a jamais lues. [...] Mme de Gomez est encore auteur de plusieurs tragédies, dont aucune n'est restée au théâtre. En général, la versification en est lâche et languissante: la moins mauvaise est celle d'Habis qui eut 25 représentations» (Feller, Biographie universelle, Lyon, J.-B. Pélagaud, 1851).
- «En général sa manière de narrer est facile, claire et naturelle. On lira toujours avec intérêt celle de ses Nouvelles qui renferme les aventures des Deux Cousines. L'intrigue de ce petit ouvrage est bien conçue; on y trouve des surprises ménagées avec art, des sentiments vifs et délicats; la finesse des pensées et l'intérêt des situations y sont comme noyés dans la prolixité monotone du style; et le ton de galanterie qui y règne d'un bout à l'autre dégénère presque toujours en fadeur» (Michaud, Biographie ancienne et moderne, Paris, Madame C. Desplaces, 1857, vol.17, p.132).
- (à propos des Journées amusantes) «In an age given to writing chroniques scandaleuses, political allegories, and topical comment dressed as fiction, La Belle Assemblée stands out as a well-done piece of imaginative writing, its stories (within the limitations of the genre) interesting and well managed, the frame entertaining, and even at times lively. Mme de Gomez was not much of a stylist, but she could tell a story» (C. C. Mish, voir supra, choix bibliog., p.225).