Anne de Marquets : Différence entre versions
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Anne de Marquets s'éteint le 11 mai 1588, veille de la journée des Barricades, après avoir passé toute sa vie au prieuré dominicain de Saint-Louis de Poissy. Née, selon toute probabilité, à Marques, près d'Eu, en Normandie vers 1533, d'une famille de noblesse provinciale, elle est envoyée au prieuré dès sa prime jeunesse. Fondé en 1304 par Philippe le Bel pour recevoir surtout des femmes nobles, le prieuré de Saint-Louis est réputé pour l'ampleur de son église et de ses bâtiments, la beauté de ses jardins et de son site, et la richesse de ses revenus. C'est peut-être dans cette maison que Christine de Pizan s'était retirée vers la fin de sa vie. Elle en donnait en tout cas, dans son ''Dit de Poissy'' (v. 1400), une description pleine d'admiration qui souligne le bien-être matériel des soeurs, le raffinement de leur vie, et l'indépendance de cette communauté exclusivement féminine. Lieu où la vie des femmes est, certes, soumise à des contraintes, mais lieu privilégié aussi, propice aux aspirations intellectuelles et culturelles. À l'école du prieuré, Anne de Marquets reçoit les bases d'une culture solide, étudiant le latin et probablement aussi le grec. Plus tard, elle y enseignera elle-même, formant une génération de femmes plus jeunes dont plusieurs écriront des vers -- et parmi lesquelles se trouve Marie de Fortia, future éditrice de ses ''Sonets spirituels''. | Anne de Marquets s'éteint le 11 mai 1588, veille de la journée des Barricades, après avoir passé toute sa vie au prieuré dominicain de Saint-Louis de Poissy. Née, selon toute probabilité, à Marques, près d'Eu, en Normandie vers 1533, d'une famille de noblesse provinciale, elle est envoyée au prieuré dès sa prime jeunesse. Fondé en 1304 par Philippe le Bel pour recevoir surtout des femmes nobles, le prieuré de Saint-Louis est réputé pour l'ampleur de son église et de ses bâtiments, la beauté de ses jardins et de son site, et la richesse de ses revenus. C'est peut-être dans cette maison que Christine de Pizan s'était retirée vers la fin de sa vie. Elle en donnait en tout cas, dans son ''Dit de Poissy'' (v. 1400), une description pleine d'admiration qui souligne le bien-être matériel des soeurs, le raffinement de leur vie, et l'indépendance de cette communauté exclusivement féminine. Lieu où la vie des femmes est, certes, soumise à des contraintes, mais lieu privilégié aussi, propice aux aspirations intellectuelles et culturelles. À l'école du prieuré, Anne de Marquets reçoit les bases d'une culture solide, étudiant le latin et probablement aussi le grec. Plus tard, elle y enseignera elle-même, formant une génération de femmes plus jeunes dont plusieurs écriront des vers -- et parmi lesquelles se trouve Marie de Fortia, future éditrice de ses ''Sonets spirituels''. | ||
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- «La vivacité, la grâce de son entretien, n'étaient pas douteuses; son savoir l'eût été davantage, si l'on admettait sur elle l'opinion d'un très-habile connaisseur, mais aussi d'un très-malin critique, de Henri Estienne. Celui-ci prétendait qu'elle n'avait qu'une teinture médiocre du latin et plus encore du grec, s'étant vu obligé, disait-il, de prendre une peine extrême pour lui faire entendre son bréviaire. Mais est-il besoin de rappeler que l'auteur de l'''Apologie d'Hérodote'' n'était pas toujours et pour tous également digne de foi?» (Léon Feugère, ''Les Femmes poètes au XVIe siècle'', Paris, Didier, 1860, réimp. Genève, Slatkine, 1969, p.64).<br /> | - «La vivacité, la grâce de son entretien, n'étaient pas douteuses; son savoir l'eût été davantage, si l'on admettait sur elle l'opinion d'un très-habile connaisseur, mais aussi d'un très-malin critique, de Henri Estienne. Celui-ci prétendait qu'elle n'avait qu'une teinture médiocre du latin et plus encore du grec, s'étant vu obligé, disait-il, de prendre une peine extrême pour lui faire entendre son bréviaire. Mais est-il besoin de rappeler que l'auteur de l'''Apologie d'Hérodote'' n'était pas toujours et pour tous également digne de foi?» (Léon Feugère, ''Les Femmes poètes au XVIe siècle'', Paris, Didier, 1860, réimp. Genève, Slatkine, 1969, p.64).<br /> | ||
- Les ''Sonets spirituels'' sont «far more advanced, in terms of the application of systematic devotional practice to poetry, than anything written in the 1570s and 1580s» (Terence Cave, ''Devotional Poetry in France c. 1570-1613'', Cambridge, Cambridge University Press, 1969, p.86). | - Les ''Sonets spirituels'' sont «far more advanced, in terms of the application of systematic devotional practice to poetry, than anything written in the 1570s and 1580s» (Terence Cave, ''Devotional Poetry in France c. 1570-1613'', Cambridge, Cambridge University Press, 1969, p.86). | ||
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Version du 22 avril 2011 à 14:58
Anne de Marquets | ||
Biographie | ||
Date de naissance | Vers 1533 | |
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Date de décès | 1588 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Notice de Gary Ferguson, 2003.
Anne de Marquets s'éteint le 11 mai 1588, veille de la journée des Barricades, après avoir passé toute sa vie au prieuré dominicain de Saint-Louis de Poissy. Née, selon toute probabilité, à Marques, près d'Eu, en Normandie vers 1533, d'une famille de noblesse provinciale, elle est envoyée au prieuré dès sa prime jeunesse. Fondé en 1304 par Philippe le Bel pour recevoir surtout des femmes nobles, le prieuré de Saint-Louis est réputé pour l'ampleur de son église et de ses bâtiments, la beauté de ses jardins et de son site, et la richesse de ses revenus. C'est peut-être dans cette maison que Christine de Pizan s'était retirée vers la fin de sa vie. Elle en donnait en tout cas, dans son Dit de Poissy (v. 1400), une description pleine d'admiration qui souligne le bien-être matériel des soeurs, le raffinement de leur vie, et l'indépendance de cette communauté exclusivement féminine. Lieu où la vie des femmes est, certes, soumise à des contraintes, mais lieu privilégié aussi, propice aux aspirations intellectuelles et culturelles. À l'école du prieuré, Anne de Marquets reçoit les bases d'une culture solide, étudiant le latin et probablement aussi le grec. Plus tard, elle y enseignera elle-même, formant une génération de femmes plus jeunes dont plusieurs écriront des vers -- et parmi lesquelles se trouve Marie de Fortia, future éditrice de ses Sonets spirituels.
En 1561, le Colloque de Poissy réunit des personnalités catholiques et protestantes dans une tentative de réconciliation; ces discussions sont vouées à l'échec. Pour Anne de Marquets, c'est l'occasion d'écrire sa première oeuvre poétique, les Sonets, prieres et devises en forme de pasquins, dédiée au cardinal de Lorraine et accompagnée de vers liminaires de Dorat et de Ronsard. Bien que ces poèmes polémiques émanent de la plume d'une femme, leur publication est autorisée, si ce n'est organisée, par des membres de la hiérarchie catholique. La présence au Colloque de Marguerite de Valois et de Claude d'Espence s'avère tout aussi décisive pour la carrière littéraire de la dominicaine. La soeur du roi et le théologien encouragent en effet la composition et la publication de son deuxième recueil, Les Divines Poesies de Marc Antoine Flaminius (1568). À une traduction du De rebus divinis carmina du poète néo-latin s'ajoute une série de poèmes de sa propre composition qui constitue plus de la moitié du volume.
Entre 1568 et 1588, Anne de Marquets travaille aux Sonets spirituels, son oeuvre la plus importante et la plus originale, mais qui ne sera publiée que dix-sept ans après sa mort. Les quatre cent quatre-vingts sonnets de ce recueil, dont la structure rappelle celle du bréviaire ou du missel, célèbrent, à tour de rôle, les fêtes et les saisons de l'année chrétienne. Exploitant avec bonheur les possibilités esthétiques du cycle lyrique et celles du cycle liturgique, ils constituent un véritable «canzoniere divino», d'une ampleur et d'une conception d'ensemble remarquables. Cette poésie, à la fois méditative et didactique, puise son inspiration dans les textes de la liturgie, dans la Bible, et dans les oeuvres de piété traditionnelles, surtout la Légende dorée. En même temps, les sonnets témoignent aussi d'un intérêt porté à la poésie de la Pléiade et à la mythologie antique. Ils ne craignent pas non plus de s'engager dans les grands débats du jour, tels la Réforme et la querelle des femmes. En général, les Sonets spirituels se montrent modérés, iréniques quant à leur portée théologique et leur «féminisme», même si ceux qui rejettent l'orthodoxie catholique et les misogynes se trouvent parfois vertement pris à partie. Les poèmes présentent en outre de nombreuses caractéristiques qui contribuent à ce que l'on convient d'appeler la «féminisation» de la dévotion, et qui se prêtent à une analyse par le biais du «genre» (angl. gender). On remarque par exemple l'emploi d'images ayant rapport à la maternité, aux soins portés à l'enfant, au foyer, etc.; la mise en valeur d'exemples féminins (saintes, personnages bibliques); l'élaboration textuelle d'une communauté féminine; l'accent mis sur des qualités traditionnellement attribuées aux femmes (humilité, patience, obéissance, tendresse, compassion, pitié, etc.).
On ne saurait sans injustice nier aux oeuvres d'Anne de Marquets leur diversité, leur engagement et leur originalité. Appréciées par ses contemporains, elles suscitent à nouveau l'intérêt des critiques.
Oeuvres
- 1562 : Sonets, prieres et devises en forme de pasquins, pour l'assemblée de Messieurs les Prelats et Docteurs, tenue à Poissy, M.D.LXI, Paris, G. Morel -- Éd. André Gendre, in «Naissance des échanges polémiques à la veille des guerres civiles: Anne de Marquets et son adversaire protestant», Bibl. d'Humanisme et Renaissance, 62, 2000, p.317-357.
- 1563 : «Aenigme», in Claude d'Espence, Urbanarum meditationum in hoc sacro et civili bello elegiae duae. Eucharistia. Parasceve. Aenigma, Paris, F. Morel; la traduction du poème «Parasceve» lui a aussi été attribuée.
- 1566 : paraphrases en français des collectes et traduction du poème «Violae martiae descriptio», in Claude d'Espence, Collectarum ecclesiasticarum liber unus, Paris, veufve G. Morel.
- 1568 : Les Divines Poesies de Marc Antoine Flaminius etc., Paris, N. Chesneau.
- 1568-1588 : Sonets spirituels [...] sur les dimanches et principales solennitez de l'année, Paris, C. Morel, 1605 -- Éd. Gary Ferguson, Genève, Droz, 1997.
Choix bibliographique
- Berriot-Salvadore, Evelyne. «'Une nonain latinisante': Anne de Marquets», in Pascale Blum et Anne Mantero (dir.), Poésie et Bible de la Renaissance à l'âge classique, 1550-1680. Paris, H. Champion, 1999, p.183-197.
- Ferguson, Gary. «Le Chapelet et la plume, ou, quand la religieuse se fait écrivain: le cas du prieuré de Poissy (1562-1621)». Nouv. Revue du Seizième Siècle, 19, 2001, p.83-99.
- Ferguson, Gary. «The Feminisation of Devotion: Gabrielle de Coignard, Anne de Marquets, and François de Sales», in Philip Ford et Gillian Jondorf (dir.),Women's Writing in the French Renaissance: Proceedings of the Fifth Cambridge French Renaissance Colloquium, 7-9 July 1997. Cambridge, Cambridge French Colloquia, 1999, p.187-206.
- Fournier, Hannah S. «La Voix textuelle des Sonets spirituels d'Anne de Marquets». Études littéraires, 20, 1987, p.77-92.
- Seiler, Mary Hilarine. Anne de Marquets, poétesse religieuse du XVIe siècle. Washington, D.C., Catholic Univ. of America Press, 1931, réimp. New York, AMS Press, 1969.
Jugements
- «Anne de Marquets, damoiselle tres-docte en grec, latin et françois, natifve du conté d'Eu au Vexin françois, religieuse à Poissy [...]. Elle compose encores chacun jour, tant en vers latins, qu'en françois [...]. Elle florist à Poissy l'an 1584» (François Grudé de La Croix du Maine, Premier Volume de la Bibliothèque, Paris, A. L'Angelier, 1584, p.10).
- «La vivacité, la grâce de son entretien, n'étaient pas douteuses; son savoir l'eût été davantage, si l'on admettait sur elle l'opinion d'un très-habile connaisseur, mais aussi d'un très-malin critique, de Henri Estienne. Celui-ci prétendait qu'elle n'avait qu'une teinture médiocre du latin et plus encore du grec, s'étant vu obligé, disait-il, de prendre une peine extrême pour lui faire entendre son bréviaire. Mais est-il besoin de rappeler que l'auteur de l'Apologie d'Hérodote n'était pas toujours et pour tous également digne de foi?» (Léon Feugère, Les Femmes poètes au XVIe siècle, Paris, Didier, 1860, réimp. Genève, Slatkine, 1969, p.64).
- Les Sonets spirituels sont «far more advanced, in terms of the application of systematic devotional practice to poetry, than anything written in the 1570s and 1580s» (Terence Cave, Devotional Poetry in France c. 1570-1613, Cambridge, Cambridge University Press, 1969, p.86).