Charles de Beaumont/Fortunée Briquet : Différence entre versions

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BEAUMONT, (Charles-Geneviève-Louise-Auguste-Andrée-Thimotée d'Éon de) naquit à Tonnerre en Bourgogne, le 5 octobre 1728. Ses talens, son génie, ses exploits militaires, sa probité et son amour constant pour sa patrie, lui assurent un rang distingué dans les Annales du 18e. siècle. On ignore les raisons qui engagèrent les parens à lui donner l'habit d'homme. A peine avait-elle atteint sa sixième année, qu'ils l'envoyèrent à Paris auprès d'une de ses tantes. A 14 ans, elle fut mise en collége Mazarin, où elle commença et suivit ses études. D'abord, sa trop grande jeunesse lui empêcha de connaître le prix des langues savantes; mais elle ne tarda point à s'appercevoir des avantages et de l'utilité qu'elle en pourrait retirer. Ses progrès, en cette partie, furent si rapides, que bientôt elle passa dans les écoles de droit. N'ayant point le nombre d'années nécessaire pour prétendre au doctorat, elle obtint une dispense d'âge, et fut reçue docteur en droit civil et en droit canon, et enfin avocat au parlement de Paris. Ses talens littéraires lui méritèrent la place de censeur royal pour l'histoire et les belles-lettres; et ses talens politiques lui firent donner plusieurs missions importantes. En 1756, on l'envoya secrètement en Russie, pour travailler avec le chevalier Douglas à la réunion des deux couronnes. En 1757, elle porta à Vienne le premier plan de campagne de l'armée russe; à Versailles, la réunion de la Russie avec la France, les ratifications d'accession de l'impératrice de Russie au traité de Versailles, du 1.er mai 1756, et la nouvelle et la relation du gain de la bataille de Prague, du 6 mai 1757. La précipitation qu'elle mit dans ce dernier voyage lui devint funeste. Elle se cassa la jambe; malgré cet accident, elle précéda de trente-six heures le courrier que le principal ministre de l'impératrice-reine avait dépêché à l'ambassadeur de la cour de Vienne près celle de France. La même année, on la fit secrétaire de l'ambassade de Russie. Elle continua cet emploi pendant les années 1758 et 1759. En 1760, elle porta à Versailles les ratifications de l'impératrice Élisabeth au traité du 30décembre 1758, et les ratifications de la convention maritime de la Russie, de la Suède et du Danemarck. En 1760 et 1761, ayant rejoint son régiment, elle fut aide-de-camp du maréchal et du comte de Brogolie. On lui confie à Hoxter l'évacuation des poudres et autres effets: cet ordre fut exécuté sous le feu de l'ennemi. Au combat d'Ultrop elle reçut deux blessures. Le 7 novembre 1761, près du village de Meinsloss, à la tète des grenadiers de Champagne et des Suisses, elle attaque les Montagnards Écossais, et les met en fuite. A Osterwick, avec une troupe de 80 dragons, elle chargea un bataillon de six à sept cents hommes, et le fit prisonnier de guerre. La liberté des passages et la prise de Wolfembutel, par le prince Xavier de Saxe, furent les suites de cette action extraordinaire. En 1762, elle passa en Angleterre, en qualité de secretaire de l'ambassade de France, pour la conclusion de la paix générale. En février 1763, elle fut envoyée à Versailles, pour y porter les ratifications du traité définitif de paix. En mai et juin 1763, elle fut chargée des affaires de France à Londres, sous le titre de résident. En juillet, août, septembre et octobre 1763, elle fut nommée ministre plénipotentiaire auprès du roi de la Grande-Bretagne. Sa constance et sa perspicacité dans ses travaux, rappellent une femme de son pays (la Bourgogne), Mademoiselle Bard. Celle-ci, dans une condition moins élevée, mais qui ne laisse pas d'avoir son héroïsme, suivait par amour pour la botanique, sous des habits d'homme et comme domestique, M. de Commerson dans ses herborisations sur les monts glacés du détroit de Magellan, et dans les pays brûlans du continent méridional. La chevalière d'Eon reçut plusieurs marques de satisfaction de la cour de France. Elle en obtint entr'autres gratifications, en 1757, un brevet de lieutenant de dragons; en 1760, une pension de 2000 livres; en 1763 la croix de Saint-Louis, quoique la durée de ses services militaires ne lui eût point encore acquis de titres pour la solliciter; et c'est cette même cour qui la disgracie au mois de novembre 1763! Le refus qu'elle fit de descendre de la place de ministre plénipotentiaire à celle de secrétaire d'ambassade; les appointemens de l'ambassadeur de France en Angleterre, le comte de Guerchy, dont elle ne s'était pas servie avec autant d'économie que cet ambassadeur l'eut désiré; l'attachement qu'elle conserva au maréchal de Broglie, et le bien qu'elle eut le courage de dire de lui, lorsqu'il fut exilé, sont les principaux motifs qui servirent de prétexte à l'injustice qu'elle éprouva. Elle mit le sceau à sa disgrace, en faisant imprimer, pour l'appui de sa cause, les lettres, mémoires et négociations particulières qui avaient eu lieu pendant son ambassade. Ces différentes pièces compromettaient quelques-uns des personnages les plus puissans de la cour de France. Aussi-tôt sa perte fut résolue. On devait l'enlever à Londres, et la resserrer étroitement dans un des cachots de la Bastille. Louis XV donna son agrément à ce projet; mais dans la correspondance qu'il conservait depuis long-temps avec elle, il lui indiqua les moyens de se tenir sur ses gardes pour déconcerter les ravisseurs. Ces évènements lui firent perdre ses titres et sa fortune; mais ils ne lui ôtèrent ni la confiance de Louis XV, ni son amour pour sa patrie. Pendant sa prospérité, l'impératrice Élisabeth lui fit des offres brillantes pour l'attacher à son service; et pendant son infortune, en 1770, l'Angleterre lui eut donné les grades militaires et politiques qu'elle avait eus en France, si elle avait voulu prendre des lettres de naturalisation. Dans l'une et l'autre conjoncture, son attachement pour son pays lui fit rejeter ces propositions. Elle passa quatorze années à Londres, partageant son tems entre l'étude et le soin de veiller à la gloire et aux intérêts de la France et de ses alliés. En 1764, plusieurs chefs du parti opposé à celui qui avait fait la paix, lui offrirent 40,000 livres sterling, si elle voulait les instruire de certaines particularités, et leur confier plusieurs papiers relatifs aux négociations qui avaient eu lieu. Elle garda ses secrets. En 1766, elle communiqua aux alliés de la France des découvertes qui les intéressaient. Louis XV, parfaitement instruit de sa conduite, lui envoya, en 1766, le brevet d'une pension de douze mille livres, avec l'assurance d'une meilleure fortune dans un tems plus opportun. Il avait tenté d'exécuter ce dessein, lorsqu'il descendit au tombeau. Les comtes de Maurepas et de Vergennes ayant appris quel était le sexe de la chevalière d'Eon, par sa correspondance avec Louis XV, sollicitèrent son rappel. Il y eut deux négociations pour cet objet. Dans la première, la chevalière d'Eon réclame que son innocence soit reconnue publiquement: on élude la demande; elle reste à Londres. Dans la seconde, on convint d'un traité. Les principaux articles étaient: Un silence absolu imposé à elle et à ses adversaires, au sujet des querelles qu'elle avait eues; la continuation de la pension de 12 mille livres, et quitter les habits qu'elle portait, la loi ne permettant pas ce déguisement. Elle arriva à Versailles le 17 août 1777. En prenant les habits de son sexe, au mois d'octobre 1777, elle adopta le titre de chevalière d'Eon. Les graveurs de Londres la représentèrent de diverses manières; en Officier de dragons, en Ministre, en Pallas. Cette dernière estampe, gravée en 1775, est une de celles qui ont été le mieux accueillies. Les seules ressemblantes parurent à Paris en 1779. On les doit au burin de J. B. Bradel. L'une d'elles est en grand, et c'est la meilleure de toutes; une autre se trouve à la tête de la Vie de la chevalière d'Éon, par de la Fortelle, 1779, in 8.
L'Éloge funèbre de la duchesse de Penthièvre, de la maison d'Est, et celui du comte d'Ons-en-Bray, composés en vers latins, furent les premiers fruits de son génie naissant. On les imprima dans l'Année littéraire et autres ouvrages périodiques. Quelque tems après, elle donna au public un Essai historique sur les différentes situations de la France, par rapport aux finances, 2 vol. in-12, 1754; et deux volumes de Considérations politiques sur l'administrations des peuples anciens et modernes. Ces deux productions supposent bien des recherches, de grandes vues, et une longue expérience. Son Mémoire instructif sur la vie et les ouvrages du savant abbé Lenglet Dufresnoy, parut en 1755, dans la sixième lettre de l'Année littéraire. La plupart des auteurs de Dictionnaires biographiques sur les gens de lettres, l'ont depuis inséré dans l'article de cet abbé. Elle rédigea, en 1757, à la demande du ministre de la guerre et du ministre des affaires étrangères, ses Mémoires sur la Russie. Elle était si jeune, que les ministres furent étonnés des connaissances qu'ils trouvèrent dans cette production. Elle publia aussi: Mémoires pour servir à l'Histoire générale des Finances, 1758, 2 vol. in-12. -- Lettres, Mémoires et Négociations particulières du chevalier d'Eon, 1761, in-8. -- Suite aux Négociations particulières du chevalier d'Eon, 1765, in-12. Ces deux derniers ouvrages sont relatifs aux causes de sa disgrace. -- Éloge funèbre du marquis de Tavistock. Cette pièce, en vers lapidaires, composée en 1767, fut si agréable à la nation, et à la famille de celui dont elle avait fait l'éloge, qu'on la jugea digne d'être gravée sur le monument du marquis, et qu'on l'imprima dans les papiers publics des trois royaumes. -- Les Loisirs du chevalier d'Eon, 1774, 13 vol. grand in-8. Les deux premiers volumes parurent en 1770. Ces Loisirs renferment les observations de la chevalière d'Eon, et sa manière de penser sur les sujets les plus importans de la jurisprudence, de la science du gouvernement et de l'histoire. Ces différens objets portent empreinte d'une érudition profonde et de recherches utiles. -- Pièces relatives aux démêlés entre Mademoiselle d'Eon et Caron de Beaumarchais, 1778, in-8. Il paraît, par ces pièces, que la chevalière d'Eon eut à se plaindre du peu de probité de l'auteur du Barbier de Séville. Beaumarchais avait été chargé, en 1775, de négocier avec elle pour la faire revenir en France. -- Véritable constitution d'une République, traduite de l'anglais de Marchamont Need'ham, an 8.

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