Louise Marie Madeleine Fontaine : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
[version vérifiée] | [version vérifiée] |
Ligne 76 : | Ligne 76 : | ||
− | {{DEFAULTSORT:Fontaine, Louise Marie Madeleine}}[[Catégorie:Personnage]][[Catégorie:Dictionnaire Siefar]] | + | {{DEFAULTSORT:Fontaine, Louise Marie Madeleine}}[[Catégorie:Personnage]][[Catégorie:Dictionnaire Siefar]] [[Catégorie:Essais, philosophie]] [[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:savoirs érudition]] [[Catégorie:enseignement]] [[Catégorie:salon, cour, cercle]] [[Catégorie:voyages]] [[Catégorie:mondanité]] |
Version du 12 décembre 2022 à 14:37
Louise Marie Madeleine Fontaine | ||
Conjoint(s) | Claude Dupin (1686-1769) | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Louise Dupin | |
Biographie | ||
Date de naissance | 28 octobre 1706 | |
Date de décès | 20 novembre 1799 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de Frédéric Marty,
Louise Dupin (1706-1799) a tenu l’un des salons les plus brillants de son temps. Elle recevait entre autres célébrités Voltaire, Montesquieu, Buffon, Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre dont elle fut la protégée. Elle est fille de comédienne, petite-fille du dramaturge Dancourt et arrière-petite-fille de La Thorillière, compagnon de Molière. Si elle a été reconnue par J.-L. Guillaume de Fontaine, elle a pour véritable père Samuel Bernard, l’un des banquiers les plus riches d’Europe, issu d’une famille d’artistes-peintres protestants très aisés. Ce dernier, père généreux, lui fait épouser en 1722 Claude Dupin dont il assure l’ascension sociale jusqu’à faire de lui un fermier général en 1728. Mme Dupin tient salon dans son hôtel particulier à Paris mais aussi au château de Chenonceau dont le couple est propriétaire à partir de 1733. Sur le plan littéraire, elle s’essaie d’abord à de petits opuscules moraux. Dans les années 1740, elle se lance dans la rédaction d’un essai visant à défendre la cause des femmes, à vocation encyclopédique (Des femmes). Elle emploie alors comme secrétaire Jean-Jacques Rousseau, encore inconnu, principalement entre 1745 et 1751. C’est par l’entremise de Louise Dupin et à sa demande que Rousseau a entrepris un abrégé des œuvres de l’abbé de Saint-Pierre. Des femmes ne sera jamais publié mais l’autrice a laissé de volumineux dossiers de brouillons manuscrits. En fidèle disciple du philosophe cartésien et « féministe » Poulain de la Barre (1645-1725), elle est partisane de la stricte égalité entre les sexes. Des femmes tel qu’il nous est parvenu (sous forme de 47 chapitres) envisageait successivement la condition des femmes sous l’angle physique, historique, juridique et moral. Après avoir soutenu qu’il n’y a ni infériorité physique ni infériorité intellectuelle des femmes, Louise Dupin engage son lecteur dans un parcours historique et géographique. Elle cherche à prouver que les femmes n’ont pas toujours été tenues en infériorité comme elles le sont en France à son époque. Elle date principalement la détérioration de la condition féminine du concile de Trente (1545-1563). Après une étude des législations relatives aux femmes (principalement le droit romain), elle en vient ensuite aux réformes qu’elle souhaite voir adopter. Il faut abolir la loi salique. Les femmes doivent pouvoir accéder à toutes les professions et disposer de leurs biens. Favorable au divorce, Louise Dupin envisage le mariage comme une sorte de contrat renouvelable qui n’enchaîne pas les individus. Elle envisage aussi une réforme de l’état civil : le parent qui donne son nom à l’enfant serait désormais le plus âgé. On voit donc que Louise Dupin propose une réforme d’ampleur pour rétablir l’égalité entre les sexes : réforme des institutions, du droit matrimonial et successoral et de l’état civil. Pour redonner leur place aux femmes, il faut aussi changer les représentations mentales : les « ouvrages de l’esprit » mais aussi les arts comme le théâtre ou l’opéra, le langage lui-même confortent le préjugé de l’infériorité des femmes. Enfin, une réforme éducative s’impose pour offrir le même enseignement aux deux sexes.
Parallèlement à Des femmes, Louise Dupin a aussi œuvré, dès 1749, avec son mari et deux autres collaborateurs (dont le jésuite Berthier, historien et journaliste) à la première critique d’envergure de De l’Esprit des lois de Montesquieu (1748). Le livre des Dupin, tiré à très peu d’exemplaires, a connu deux versions, dont la seconde s’intitule Observations sur un livre intitulé 'De l’Esprit des lois' (imprimée en 1757-1758). On peut mesurer l’apport personnel de Louise Dupin à ce travail collectif par le dossier préparatoire qu’elle a fourni. D’un point de vue politique, il s’agit d’une défense de la monarchie face à un Montesquieu soupçonné de républicanisme. En outre, Louise Dupin dénonce chez le philosophe ce qu’elle considère être des positions très défavorables aux femmes. Par une lecture serrée de Montesquieu et de ses sources, elle parvient à donner du poids à certaines de ses critiques.
Louise Dupin met visiblement un terme à ses projets littéraires dans les années 1750, tout en continuant à tenir salon. Elle perd son fils unique en 1767 et son mari en 1769. Pendant la Révolution, déjà âgée, elle quitte Paris en 1792 pour se réfugier à Chenonceau dont elle parviendra à rester propriétaire et qu’elle préservera. Elle y meurt en 1799, à l’âge de 93 ans. Elle y est inhumée. Son beau-fils, Louis Dupin de Francueil, est le grand-père de George Sand. En 1884, G. de Villeneuve-Guibert publie la correspondance et certains des écrits de L. Dupin. Dans les années 1950 a lieu la vente aux enchères de ses manuscrits par les héritiers. L'édition scientifique de son ouvrage majeur, Des femmes, a eu lieu en 2022.
Principales oeuvres
Les courts opuscules moraux suivants, dont la chronologie est inconnue mais que l’on peut approximativement dater des années 1730-1740, ont été édités pour la première fois en 1884 dans Le Portefeuille de Madame Dupin de Gaston de Villeneuve-Guibert (Paris, Calmann-Lévy).
- Idées sur le bonheur (années 1730-1740 ?)
- Idées sur l’amitié
- Idées sur l’éducation
- Sur les sentiments de l’âme
- Réponse à une femme de mes amies
L’ouvrage sur les femmes, rédigé entre 1740 (environ) et 1751, et resté longtemps à l’état de manuscrit, est paru sous le titre suivant :
- Des femmes. Observations du préjugé commun sur la différence des sexes, Frédéric Marty éd., Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du XVIIIe siècle », n°58, 2002.
Une variante du « Discours préliminaire » de Des femmes, synthèse des idées féministes de Louise Dupin, est parue simultanément :
- Des femmes. Discours préliminaire, Frédéric Marty éd., Paris, Payot & Rivages, « Petite Bibliothèque Payot », 2022.
Une édition anglaise d’une sélection d’articles de Des femmes est sous presse (en 2022 , par les universitaires américaines Rebecca Wilkin et Angela Hunter.
Ouvrages collectifs (en collaboration avec son époux, notamment) :
- Réflexions sur quelques parties d’un Livre intitulé 'De l’Esprit des Loix'. À Paris, chez Benjamin Serpentin, 1749, 2 vol. (l’éditeur était Guérin). (1749-1750 ?)
- Observations sur un livre intitulé : 'De l’Esprit des loix', divisées en trois parties, [Paris], [s.n.], [sans date], 3 vol. in-8. (1752-1753 ?).
Principales sources
Principaux fonds rassemblant les manuscrits de Louise Dupin et de son secrétaire J.-J. Rousseau intitulés « Papiers Dupin »:
- Abbaye de Chaalis, Oise (S 5621 à 5640).
- Bibliothèque d’Études rousseauistes, Musée Jean-Jacques Rousseau, Montmorency (IR.2000-2002).
- Bibliothèque municipale classée de Bordeaux (MS 2111/1).
- Bibliothèque de Genève (Manuscrits français 215, 216 et 217).
- Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (MS R-NA 14).
- Harry Ransom Humanities Research Center, University of Texas, Austin, Texas (series I-III).
Choix bibliographique
- Buon, Jean, Madame Dupin. Une féministe à Chenonceau au siècle des Lumières, Joué-lès-Tours, éditions La Simarre, 2013.
- Marty, Frédéric, Louise Dupin. Défendre l’égalité des sexes en 1750, Paris, Classiques Garnier, « L’Europe des Lumières », n° 73, 2021.
- Marty, Frédéric, « Rousseau secrétaire de Mme Dupin. L’article 2 de l’Ouvrage sur les femmes : ‘‘De la Génération’’»), Annales Jean-Jacques Rousseau, n° 51, 2013, p. 47-91.
- Sénéchal, Anicet, « Jean-Jacques Rousseau, secrétaire de Madame Dupin, d’après des documents inédits, avec un inventaire des papiers Dupin dispersés en 1957 et 1958 », Annales Jean-Jacques Rousseau, n° 36, 1963-1965, p. 173-288.
- Villeneuve-Guibert Gaston (de), Le Portefeuille de madame Dupin, dame de Chenonceau. Lettres et œuvres inédites, Paris, Calmann-Lévy, 1884.
Choix iconographique
- 1733 ? : Jean-Marc Nattier, Portrait de Madame Dupin, huile sur toile, château de Chenonceau.
- 1735 ? : Jean-Marc Nattier (1685-1766), avec la collaboration de sa fille Catherine-Pauline Nattier (1725-1775), Portrait de Louise Dupin, huile sur toile, collection privée -- (source : Robert Ranjard, Le secret de Chenonceau, Tours, éditions Gibert-Clarey, 1976, 256 pages ; première édition : 1950).
- Date ? : Anonyme, Mme Dupin en costume de vestale (collection du comte de Jouvencel. Photo Rameau. Étampes) -- Source : Bernard Gagnebin, Album Rousseau, Albums de la Pléiade n° 15, Paris, Gallimard, 1973, p. 58).
Jugements
- « Vous êtes, Madame, à la tête du petit nombre de personnes que je regrette dans ma retraite ; personne n’a été touché plus que moi de la solidité et des grâces de votre esprit ; personne n’a été plus charmé de la bonté de votre caractère. J’ai renoncé au monde mais dans le marché que j’ai fait avec la philosophie, j’ai stipulé que je penserais souvent à vous : j’ai toujours tenu parole. » (Correspondance de Voltaire, Paris, Gallimard, Pléiade, 1975-1993, éd. Theodore Besterman, t.VI, p. 221, lettre 6451 --dernière lettre de Voltaire à Louise Dupin, 19 janvier 1761)
- « Sa maison, aussi brillante alors qu’aucune d’autre dans Paris, rassemblait des sociétés auxquelles il ne manquait que d’être un peu moins nombreuses pour être l’élite dans tous les genres. Elle aimait à voir tous les gens qui jetaient de l’éclat, les grands, les gens de lettres, les belles femmes […] Si son maintien réservé n’attirait pas beaucoup les jeunes gens, sa société, d’autant mieux composée, n’en était que plus imposante […]. [...] Elle était encore, quand je la vis pour la première fois, une des plus belles femmes de Paris. Elle me reçut à sa toilette. Elle avait les bras nus, les cheveux épars, son peignoir mal arrangé. Cet abord m’était très nouveau ; ma pauvre tête n’y tint pas ; je me trouble, je m’égare, et bref me voilà épris de Mme Dupin. » (Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1959-1995, tome I, 1959, p. 291-292)
- « Lorsque l’Esprit des lois parut, il s’en fit plusieurs critiques mauvaises ou médiocres qu’il méprisa fortement. Mais un homme de lettres connu en fit une dont M. du Pin voulut bien se reconnaître l’auteur, et qui contenait d’excellentes choses. M. de Montesquieu en eut connaissance et fut au désespoir. » (Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes, Jean Dagen (éd.), Paris, 1968, n° 844, p. 241 (À propos de l’ouvrage de réfutation de Montesquieu par les Dupin)
- « […] malgré la réputation d’esprit et de charme dont elle a joui, et les éloges que lui ont accordés ses contemporains, cette femme remarquable n’a jamais voulu occuper dans la république des lettres sérieuses la place qu’elle méritait. [...] Madame Dupin cultivait les lettres et la philosophie sans ostentation et sans attacher son nom aux ouvrages de son mari, dont cependant elle aurait pu, j’en suis certaine, revendiquer la meilleure partie et les meilleures idées. Leur critique étendue de L’Esprit des lois est un très bon ouvrage peu connu et peu apprécié, inférieur par la forme à celui de Montesquieu, mais supérieur dans le fond à beaucoup d’égards, et, par cela même qu’il émettait dans le monde des idées plus avancées, il dut passer inaperçu à côté du génie de Montesquieu, qui répondait à toutes les tendances et à toutes les aspirations politiques du moment. [...] La forme de ses écrits est aussi limpide que son âme, aussi délicate, souriante et fraîche que les traits de son visage. Cette forme est sienne, et la correction élégante n’y nuit point à l’originalité. Elle écrit la langue de son temps, mais elle a le tour de Montaigne, le trait de Bayle […]. » (George Sand, Histoire de ma vie, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, vol. 1, « Œuvres autobiographiques », p. 41-42, 46)
- (À propos de la dispersion des manuscrits de Louise Dupin au XXe siècle) : « Morcelé, fragmenté, démembré, émietté, tel a été le sort de cet ensemble d’extraits, de copies, de brouillons conservés pendant près de deux siècles chez les descendants de Mme Dupin […] [ses] archives, divisées en une centaine de lots ont été adjugées à des libraires (généralement parisiens) qui les ont revendus en les fragmentant de nouveau pour former de plus petits dossiers […]. » (Bernard Gagnebin, « Note sur la dispersion des Papiers Dupin », Annales Jean-Jacques Rousseau, 1963-1965, tome 36, p. 289-290 )