Trotula : Différence entre versions
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Trotula | ||
Biographie | ||
Naissance | XIe-XIIe s. | |
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Région d'origine | Salerne (Italie) | |
Dénomination(s) | Trotula, Trota, Trote | |
Activités | ||
Domaines de notoriété | autrice putative d'un traité de gynécologie | |
Sommaire
Sources anciennes principales
«Sachiez que […] dame qui a non ma dame Trote de Salerne qui fait cuevrechies de ses oreilles, et li sorciz li pendent a chaainnes d'argent par dessus les espaules, [est] la plus sage dame qui soit enz quatre parties dou monde», indique le poète Rutebeuf, dans son Diz de l’erberie au XIIIe siècle. Un siècle plus tard, Geoffrey Chaucer mentionne également dans Les contes de Canterbury, les œuvres d’une certaine Trotula, autrice d’un « book of wikked wyves », dont la renommée gagne alors tout l'Occident.
Pourtant, rien n’atteste aujourd’hui historiquement l’existence de ce personnage, désormais sujet à caution. Derrière ces diverses appellations se cacherait une sage-femme également médecin, épouse d’un praticien, ayant vécu vers les XIe-XIIe siècles dans la ville de Salerne. L’université salernitaine, non soumise à la juridiction de l’Église, abrite alors une brillante école de médecine qui confie la pratique médicale à des laïcs et se montre particulièrement favorable aux problématiques féminines. De ce milieu aurait donc émergé le personnage de Trotula – nom au demeurant très commun dans le sud de l’Italie – connue pour être l’autrice du premier traité de gynécologie.
Article de Julie Pilorget, 2014
L’existence d’un traité de gynécologie désigné sous ce terme est, quant à elle, bien attestée, même si l’ouvrage a connu de nombreux remaniements au cours de sa diffusion au bas Moyen Âge. Ce récit, témoignant d’une grande connaissance du corps féminin et d’un savoir pratique appliqué aux maladies de femmes, constituerait le premier ouvrage écrit dans le domaine des soins par une femme à l’intention des femmes. Cela étant, ce savoir ne saurait être attribué à un seul personnage, et derrière Trotula se cacheraient en réalité plusieurs autrices, probablement rien que des femmes. Selon Monica Green, dont les recherches fournissent actuellement l’essentiel de la documentation à ce propos, le personnage semi-légendaire de Trotula ne représenterait qu’un exemple parmi d’autres, de femmes pratiquant et théorisant la médecine à Salerne au XIIe siècle. Ce personnage constitue d’ailleurs sans doute une construction a posteriori issue d’une confusion entre l’autrice et le titre même sous lequel l’ouvrage fut largement diffusé en Europe entre le XIIe et le XVIe siècle : la Summa que dicitur Trotula ou Trotula mulierum.
La composition de l’ouvrage elle-même pose problème. Il semble qu’au traité salernitain initial aient été ajoutés par la suite deux autres traités, issus quant à eux d’auteurs masculins. L’ouvrage diffusé au bas Moyen Âge résulterait d’une compilation. On distingue à l’intérieur de cet ensemble le Liber de sinthomatibus mulierum («Livre sur la condition des femmes»), du De curis mulierum («Des femmes et de leurs traitements») et du De ornatu mulierum («L’ornement des dames»). L’analyse comparée du fond et de la forme de chaque œuvre ne laisse place à aucun doute : seul le second écrit proviendrait du milieu salernitain et serait l’œuvre d’une femme. Notons que, sur les 130 versions latines et la dizaine de traductions réalisées en langues vernaculaires (français, flamand, anglais, italien ou hébreu) au cours du bas Moyen Âge, à chaque fois le De curis mulierum, que l’on peut identifier comme le Trotula, est reproduit dans son intégralité.
C’est sous cet aspect composite que l’ouvrage se diffuse par la suite aux époques moderne et contemporaine, prenant appui sur la première édition du manuscrit réalisée en 1544 à Strasbourg par Georg Kraut, elle-même fruit de nombreux remaniements et ajouts.
Ainsi, il faut attendre la fin du XXe siècle pour qu’un regain d’intérêt concernant la question suscite de nouvelles recherches et que la trame originale de l’œuvre soit restaurée.
Enfin, comme le met en valeur Monica Green, le personnage de Trotula ne serait que l’arbre qui cache la forêt. Légendaire ou non, cette figure illustre une réalité indéniable, celle de la pratique au Moyen Âge par de nombreuses femmes de la médecine au niveau local. Ces mulieres Salernitanae, partageaient entre elles diverses connaissances, astuces et remèdes à utiliser pour soigner les maladies proprement féminines. Le personnage de Trotula agirait ainsi comme une métonymie, un substantif révélateur de la place des femmes dans la société salernitaine des XIe et XIIe siècles.
Textes
- BnF, Latin, Trotulae de mulierum passionibus, in fol., Argentorati, 1544.
- BnF, Fond français, n° 1327, Du régime des dames pour leurs aydier en leur maladie et adversitez, tant de la conception comme de l’enfantement et aultrement (Trotula), XVe siècle.
Bibliographie sélective
- John G. Benton, « Trotula. Women's Problem and the Professionalization of Medicine in the Middle Ages», dans Bulletin of the History of Medicine, 59 (1985), p. 30-33.
- Geoffrey Chaucer, The Canterbury Tales, éd. et trad. J. Mann, Londres, Pinguin Classics, 2009, v. 685.
- Monica H. Green, «The Development of the Trotula», dans Revue d’Histoires des Textes, 26 (1996), p. 119-203.
- Monica H. Green, «A Handlist of Latin and Vernacular Manuscripts of the So-Called Trotula Texts, I : The Latin Manuscripts», dans Scriptorium, 50 (1996), p. 137-175.
- Monica H. Green, «A Handlist of Latin and Vernacular Manuscripts of the So-Called Trotula Texts, II : The Vernacular Translations and Latin Re-Writtings’s», dans Scriptorium, 51 (1997), p. 80-104.
- Monica H. Green, «In Search of an "Authentic" Women's Medicine: The Strange Fates of Trota of Salerno and Hildegarde of Bingen», dans Dynamis : Acta Hispanica ad Medicinae Scientiarumque Historiam Illustrandam, 19 (1999), p. 25-54.
- The Trotula : A Medieval Compendium of Women’s Medicine, éd. Monica Green, Philadephie, University of Pennsylvania Press, 2001.
- Rutebeuf, « Diz de l’erberie», dans Œuvres complètes, éd. et trad. J. Bastin et E. Faral, Paris, Picard, 1959-1960, vol. 2, p. 277.