Marguerite ou Geneviève Blanchot : Différence entre versions
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− | == Notice == | + | == Notice de [[Daniel Clauzier]], 2020 == |
+ | Marguerite Blanchot, nommée « Geneviève » dans certains documents (ceux notamment qui reprennent la notice consacrée au peintre Santerre par l'historien d'art Antoine Joseph Dezallier d'Argenville en1752), est une peintre copiste française du tournant des XVIIe-XVIIIe siècles. Elle est sans doute parisienne, mais on ignore ses dates et lieu de naissance, de même que l'origine socio-professionnelle de ses parents.<br/> | ||
+ | Élève du peintre portraitiste Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), elle entre dans son atelier vers 1692. Son nom est associé, dans plusieurs sources posthumes, à une « école » de peinture créée par le peintre et destinée à des jeunes femmes « pour divertir sa philosophie ». Faute de sources contemporaines, l'existence de cette « académie » demeure douteuse. En effet, Marguerite Blanchot, connue sous le nom de « Godon », est la seule élève attestée du peintre. Mentionnée régulièrement dans les biographies de celui-ci, elle y apparaît également comme modèle, puis compagne du peintre, de 1692 environ jusqu'à la mort de Santerre en 1717. Dans le testament du peintre, c’est sous le prénom de Marguerite qu’elle apparaît : « [...] Damoiselle Marguerite Blanchot fille majeure qui demeure avec lui depuis vingt ans environs qu'elle y est entrée comme apprentisse, a paie [payé] de ses deniers les meubles meublant étant dans la chambre qu'elle occupe et toute la vaisselle d'argent servant au ménage du dit Sr Santerre. ». Suite au décès, un conflit s'engage entre Marguerite Blanchot et l'Académie Royale des Beaux-Arts, qui lui réclame les 200 livres dues depuis la réception de Santerre pour son « présent pécuniaire ». Elle est condamnée à payer la somme en mars 1718.<br/> | ||
+ | Selon Dézalliers d'Argenville, elle n'aurait exécuté que des copies d'après Santerre, et ces toiles ne sont évidemment pas signées. Le peintre Alexis Grimou (1678-1733) aurait fait de même, comme d'autres copistes aujourd’hui tombés dans l'oubli. Néanmoins, la plus récente spécialiste de Santerre, Claude Lesné, a identifié dans plusieurs bonnes répliques une main commune qu'elle propose d'attribuer à Marguerite.<br/> | ||
+ | Bien qu'elle semble avoir souvent servi de modèle à Santerre, il n'existe d'elle que deux portraits explicites, l'un conservé au Musée Sainte-Croix de Poitiers, l'autre au Kunstmuseum de Bâle. Ces deux portraits correspondent certainement aux deux tableaux présentés en pendant au Salon de 1704 sous le titre « La Peinture dans deux attitudes ». Une réplique du tableau de Bâle est conservée au musée d'Orléans, et une copie gravée par Catherine Duchesne en a assuré la renommée, de même que celle du modèle, sous le titre « Portrait de Geneviève Blanchot ». Claude Lesné propose également de l'identifier comme le modèle du Portrait de Jeune Femme conservé au musée d'Albi (dépôt du château de Versailles). <br/> | ||
+ | La réputation sulfureuse que les historiens des XVIIIe et XIXe siècles ont donnée à Jean-Baptiste Santerre et à son académie de jeunes femmes, est sans doute exagérée. Elle s'est vraisemblablement construite en raison du long concubinage du peintre et de son élève, modèle et copiste, signe d'un choix de vie incompris par le plus grand nombre. Ainsi la duchesse d'Orléans, se lamentant de la débauche de son époque, rappelle « […] un peintre, à Paris, qui s'appelait Santerre ; il n'avait point de valets mais il se faisait servir par de jeunes filles qui l'habillaient et le déshabillaient. Il n'était pas marié ». De même, dans ses ''Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture'' (1752), Jean-Baptiste Boyer d'Argens ne mentionne pas Marguerite Blanchot ni l'académie de jeunes femmes mais insiste sur le célibat du peintre : il y évoque l'anecdote de la destruction par Santerre, à la fin de sa vie, de l'ensemble de ses dessins licencieux. Malgré - ou grâce - à ces racontars, la célébrité de Marguerite Blanchot a perduré au moins jusqu'au XIXe siècle, car elle est mentionnée dans les dictionnaires d'Elizabeth Fries Ellet (1859) et de Charles Blanc (1862).<br/> | ||
+ | Le rôle de copiste dans lequel étaient très souvent cantonnées les femmes peintres qui espéraient vivre de leur art, les rejetaient dans l'anonymat. En dépit de sa carrière modeste et des très nombreuses lacunes qui subsistent dans sa biographie, la figure de Marguerite Blanchot permet de rappeler non seulement le rapport amoureux (et souvent passionnel) qu'entretiennent les couples que forment l’artiste et son modèle, mais aussi l'importance du lien professionnel, essentiel sous l’Ancien Régime, entre l'inventeur de formes et sa/son copiste. | ||
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Version du 26 mars 2021 à 09:34
Marguerite ou Geneviève Blanchot | ||
Dénomination(s) | Marguerite Blanchot; Geneviève Blanchot; Mademoiselle Godon | |
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Biographie | ||
Date de naissance | avant 1680 | |
Date de décès | ? | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Louis-Abel Abbé de Fontenai (1776) |
Notice de Daniel Clauzier, 2020
Marguerite Blanchot, nommée « Geneviève » dans certains documents (ceux notamment qui reprennent la notice consacrée au peintre Santerre par l'historien d'art Antoine Joseph Dezallier d'Argenville en1752), est une peintre copiste française du tournant des XVIIe-XVIIIe siècles. Elle est sans doute parisienne, mais on ignore ses dates et lieu de naissance, de même que l'origine socio-professionnelle de ses parents.
Élève du peintre portraitiste Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), elle entre dans son atelier vers 1692. Son nom est associé, dans plusieurs sources posthumes, à une « école » de peinture créée par le peintre et destinée à des jeunes femmes « pour divertir sa philosophie ». Faute de sources contemporaines, l'existence de cette « académie » demeure douteuse. En effet, Marguerite Blanchot, connue sous le nom de « Godon », est la seule élève attestée du peintre. Mentionnée régulièrement dans les biographies de celui-ci, elle y apparaît également comme modèle, puis compagne du peintre, de 1692 environ jusqu'à la mort de Santerre en 1717. Dans le testament du peintre, c’est sous le prénom de Marguerite qu’elle apparaît : « [...] Damoiselle Marguerite Blanchot fille majeure qui demeure avec lui depuis vingt ans environs qu'elle y est entrée comme apprentisse, a paie [payé] de ses deniers les meubles meublant étant dans la chambre qu'elle occupe et toute la vaisselle d'argent servant au ménage du dit Sr Santerre. ». Suite au décès, un conflit s'engage entre Marguerite Blanchot et l'Académie Royale des Beaux-Arts, qui lui réclame les 200 livres dues depuis la réception de Santerre pour son « présent pécuniaire ». Elle est condamnée à payer la somme en mars 1718.
Selon Dézalliers d'Argenville, elle n'aurait exécuté que des copies d'après Santerre, et ces toiles ne sont évidemment pas signées. Le peintre Alexis Grimou (1678-1733) aurait fait de même, comme d'autres copistes aujourd’hui tombés dans l'oubli. Néanmoins, la plus récente spécialiste de Santerre, Claude Lesné, a identifié dans plusieurs bonnes répliques une main commune qu'elle propose d'attribuer à Marguerite.
Bien qu'elle semble avoir souvent servi de modèle à Santerre, il n'existe d'elle que deux portraits explicites, l'un conservé au Musée Sainte-Croix de Poitiers, l'autre au Kunstmuseum de Bâle. Ces deux portraits correspondent certainement aux deux tableaux présentés en pendant au Salon de 1704 sous le titre « La Peinture dans deux attitudes ». Une réplique du tableau de Bâle est conservée au musée d'Orléans, et une copie gravée par Catherine Duchesne en a assuré la renommée, de même que celle du modèle, sous le titre « Portrait de Geneviève Blanchot ». Claude Lesné propose également de l'identifier comme le modèle du Portrait de Jeune Femme conservé au musée d'Albi (dépôt du château de Versailles).
La réputation sulfureuse que les historiens des XVIIIe et XIXe siècles ont donnée à Jean-Baptiste Santerre et à son académie de jeunes femmes, est sans doute exagérée. Elle s'est vraisemblablement construite en raison du long concubinage du peintre et de son élève, modèle et copiste, signe d'un choix de vie incompris par le plus grand nombre. Ainsi la duchesse d'Orléans, se lamentant de la débauche de son époque, rappelle « […] un peintre, à Paris, qui s'appelait Santerre ; il n'avait point de valets mais il se faisait servir par de jeunes filles qui l'habillaient et le déshabillaient. Il n'était pas marié ». De même, dans ses Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture (1752), Jean-Baptiste Boyer d'Argens ne mentionne pas Marguerite Blanchot ni l'académie de jeunes femmes mais insiste sur le célibat du peintre : il y évoque l'anecdote de la destruction par Santerre, à la fin de sa vie, de l'ensemble de ses dessins licencieux. Malgré - ou grâce - à ces racontars, la célébrité de Marguerite Blanchot a perduré au moins jusqu'au XIXe siècle, car elle est mentionnée dans les dictionnaires d'Elizabeth Fries Ellet (1859) et de Charles Blanc (1862).
Le rôle de copiste dans lequel étaient très souvent cantonnées les femmes peintres qui espéraient vivre de leur art, les rejetaient dans l'anonymat. En dépit de sa carrière modeste et des très nombreuses lacunes qui subsistent dans sa biographie, la figure de Marguerite Blanchot permet de rappeler non seulement le rapport amoureux (et souvent passionnel) qu'entretiennent les couples que forment l’artiste et son modèle, mais aussi l'importance du lien professionnel, essentiel sous l’Ancien Régime, entre l'inventeur de formes et sa/son copiste.