Anne Malet de Graville : Différence entre versions
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Anne Malet de Graville | ||
Conjoint(s) | Pierre de Balsac d'Entraigues | |
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Dénomination(s) | Anne de Graville | |
Biographie | ||
Date de naissance | Vers 1490 | |
Date de décès | Après 1540 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Sommaire
Notice de Mawy Bouchard, mai 2003. (mise à jour: janvier 2005)
Anne de Graville est née vers 1490 d'une famille noble très fortunée, au château de Marcoussis. Son père, Louis Malet de Graville, amiral de France, exerce alors une grande influence auprès d'Anne et Pierre de Beaujeu, influence qu'il conservera auprès de Louis XII. Anne de Graville est fort instruite; elle sait probablement le latin et l'italien. Elle a accès à l'importante collection de manuscrits et d'imprimés de son père, une des librairies les plus riches à cette époque, et devient elle-même collectionneuse, notamment de quatre manuscrits de Christine de Pizan, auxquels elle a apporté quelques corrections et ajouts. On retrouve ses devises sur plusieurs de ses manuscrits: musas natura, lacrymas fortuna [la nature m'a donné les muses, la fortune les larmes], "J'en garde un leal" et "Garni d'un leal", ces deux dernières étant des anagrammes de son nom.
Entre les années 1506-1510, elle épouse clandestinement son cousin maternel, Pierre de Balsac d'Entraigues. Son père la déshérite aussitôt et les biens et revenus de Pierre de Balsac sont saisis à la requête de l'amiral. Les époux tombent vite dans la misère. Ses initiatives d'écrivaine sont peut-être attribuables à sa situation financière précaire. Anne de Graville donne naissance à onze enfants. Une de ses filles, Jeanne, épousera un gentilhomme fort en vue à la Renaissance, Claude d'Urfé (héritier de la riche librairie), qui sera ambassadeur de France au Concile de Trente et grand-père d'Honoré d'Urfé, l'auteur célèbre de L'Astrée.
Anne de Graville évolue auprès de la reine Claude, première épouse du roi François Ier, en tant que dame d'honneur. C'est elle qui aurait commandé les deux oeuvres connues d'Anne de Graville, entre 1515 et 1524. Plus tard, vers 1530, Anne de Graville se lie d'amitié avec Marguerite de Navarre et, à l'instar de celle-ci, s'intéresse aux questions religieuses; elle héberge même chez elle plusieurs exilés réformés.
La première oeuvre que compose vraisemblablement Anne de Graville est un ensemble de soixante et onze rondeaux inspirés de La belle dame sans mercy d'Alain Chartier (1424). C'est le biographe Carl Wahlund qui a découvert ces rondeaux et les a identifiés comme étant l'oeuvre d'Anne, qui n'avait pas signé ce travail de son nom, mais de sa devise maintenant bien connue: "Ien garde un leal". Ces rondeaux sont le résultat d'un remaniement visant à rendre plus explicite et moins ambiguë la position d'Alain Chartier, dans le débat pro et contra au sujet de la femme. En effet, celui-ci avait causé une controverse avec son poème, interprété aussi bien comme une défense que comme une condamnation de la dame vertueuse. Le manuscrit des Rondeaux (b.n. fr. 2253) d'Anne de Graville présente un texte en deux colonnes, la version d'Alain Chartier à gauche, celle d'Anne de Graville à droite.
Maxime de Montmorand, un autre de ses biographes, suppose que le succès de cette première oeuvre a valu à la poétesse une commande de "translation" du roman épique de Boccace, intitulé Teseida delle nozze d'Emilia et composé vers 1340. Le poète italien, qui s'inspirait à la fois de la Thébaïde de Stace et du Roman de Thèbes (XIIe siècle), prétendait être le premier à avoir fait parler la muse épique dans la langue vulgaire italienne. L'adaptation d'Anne de Graville n'est pas la première, Chaucer en avait notamment donné une version anglaise de trois mille vers. Le beau romant des deux amans Palamon et Arcita et de la belle et saige Emilia date des environs de 1521. Il en existe aujourd'hui six copies manuscrites différentes (Arsenal, 5166; BNF fr. 1397 et 25441; BNF n.a.f., 6513; Bibliothèque royale de Stockholm, 719 et Musée Condé, 1570). Cette épopée-roman raconte comment deux amis valeureux, Palamon et Arcita, en viennent à se battre pour l'amour d'une dame vertueuse, Emylia.
Montmorand, qui se fonde sur une généalogie des Balsac où il est précisé que l'un des fils aînés d'Anne de Graville hérita de ses biens en 1540, présume que l'écrivaine est morte au plus tard en 1540 et conteste les propositions d'autres historiens qui donnent plutôt les dates de 1543 et 1544. Anne a connu une certaine popularité de son vivant, principalement à la cour. Mais elle est rapidement tombée dans l'oubli, et ce jusqu'à la fin du XIXe siècle. Au tournant du siècle, le philologue suédois Carl Wahlund a suscité plusieurs travaux sur l'importance historique de l'écrivaine; au XXe siècle, les études traductologiques et féministes ont permis à de nouveaux lecteurs de découvrir son oeuvre.
Oeuvres
- 1515? : La belle dame sans mercy, d'Alain Chartier, mise en rondeaux. Éd. Carl Wahlund, Upsala, 1897.
- 1521? : Le beau romant des deux amans Palamon et Arcita et de la belle et saige Emylia translaté de vieil langaige et prose en nouveau et rime; Stockholm, M. Algernon de Börtzell, 1892 (reproduction photographique du manuscrit BNF n.a.f. 719) -- Éd. Yves Le Hir, Paris, Presses Universitaires de France, 1965.
Choix bibliographique
- Bianci, Anne-Marie. «Le Théseide de Boccace en moyen français». Revue des études italiennes, XXI (1975), p.304-329.
- Bouchard, Mawy. «Les belles [in]fidèles: traduire l'ambiguïté masculine. Les Rondeaux d'Anne de Graville». Neophilologus, 88, 2004, p.189-202.
- Montmorand, Maxime de. Une femme poète du XVIe siècle. Anne de Graville. Sa famille. Sa vie. Son oeuvre. Sa postérité. Paris, Picard, 1917.
- Müller, Catherine. «Le rôle de l'intellectuel et l'écriture poétique des femmes dans les cours princières au passage du XVe au XVIe siècle», in Christoph Huber et Henrike Lähnemann (dir.), Courtly Literature and Clerical Culture, selected papers from the Triennial Congress of the International Courtly Literature Society. Tübingen, Attempto Verlag, 2002, p.221-230.
- Reno, Christine, «Anne Malet de Graville: A Sixteenth Century Collector Reads (and Writes) Christine», Misericordia International, «The Profane Arts/Les arts profanes», VII, 2,1998, p.170-182.
Jugements
- «Je suis dans le château de la très généreuse dame Dentraigues, l'"appui des exilés du Christ"» (lettre en latin datée de 1526 de Pierre Toussaint, ancien chanoine de Metz, traduite en français par Maxime de Montmorand, dans Une femme poète du XVIe siècle, voir supra, p.93-95).
- «Et pour monstrer que nostre dict langage françois a grace quant il est bien ordonné, j'en allegueray icy en passant un rondeau que une femme d'excellence en vertus, ma dame d'Entraigues, a faict et composé» (Geofroy Tory, Champ fleury, éd. J.W. Joliffe, Paris, La Haye, Mouton Éditeur, 1970 [réimpression de l'édition de 1529], fol.4r).
- «Le remaniement poétique d'Anne de Graville enlevait à la Teseide ce caractère épique et classique dont Boccace était si fier, et la transformait, sans grand effort d'ailleurs, en un roman destiné à charmer les loisirs des dames sentimentales» (Henri Hauvette, «Les plus anciennes traductions françaises de Boccace», Bulletin italien, VIII, 3,1908, p.203-204).
- «J'ai choisi ces rondeaux parmi les moins mauvais du recueil. [Ils] sont en effet bien pénibles et rocailleux. Mais au commencement du XVIe siècle, alors que la langue, en pleine formation, n'avait pas encore précipité ses scories, l'on ne faisait guère mieux» (M. de Montmorand, Une femme poète du XVIe siècle, voir supra, p.134).