Madeleine Béjart : Différence entre versions
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+ | Madeleine, née à Paris, est la deuxième enfant de Joseph Béjart, qui se déclare à sa naissance «huissier ordinaire du roi ès eaux et forêts de France au Palais», et de Marie Hervé, «maîtresse toilière-lingère», mariés en 1615 (ils eurent 9 enfants). Une certaine instabilité du père entraîne des difficultés financières, et Marie Hervé demande en 1632 une séparation de biens. | ||
+ | À ses 15 ans, on promet Madeleine à un mariage bourgeois, mais le contrat est annulé, on ne sait pourquoi. Très jeune, ayant reçu une bonne éducation, sachant chanter et danser, elle fréquente les milieux du théâtre, sans doute par Marie Courtin, demi-sœur de sa mère, qui épouse en 1636 J.-B. L’Hermite de Vauselle, frère cadet de Tristan L’Hermite (qui triomphe alors avec ''La Mariane''), lui-même homme de lettres. Est alors publié, sous la signature de Madeleine, un poème d’éloge en l’honneur de Rotrou, pour son ''Hercule mourant''. Rien ne prouve qu’elle aurait dès lors commencé une carrière de comédienne, comme on l’a dit. Peut-être est-ce J.-B. L’Hermite qui la présente à Esprit de Rémond, chevalier, puis comte de Modène, chambellan de Gaston d’Orléans : émancipée par ses parents, elle devient sa maîtresse, et il lui offre une maison, sous la forme d’une vente fictive.<br/> | ||
+ | En 1638, elle donne naissance à une fille, baptisée comme enfant illégitime, mais reconnue par le père. Cette fille semble n’avoir pas survécu, et peut-être Madeleine en a-t-elle eu une seconde en 1641 (voir [[Armande Béjart]]), car elle reste liée avec Esprit de Modène, malgré les déplacements de celui-ci en province et ses tribulations politiques et économiques.<br/> | ||
+ | On ne sait pas dans quelles circonstances elle rencontre Molière (les deux familles n’étaient pas sans liens), avant de signer avec lui et un groupe de (futur.es) comédien.nes (dont son frère aîné Joseph et sa sœur Geneviève) le contrat de fondation de l’Illustre Théâtre (juin 1643). Ce contrat, qui en fait une comédienne professionnelle, lui assure non seulement une part identique à celle des hommes, mais aussi le libre choix de ses rôles. Malgré de grands succès – Madeleine s’illustre dans le rôle d’Épicharis de ''La Mort de Sénèque'' de Tristan l’Hermite – l’Illustre Théâtre cumule les dettes, et fait faillite. En 1646, Molière, Madeleine et quelques autres partent rejoindre la troupe itinérante de Charles Dufresne, sous la protection du duc d’Épernon, puis du Prince de Conti. Ce furent des années fastes, où la troupe a gagné beaucoup d’argent (rien à voir avec l’image misérabiliste qu’on en a donnée). <br/> | ||
+ | Madeleine avait pris de bonne heure l’habitude d’administrer ses propres affaires ; pendant le long séjour que la troupe fait en province, elle continue, non seulement de gérer celles de la troupe, mais aussi de veiller à ses intérêts : on retrouve de nombreux actes notariés signés, ou cosignés, par elle. | ||
+ | Après le retour à Paris (1658), elle crée le rôle de Madelon des ''Précieuses ridicules''. Dans ''L’Impromptu de Versailles'', elle est définie comme « prude » ; mais elle donne d’excellents conseils à l’auteur et directeur de troupe Molière, et théorise fort clairement la différence entre le comédien et l’homme. Elle joue aussi Jocaste dans ''La Thébaïde'' de Racine. <br/> | ||
+ | On connaît souvent mal la distribution des créations de Molière, et des pièces d’autres auteurs qu’il monte avec sa troupe, mais il est certain qu’elle ne cesse pas de jouer. Chapelle fait état (en 1659) de dissensions dans la troupe ; il évoque une lettre de Molière où celui-ci se plaint des « partialités de [ses] trois grandes actrices pour la distribution de [ses] rôles » (Madeleine, Catherine de Brie et Marquise du Parc). Après les débuts d’Armande, et l’âge venant, elle laisse les premiers rôles pour des emplois de servante (Dorine dans ''Le Tartuffe'') ou de femme d’intrigue (Frosine dans ''L’Avare''). | ||
+ | Après avoir réglé, avec l’accord de Molière et Armande, la succession de sa mère Marie Hervé, elle tombe malade en janvier 1672, fait son testament, léguant une fortune assez considérable à Armande (nouvelle preuve qu’il s’agissait bien de sa fille), et reçoit les derniers sacrements ; ayant pu renoncer à sa profession de comédienne comme l’exigeait l’Église, elle est inhumée sans difficulté. <br/> | ||
+ | Si l’on ignore la part qu’elle a pu prendre aux œuvres de Molière, il est certain qu’elle joua un rôle essentiel non seulement dans sa vie affective, mais aussi dans la réussite de sa carrière professionnelle, en « femme de théâtre » complète : comédienne, administratrice, autrice, conseillère littéraire. | ||
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Version du 8 février 2022 à 07:18
Madeleine Béjart | ||
Dénomination(s) | Mlle Béjart | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 8 janvier 1618 | |
Date de décès | 17 février 1672 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution |
_FORCETOC_
Notice de Claudine Nedelec, 2022
Madeleine, née à Paris, est la deuxième enfant de Joseph Béjart, qui se déclare à sa naissance «huissier ordinaire du roi ès eaux et forêts de France au Palais», et de Marie Hervé, «maîtresse toilière-lingère», mariés en 1615 (ils eurent 9 enfants). Une certaine instabilité du père entraîne des difficultés financières, et Marie Hervé demande en 1632 une séparation de biens.
À ses 15 ans, on promet Madeleine à un mariage bourgeois, mais le contrat est annulé, on ne sait pourquoi. Très jeune, ayant reçu une bonne éducation, sachant chanter et danser, elle fréquente les milieux du théâtre, sans doute par Marie Courtin, demi-sœur de sa mère, qui épouse en 1636 J.-B. L’Hermite de Vauselle, frère cadet de Tristan L’Hermite (qui triomphe alors avec La Mariane), lui-même homme de lettres. Est alors publié, sous la signature de Madeleine, un poème d’éloge en l’honneur de Rotrou, pour son Hercule mourant. Rien ne prouve qu’elle aurait dès lors commencé une carrière de comédienne, comme on l’a dit. Peut-être est-ce J.-B. L’Hermite qui la présente à Esprit de Rémond, chevalier, puis comte de Modène, chambellan de Gaston d’Orléans : émancipée par ses parents, elle devient sa maîtresse, et il lui offre une maison, sous la forme d’une vente fictive.
En 1638, elle donne naissance à une fille, baptisée comme enfant illégitime, mais reconnue par le père. Cette fille semble n’avoir pas survécu, et peut-être Madeleine en a-t-elle eu une seconde en 1641 (voir Armande Béjart), car elle reste liée avec Esprit de Modène, malgré les déplacements de celui-ci en province et ses tribulations politiques et économiques.
On ne sait pas dans quelles circonstances elle rencontre Molière (les deux familles n’étaient pas sans liens), avant de signer avec lui et un groupe de (futur.es) comédien.nes (dont son frère aîné Joseph et sa sœur Geneviève) le contrat de fondation de l’Illustre Théâtre (juin 1643). Ce contrat, qui en fait une comédienne professionnelle, lui assure non seulement une part identique à celle des hommes, mais aussi le libre choix de ses rôles. Malgré de grands succès – Madeleine s’illustre dans le rôle d’Épicharis de La Mort de Sénèque de Tristan l’Hermite – l’Illustre Théâtre cumule les dettes, et fait faillite. En 1646, Molière, Madeleine et quelques autres partent rejoindre la troupe itinérante de Charles Dufresne, sous la protection du duc d’Épernon, puis du Prince de Conti. Ce furent des années fastes, où la troupe a gagné beaucoup d’argent (rien à voir avec l’image misérabiliste qu’on en a donnée).
Madeleine avait pris de bonne heure l’habitude d’administrer ses propres affaires ; pendant le long séjour que la troupe fait en province, elle continue, non seulement de gérer celles de la troupe, mais aussi de veiller à ses intérêts : on retrouve de nombreux actes notariés signés, ou cosignés, par elle.
Après le retour à Paris (1658), elle crée le rôle de Madelon des Précieuses ridicules. Dans L’Impromptu de Versailles, elle est définie comme « prude » ; mais elle donne d’excellents conseils à l’auteur et directeur de troupe Molière, et théorise fort clairement la différence entre le comédien et l’homme. Elle joue aussi Jocaste dans La Thébaïde de Racine.
On connaît souvent mal la distribution des créations de Molière, et des pièces d’autres auteurs qu’il monte avec sa troupe, mais il est certain qu’elle ne cesse pas de jouer. Chapelle fait état (en 1659) de dissensions dans la troupe ; il évoque une lettre de Molière où celui-ci se plaint des « partialités de [ses] trois grandes actrices pour la distribution de [ses] rôles » (Madeleine, Catherine de Brie et Marquise du Parc). Après les débuts d’Armande, et l’âge venant, elle laisse les premiers rôles pour des emplois de servante (Dorine dans Le Tartuffe) ou de femme d’intrigue (Frosine dans L’Avare).
Après avoir réglé, avec l’accord de Molière et Armande, la succession de sa mère Marie Hervé, elle tombe malade en janvier 1672, fait son testament, léguant une fortune assez considérable à Armande (nouvelle preuve qu’il s’agissait bien de sa fille), et reçoit les derniers sacrements ; ayant pu renoncer à sa profession de comédienne comme l’exigeait l’Église, elle est inhumée sans difficulté.
Si l’on ignore la part qu’elle a pu prendre aux œuvres de Molière, il est certain qu’elle joua un rôle essentiel non seulement dans sa vie affective, mais aussi dans la réussite de sa carrière professionnelle, en « femme de théâtre » complète : comédienne, administratrice, autrice, conseillère littéraire.