Charlotte Saumaise de Chazan : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
[version vérifiée] | [version vérifiée] |
Ligne 11 : | Ligne 11 : | ||
}} | }} | ||
== Notice de [[Evelyne Berriot-Salvadore]], 2004 == | == Notice de [[Evelyne Berriot-Salvadore]], 2004 == | ||
− | Fille d'un secrétaire des commandements de Gaston d'Orléans, Bégnine de Saumaise (frère de l'auteur du ''Dictionnaire des précieuses'') et de Marguerite Hébert, femme de chambre de la reine, Charlotte de Brégy est pourvue, dès l'âge de dix-huit ans, d'une charge auprès de Marie de Médicis. Elle se lie avec Nicolas de Flécelles, sieur de Brégy, et met au monde un premier enfant, Anne-Marie, avant le mariage qui a lieu le 18 juin 1637. Bientôt, sa faveur auprès d'Anne d'Autriche, dont elle est dame d'honneur sans gages depuis le 6 août 1637, et auprès de Mazarin en fait une des filles les plus en vue de la Cour, ce qui lui vaut les flatteries des poètes et les railleries des gazetiers. Les contraintes du mariage, les grossesses qui se succèdent ne conviennent pas à Charlotte de Brégy qui assure sa liberté tout en réalisant ses ambitions sociales. Forte de ses appuis, gagnés par une fidélité à Anne d'Autriche et au cardinal ministre qu'elle manifestera, en 1649, au moment de la Fronde, elle pousse M. de Brégy dans des fonctions diplomatiques qui l'éloignent de la Cour et de sa personne; d'abord ambassadeur en Pologne, il est ensuite envoyé en Suède, au service de la reine Christine qui le nomme ambassadeur extraordinaire de la couronne de Suède en France en 1650. Finalement, elle obtient une séparation de biens en 1651 et une séparation de corps en 1673. Après la mort d'Anne d'Autriche en 1666, elle n'occupe plus qu'une place obscure, dans l'entourage de Monsieur, mais conserve néanmoins la bienveillance de Louis XIV. La fin de sa vie est occupée par les procès qu'elle intente à ses fils, Jean-Baptiste et Éléonor, nés en 1642 et 1644, de ce mariage qu'elle a voulu rompre. Son testament du 2 juillet 1692 les déshérite, instituant Élisabeth, la seule de ses filles encore vivante (Anne-Marie, religieuse à Port-Royal, est morte en 1684), sa légataire universelle. Elle meurt au Palais-Royal le 13 avril 1693. | + | Fille d'un secrétaire des commandements de Gaston d'Orléans, Bégnine de Saumaise (frère de l'auteur du ''Dictionnaire des précieuses'') et de Marguerite Hébert, femme de chambre de la reine, Charlotte de Brégy est pourvue, dès l'âge de dix-huit ans, d'une charge auprès de Marie de Médicis. Elle se lie avec Nicolas de Flécelles, sieur de Brégy, et met au monde un premier enfant, Anne-Marie, avant le mariage qui a lieu le 18 juin 1637. Bientôt, sa faveur auprès d'Anne d'Autriche, dont elle est dame d'honneur sans gages depuis le 6 août 1637, et auprès de Mazarin en fait une des filles les plus en vue de la Cour, ce qui lui vaut les flatteries des poètes et les railleries des gazetiers. Les contraintes du mariage, les grossesses qui se succèdent ne conviennent pas à Charlotte de Brégy qui assure sa liberté tout en réalisant ses ambitions sociales. Forte de ses appuis, gagnés par une fidélité à Anne d'Autriche et au cardinal ministre qu'elle manifestera, en 1649, au moment de la Fronde, elle pousse M. de Brégy dans des fonctions diplomatiques qui l'éloignent de la Cour et de sa personne; d'abord ambassadeur en Pologne, il est ensuite envoyé en Suède, au service de la reine Christine qui le nomme ambassadeur extraordinaire de la couronne de Suède en France en 1650. Finalement, elle obtient une séparation de biens en 1651 et une séparation de corps en 1673. Après la mort d'Anne d'Autriche en 1666, elle n'occupe plus qu'une place obscure, dans l'entourage de Monsieur, mais conserve néanmoins la bienveillance de Louis XIV. La fin de sa vie est occupée par les procès qu'elle intente à ses fils, Jean-Baptiste et Éléonor, nés en 1642 et 1644, de ce mariage qu'elle a voulu rompre. Son testament du 2 juillet 1692 les déshérite, instituant Élisabeth, la seule de ses filles encore vivante (Anne-Marie, religieuse à Port-Royal, est morte en 1684), sa légataire universelle. Elle meurt au Palais-Royal le 13 avril 1693. |
+ | |||
Plus intéressée par la galanterie et les ruelles des dames d'esprit que par la dévotion, Mme de Brégy se distingue par une virtuosité qui lui permet de briller dans tous les genres à la mode au milieu du siècle: poésie galante, prose légère, conversation épistolaire. Assidue chez Mlle de Montpensier, elle contribue au recueil de portraits paru en 1659, en offrant ceux de la reine mère, de Christine de Suède, de la princesse d'Angleterre, du roi. Avec Mme de La Suze, elle est une des principales animatrices des divertissements qui plaisent à la Cour, composant des épigrammes pour les «questions d'amour», transformant une sortie champêtre à Saint-Cloud en allégorie galante. Surtout, c'est dans le genre illustré par Voiture qu'elle veut briller: l'échange épistolaire avec les grands noms de la société galante et de la Cour met en relief sa position sociale, tout autant que son aisance à user des métaphores et des pointes précieuses. Au-delà du respect des modes et des codes aristocratiques, perce cependant l'ironie d'une philosophe désabusée quant à sa vertu et celle du monde. ''La sphère de la lune'', puis ''La réflexion de la lune sur les hommes'', facéties mêlant prose et vers sur le thème rebattu des vices du sexe, se jouent de l'image inversée pour inviter le lecteur à se méfier des lieux qu'il croit connaître. La charge paradoxale contre les femmes légères et inconstantes porte un enseignement plus amer sur les illusions du paraître et dresse un tableau sans complaisance de la Cour. Mais puisqu'on ne peut résister à ses appâts, il faut accepter de jouer son rôle. Philosophe ou bouffonne? Mme de Brégy laisse le lecteur dans l'incertitude, enfermant dans la même sphère l'un et l'autre sexe sous l'emprise de l'irrésolution et de la folie. Pour ses contemporains, elle compte parmi celles qui peuvent entrer dans le ''Grand dictionnaire des précieuses'', ou bien dans ''Le cercle des femmes savantes''. Plus que ses oeuvres cependant, on a retenu les épigrammes brocardant sa vie galante ou les railleries des chansonniers stigmatisant une beauté flétrie et des goûts passés de mode. Elle est citée aujourd'hui dans les études consacrées aux précieuses mais son recueil de poésies et de lettres n'a guère, jusqu'à présent, rencontré l'intérêt des chercheurs. | Plus intéressée par la galanterie et les ruelles des dames d'esprit que par la dévotion, Mme de Brégy se distingue par une virtuosité qui lui permet de briller dans tous les genres à la mode au milieu du siècle: poésie galante, prose légère, conversation épistolaire. Assidue chez Mlle de Montpensier, elle contribue au recueil de portraits paru en 1659, en offrant ceux de la reine mère, de Christine de Suède, de la princesse d'Angleterre, du roi. Avec Mme de La Suze, elle est une des principales animatrices des divertissements qui plaisent à la Cour, composant des épigrammes pour les «questions d'amour», transformant une sortie champêtre à Saint-Cloud en allégorie galante. Surtout, c'est dans le genre illustré par Voiture qu'elle veut briller: l'échange épistolaire avec les grands noms de la société galante et de la Cour met en relief sa position sociale, tout autant que son aisance à user des métaphores et des pointes précieuses. Au-delà du respect des modes et des codes aristocratiques, perce cependant l'ironie d'une philosophe désabusée quant à sa vertu et celle du monde. ''La sphère de la lune'', puis ''La réflexion de la lune sur les hommes'', facéties mêlant prose et vers sur le thème rebattu des vices du sexe, se jouent de l'image inversée pour inviter le lecteur à se méfier des lieux qu'il croit connaître. La charge paradoxale contre les femmes légères et inconstantes porte un enseignement plus amer sur les illusions du paraître et dresse un tableau sans complaisance de la Cour. Mais puisqu'on ne peut résister à ses appâts, il faut accepter de jouer son rôle. Philosophe ou bouffonne? Mme de Brégy laisse le lecteur dans l'incertitude, enfermant dans la même sphère l'un et l'autre sexe sous l'emprise de l'irrésolution et de la folie. Pour ses contemporains, elle compte parmi celles qui peuvent entrer dans le ''Grand dictionnaire des précieuses'', ou bien dans ''Le cercle des femmes savantes''. Plus que ses oeuvres cependant, on a retenu les épigrammes brocardant sa vie galante ou les railleries des chansonniers stigmatisant une beauté flétrie et des goûts passés de mode. Elle est citée aujourd'hui dans les études consacrées aux précieuses mais son recueil de poésies et de lettres n'a guère, jusqu'à présent, rencontré l'intérêt des chercheurs. | ||
== Oeuvres == | == Oeuvres == |
Version du 14 novembre 2010 à 20:41
Charlotte Saumaise de Chazan | ||
Titre(s) | Comtesse de Brégy | |
---|---|---|
Conjoint(s) | Nicolas de Flécelles, sieur de Brégy | |
Dénomination(s) | Charlotte de Brégy | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1619 | |
Date de décès | 1693 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Evelyne Berriot-Salvadore, 2004
Fille d'un secrétaire des commandements de Gaston d'Orléans, Bégnine de Saumaise (frère de l'auteur du Dictionnaire des précieuses) et de Marguerite Hébert, femme de chambre de la reine, Charlotte de Brégy est pourvue, dès l'âge de dix-huit ans, d'une charge auprès de Marie de Médicis. Elle se lie avec Nicolas de Flécelles, sieur de Brégy, et met au monde un premier enfant, Anne-Marie, avant le mariage qui a lieu le 18 juin 1637. Bientôt, sa faveur auprès d'Anne d'Autriche, dont elle est dame d'honneur sans gages depuis le 6 août 1637, et auprès de Mazarin en fait une des filles les plus en vue de la Cour, ce qui lui vaut les flatteries des poètes et les railleries des gazetiers. Les contraintes du mariage, les grossesses qui se succèdent ne conviennent pas à Charlotte de Brégy qui assure sa liberté tout en réalisant ses ambitions sociales. Forte de ses appuis, gagnés par une fidélité à Anne d'Autriche et au cardinal ministre qu'elle manifestera, en 1649, au moment de la Fronde, elle pousse M. de Brégy dans des fonctions diplomatiques qui l'éloignent de la Cour et de sa personne; d'abord ambassadeur en Pologne, il est ensuite envoyé en Suède, au service de la reine Christine qui le nomme ambassadeur extraordinaire de la couronne de Suède en France en 1650. Finalement, elle obtient une séparation de biens en 1651 et une séparation de corps en 1673. Après la mort d'Anne d'Autriche en 1666, elle n'occupe plus qu'une place obscure, dans l'entourage de Monsieur, mais conserve néanmoins la bienveillance de Louis XIV. La fin de sa vie est occupée par les procès qu'elle intente à ses fils, Jean-Baptiste et Éléonor, nés en 1642 et 1644, de ce mariage qu'elle a voulu rompre. Son testament du 2 juillet 1692 les déshérite, instituant Élisabeth, la seule de ses filles encore vivante (Anne-Marie, religieuse à Port-Royal, est morte en 1684), sa légataire universelle. Elle meurt au Palais-Royal le 13 avril 1693.
Plus intéressée par la galanterie et les ruelles des dames d'esprit que par la dévotion, Mme de Brégy se distingue par une virtuosité qui lui permet de briller dans tous les genres à la mode au milieu du siècle: poésie galante, prose légère, conversation épistolaire. Assidue chez Mlle de Montpensier, elle contribue au recueil de portraits paru en 1659, en offrant ceux de la reine mère, de Christine de Suède, de la princesse d'Angleterre, du roi. Avec Mme de La Suze, elle est une des principales animatrices des divertissements qui plaisent à la Cour, composant des épigrammes pour les «questions d'amour», transformant une sortie champêtre à Saint-Cloud en allégorie galante. Surtout, c'est dans le genre illustré par Voiture qu'elle veut briller: l'échange épistolaire avec les grands noms de la société galante et de la Cour met en relief sa position sociale, tout autant que son aisance à user des métaphores et des pointes précieuses. Au-delà du respect des modes et des codes aristocratiques, perce cependant l'ironie d'une philosophe désabusée quant à sa vertu et celle du monde. La sphère de la lune, puis La réflexion de la lune sur les hommes, facéties mêlant prose et vers sur le thème rebattu des vices du sexe, se jouent de l'image inversée pour inviter le lecteur à se méfier des lieux qu'il croit connaître. La charge paradoxale contre les femmes légères et inconstantes porte un enseignement plus amer sur les illusions du paraître et dresse un tableau sans complaisance de la Cour. Mais puisqu'on ne peut résister à ses appâts, il faut accepter de jouer son rôle. Philosophe ou bouffonne? Mme de Brégy laisse le lecteur dans l'incertitude, enfermant dans la même sphère l'un et l'autre sexe sous l'emprise de l'irrésolution et de la folie. Pour ses contemporains, elle compte parmi celles qui peuvent entrer dans le Grand dictionnaire des précieuses, ou bien dans Le cercle des femmes savantes. Plus que ses oeuvres cependant, on a retenu les épigrammes brocardant sa vie galante ou les railleries des chansonniers stigmatisant une beauté flétrie et des goûts passés de mode. Elle est citée aujourd'hui dans les études consacrées aux précieuses mais son recueil de poésies et de lettres n'a guère, jusqu'à présent, rencontré l'intérêt des chercheurs.
Oeuvres
- 1652 : La sphere de la lune, composée de la teste de la Femme par Mad. de B***, à Paris, chez Antoine de Sommaville -- Mademoiselle de B***, 1652, La Sphère de la lune composée de la tête de la femme, Paris, Côté-femmes, 1992.
- 1654 : La reflexion de la lune sur les hommes par Mad. de B*** à Paris, chez Antoine de Sommaville.
- 1659 : «Portraits en prose de la Princesse d'Angleterre, de Mademoiselle de Choisy, du Roi, de Mademoiselle de Saumaise, de la Reine de Suède, de la reyne-Mère», in Divers portraits, à Paris, chez Charles de Sercy et Claude Barbin; Recueil des portraits et eloges en vers et prose dedié à son altesse royale Mademoiselle, à Paris, chez Charles de Sercy.
- 1666 : Les lettres et poesies de Madame la comtesse de B***, à Leyde, chez Antoine du Val.
- 1667 : Les oeuvres galantes de Mme la comtesse de B., à Paris, chez Jean Ribou (reproduction de l'édition précédente, avec seulement une table en plus).
Choix bibliographique
- Berriot-Salvadore, Evelyne. Préface à Mademoiselle de B***, 1652, La Sphère de la lune, voir supra.
- Fukuy, Y. Raffinement précieux dans la poésie française du XVIIe siècle. Paris, Nizet, 1964, p.24, 295, 306-308.
- Goujet, Abbé. Bibliothèque françoise ou Histoire de la littérature française. Paris, H.-L. Guérin et L.-F. Delatour, 1756, t.XVIII, p.335-341.
- Mongrédien, Georges. «Une précieuse: la comtesse de Brégy». La Revue de France, 3, 1929, p.36-66.
- Id., «Brégy», in M. Prévost et R. d'Amat (dir.), Dictionnaire de Biographie Française. Paris, Librairie Letourey, 1956, t.VII, p.195.
Jugements
- «Mme la Marquise de Bregy. Beauté serieuse. Une autre Tanaquil, femme d'Estat.» (Saint-Gabriel, Le merite des dames, Paris, Jacques Le Gras, 1660, p.292).
- «Belarmis est une pretieuse qui vit en celibat, quoy que son mary soit encore vivant. Son esprit a fait parler d'elle et l'a fait connoistre pour pretieuse, non seulement parce qu'elle parle comme elles, mais encore parce qu'elle ecrit fort bien en vers et en prose. Toute la Grece [la France] s'est partagée à l'occasion d'une querelle qu'elle eut avec une autre belle dont je tais le nom; elle tient ruelle et voit les autheurs les plus celebres. Sa demeure est dans le Palais que Seneque a fait bastir dans le quartier de la Normandie [le Palais Royal bâti par Richelieu].» (Le grand dictionnaire des Pretieuses par le sieur de Somaize, Paris, Jean Ribou, 1661; éd. Ch.-L. Livet, Paris, P. Jannet, 1856, t.I, p.38).
- «Belinde. Madame de Bregis. On ne doit pas s'etonner qu'elle s'applique particulierement aux belles lettres, puis qu'elle est Niece de ce grand Sommaise qui estoit entretenu par la Republique de Hollande.» (Jean de La Forge, Le Cercle des femmes sçavantes, Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1663, p.16).