Claire-Thérèse d'Aguesseau : Différence entre versions

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* « A l'exemple de son père, la comtesse de Chastellux était pieuse, modeste, gaie et amicale ; elle refusait de mettre du rouge et d'aller au spectacle, et son mari, d'ailleurs fort vertueux, ne voulut pas contrarier ses désirs. [..] Veuve le 12 avril 1742, elle redoubla de soins pour ses enfants ». Elle eut pour moi « des bontés de mère. » (Jacob-Nicolas Moreau [alors précepteur des fils aînés et ami de la maison], ''Mes Souvenirs'', Paris, Plon, 1898-1901, t.1, p. 25).
 
* « A l'exemple de son père, la comtesse de Chastellux était pieuse, modeste, gaie et amicale ; elle refusait de mettre du rouge et d'aller au spectacle, et son mari, d'ailleurs fort vertueux, ne voulut pas contrarier ses désirs. [..] Veuve le 12 avril 1742, elle redoubla de soins pour ses enfants ». Elle eut pour moi « des bontés de mère. » (Jacob-Nicolas Moreau [alors précepteur des fils aînés et ami de la maison], ''Mes Souvenirs'', Paris, Plon, 1898-1901, t.1, p. 25).
  
* « [Ma mère] avoit l’esprit juste et étendu, une grande facilité pour apprendre, avec la mémoire la plus heureuse ; avantage qu’elle avoit conservé jusqu’à la fin de sa vie, et qu’elle avoit fort cultivé dans son enfance. Toujours elle remporta les prix de mémoire [à la Visitation], et souvent on lui donna pour récompense, des vers à apprendre. Son goût dominant étoit alors la poésie ; elle avoit paru même en avoir un peu le talent ; mais elle l’abandonna en quittant le couvent. […] aucun écart ne l’a détournée un seul moment […] de cette touchante uniformité dans la vertu, qui a fait, pour ainsi dire, une seule journée de toute sa vie. […] Elle avoit dans Mme sa mère l’exemple des vertus qui rendent une femme précieuse à sa famille, et le modèle de son sexe. […] Elle avoit cependant encore plus le talent d’écrire que celui de la parole. […]  un petit défaut dans l’organe rendoit sa prononciation incertaine, […] mais elle savoit parfaitement sa langue, et l’écrivoit d’une manière peu commune par une femme. […] Pendant ce premier exil de M. son père [1718-1720] à Fresnes elle se remit au latin, dont elle n’avoit alors qu’une légère teinture, et que depuis elle a su parfaitement. Elle paroissoit toujours en savoir plus et avoir plus d’instruction que les femmes n’en ont ordinairement. […] Le mariage se fit le 16 février 1722. Ma mère avoit alors vingt-deux ans faits. Sa figure n’avoit rien de remarquable en bien ni en mal ; mais sa taille avoit plus de rectitude que de grâce, et ses traits plus de régularité que d’agrément. Cependant sa physionomie étoit noble, ouverte, et peignoit une belle âme ; […] elle n’avoit ni le goût ni le talent de la parure […]. Tout ce qu’elle savoit de celui qu’elle alloit épouser, son extérieur prévenant, ainsi que la joie que ce mariage donnoit à sa famille, la satisfaisoient aussi elle-même. […] Ma mère n’eut pas de peine à s’attacher à un homme qui avoit tant de qualités aimables […] ses vivacités […]  étoient quelquefois pour elle un sujet de mérite, [mais] ne lui causèrent jamais de malheur réel ; […]  il lui avoit laissé la liberté sur le rouge et le spectacle. De son côté, elle désiroit ne lui pas rendre sa dévotion à charge, et elle avoit la satisfaction de voir qu’il avoit lui-même beaucoup de principes de religion […]. ma mère eut neuf enfans, six garçons et trois filles ; elle perdit deux garçons et deux filles en bas âge. Cette fécondité n’altéra point son tempérament. Sans être forte, elle avoit une excellente santé ; […].
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* « [Ma mère] avoit l’esprit juste et étendu, une grande facilité pour apprendre, avec la mémoire la plus heureuse ; avantage qu’elle avoit conservé jusqu’à la fin de sa vie, et qu’elle avoit fort cultivé dans son enfance. Toujours elle remporta les prix de mémoire [à la Visitation], et souvent on lui donna pour récompense, des vers à apprendre. Son goût dominant étoit alors la poésie ; elle avoit paru même en avoir un peu le talent ; mais elle l’abandonna en quittant le couvent. […] aucun écart ne l’a détournée un seul moment […] de cette touchante uniformité dans la vertu, qui a fait, pour ainsi dire, une seule journée de toute sa vie. […] Elle avoit dans Mme sa mère l’exemple des vertus qui rendent une femme précieuse à sa famille, et le modèle de son sexe. […] Elle avoit cependant encore plus le talent d’écrire que celui de la parole. […]  un petit défaut dans l’organe rendoit sa prononciation incertaine, […] mais elle savoit parfaitement sa langue, et l’écrivoit d’une manière peu commune par une femme. […] Pendant ce premier exil de M. son père [1718-1720] à Fresnes elle se remit au latin, dont elle n’avoit alors qu’une légère teinture, et que depuis elle a su parfaitement. Elle paroissoit toujours en savoir plus et avoir plus d’instruction que les femmes n’en ont ordinairement. […] Le mariage se fit le 16 février 1722. Ma mère avoit alors vingt-deux ans faits. Sa figure n’avoit rien de remarquable en bien ni en mal ; mais sa taille avoit plus de rectitude que de grâce, et ses traits plus de régularité que d’agrément. Cependant sa physionomie étoit noble, ouverte, et peignoit une belle âme ; […] elle n’avoit ni le goût ni le talent de la parure […]. Tout ce qu’elle savoit de celui qu’elle alloit épouser, son extérieur prévenant, ainsi que la joie que ce mariage donnoit à sa famille, la satisfaisoient aussi elle-même. […] Ma mère n’eut pas de peine à s’attacher à un homme qui avoit tant de qualités aimables […] ses vivacités […]  étoient quelquefois pour elle un sujet de mérite, [mais] ne lui causèrent jamais de malheur réel ; […]  il lui avoit laissé la liberté sur le rouge et le spectacle. De son côté, elle désiroit ne lui pas rendre sa dévotion à charge, et elle avoit la satisfaction de voir qu’il avoit lui-même beaucoup de principes de religion […]. ma mère eut neuf enfans, six garçons et trois filles ; elle perdit deux garçons et deux filles en bas âge. Cette fécondité n’altéra point son tempérament. Sans être forte, elle avoit une excellente santé ; […]. [Éducation des enfants] Ils prirent donc le parti de les garder tous chez eux, excepté leurs filles, et de les élever sous leurs yeux. […] Quoiqu’elle fût chargée d’une nombreuse famille, elle ne voulut jamais rien faire pour porter aucun de ses enfans à l’état ecclésiastique. […] elle se seroit fait un véritable scrupule de leur procurer des biens d’église, ou de déterminer leur vocation […]. [Chagrins familiaux] Ma mère ne se permettait pas, quand elle étoit affligée, les soulagemens qui nourrissent et entretiennent la douleur en paroissant la satisfaire. […] » (Marquise de la Tournelle [fille de Claire-Thérèse d’Aguesseau, comtesse de Chastellux], « Essai sur la Vie de Madame la comtesse de Chastellux [1772] », dans Henri-François d’Aguesseau, ''Lettres inédites du chancelier d'Aguesseau'', éd. Dominique Armand Rives, Paris, Imprimerie Royale, 1823, t. 1, p. 3-4, 15, 28-29, 33-34, 37-38, 46, 59).
[Éducation des enfants] Ils prirent donc le parti de les garder tous chez eux, excepté leurs filles, et de les élever sous leurs yeux. […] Quoiqu’elle fût chargée d’une nombreuse famille, elle ne voulut jamais rien faire pour porter aucun de ses enfans à l’état ecclésiastique. […] elle se seroit fait un véritable scrupule de leur procurer des biens d’église, ou de déterminer leur vocation […].
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[Chagrins familiaux] Ma mère ne se permettait pas, quand elle étoit affligée, les soulagemens qui nourrissent et entretiennent la douleur en paroissant la satisfaire. […] » (Marquise de la Tournelle [fille de Claire-Thérèse d’Aguesseau, comtesse de Chastellux], « Essai sur la Vie de Madame la comtesse de Chastellux [1772] », dans Henri-François d’Aguesseau, ''Lettres inédites du chancelier d'Aguesseau'', éd. Dominique Armand Rives, Paris, Imprimerie Royale, 1823, t. 1, p. 3-4, 15, 28-29, 33-34, 37-38, 46, 59).
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* « Le mariage ayant été arrêté en janvier 1722, le contrat fut dressé les 13, 14 et 15 du mois suivant, par Hachette et Demasle, notaires au Châtelet de Paris, et signé par le roi et par les princes et les princesses du sang. [..] Lundi 16 - Le mariage de Mademoiselle Daguesseau avec M. de Chastellux a été célébré à Saint-Roch en grande cérémonie, à midi. Le dîner s'est fait en particulier chez la maréchale de Chamilly, et le soir il y a eu un grand souper en famille de trente-huit à quarante personnes, précédé d'un beau concert qui a duré quatre heures. Les présents ont été de quatre cents louis en or, qui valent, à présent, dix-huit mille livres, et de plusieurs bijoux d'or et des nippes galantes » Guillaume-Antoine de Chastellux, son mari « appréciait sa modestie, sa réserve, sa simplicité et ses qualités solides et sérieuses. […] Veuve après vingt années d'une union toujours heureuse, la comtesse de Chastellux se réfugia auprès de son vénérable père, dont elle aimait les conseils et l'expérience. Déjà cruellement frappée dans ses affections maternelles, elle eut la douleur de le perdre le 9 février 1751, et ne trouva de consolations que dans l'amitié de son frère, Jean-Baptiste-Paulin Daguesseau de Fresnes, auprès duquel elle vécut jusqu'à sa mort, qui eut lieu à Paris le 4 octobre 1772 ».  (Le comte Henri-Paul-César de Chastellux (1842-1917), ''Histoire généalogique de la maison de Chastellux'', Auxerre, imprimerie Perriquet, 1869, p 189).
 
* « Le mariage ayant été arrêté en janvier 1722, le contrat fut dressé les 13, 14 et 15 du mois suivant, par Hachette et Demasle, notaires au Châtelet de Paris, et signé par le roi et par les princes et les princesses du sang. [..] Lundi 16 - Le mariage de Mademoiselle Daguesseau avec M. de Chastellux a été célébré à Saint-Roch en grande cérémonie, à midi. Le dîner s'est fait en particulier chez la maréchale de Chamilly, et le soir il y a eu un grand souper en famille de trente-huit à quarante personnes, précédé d'un beau concert qui a duré quatre heures. Les présents ont été de quatre cents louis en or, qui valent, à présent, dix-huit mille livres, et de plusieurs bijoux d'or et des nippes galantes » Guillaume-Antoine de Chastellux, son mari « appréciait sa modestie, sa réserve, sa simplicité et ses qualités solides et sérieuses. […] Veuve après vingt années d'une union toujours heureuse, la comtesse de Chastellux se réfugia auprès de son vénérable père, dont elle aimait les conseils et l'expérience. Déjà cruellement frappée dans ses affections maternelles, elle eut la douleur de le perdre le 9 février 1751, et ne trouva de consolations que dans l'amitié de son frère, Jean-Baptiste-Paulin Daguesseau de Fresnes, auprès duquel elle vécut jusqu'à sa mort, qui eut lieu à Paris le 4 octobre 1772 ».  (Le comte Henri-Paul-César de Chastellux (1842-1917), ''Histoire généalogique de la maison de Chastellux'', Auxerre, imprimerie Perriquet, 1869, p 189).

Version actuelle en date du 19 septembre 2021 à 13:10

Claire-Thérèse d'Aguesseau
Titre(s) Comtesse de Chastellux
Conjoint(s) Guillaume Antoine, comte de Chastellux
Biographie
Date de naissance 25 octobre 1699
Date de décès 4 octobre 1772
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Claude Proux, 2021

Claire Thérèse d'Aguesseau est baptisée à Paris le 25 octobre 1699 en l'église, aujourd’hui disparue, de Saint-André-des-Arts. Son père est Henri-François d'Aguesseau (1678-1751), chancelier de 1717 à 1750. Il demeure dans son hôtel particulier au 18 de la rue Séguier, dans l'actuel 6e arrondissement de Paris. Sa dernière biographe, Isabelle Storez, le définit comme un « savant émérite, jurisconsulte distingué, magistrat applaudi mais homme politique dénigré, mathématicien en herbe, poète à ses heures, philosophe et moraliste ». Il est l'époux d'Anne Françoise Le Fèvre d'Ormesson (1678-1735), elle-même issue d'une grande famille de robe. Selon un contemporain, Achille de Harlay, magistrat au Parlement de Paris, ce mariage représente « l'alliance du mérite et de la vertu ». Des dix enfants nés de leur union célébrée le 4 octobre 1694, Claire Thérèse est la quatrième.
Dès l'âge de quatre ans, Claire-Thérèse est placée à la Visitation Sainte-Marie de la rue Saint-Jacques, auprès d'une parente, où elle reçoit, selon sa fille, une « éducation meilleure qu'elle ne l'est ordinairement dans un couvent ». Claire Thérèse sort de cet établissement réputé à 15 ans et passe sous la ferme tutelle de sa mère et d'un père attentionné qui aurait déclaré : « vous leur ferez voir [à vos frères] que la science peut être le partage des filles comme des hommes […]. Ce que je trouve de bon en vous, ma chère fille, c'est que vous ne dédaignez pas de descendre du haut de votre érudition, pour vous abaisser à faire tourner le rouet. » Des propos qui sont rapportés par la marquise de La Tournelle, sa fille et biographe, dans un riche essai sur la Vie de Madame la comtesse de Chastellux, écrit en 1772 au lendemain de la mort de sa mère.
Claire Thérèse d'Aguesseau épouse le 16 février 1722, à 23 ans, en l'église Saint-Roch, Guillaume- Antoine, comte de Chastellux, vicomte d'Avallon, lieutenant général des armées du roi (1683-1742) qui est âgé de 39 ans. Elle met au monde 9 enfants : 6 fils et 3 filles (quatre décèderont en bas-âge) et mène une vie relativement retirée de mère attentive à la réussite de sa famille, ne faisant que de brèves apparitions à la cour. Une lettre, présente dans le fonds d'Argenson de la Bibliothèque universitaire de Poitiers et adressée au comte d’Argenson, retient l’attention : il s'agit d'une demande de promotion, datée du samedi 2 septembre 1747, pour son fils Philippe-Louis, comte de Beauvoir, qui a participé à la bataille de Lawfeld (2 juillet 1747) et y a été blessé d'un coup de feu à la jambe. Il faut noter que Claire-Thérèse est alors veuve, Guillaume Antoine de Chastellux, étant décédé à Perpignan le 13 avril 1742. Elle souhaite assurer l'avenir de son fils qui, le 1er février 1748, reçoit une commission pour « tenir rang de mestre-de-camp de cavalerie au siège de Maëstricht ». C’est une promotion militaire éclatante et elle est saluée par le duc de Luynes : « Mercredi 8 octobre 1749 […] S.M. vient de donner au second fils de Mme de Chastellux le régiment d'Auvergne […] qu'avait son frère ainé ». Le comte de Beauvoir participe à la prise de Minden, aux batailles de Closterseven (Prusse, 1757), Crefeld (1758) et Clostercamp (1760) ; il est promu brigadier (1762) et enfin lieutenant général en1784.
Après un long veuvage (1742) et la perte douloureuse de deux de ses fils et de son père (1747, 1749, 1751), Claire-Thérèse décède en son hôtel de la rue St Dominique, le 4 octobre 1772, et elle est inhumée au cimetière d'Auteuil auprès de ses père et mère.
Modèle, aux yeux de sa famille, de la mère vertueuse telle que la rêve la fin du XVIIIe siècle, Claire-Thérèse est à l’occasion une femme de cour habile et mal connue. Fait remarquable, elle a eu pour première et unique biographe, une fille aimante qui, comme elle, mériterait une étude plus étendue.

Oeuvres

  • Bibliothèque universitaire de Poitiers (France), archives d'Argenson, P 63 : au moins, deux lettres manuscrites adressées au comte d'Argenson (lundi 08/08/1740 et samedi 02/09/1747).

Principales sources imprimées

  • Moreau, Jacob-Nicolas, Mes Souvenirs, Paris, Plon, 1898-1901, 2 vol.
  • Aguesseau, Henri-François d’, Lettres inédites du chancelier d'Aguesseau, éd. par Dominique Armand Rives, Paris, Imprimerie Royale, 1823, 2 vol.
  • Marquise de la Tournelle « Essai sur la Vie de Madame la comtesse de Chastellux », dans Aguesseau, voir supra, t. 1, p. 1-64.
  • Luynes, Charles-Philippe d’Albert de, Mémoires du Duc de Luynes sur la Cour de Louis XV (1735-1758), Paris, Firmin Didot 1860-1865, 17 vol.

Choix bibliographique

  • Chastellux, Henri-Paul-César de, Histoire généalogique de la maison de Chastellux, Auxerre, Perriquet, 1869.
  • Ribbe, Charles de, La vie domestique: ses modèles et ses règles d'après des documents originaux, Paris, Edouard Baltenweck, 1877.
  • Storez, Isabelle, Le chancelier Henri François d'Aguesseau (1668-1751), Paris, Editions Publisud, 1996.

Jugements

  • « A l'exemple de son père, la comtesse de Chastellux était pieuse, modeste, gaie et amicale ; elle refusait de mettre du rouge et d'aller au spectacle, et son mari, d'ailleurs fort vertueux, ne voulut pas contrarier ses désirs. [..] Veuve le 12 avril 1742, elle redoubla de soins pour ses enfants ». Elle eut pour moi « des bontés de mère. » (Jacob-Nicolas Moreau [alors précepteur des fils aînés et ami de la maison], Mes Souvenirs, Paris, Plon, 1898-1901, t.1, p. 25).
  • « [Ma mère] avoit l’esprit juste et étendu, une grande facilité pour apprendre, avec la mémoire la plus heureuse ; avantage qu’elle avoit conservé jusqu’à la fin de sa vie, et qu’elle avoit fort cultivé dans son enfance. Toujours elle remporta les prix de mémoire [à la Visitation], et souvent on lui donna pour récompense, des vers à apprendre. Son goût dominant étoit alors la poésie ; elle avoit paru même en avoir un peu le talent ; mais elle l’abandonna en quittant le couvent. […] aucun écart ne l’a détournée un seul moment […] de cette touchante uniformité dans la vertu, qui a fait, pour ainsi dire, une seule journée de toute sa vie. […] Elle avoit dans Mme sa mère l’exemple des vertus qui rendent une femme précieuse à sa famille, et le modèle de son sexe. […] Elle avoit cependant encore plus le talent d’écrire que celui de la parole. […] un petit défaut dans l’organe rendoit sa prononciation incertaine, […] mais elle savoit parfaitement sa langue, et l’écrivoit d’une manière peu commune par une femme. […] Pendant ce premier exil de M. son père [1718-1720] à Fresnes elle se remit au latin, dont elle n’avoit alors qu’une légère teinture, et que depuis elle a su parfaitement. Elle paroissoit toujours en savoir plus et avoir plus d’instruction que les femmes n’en ont ordinairement. […] Le mariage se fit le 16 février 1722. Ma mère avoit alors vingt-deux ans faits. Sa figure n’avoit rien de remarquable en bien ni en mal ; mais sa taille avoit plus de rectitude que de grâce, et ses traits plus de régularité que d’agrément. Cependant sa physionomie étoit noble, ouverte, et peignoit une belle âme ; […] elle n’avoit ni le goût ni le talent de la parure […]. Tout ce qu’elle savoit de celui qu’elle alloit épouser, son extérieur prévenant, ainsi que la joie que ce mariage donnoit à sa famille, la satisfaisoient aussi elle-même. […] Ma mère n’eut pas de peine à s’attacher à un homme qui avoit tant de qualités aimables […] ses vivacités […] étoient quelquefois pour elle un sujet de mérite, [mais] ne lui causèrent jamais de malheur réel ; […] il lui avoit laissé la liberté sur le rouge et le spectacle. De son côté, elle désiroit ne lui pas rendre sa dévotion à charge, et elle avoit la satisfaction de voir qu’il avoit lui-même beaucoup de principes de religion […]. ma mère eut neuf enfans, six garçons et trois filles ; elle perdit deux garçons et deux filles en bas âge. Cette fécondité n’altéra point son tempérament. Sans être forte, elle avoit une excellente santé ; […]. [Éducation des enfants] Ils prirent donc le parti de les garder tous chez eux, excepté leurs filles, et de les élever sous leurs yeux. […] Quoiqu’elle fût chargée d’une nombreuse famille, elle ne voulut jamais rien faire pour porter aucun de ses enfans à l’état ecclésiastique. […] elle se seroit fait un véritable scrupule de leur procurer des biens d’église, ou de déterminer leur vocation […]. [Chagrins familiaux] Ma mère ne se permettait pas, quand elle étoit affligée, les soulagemens qui nourrissent et entretiennent la douleur en paroissant la satisfaire. […] » (Marquise de la Tournelle [fille de Claire-Thérèse d’Aguesseau, comtesse de Chastellux], « Essai sur la Vie de Madame la comtesse de Chastellux [1772] », dans Henri-François d’Aguesseau, Lettres inédites du chancelier d'Aguesseau, éd. Dominique Armand Rives, Paris, Imprimerie Royale, 1823, t. 1, p. 3-4, 15, 28-29, 33-34, 37-38, 46, 59).
  • « Le mariage ayant été arrêté en janvier 1722, le contrat fut dressé les 13, 14 et 15 du mois suivant, par Hachette et Demasle, notaires au Châtelet de Paris, et signé par le roi et par les princes et les princesses du sang. [..] Lundi 16 - Le mariage de Mademoiselle Daguesseau avec M. de Chastellux a été célébré à Saint-Roch en grande cérémonie, à midi. Le dîner s'est fait en particulier chez la maréchale de Chamilly, et le soir il y a eu un grand souper en famille de trente-huit à quarante personnes, précédé d'un beau concert qui a duré quatre heures. Les présents ont été de quatre cents louis en or, qui valent, à présent, dix-huit mille livres, et de plusieurs bijoux d'or et des nippes galantes » Guillaume-Antoine de Chastellux, son mari « appréciait sa modestie, sa réserve, sa simplicité et ses qualités solides et sérieuses. […] Veuve après vingt années d'une union toujours heureuse, la comtesse de Chastellux se réfugia auprès de son vénérable père, dont elle aimait les conseils et l'expérience. Déjà cruellement frappée dans ses affections maternelles, elle eut la douleur de le perdre le 9 février 1751, et ne trouva de consolations que dans l'amitié de son frère, Jean-Baptiste-Paulin Daguesseau de Fresnes, auprès duquel elle vécut jusqu'à sa mort, qui eut lieu à Paris le 4 octobre 1772 ». (Le comte Henri-Paul-César de Chastellux (1842-1917), Histoire généalogique de la maison de Chastellux, Auxerre, imprimerie Perriquet, 1869, p 189).
  • « Elle faisait à la Cour les apparitions nécessaires pour ne pas nuire à la carrière militaire de son mari, mais en usait avec la même modération que son père. » (Isabelle Storez, Le chancelier Henri- François d'Aguesseau (1668- 1751), monarchiste et libéral ?, Paris, Editions Publisud, 1996, p. 147).
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