Marie-Madeleine du Moncel de Martinvast : Différence entre versions
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+ | Issue de la petite noblesse du Cotentin, Marie-Madeleine du Moncel, fille de Hervé du Moncel, seigneur de Beaurepaire et de Martinvast, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et capitaine des gardes-chasses au bailliage du Cotentin, et de Madeleine Bonenfant, naît en 1627; on lui connaît quatre frères, dont les cadets deviendront respectivement curé, chevalier de Malte et officier de marine. Sur son éducation, on ne sait que ce qu’elle en a dit plus tard, parlant de « l’ignorance grossière » où elle avait été élevée (lettre du 21 janvier 1671). Elle rencontre Georges de Scudéry, de vingt-six ans son aîné, fin 1654 ou début 1655, chez sa parente Mme de L’Espinay de Pirou. Il est alors auréolé de son élection à l’Académie française (1650), de sa participation à la Fronde (qui lui vaut beaucoup de prestige même si c’est elle qui l’oblige à se faire un peu oublier en province) et de l’éclatant succès du roman ''Artamène ou le grand Cyrus'' (1649-1653), publié sous son seul nom même si sa sœur [[Madeleine de Scudéry|Madeleine]] en a très vraisemblablement écrit une (grande?) part. L’intérêt de la jeune femme pour la littérature n’est d’ailleurs peut-être pas étranger au mariage, si on en croit Tallemant des Réaux : « Une demoiselle romanesque, qui mourait d’envie de travailler à un roman, croyant que c’était lui [Georges] qui les faisait, l’épousa ». La dot n’est pas négligeable non plus (30 000 livres) et le contrat de mariage est signé le 1er juillet 1655 à Martinvast. Les nouveaux époux s’installent d’abord au nord de Coutances chez une parente, et un fils, Jean-Louis, naît en 1658. Après une brève visite à Marseille, où Georges est toujours officiellement gouverneur de Notre-Dame de La Garde, le retour en grâce de Condé permet l’installation du couple à Paris, dès février 1660, dans le quartier du Marais, tout près de la maison qu’occupait [[Madeleine de Scudéry|Mlle de Scudéry]]. On n’a pas de traces des relations entre les belles-sœurs, mais il est certain que Mme de Scudéry se met très vite à fréquenter les cercles mondains, et elle est présentée l’année suivante par Somaize dans son ''Dictionnaire des Précieuses'' comme une précieuse de qualité. C’est sans doute à ce moment là qu’elle devient amie de Mme de Montglas et fait la connaissance de son amant, Roger de Bussy-Rabutin, son futur correspondant.<br/> | ||
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+ | On ne sait trop que penser de ce qu’a été son mariage avec Georges, car à plusieurs reprises l’épistolière affirme qu’elle n’a jamais connu l’amour; mais quand Bussy la plaisante sur son bonheur de veuve, elle se met en colère et se lance avec conviction dans un éloge de son défunt époux ; par ailleurs, on peut penser qu’elle a participé à l’écriture du dernier roman de son mari, ''Almoravide ou l’esclave-reine''. Mme de Scudéry devient veuve le 14 mai 1667 après douze années de mariage. Son veuvage dure jusqu’à sa mort, soit près de quarante-quatre ans, et c’est de cette période que date sa correspondance avec Bussy. La première lettre conservée date du printemps 1670, la dernière de 1691, mais sur 157 lettres connues, la plupart datent de la première décennie de leur échange. Elle y traite, avec style, de la chronique mondaine dont raffole son correspondant en exil; mais au fil des lettres, une vraie amitié se noue, au point que « l’amitié tendre » de la précieuse se trouble parfois des pressantes déclarations du toujours séduisant Bussy. Elle se plaint aussi beaucoup de ses difficultés pécuniaires, et reçoit, comme sa belle-sœur, le soutien de [[Françoise d'Aubigné|Mme de Maintenon]] (voir la lettre du 3 mars 1682 de cette dernière); elle explique ainsi la nécessaire « vocation » de son fils unique : « J’ai fait mon fils d’église ; je prétends en faire un prélat. Que faire autre chose, quand on est né avec quelque qualité sans bien ? » (lettre du 16 août 1672) : il deviendra chanoine de la cathédrale de Tournai. Ses jugements littéraires éclairés (sur ses lectures, sur le Père Rapin ou Fontenelle), son humour plein d’autodérision, son trait de plume qui sait parfois se faire incisif expliquent amplement pourquoi ses lettres ont pu être appréciées d’un correspondant aussi exigeant que Bussy. Elle s’éteint à Paris en 1711.<br/> | ||
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+ | Longtemps uniquement accessibles par les éditions de la correspondance de Bussy-Rabutin, les lettres de Mme de Scudéry ne connurent une première édition indépendante qu’au XIXe siècle. L’intérêt récent de la critique universitaire pour le rôle central joué par Madeleine de Scudéry dans la construction de la culture galante n’a jusque là que que très peu bénéficié à Mme de Scudéry, que l’on confond souvent avec sa belle-sœur. Deux éditions récentes de sa correspondance corrigent un peu cette obscurité. | ||
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Version du 17 décembre 2019 à 12:40
Marie-Madeleine du Moncel de Martinvast | ||
Conjoint(s) | Georges de Scudéry | |
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Dénomination(s) | Madame de Scudéry Madame de Martinvast Sarraïde (Dictionnaire des Précieuses de Somaize) | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1627 | |
Date de décès | 6 septembre 1711 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Sommaire
Notice de Nathalie Grande, 2019
Issue de la petite noblesse du Cotentin, Marie-Madeleine du Moncel, fille de Hervé du Moncel, seigneur de Beaurepaire et de Martinvast, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et capitaine des gardes-chasses au bailliage du Cotentin, et de Madeleine Bonenfant, naît en 1627; on lui connaît quatre frères, dont les cadets deviendront respectivement curé, chevalier de Malte et officier de marine. Sur son éducation, on ne sait que ce qu’elle en a dit plus tard, parlant de « l’ignorance grossière » où elle avait été élevée (lettre du 21 janvier 1671). Elle rencontre Georges de Scudéry, de vingt-six ans son aîné, fin 1654 ou début 1655, chez sa parente Mme de L’Espinay de Pirou. Il est alors auréolé de son élection à l’Académie française (1650), de sa participation à la Fronde (qui lui vaut beaucoup de prestige même si c’est elle qui l’oblige à se faire un peu oublier en province) et de l’éclatant succès du roman Artamène ou le grand Cyrus (1649-1653), publié sous son seul nom même si sa sœur Madeleine en a très vraisemblablement écrit une (grande?) part. L’intérêt de la jeune femme pour la littérature n’est d’ailleurs peut-être pas étranger au mariage, si on en croit Tallemant des Réaux : « Une demoiselle romanesque, qui mourait d’envie de travailler à un roman, croyant que c’était lui [Georges] qui les faisait, l’épousa ». La dot n’est pas négligeable non plus (30 000 livres) et le contrat de mariage est signé le 1er juillet 1655 à Martinvast. Les nouveaux époux s’installent d’abord au nord de Coutances chez une parente, et un fils, Jean-Louis, naît en 1658. Après une brève visite à Marseille, où Georges est toujours officiellement gouverneur de Notre-Dame de La Garde, le retour en grâce de Condé permet l’installation du couple à Paris, dès février 1660, dans le quartier du Marais, tout près de la maison qu’occupait Mlle de Scudéry. On n’a pas de traces des relations entre les belles-sœurs, mais il est certain que Mme de Scudéry se met très vite à fréquenter les cercles mondains, et elle est présentée l’année suivante par Somaize dans son Dictionnaire des Précieuses comme une précieuse de qualité. C’est sans doute à ce moment là qu’elle devient amie de Mme de Montglas et fait la connaissance de son amant, Roger de Bussy-Rabutin, son futur correspondant.
On ne sait trop que penser de ce qu’a été son mariage avec Georges, car à plusieurs reprises l’épistolière affirme qu’elle n’a jamais connu l’amour; mais quand Bussy la plaisante sur son bonheur de veuve, elle se met en colère et se lance avec conviction dans un éloge de son défunt époux ; par ailleurs, on peut penser qu’elle a participé à l’écriture du dernier roman de son mari, Almoravide ou l’esclave-reine. Mme de Scudéry devient veuve le 14 mai 1667 après douze années de mariage. Son veuvage dure jusqu’à sa mort, soit près de quarante-quatre ans, et c’est de cette période que date sa correspondance avec Bussy. La première lettre conservée date du printemps 1670, la dernière de 1691, mais sur 157 lettres connues, la plupart datent de la première décennie de leur échange. Elle y traite, avec style, de la chronique mondaine dont raffole son correspondant en exil; mais au fil des lettres, une vraie amitié se noue, au point que « l’amitié tendre » de la précieuse se trouble parfois des pressantes déclarations du toujours séduisant Bussy. Elle se plaint aussi beaucoup de ses difficultés pécuniaires, et reçoit, comme sa belle-sœur, le soutien de Mme de Maintenon (voir la lettre du 3 mars 1682 de cette dernière); elle explique ainsi la nécessaire « vocation » de son fils unique : « J’ai fait mon fils d’église ; je prétends en faire un prélat. Que faire autre chose, quand on est né avec quelque qualité sans bien ? » (lettre du 16 août 1672) : il deviendra chanoine de la cathédrale de Tournai. Ses jugements littéraires éclairés (sur ses lectures, sur le Père Rapin ou Fontenelle), son humour plein d’autodérision, son trait de plume qui sait parfois se faire incisif expliquent amplement pourquoi ses lettres ont pu être appréciées d’un correspondant aussi exigeant que Bussy. Elle s’éteint à Paris en 1711.
Longtemps uniquement accessibles par les éditions de la correspondance de Bussy-Rabutin, les lettres de Mme de Scudéry ne connurent une première édition indépendante qu’au XIXe siècle. L’intérêt récent de la critique universitaire pour le rôle central joué par Madeleine de Scudéry dans la construction de la culture galante n’a jusque là que que très peu bénéficié à Mme de Scudéry, que l’on confond souvent avec sa belle-sœur. Deux éditions récentes de sa correspondance corrigent un peu cette obscurité.