Antoinette Bouzonnet-Stella/Pierre-Jean Mariette : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
(Import automatique) |
(Aucune différence)
|
Version du 13 août 2010 à 16:29
[I,175] BOUZONNET-STELLA (les trois soeurs). Claudine Stella, cette scavante fille, avoit encore deux soeurs, qui se distinguoient comme elle dans la graveure; l'une s'appeloit Antoinette et l'autre Françoise; leur nom de famille estoit Bouzonnet. Antoinette etoit la moins âgée, et ce qu'elle a gravé d'après Jules Romain lui fait honneur. Elle mourut jeune à Paris, en [176] 1676. Claudine l'aînée dessinoit très-habilement et mérite d'être mise au rang des plus excellens graveurs; elle est morte aussi à Paris, le 1. octobre 1697. Elle avoit 61 ans.
[V,252] STELLA (La famille des). Il y a des familles où le goût de certains arts se perpétue et devient pour ainsi dire héréditaire. Soit qu'on doive l'attribuer à la force de la nature, soit que l'exemple et l'éducation y ayent plus de part, il est toujours certain que l'on voit quelquefois les enfans succéder à leur père dans leur profession comme dans leurs biens, et s'en faire en quelque façon un patrimoine qui leur devient d'autant plus avantageux qu'il leur est aisé de l'augmenter.
[notice de Jacques Stella]
[253] Il n'eut d'autres eleves que ceux qu'il forma dans sa propre [254] famille, un neveu et trois nièces, qu'il avoit fait venir de Lyon pour demeurer auprès de luy, tous quatre enfants d'une de ses soeurs. Le premier, qui se nommoit Antoine Bouzonnet Stella, se poussa dans la peinture, et il y avoit lieu d'espérer qu'il y auroit fait des progrès, mais il mourut jeune ayant été en Italie où il avoit beaucoup étudié les ouvrages de Jules Romain. Les trois soeurs s'attachèrent toutes trois à la graveure, et il leur fut d'autant plus facile d'y réussir et de s'y rendre recommandables qu'elles avoient acquis auprès de leur oncle un grand fond de dessein; c'etoit la partie qu'elles cultivoient le plus; elles negligeoient assez volontiers le reste; aussy ne faut-il pas chercher dans leur ouvrage cette politesse de graveure et ce bel arrangement de tailles dont la plus part des autres graveurs font tant de parade.
Claudine Bouzonnet Stella, l'aînée, avoit instruit ses deux soeurs Antoinette et Françoise; celle cy n'a gravé qu'au burin, presque toujours d'après Jacques Stella son oncle; l'autre au contraire a toujours travaillé à l'eau-forte et ses ouvrages se réduisent à un petit nombre; les principaux sont d'après Jules Romain. Pour Claudine, elle s'est servie indifferemment tantôt du burin, tantôt de l'eau-forte. Presque toujours occupée à graver d'après les desseins de son oncle ou d'après les merveilleux tableaux du Poussin qui luy appartenoient, elle s'est particulièrement attachée à en conserver le caractère, et, ce qui ne se peut presque jamais dire des graveurs et en general des imitateurs, bien loin d'affoiblir les beautés de ses originaux, elle leur en a prêté de nouvelles, de façon que le Poussin, quelque grand, quelque majestueux, quelque correct qu'il soit, le paroit peut-être encore davantage dans les estampes de Claudia Stella que dans ses propres tableaux, et il règne dans les sujets champêtres qu'elle a gravé d'après les desseins de son oncle, un caractère naïf et de simplicité que l'on ne trouve point ailleurs.
[255] C'est que Claudine Stella étoit foncierement habile dans la partie du dessein; l'on en peut juger par ce qu'elle a gravé d'après des desseins de son invention qui sont dignes du Poussin. Le goût sage et solide de ce grand peintre étoit devenu le sien; en l'étudiant avec autant de réflexion qu'elle avoit fait, elle se l'étoit rendu familier, et l'on peut adjouter qu'il n'y a eu personne à qui il ait appartenu plus légitimement qu'à cette sçavante fille. Autant qu'elle étoit recommandable par ses talents, autant étoit elle éloignée d'en tirer de la vanité; un esprit simple et remply de bon sens, une piété sans fard, une rare modestie et un desintéressement encore plus rare faisoient son caractère et luy attiroient l'estime et le respect de tous ceux qui la connoissoient.
L'on a rassemblé ici tous ses ouvrages; on les a joint avec ce qui a été gravé par ses deux soeurs, et ce qui l'a été par differens graveurs d'après Jacques Stella, leur oncle, et d'après leur frère; ç'auroit été une espèce d'injustice de separer une si illustre famille, et chaque chose separement auroit peut-être perdu de son prix. [257] Une des soeurs de J. Stella épousa à Lyon un orfèvre nommé Étienne Bouzonnet, de qui elle eut plusieurs enfans que leur [258] oncle fit venir auprès de lui; il leur mit à tous le crayon à la main; il les regarda comme ses enfans, et par reconnoissance ils prirent son nom et ne furent plus appellés autrement.
Antoine Bouzonnet Stella. Antoine, l'aîné de tous, né à Lyon en 1634, mourut à Paris étant adjoint à professeur dans l'Académie royale de peinture en 1682. Il visita l'Italie depuis la mort de son oncle, et il revint chargé de quantité de desseins qu'il avoit faits à Mantoue d'après les ouvrages de Jules Romain au palais du Té; mais, comme il avoit le génie de la famille, c'est à dire un peu froid et reglé, il ne paroit pas que le feu du peintre italien eût beaucoup embrâsé son âme. Du reste il étoit correct et mettoit de la sagesse dans ses ordonnances.
[...]
Antoinette, la plus jeune, née le 24 aoust 1641, dessinoit et gravoit à l'eau forte de très bon goût, et elle donnoit les plus grandes espérances; elle eut le malheur de faire une chûte, et elle mourut le 20 octobre 1676, à la fleur de l'âge. Toute cette famille avoit toujours vécu dans une union parfaite.
[261] OEuvres de Jacques Stella de Lyon, peintre ordinaire du roy de France, et chevalier de Saint Michel, d'Antoine Bouzonnet Stella, son neveu et son eleve, peintre de l'Académie royale de peinture, de Claudine, Françoise et Antoinette Bouzonnet-Stella, ses niepces, qui se sont rendues illustres par les morceaux qu'elles ont gravées tant au burin qu'à l'eau forte.
[...]
STELLA (Antoinette BOUZONNET) étoit rangée la première dans cette oeuvre que nous avons eue et qui venoit de Melles Stella mesmes; Françoise étoit rangée la seconde.
- La Nativité de la Vierge; la Sainte Vierge présentée au temple par ses parens; le mariage de la Vierge; l'annonciation; la Vierge visitant Sainte Elisabeth; Jésus Christ nouveau né adoré par les pasteurs, extrait d'une estampe gravée par C. Cort; Jésus-Christ porté au temple; Jésus-Christ portant sa croix, d'après l'estampe gravée par A. V.; Jésus-Christ en croix; le trépas de la Sainte Vierge; l'assomption; le couronnement de la Vierge. Toutes ces pièces sont de l'invention de Jacques Stella, à l'exception de la nativité, qui est d'après Polydore, et du portement de croix, qui est d'après Raphaël. Ces pièces sont au burin, mais tellement égratignées, pour me servir de ce terme, qu'on voit bien que celle qui le menoit n'en avoit guère de pratique. Les dispositions générales ressemblent à celles du missel de Voisin, et je ne serois pas éloigné de [270] croire que les dessins n'en fussent pareillement de Claudine Stella; j'y vois beaucoup d'apparence.
- La Sainte Vierge tenant l'enfant Jésus dans ses bras et accompagnée de Saint Joseph. Petite pièce égratignée au burin; la Vierge est d'après Raphaël, c'est celle qu'a gravée Marc Antoine, où il y a une Sainte Anne qui étend les bras; le Saint Joseph est du dessein de J. Stella.
- Les douze apostres gravés au burin; des premières manières d'Ant. B. Stella. Il y en a quelques uns parmy d'après Stella et d'autres d'après un petit maître.
- Le jugement de Paris gravé par le même, d'après un bas relief antique. A peu près dans l'intention du jugement de Paris de Raphaël.
- Le berger Pâris jugeant les trois déesses sur le mont Ida, gravé à l'eau forte par Antoinette Stella, d'après le dessein d'un bas relief antique qui a pu fournir à Raphaël d'Urbin l'idée d'un semblable sujet qu'il a traitté, et dont on voit une excellente estampe gravée par Marc Antoine.
- Le berger Faustulus trouvant sur les bords du Tibre Remus et Romulus qui sont alaités par une louve. Gravé à l'eau forte en 1676, par Ant. B. Stella d'après Antoine Stella, son frère ou peut-être d'après Jules Romain.
- Entrée triomphante de l'empereur Sigismond dans la ville de Mantoue. Gravée à l'eau forte en 25 feuilles par Antoinette B. Stella, d'après la frise qui se voit à Mantoue dans le palais du T, et qui a été exécutée en stuc par François Primatice, sous la conduite et sur les desseins de Jules Romain. Elle a été publiée en 1675 et dédiée par A. B. Stella à M. Colbert. Gravé, je pense, sur des desseins qu'Antoine Stella avoit faits à Mantoue.