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* « C’était un diable […] ».- « Cette méchante femme en a fait de toutes les couleurs, jusqu’à se déguiser et s’habiller en homme et commettre des vols sur les grands chemins avec des bandes […]. Cette méchante femme a fait elle-même plus du mal qu’on ne saurait imaginer et même décrire » (Digne, interrogatoire du 7 germinal an 11 (28 mars 1803) ; Draguignan, interrogatoires des 17 thermidor (5 et 30 août 1803) et 12 fructidor an 11, de Jean-Pierre Pons dit Turriers ou Turriès, Copie de procédure contre les prévenus de brigandages comme auteurs ou comme complices, Draguignan, chez Fabre, an 12-1804, t. I, p. 71 et 141).
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* « C’était un diable […] ».- « Cette méchante femme en a fait de toutes les couleurs, jusqu’à se déguiser et s’habiller en homme et commettre des vols sur les grands chemins avec des bandes […]. Cette méchante femme a fait elle-même plus du mal qu’on ne saurait imaginer et même décrire » (Digne, interrogatoire du 7 germinal an 11 (28 mars 1803) ; Draguignan, interrogatoires des 17 thermidor (5 et 30 août 1803) et 12 fructidor an 11, de Jean-Pierre Pons dit Turriers ou Turriès, ''Copie de procédure contre les prévenus de brigandages comme auteurs ou comme complices'', Draguignan, chez Fabre, an 12-1804, t. I, p. 71 et 141).
  
  

Version du 21 mars 2024 à 09:41

Marie Jourdan
Conjoint(s) Arène, Jean-André
Dénomination(s) "La Belle Marchande"
Biographie
Date de naissance 1756
Date de décès 1803
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Jean-Christophe Labadie et Nicole Pellegrin, 2023

Marie Jourdan est issue d’un milieu modeste de travailleurs agricoles demeurant à Espinouse (aujourd’hui commune du Chaffaut-Saint-Jurson, près de Digne), où elle est née le 2 mai 1756. Elle épouse un dénommé Jean-André Arène dont elle a deux filles et avec qui elle tient l’une des trois auberges d’Esparron-de-Verdon, un village qui, situé à la limite entre les départements des Alpes-de-Haute Provence et du Var, est un important lieu de passage. Elle y est connue sous le surnom de « la Belle Marchande ». En vendémiaire an 10 (octobre 1802), alors que la répression de l’État contre « le brigandage » marque des points dans toute la France rurale (il y sévit depuis la Terreur), Marie se réfugie à Espinouse et tente de se faire oublier. Mais elle apparaît lors de différentes procédures engagées par la justice qui délivre contre elle un mandat d’arrêt le 23 vendémiaire an 11 (15 octobre 1802). Jugée seule par un tribunal criminel spécial, elle est condamnée à mort et guillotinée à Digne vers 11 heures le matin du 5e jour complémentaire de l’an 11 (22 septembre 1803).
La liste des faits qui lui sont reprochés est longue et comporte treize chefs d’accusation. Le commissaire du gouvernement constate notamment que son auberge a servi de repaire à des brigands, que Marie a participé à des expéditions sous des habits masculins, qu’elle a profité des effets volés et même incité la bande à commettre des vols, des viols et des assassinats. Trente-cinq témoins à charge évoquent recel de bijoux, renseignements sur les personnes à détrousser, préparation des embuscades, participation aux actions, soin aux brigands blessés, prosélytisme et même proxénétisme.
Pour se défendre, Marie insiste sur le phénomène alors général du banditisme et sur la fréquence des passages, à partir de 1793 à Esparron, de « fuyards » ou de « brigands » (déserteurs, réquisitionnaires et autres hors-la-loi). Elle s’exonère d’ailleurs de tout lien avec ces bandits. S’ils ont souvent soupé dans son auberge, ce qu’elle ne peut nier, elle avance la thèse de la contrainte : « Je les ai reçus par force, m’ayant d’abord menacée que si je ne leur donnais à boire et à manger, ils violeraient ma fille en ma présence et m’assassineraient, et dès lors je leur dis de ne me faire aucun mal, que j’étais disposée à leur donner ma chemise s’ils l’exigeraient [sic]».
Le brigand repenti Jean-Pierre Pons suggère que Marie Jourdan aurait tissé des relations intimes avec le chef brigand Félix de la Valette, avec qui elle était en affaires et qu’elle aurait même demandé l’assassinat du maire et de l’adjoint d’Esparron. D’autres témoins l’accablent. À Esparron, Gabrielle Burle raconte avoir en vain tenté de soustraire Michel Blanc, que fréquentait sa fille, du brigandage organisé par Marie Jourdan. Les déclarations devant le juge du jeune François Xavier Marcellin, accusé de complicité avec les brigands et qui sert de factotum à Marie Jourdan, sont déterminantes : c’est un « enfant naturel » originaire de Marseille et placé à Esparron, village dont il décrit l’ambiance : « Je voyais à Esparron des étrangers se promener sur la place et dans la rue au devant de la maison d’une femme nommée Arene surnommée « La Belle Marchande » chez laquelle ils logeaient et lorsqu’ils se promenaient, plusieurs d’entre eux fumaient la pipe et ne quittaient jamais leurs fusils ». Ainsi, plus que complice, Marie serait elle-même une brigande. Pons dénonce sa participation à au moins deux expéditions : la première contre le chef d’escadron Mathieu à Gréoux le 14 pluviôse an 8 (3 février 1800) ; la seconde en germinal an 8 au hameau de Reillières, à Saint-Julien-le-Montagnier dans le Var. Pour se fondre dans la bande, elle portait alors des vêtements d’homme.
Malgré ses nombreuses obscurités, la vie de Marie Jourdan n’est jamais tombée dans l’oubli, au moins localement, grâce à divers historiens et romanciers. Ainsi elle revit chez Jean Giono sous les traits de deux personnages romanesques : Françoise Pécoul, le véritable nom d’une brigande nommée « La Belle Marchande », dans L’Iris de Suse (1970), et la veuve Baron, dite « La Belle Hôtesse », dans Les Récits de la demi-brigade (1972). Aujourd’hui, ces héroïnes du passé sont réinterprétées sous des angles nouveaux : infériorité juridique des femmes, revendications socio-politiques globales, brouillage entre désir de réparation personnelle et criminalité, complexité des identités de sexe, agentivité et violence féminines, variantes genrées de l’honneur, etc.

Principales sources imprimées

  • Copie de procédure contre les prévenus de brigandages comme auteurs ou comme complices, Draguignan, chez Fabre, an 12-1804, 4 vol.
  • MAUREL, abbé M. J., Le Brigandage dans les Basses-Alpes, particulièrement depuis l’an VI jusqu’à l’an X. Étude historique contemporaine, Marseille, P. Ruat, 1899.

Choix bibliographique

  • AGULHON, Maurice, La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution, Paris, Société des Études robespierristes, 1970.
  • LABADIE, Jean-Christophe, Les brigands. Basses-Alpes, 1798-1804, Digne-les-Bains, Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, 2020.
  • LAMBERT, Karine, « Femmes et brigandage en Provence au lendemain de la Révolution. Pistes de recherches », Actes du 128e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Bastia, 2003, Paris, CTHS, 2008, p. 221-231. [1]
  • MÉNY, Jacques, « Le brigandage, ”belle matière pour romanciers” », in Bertrand (Michel), Not (André) et Jauer (Annick) dir., Patrimoines gioniens, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2018, p. 225-247 [2]
  • SOTTOCASA, Valérie, Les brigands et la Révolution. Violences politiques et criminalité dans le Midi (1789-1802), Champ Vallon, 2016, coll. Époques.

Jugements

  • « C’était un diable […] ».- « Cette méchante femme en a fait de toutes les couleurs, jusqu’à se déguiser et s’habiller en homme et commettre des vols sur les grands chemins avec des bandes […]. Cette méchante femme a fait elle-même plus du mal qu’on ne saurait imaginer et même décrire » (Digne, interrogatoire du 7 germinal an 11 (28 mars 1803) ; Draguignan, interrogatoires des 17 thermidor (5 et 30 août 1803) et 12 fructidor an 11, de Jean-Pierre Pons dit Turriers ou Turriès, Copie de procédure contre les prévenus de brigandages comme auteurs ou comme complices, Draguignan, chez Fabre, an 12-1804, t. I, p. 71 et 141).




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