Jeanne de Lestonnac : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
[version vérifiée] | [version vérifiée] |
Ligne 9 : | Ligne 9 : | ||
}} | }} | ||
− | == Notice == | + | == Notice de [[Philippe Loupès]], 2013 == |
+ | |||
+ | Dans le cadre de la Réforme catholique, Jeanne de Lestonnac, née en 1556, appartient au cénacle étroit des grandes veuves fondatrices de congrégations religieuses. Fille du très catholique conseiller au parlement Richard de Lestonnac et de Jeanne Eyquem, sœur cadette de Montaigne gagnée au protestantisme, elle connaît une enfance tourmentée, presque déchirée, entre les deux confessions. De la « tentation » protestante, elle va garder toute sa vie comme un remords qui s’exprime dans une spiritualité de réparation. Elle est mariée à dix-sept ans au baron de Landiras. Quatre enfants survivront : deux filles qui entreront en religion, deux fils dont un deviendra jésuite. Devenue veuve, elle achève l’éducation de ses enfants, avant de songer à entrer en religion. En 1603, son expérience chez les feuillantines de Toulouse se solde par un échec.<br> | ||
+ | Menant à Bordeaux la vie d’une veuve pieuse, elle songe à la fondation d’un nouvel institut féminin, sur le modèle de la Compagnie de Jésus. Il faut toute la détermination de Jeanne et l’habileté des jésuites qui la dirigent, le P. de Bordes et le P. Raymond, pour vaincre les réticences du très autoritaire cardinal de Sourdis, grand archevêque réformateur jaloux de son autorité. En 1607, la bulle de fondation est enfin obtenue pour la nouvelle congrégation dont le nom très révélateur traduit la filiation : Compagnie de Marie-Notre Dame. La mission apostolique très affirmée doit composer avec une clôture dans l’esprit du temps, clôture au demeurant adaptée à la fonction enseignante par la dispense d’une longue présence au chœur. | ||
+ | Dans son projet éducatif qu’elle destine aux filles, Jeanne de Lestonnac subit trois influences : l’idéal humaniste de Montaigne, l’école calviniste et le modèle ignatien. Le modèle éducatif exprimé dans Les Constitutions, elles-mêmes inspirées par la ''Ratio Studiorum'' (projet pédagogique des jésuites), prévoit tout : une instruction d’un niveau élevé dispensée en français, l’accompagnement personnel, l’idéal de la relation éducative empathique, l’importance de la répétition, l’émulation avec le classement des élèves par ordre de mérite, les punitions aussi, les temps de silence à respecter, les arts d’agréments comme la couture en chantant, en un mot une pédagogie progressive et personnalisée baignant dans des pratiques de dévotion mariale. Le succès est immédiat et bientôt la maison bordelaise essaime : Béziers dès 1616, puis Poitiers, Le Puy, Périgueux, Agen, la Flèche, Riom, Saintes, Pau où Jeanne se rend en personne, Toulouse (1630)... <br> | ||
+ | A la mort de la fondatrice, le 2 février 1640, une trentaine maisons était établie. Au début du XXIe siècle, l’institut est encore présent dans 27 pays, et tout particulièrement dans les pays hispanophones (Espagne, Colombie, Mexique et « cône sud »). Fort de quelque 1600 sœurs, réparties en 134 communautés, il se consacre à une mission d’éducation au service des jeunes et aux côté des femmes, souvent défavorisées dans les pays du tiers-monde. Dirigé de Rome, mais restant fidèle à son berceau bordelais, il conserve le souvenir de sa fondatrice qui fut tout à la fois une femme d’action et une mystique pratiquant Les Exercices spirituels et l’oraison mentale, ce qui la conduisait parfois jusqu’à l’extase. Selon ses hagiographes, elle communiait fréquemment, s’imposait de sévères mortifications, couchait sur la dure en temps de Carême, multipliait les jeûnes. Sa lecture favorite, faite fréquemment à ses filles, était la Lettre de saint Paul aux Corinthiens dans laquelle l’apôtre vante les excellences de la charité. Les vertus héroïques de Jeanne de Lestonnac ne furent officiellement reconnues qu’au XXe siècle : elle fut béatifiée en 1900 par Léon XIII et canonisée en 1949 par Pie XII. | ||
+ | Certes, à ce jour, elle n’occupe pas la place qu’elle mériterait, peut-être en partie en raison de la discrétion de son institut, plus soucieux d’efficacité que de notoriété. Il y a chez Jeanne de Lestonnac, comme chez beaucoup de ces agents féminins de la Réforme catholique, un sens très fort de l’universalité et de la modernité, avec en même temps, ce qui n’est pas contradictoire, une réinsertion dans la grande tradition, par le retour des femmes dans l’apostolat, comme dans l’Eglise primitive. | ||
+ | |||
+ | ==Oeuvre== | ||
+ | * ''Règles et constitutions des religieuses de Notre-Dame dont le premier établissement fut fait dans la ville de Bordeaux… par Mme de Lestonnac…'', Bordeaux, La Court, 1722, 401 p. -- rééd. Clermont-Ferrand, Librairie catholique, 1844, XXIV-358 p. | ||
+ | |||
+ | ==Principales sources== | ||
+ | * D. de Saincte-Marie, ''Abrégé de la vie de madame Jeanne de Lestonnac, veuve du sieur baron de Landiras, fondatrice de l’ordre des religieuses de Notre-Dame'', s.l.n.d., [Toulouse?, 1645]. | ||
+ | * François de Toulouse, ''La vie de la vénérable Mère Jeanne de l’Estonnac…'', Toulouse, J. Pesch, 1671, 473 p. | ||
+ | * Bouzonié, le P. Jean, ''Histoire de l’ordre des religieuses filles de Notre-Dame'', Poitiers, Braud, 1697, 613 p. -- rééd. annot. Françoise Soury-Lavergne, Rome, Typ. vaticane, 2012, 937 p. | ||
+ | - Beaufils, le P. Guillaume, ''La vie de la vénérable mère de Lestonnac, fondatrice des religieuses de Notre-Dame'', Toulouse, P. Robert, 1742, 399 p. | ||
+ | - Foz y Foz, Pilar, odn, ''Fuentes primarias para la historia de la educación de la mujer en Europa y América, Archivos históricos Compañía de Maria Nuestra Señora, 1607-1621'', Rome, Tipografía poliglota vaticana, 1989, 1445 p. | ||
+ | |||
+ | ==Choix bibliographique== | ||
+ | * ''Colloque, Michel de Montaigne, Jeanne de Lestonnac : aux sources d’un nouvel humanisme chrétien pour notre temps ?'', Bordeaux, Compagnie Notre-Dame, 2006, 143 p. | ||
+ | * Loupès, Philippe, ''L’apogée du catholicisme bordelais à l’époque tridentine (1600-1789)'', Bordeaux, Mollat, 2001, 341 p. | ||
+ | * Soury-Lavergne, Françoise, ''Un chemin d’éducation : sur les traces de Jeanne de Lestonnac, 1556-1640'', Chambray-les-Tours, C.D.L., 1985, 455 p. (texte remanié de la thèse 3e cycle, Lyon II, 1984 : L’oeuvre éducatrice de Jeanne de Lestonnac ) | ||
+ | * Suire, Eric, ''La sainteté française de la Réforme catholique (XVIe-XVIIe siècles) d’après les textes hagiographiques et les procès de canonisation'', Bordeaux, PUB, 2001, 507 p. | ||
+ | * Numéro consacré à Jeanne de Lestonnac de la ''Revue française d’histoire du livre'', n° 128, nouvelle série, 2007, avec des articles de Claude Grenet-Delisle (« Jeanne de Lestonnac, la baronne de Landiras »), Pierre Coudroy de Lille (« Développement et essor de l’ordre enseignant de Marie Notre-Dame depuis 1640 jusqu’à 1792 ») et de Philippe Loupès, (« Jeanne de Lestonnac, un chemin de sainteté »). | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
− | |||
{{DEFAULTSORT:Lestonnac, Jeanne de}} | {{DEFAULTSORT:Lestonnac, Jeanne de}} | ||
[[Catégorie:Personnage]] | [[Catégorie:Personnage]] | ||
− | [[Catégorie: | + | [[Catégorie:Dictionnaire Siefar]] |
+ | [[Catégorie: Fondation, direction, réforme de moanstères, d'ordre]] [[Catégorie: Mystqiue, prophétisme, spiritualité]] [[Catégorie:enseignement]] |
Version du 24 février 2014 à 20:14
Jeanne de Lestonnac | ||
Dénomination(s) | Sainte Jeanne de Lestonnac | |
---|---|---|
Biographie | ||
Date de naissance | 1556 | |
Date de décès | 1640 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Philippe Loupès, 2013
Dans le cadre de la Réforme catholique, Jeanne de Lestonnac, née en 1556, appartient au cénacle étroit des grandes veuves fondatrices de congrégations religieuses. Fille du très catholique conseiller au parlement Richard de Lestonnac et de Jeanne Eyquem, sœur cadette de Montaigne gagnée au protestantisme, elle connaît une enfance tourmentée, presque déchirée, entre les deux confessions. De la « tentation » protestante, elle va garder toute sa vie comme un remords qui s’exprime dans une spiritualité de réparation. Elle est mariée à dix-sept ans au baron de Landiras. Quatre enfants survivront : deux filles qui entreront en religion, deux fils dont un deviendra jésuite. Devenue veuve, elle achève l’éducation de ses enfants, avant de songer à entrer en religion. En 1603, son expérience chez les feuillantines de Toulouse se solde par un échec.
Menant à Bordeaux la vie d’une veuve pieuse, elle songe à la fondation d’un nouvel institut féminin, sur le modèle de la Compagnie de Jésus. Il faut toute la détermination de Jeanne et l’habileté des jésuites qui la dirigent, le P. de Bordes et le P. Raymond, pour vaincre les réticences du très autoritaire cardinal de Sourdis, grand archevêque réformateur jaloux de son autorité. En 1607, la bulle de fondation est enfin obtenue pour la nouvelle congrégation dont le nom très révélateur traduit la filiation : Compagnie de Marie-Notre Dame. La mission apostolique très affirmée doit composer avec une clôture dans l’esprit du temps, clôture au demeurant adaptée à la fonction enseignante par la dispense d’une longue présence au chœur.
Dans son projet éducatif qu’elle destine aux filles, Jeanne de Lestonnac subit trois influences : l’idéal humaniste de Montaigne, l’école calviniste et le modèle ignatien. Le modèle éducatif exprimé dans Les Constitutions, elles-mêmes inspirées par la Ratio Studiorum (projet pédagogique des jésuites), prévoit tout : une instruction d’un niveau élevé dispensée en français, l’accompagnement personnel, l’idéal de la relation éducative empathique, l’importance de la répétition, l’émulation avec le classement des élèves par ordre de mérite, les punitions aussi, les temps de silence à respecter, les arts d’agréments comme la couture en chantant, en un mot une pédagogie progressive et personnalisée baignant dans des pratiques de dévotion mariale. Le succès est immédiat et bientôt la maison bordelaise essaime : Béziers dès 1616, puis Poitiers, Le Puy, Périgueux, Agen, la Flèche, Riom, Saintes, Pau où Jeanne se rend en personne, Toulouse (1630)...
A la mort de la fondatrice, le 2 février 1640, une trentaine maisons était établie. Au début du XXIe siècle, l’institut est encore présent dans 27 pays, et tout particulièrement dans les pays hispanophones (Espagne, Colombie, Mexique et « cône sud »). Fort de quelque 1600 sœurs, réparties en 134 communautés, il se consacre à une mission d’éducation au service des jeunes et aux côté des femmes, souvent défavorisées dans les pays du tiers-monde. Dirigé de Rome, mais restant fidèle à son berceau bordelais, il conserve le souvenir de sa fondatrice qui fut tout à la fois une femme d’action et une mystique pratiquant Les Exercices spirituels et l’oraison mentale, ce qui la conduisait parfois jusqu’à l’extase. Selon ses hagiographes, elle communiait fréquemment, s’imposait de sévères mortifications, couchait sur la dure en temps de Carême, multipliait les jeûnes. Sa lecture favorite, faite fréquemment à ses filles, était la Lettre de saint Paul aux Corinthiens dans laquelle l’apôtre vante les excellences de la charité. Les vertus héroïques de Jeanne de Lestonnac ne furent officiellement reconnues qu’au XXe siècle : elle fut béatifiée en 1900 par Léon XIII et canonisée en 1949 par Pie XII.
Certes, à ce jour, elle n’occupe pas la place qu’elle mériterait, peut-être en partie en raison de la discrétion de son institut, plus soucieux d’efficacité que de notoriété. Il y a chez Jeanne de Lestonnac, comme chez beaucoup de ces agents féminins de la Réforme catholique, un sens très fort de l’universalité et de la modernité, avec en même temps, ce qui n’est pas contradictoire, une réinsertion dans la grande tradition, par le retour des femmes dans l’apostolat, comme dans l’Eglise primitive.
Oeuvre
- Règles et constitutions des religieuses de Notre-Dame dont le premier établissement fut fait dans la ville de Bordeaux… par Mme de Lestonnac…, Bordeaux, La Court, 1722, 401 p. -- rééd. Clermont-Ferrand, Librairie catholique, 1844, XXIV-358 p.
Principales sources
- D. de Saincte-Marie, Abrégé de la vie de madame Jeanne de Lestonnac, veuve du sieur baron de Landiras, fondatrice de l’ordre des religieuses de Notre-Dame, s.l.n.d., [Toulouse?, 1645].
- François de Toulouse, La vie de la vénérable Mère Jeanne de l’Estonnac…, Toulouse, J. Pesch, 1671, 473 p.
- Bouzonié, le P. Jean, Histoire de l’ordre des religieuses filles de Notre-Dame, Poitiers, Braud, 1697, 613 p. -- rééd. annot. Françoise Soury-Lavergne, Rome, Typ. vaticane, 2012, 937 p.
- Beaufils, le P. Guillaume, La vie de la vénérable mère de Lestonnac, fondatrice des religieuses de Notre-Dame, Toulouse, P. Robert, 1742, 399 p. - Foz y Foz, Pilar, odn, Fuentes primarias para la historia de la educación de la mujer en Europa y América, Archivos históricos Compañía de Maria Nuestra Señora, 1607-1621, Rome, Tipografía poliglota vaticana, 1989, 1445 p.
Choix bibliographique
- Colloque, Michel de Montaigne, Jeanne de Lestonnac : aux sources d’un nouvel humanisme chrétien pour notre temps ?, Bordeaux, Compagnie Notre-Dame, 2006, 143 p.
- Loupès, Philippe, L’apogée du catholicisme bordelais à l’époque tridentine (1600-1789), Bordeaux, Mollat, 2001, 341 p.
- Soury-Lavergne, Françoise, Un chemin d’éducation : sur les traces de Jeanne de Lestonnac, 1556-1640, Chambray-les-Tours, C.D.L., 1985, 455 p. (texte remanié de la thèse 3e cycle, Lyon II, 1984 : L’oeuvre éducatrice de Jeanne de Lestonnac )
- Suire, Eric, La sainteté française de la Réforme catholique (XVIe-XVIIe siècles) d’après les textes hagiographiques et les procès de canonisation, Bordeaux, PUB, 2001, 507 p.
- Numéro consacré à Jeanne de Lestonnac de la Revue française d’histoire du livre, n° 128, nouvelle série, 2007, avec des articles de Claude Grenet-Delisle (« Jeanne de Lestonnac, la baronne de Landiras »), Pierre Coudroy de Lille (« Développement et essor de l’ordre enseignant de Marie Notre-Dame depuis 1640 jusqu’à 1792 ») et de Philippe Loupès, (« Jeanne de Lestonnac, un chemin de sainteté »).