Marie Huber : Différence entre versions
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/o:p>Pitassi, Maria-Cristina, «Être femme et théologienne au XVIIIe siècle. Le cas de Marie Huber», dans ''De l'Humanisme aux Lumières, Bayle et le protestantisme. Mélanges en l'honneur d'Elisabeth Labrousse'', dir. M. Magdelaine ''et al.'', Paris/Oxford, Universitas/Voltaire Foundation, 1996, p.395-409. | /o:p>Pitassi, Maria-Cristina, «Être femme et théologienne au XVIIIe siècle. Le cas de Marie Huber», dans ''De l'Humanisme aux Lumières, Bayle et le protestantisme. Mélanges en l'honneur d'Elisabeth Labrousse'', dir. M. Magdelaine ''et al.'', Paris/Oxford, Universitas/Voltaire Foundation, 1996, p.395-409. | ||
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− | - «Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que, comme en lisant ses écrits, on ne sauroit la prendre pour une femme; de même, ceux qui ont vécu avec elle disent qu’en l’écoutant on ne l’auroit jamais prise pour un Auteur.» (J. Senebier, ''Histoire littéraire de Genève'', Genève, Barde, Mauget et Cie, 1786, t.3, p.84) | + | - «Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que, comme en lisant ses écrits, on ne sauroit la prendre pour une femme; de même, ceux qui ont vécu avec elle disent qu’en l’écoutant on ne l’auroit jamais prise pour un Auteur.» (J. Senebier, ''Histoire littéraire de Genève'', Genève, Barde, Mauget et Cie, 1786, t.3, p.84)<br/> |
− | - «Une femmelette, dont l’orgueil s’est avisé de bâtir un systême tout hérétique, a fondé sa prétendue ''Religion essentielle à l’homme.''» (J. Ph. Dutoit-Mambrini, ''La Philosophie divine, appliquée aux lumières naturelle, magique, astrale, surnaturelle, céleste et divine...'', Lausanne, ''sn'', 1793, t.1, p.258) | + | - «Une femmelette, dont l’orgueil s’est avisé de bâtir un systême tout hérétique, a fondé sa prétendue ''Religion essentielle à l’homme.''» (J. Ph. Dutoit-Mambrini, ''La Philosophie divine, appliquée aux lumières naturelle, magique, astrale, surnaturelle, céleste et divine...'', Lausanne, ''sn'', 1793, t.1, p.258)<br/> |
− | + | - «Une femme, une jeune fille, une belle sibylle des Alpes, une théologienne de vingt ans, une prophétesse de raison et d’instruction qui prophétise à demi-voix et qui prophétise quoi? La profession de foi du ''Vicaire savoyard''. C’était dans l’air; Rousseau l’écoute, il retient; il s’inspire, et il écrit. Qui se serait douté de cette Égérie cachée dans les grottes du lac Léman, derrière ce philosophe misanthrope de la rue Plâtrière, à Paris?» (A. de Lamartine, ''Cours familier de littérature'', Paris, ''sn'', 1861, t.12, p.51)<br/> | |
− | / | + | - «Par choix ou par nécessité, Marie Huber a mené ainsi une sorte de double vie, écartelée entre le rôle silencieux auquel sa condition sexuelle et sa piété la destinaient et une prise de parole qui, pour s’être faite dans l’anonymat et la discrétion, n’en demeura pas moins percutante. [...] Femme retirée, étrangère à cette mondanité qui conférait aux dames savantes du XVIIIe siècle une certaine reconnaissance sociale, protestante dans une France se voulant désormais toute catholique, chrétienne laminée dans son credo confessionnel, Marie Huber vécut son engagement intellectuel sous le signe d'une marginalité à peine masquée par ce qui a dû être le quotidien ordinaire de son existence. Une marginalité qui ne saurait pourtant cacher le dialogue constant que notre auteur entretint avec la culture théologique de son temps, culture faite d'orthodoxies moribondes et de libéralismes naissants, de déclin dogmatique et de réductionnisme moral, d'apologétiques historiques et de critique scripturaire. Ce dialogue ne ressort pas seulement de la qualité de ses ouvrages, qui montrent un auteur remarquablement informé des débats théologiques même les plus techniques, mais se reflète aussi idéalement dans la forme littéraire choisie par Marie; ce n'est peut-être pas un hasard si ses livres sont conçus soit comme des conversations soit comme des promenades entre amis soit comme des lettres, c'est-à-dire comme des genres qui mettent en scène des interlocuteurs se prêtant au mouvement dialectique de la question et de la réponse. Et s'il est vrai qu'il s'agit de genres à la mode, très prisés au XVIIIe siècle, il n'en demeure pas moins que c'est grâce à ces dialogues fictifs, qui sentent parfois l'artificiel, que Marie réinvente une convivialité savante qui a dû lui faire cruellement défaut dans la réalité féminine, solitaire et écartée, qui a été la sienne.» (Maria-Cristina Pitassi, «Être femme et théologienne...», voir ''supra'', choix bibliographique,'' ''p.397)<br/> |
− | - «Une femme, une jeune fille, une belle sibylle des Alpes, une théologienne de vingt ans, une prophétesse de raison et d’instruction qui prophétise à demi-voix et qui prophétise quoi? La profession de foi du ''Vicaire savoyard''. C’était dans l’air; Rousseau l’écoute, il retient; il s’inspire, et il écrit. Qui se serait douté de cette Égérie cachée dans les grottes du lac Léman, derrière ce philosophe misanthrope de la rue Plâtrière, à Paris?» (A. de Lamartine, ''Cours familier de littérature'', Paris, ''sn'', 1861, t.12, p.51) | + | |
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− | - «Par choix ou par nécessité, Marie Huber a mené ainsi une sorte de double vie, écartelée entre le rôle silencieux auquel sa condition sexuelle et sa piété la destinaient et une prise de parole qui, pour s’être faite dans l’anonymat et la discrétion, n’en demeura pas moins percutante. [...] Femme retirée, étrangère à cette mondanité qui conférait aux dames savantes du XVIIIe siècle une certaine reconnaissance sociale, protestante dans une France se voulant désormais toute catholique, chrétienne laminée dans son credo confessionnel, Marie Huber vécut son engagement intellectuel sous le signe d'une marginalité à peine masquée par ce qui a dû être le quotidien ordinaire de son existence. Une marginalité qui ne saurait pourtant cacher le dialogue constant que notre auteur entretint avec la culture théologique de son temps, culture faite d'orthodoxies moribondes et de libéralismes naissants, de déclin dogmatique et de réductionnisme moral, d'apologétiques historiques et de critique scripturaire. Ce dialogue ne ressort pas seulement de la qualité de ses ouvrages, qui montrent un auteur remarquablement informé des débats théologiques même les plus techniques, mais se reflète aussi idéalement dans la forme littéraire choisie par Marie; ce n'est peut-être pas un hasard si ses livres sont conçus soit comme des conversations soit comme des promenades entre amis soit comme des lettres, c'est-à-dire comme des genres qui mettent en scène des interlocuteurs se prêtant au mouvement dialectique de la question et de la réponse. Et s'il est vrai qu'il s'agit de genres à la mode, très prisés au XVIIIe siècle, il n'en demeure pas moins que c'est grâce à ces dialogues fictifs, qui sentent parfois l'artificiel, que Marie réinvente une convivialité savante qui a dû lui faire cruellement défaut dans la réalité féminine, solitaire et écartée, qui a été la sienne.» (Maria-Cristina Pitassi, «Être femme et théologienne...», voir ''supra'', choix bibliographique,'' ''p.397) | + | |
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- «Forceful and unusually independent in her thinking, she is considered the forerunner of liberal Protestantism [...]. She devoted her discreet life to good deeds and writing.» (''Feminist Encyclopedia of French Literature'', éd. Eva Sartori, Westport, Greenwood Press, 1999, p.260) | - «Forceful and unusually independent in her thinking, she is considered the forerunner of liberal Protestantism [...]. She devoted her discreet life to good deeds and writing.» (''Feminist Encyclopedia of French Literature'', éd. Eva Sartori, Westport, Greenwood Press, 1999, p.260) | ||
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Version actuelle en date du 7 janvier 2011 à 20:17
Marie Huber | ||
Biographie | ||
Date de naissance | 1695 | |
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Date de décès | 1753 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Notice de Yves Krumenacker, 2007.
Marie Huber est née le 4 mars 1695 à Genève, de Jean-Jacques Huber, négociant-banquier, et d’Anne-Catherine Calandrini. Son grand-père, Benedict Calandrini, est un pasteur genevois très influent, représentant de l’orthodoxie calviniste. La famille Huber s’installe à Lyon en 1711, ville où Marie habite jusqu’à sa mort, sans beaucoup la quitter. Comme partout en France, le protestantisme y est interdit, mais la famille est en lien avec d’anciens camisards et des huguenots, qui organisent des assemblées clandestines, ainsi qu’avec des piétistes radicaux suisses. En 1715-1716, Marie Huber, «sur l’inspiration de l’Esprit», se rend à Genève fulminer contre les moeurs des habitants et admonester les pasteurs. Son échec lui fait prendre peu à peu ses distances envers les phénomènes extraordinaires, même si elle n’abandonne pas ses sympathies piétistes. Restée célibataire, elle peut mener l’existence d’une fille de riches négociants. On la dit adonnée aux bonnes oeuvres et à la lecture de la Bible. Bien que n’ayant vraisemblablement pas fait de véritables études, elle se met à écrire. Des manuscrits, peut-être des conversations pieuses mises par écrit, sont lus par ses amis et édités. Un Écrit sur le Jeu et les Plaisirs (1722, aujourd’hui perdu), encore imprégné d’esprit piétiste, condamne toute récréation. Il a été traduit en allemand en 1736. Marie Huber entend faire oeuvre d’apologétique et combattre le déisme, avec des arguments rationnels. En 1731 sont publiés Le Monde fou préféré au monde sage, qui attaque ceux qui ne songent qu’aux apparences et n’écoutent pas leur conscience, et Les Sentiments différents de quelques théologiens sur l’état des âmes séparées des corps. Cet ouvrage, plusieurs fois réédité sous différents titres (dont Le Système des théologiens anciens et modernes), traduit en allemand et en anglais, s’en prend au dogme calviniste de l’éternité des peines et préfère une purification inspirée de l’apocatastase (le rétablissement de toutes choses en leur pureté originelle) d’Origène. Il suscite une importante controverse, ce qui n’empêche pas Marie Huber de continuer sa réflexion. Elle propose une ample synthèse du christianisme pour, dit-elle, répliquer aux incrédules et aux esprits forts: ce sont les Lettres sur la religion essentielle à l’homme(1738, nombreuses rééditions, traductions allemandes et anglaises), qui peuvent apparaître, en réalité, comme représentatives du déisme. En partant des attributs de Dieu, ce livre expose une religion naturelle dont les lois ont été gravées par Dieu dans la conscience et que la religion révélée ne fait que rappeler aux hommes. Cette religion révélée s’avère ici très différente de celle des théologiens, envers qui Marie Huber est très critique. Elle publie encore, l’année de sa mort, une Réduction du Spectateur anglais, qui reprend un certain nombre d’articles du célèbre journal de Steele et Addison (13 juin 1753).
Tous ses livres sont parus sans nom d’auteur et ont généralement été considérés comme provenant d’un piétiste ou d’un déiste. Ils ont été attaqués par les théologiens protestants aussi bien que catholiques. L’influence de Marie Huber est difficile à préciser, mais elle n’est certainement pas négligeable. On sait que Jean-Jacques Rousseau a lu les Lettres sur la religion essentielle et que celles-ci constituent une des sources du Vicaire savoyard. La controverse, vive au XVIIIe siècle, sur l’éternité des peines, doit sans doute beaucoup à Marie Huber. Enfin, ses livres de 1731 ont été traduits aux États-Unis (en 1806 et 1817) et ont été lus dans les milieux unitariens. Marie Huber est en revanche presque oubliée aujourd’hui, n’ayant guère intéressé que des théologiens (qui en ont fait une aïeule du protestantisme libéral) et des historiens de la pensée philosophique.
Oeuvres
- 1722 : Écrit sur le Jeu et les plaisirs (écrit aujourd’hui disparu, résumé dans Gustave Metzger, Marie Huber..., voir infra, choix bibliographique).
- 1731 : Le Monde fou préféré au monde sage, en vingt-quatre promenades de trois amis, Criton philosophe, Philon avocat, Eraste négociant, Amsterdam/Genève, J. Wetsteins et W. Smith/Fabri et Barrillot, 2 vol.
- 1731 : Sentimens differens de quelques théologiens sur l'état des âmes séparées des corps en quatorze lettres, sl, sn.
- 1733 : Le Monde fou préféré au monde sage, en vingt-quatre promenades de trois amis, Criton philosophe, Philon avocat, Eraste négociant, nouvelle édition, augmentée de deux lettres, Amsterdam/Genève, Wetsteins et Smith/Fabri et Barrillot, 2 vol.
- 1733 : Le Sisteme des anciens et des modernes, concilié par l'exposition des sentimens differens de quelques théologiens sur l'état des âmes séparées des corps. En quatorze lettres. Nouvelle édition, augmentée par des notes & quelques pièces nouvelles, Amsterdam/Genève, Wetsteins et Smith/Fabri et Barrillot.
- 1733 : Le Sisteme des anciens et des modernes, concilié par l'exposition des sentimens differens de quelques théologiens sur l'état des âmes séparées des corps. En quatorze lettres et Suite de ce livre servant de réponse à l'examen de l'origénisme, par M. R., Amsterdam, sn.
- 1734 : «Lettres sur les promenades», «Premiere [-deuxieme] lettre sur l'indifférence des religions», «Premiere [-deuxieme] lettre sur les plaisirs», dans Le Monde fou préféré au monde sage en vingt-six promenades de trois amis, Criton philosophe, Philon avocat, Eraste negociant. Nouvelle édition, corrigée & augmentée de quelques lettres, Londres, sn, t.2.
- 1738 : Lettres sur la religion essentielle à l'homme, distinguée de ce qui n'en est que l'accessoire, Amsterdam, J. Wetsteins et W. Smith, 2 t.
- 1739 : Le sisteme des théologiens anciens et modernes, concilié par l'exposition des differens sentimens sur l'état des âmes séparées des corps. En quatorze lettres. Troisieme édition augumentée [sic] de diverses pièces nouvelles par l'auteur même, Londres, sn.
- 1739 : Lettres sur la religion essentielle à l'homme, distinguée de ce qui n'en est que l'accessoire, Londres/Lausanne, sn, 4 t. en 2 vol. (les deux dernières parties ont pour titres particuliers: «Suite sur la religion essentielle à l'homme, servant de réponse aux objections qui ont été faites à l'ouvrage qui porte ce titre, 3e partie» et «Suite de la 3e partie sur la religion essentielle à l'homme en 12 lettres»).
- 1744 : Le Monde fou préféré au monde sage, en vingt-six promenades de trois amis, Criton philosophe. Philon avocat. Eraste négociant. Nouvelle édition corrigée et augmentée de quelques lettres, Londres/Genève, sn/Barrillot et fils.
- 1753 : Reduction du Spectateur anglois à ce qu'il renferme de meilleur, de plus utile et de plus agréable. Avec nombre d'insertions dans le texte, des additions considérables et quantité de notes, par l'auteur des XIV lettres, Amsterdam, Z. Chatelain et fils.
- Recueil de diverses pièces servant de supplément aux lettres sur la religion essentielle à l'homme, Berlin, E. de Bourdeaux, 1754, 2 t.
- Lettres sur la religion essentielle à l'homme, distinguée de ce qui n'en est que l'accessoire, Londres, sn, 1756, 6 t. en 4 vol. (les deux dernières parties ont pour titres particuliers: «Recueil de diverses pièces servant de supplément aux lettres sur la religion essentielle à l'homme, etc., par le même autheur. OEuvres posthumes... 5e [-6e] partie»).
- Le Sisteme des anciens et des modernes... (Suite..., servant de réponse au livre intitulé, Examen de l'Origenisme par... R. Sur le poinct d'honneur mal entendu des écrivains en deux lettres), nouvelle édition augmentée, Londres, sn, 1757, 2 t..
Choix bibliographique
- Briggs, Eric R., «Marie Huber and the Campaign against Eternal Hell Torments», dans Women and Society in 18th Century France. Essays in Honour of John Stephenson Spink, dir. Eva Jacobs, Londres, Athlone Press, 1979, p.218-228.
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/o:p>Krumenacker, Yves, «L’évolution du concept de conscience chez Marie Huber», Dix-huitième siècle, 34, 2002, p.225-237.
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/o:p>Krumenacker, Yves, «Marie Huber, une théologienne entre piétisme et Lumières», dans Refuge et Désert. L’évolution théologique des huguenots de la Révocation à la Révolution française, Actes du colloque de Montpellier, 18-20 janvier 2001, dir. H. Bost et Cl. Lauriol, Paris, H. Champion, 2003, p.99-115.
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/o:p>Metzger, Gustave, Marie Huber (1695-1753). Sa vie, ses oeuvres, sa théologie, Genève, Rivera et Dubois, 1887.
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/o:p>Pitassi, Maria-Cristina, «Être femme et théologienne au XVIIIe siècle. Le cas de Marie Huber», dans De l'Humanisme aux Lumières, Bayle et le protestantisme. Mélanges en l'honneur d'Elisabeth Labrousse, dir. M. Magdelaine et al., Paris/Oxford, Universitas/Voltaire Foundation, 1996, p.395-409.
Jugements
- «Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que, comme en lisant ses écrits, on ne sauroit la prendre pour une femme; de même, ceux qui ont vécu avec elle disent qu’en l’écoutant on ne l’auroit jamais prise pour un Auteur.» (J. Senebier, Histoire littéraire de Genève, Genève, Barde, Mauget et Cie, 1786, t.3, p.84)
- «Une femmelette, dont l’orgueil s’est avisé de bâtir un systême tout hérétique, a fondé sa prétendue Religion essentielle à l’homme.» (J. Ph. Dutoit-Mambrini, La Philosophie divine, appliquée aux lumières naturelle, magique, astrale, surnaturelle, céleste et divine..., Lausanne, sn, 1793, t.1, p.258)
- «Une femme, une jeune fille, une belle sibylle des Alpes, une théologienne de vingt ans, une prophétesse de raison et d’instruction qui prophétise à demi-voix et qui prophétise quoi? La profession de foi du Vicaire savoyard. C’était dans l’air; Rousseau l’écoute, il retient; il s’inspire, et il écrit. Qui se serait douté de cette Égérie cachée dans les grottes du lac Léman, derrière ce philosophe misanthrope de la rue Plâtrière, à Paris?» (A. de Lamartine, Cours familier de littérature, Paris, sn, 1861, t.12, p.51)
- «Par choix ou par nécessité, Marie Huber a mené ainsi une sorte de double vie, écartelée entre le rôle silencieux auquel sa condition sexuelle et sa piété la destinaient et une prise de parole qui, pour s’être faite dans l’anonymat et la discrétion, n’en demeura pas moins percutante. [...] Femme retirée, étrangère à cette mondanité qui conférait aux dames savantes du XVIIIe siècle une certaine reconnaissance sociale, protestante dans une France se voulant désormais toute catholique, chrétienne laminée dans son credo confessionnel, Marie Huber vécut son engagement intellectuel sous le signe d'une marginalité à peine masquée par ce qui a dû être le quotidien ordinaire de son existence. Une marginalité qui ne saurait pourtant cacher le dialogue constant que notre auteur entretint avec la culture théologique de son temps, culture faite d'orthodoxies moribondes et de libéralismes naissants, de déclin dogmatique et de réductionnisme moral, d'apologétiques historiques et de critique scripturaire. Ce dialogue ne ressort pas seulement de la qualité de ses ouvrages, qui montrent un auteur remarquablement informé des débats théologiques même les plus techniques, mais se reflète aussi idéalement dans la forme littéraire choisie par Marie; ce n'est peut-être pas un hasard si ses livres sont conçus soit comme des conversations soit comme des promenades entre amis soit comme des lettres, c'est-à-dire comme des genres qui mettent en scène des interlocuteurs se prêtant au mouvement dialectique de la question et de la réponse. Et s'il est vrai qu'il s'agit de genres à la mode, très prisés au XVIIIe siècle, il n'en demeure pas moins que c'est grâce à ces dialogues fictifs, qui sentent parfois l'artificiel, que Marie réinvente une convivialité savante qui a dû lui faire cruellement défaut dans la réalité féminine, solitaire et écartée, qui a été la sienne.» (Maria-Cristina Pitassi, «Être femme et théologienne...», voir supra, choix bibliographique, p.397)
- «Forceful and unusually independent in her thinking, she is considered the forerunner of liberal Protestantism [...]. She devoted her discreet life to good deeds and writing.» (Feminist Encyclopedia of French Literature, éd. Eva Sartori, Westport, Greenwood Press, 1999, p.260)