Angélique Séraphine de Ferrières : Différence entre versions
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* Ferrières, Charles-Elie de , ''Correspondance inédite'', Paris, Colin, 1932. | * Ferrières, Charles-Elie de , ''Correspondance inédite'', Paris, Colin, 1932. | ||
− | * Monbielle d'Hus, Henriette, marquise de Ferrières, ''Mémoires de la marquise de Ferrières née en 1748'', recueillis par Henri Frotier de la Messelière et présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Les Gorgones, 1998. | + | * [Monbielle d'Hus, Henriette, marquise de Ferrières], ''Mémoires de la marquise de Ferrières née en 1748'', recueillis par Henri Frotier de la Messelière et présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Les Gorgones, 1998. |
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* Son frère, dans une lettre du 15 mai 1791 et de juin de la même année : « Ma sœur, livrée à elle-même, mettrait de la noblesse dans ses procédés, mais il n’y a rien à attendre de son mari. […] Les Medel […] sont tracassiers et minutieux ; il faut avoir pitié des petites âmes ». (Marquis de Ferrières, ''Correspondance inédite'', Paris, Colin, 1932, p. 341, 348). | * Son frère, dans une lettre du 15 mai 1791 et de juin de la même année : « Ma sœur, livrée à elle-même, mettrait de la noblesse dans ses procédés, mais il n’y a rien à attendre de son mari. […] Les Medel […] sont tracassiers et minutieux ; il faut avoir pitié des petites âmes ». (Marquis de Ferrières, ''Correspondance inédite'', Paris, Colin, 1932, p. 341, 348). | ||
− | * Sa belle-sœur, désormais veuve, en 1809 : « La sœur était petite, point jolie, mais beaucoup d’esprit et le ton important ; […] mon beau-père chanta ainsi que ma belle-sœur ; ils étaient l’un et l’autre, parfaits musiciens […]. Ma sœur était peu communicative, mais on voyait qu’elle avait une peine secrète ; elle disait que l’état de son mari l’affligeait […]. Elle a toujours eu une fierté de caractère qui lui a fait cacher ses sentiments. J’étais assez avancée dans une nouvelle grossesse, elle me voyait adorée d’un mari spirituel, aimable, caressant ; tout cela lui faisait un retour affligeant sur sa position. Elle avait un cœur aimant, beaucoup de sensibilité, un esprit cultivé ; toutes ces aimables qualités étaient perdues avec un mari qui était seulement un bonhomme et qui ne pouvait apprécier sa femme. […] Elle désirait se remarier et elle avait quelque projet en tête dont elle ne nous faisait pas part. Naturellement elle ne dit pas tout ce qu’elle pense, elle craint toujours qu’on ne veuille prendre de l’empire sur son esprit et que l’on décide ce qu’elle doit faire. Avec beaucoup d’esprit, elle a cette petitesse, qui met beaucoup de gêne dans la société journalière. […] Ma belle-sœur, après ses deux années de veuvage, se laissa prendre à l’air doucereux, aux petites attentions d’un cadet qui n’avait ni fortune ni naissance. Elle forma cette liaison sans que sa famille se doute de cette inclination. Ce monsieur était de son âge, d’un esprit fort ordinaire, mais il s’en faisait imaginer beaucoup plus par un ton demi important et ayant l’air froid et de réfléchir. Il avait été une espèce de bel homme et si bien auprès des belles que sa santé en avait souffert, et qu’il cachait la faiblesse de son tempérament sous un air tendre et langoureux qui séduisit absolument ma belle-sœur. Cependant elle avait trop d’esprit pour ne pas sentir combien un pareil mari lui était inférieur […] ; elle avait pris un doux entêté, qui avait très bonne opinion de son jugement et ne se départait jamais de ce qu’il avait résolu. Cependant elle a toujours paru avec nous, et surtout vis-à-vis du public, contente de son mari et a su plier son esprit et ses penchants aux siens. Etait-ce de bonne foi ou seulement par la force de son esprit et par vanité, personne n’a pu le savoir, car elle n’a jamais eu d’épanchements de cœur avec qui que ce soit, cela a toujours été dans son caractère » (''Mémoires de la marquise de | + | * Sa belle-sœur, désormais veuve, en 1809 : « La sœur était petite, point jolie, mais beaucoup d’esprit et le ton important ; […] mon beau-père chanta ainsi que ma belle-sœur ; ils étaient l’un et l’autre, parfaits musiciens […]. Ma sœur était peu communicative, mais on voyait qu’elle avait une peine secrète ; elle disait que l’état de son mari l’affligeait […]. Elle a toujours eu une fierté de caractère qui lui a fait cacher ses sentiments. J’étais assez avancée dans une nouvelle grossesse, elle me voyait adorée d’un mari spirituel, aimable, caressant ; tout cela lui faisait un retour affligeant sur sa position. Elle avait un cœur aimant, beaucoup de sensibilité, un esprit cultivé ; toutes ces aimables qualités étaient perdues avec un mari qui était seulement un bonhomme et qui ne pouvait apprécier sa femme. […] Elle désirait se remarier et elle avait quelque projet en tête dont elle ne nous faisait pas part. Naturellement elle ne dit pas tout ce qu’elle pense, elle craint toujours qu’on ne veuille prendre de l’empire sur son esprit et que l’on décide ce qu’elle doit faire. Avec beaucoup d’esprit, elle a cette petitesse, qui met beaucoup de gêne dans la société journalière. […] Ma belle-sœur, après ses deux années de veuvage, se laissa prendre à l’air doucereux, aux petites attentions d’un cadet qui n’avait ni fortune ni naissance. Elle forma cette liaison sans que sa famille se doute de cette inclination. Ce monsieur était de son âge, d’un esprit fort ordinaire, mais il s’en faisait imaginer beaucoup plus par un ton demi important et ayant l’air froid et de réfléchir. Il avait été une espèce de bel homme et si bien auprès des belles que sa santé en avait souffert, et qu’il cachait la faiblesse de son tempérament sous un air tendre et langoureux qui séduisit absolument ma belle-sœur. Cependant elle avait trop d’esprit pour ne pas sentir combien un pareil mari lui était inférieur […] ; elle avait pris un doux entêté, qui avait très bonne opinion de son jugement et ne se départait jamais de ce qu’il avait résolu. Cependant elle a toujours paru avec nous, et surtout vis-à-vis du public, contente de son mari et a su plier son esprit et ses penchants aux siens. Etait-ce de bonne foi ou seulement par la force de son esprit et par vanité, personne n’a pu le savoir, car elle n’a jamais eu d’épanchements de cœur avec qui que ce soit, cela a toujours été dans son caractère » (''Mémoires de la marquise de Ferrières née en 1748'', recueillis par Henri Frotier de la Messelière et présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Les Gorgones, 1998, p. 19, 20, 38, 51, 58-60 ). |
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Version actuelle en date du 13 juin 2019 à 09:29
Angélique Séraphine de Ferrières | ||
Titre(s) | Madame de Médel | |
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Conjoint(s) | 1. 1765-1772 : Louis-Charles-Joseph Piet de Piédefonds, chevalier, seigneur de Péré et de Genouillé, ancien mousquetaire noir de la garde du roi 2. 1775-après 1799 : Jean-Baptiste Lecomte, chevalier de Médel, capitaine au régiment de Tournaisis | |
Dénomination(s) | Madame de Médel | |
Biographie | ||
Date de naissance | 20 septembre 1742 | |
Date de décès | 1799 ? | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Nicole Pellegrin, 2019
Angélique-Séraphine de Ferrières, née dans la noblesse ancienne à Poitiers le 20 septembre 1742, est fille de Charles-Léon de Ferrières, officier au régiment des Dragons de Condé, et de Marie-Anne du Tillet. Elle a pour frère, Charles-Elie, marquis de Ferrières et seigneur de Marsay, futur député de la Constituante et fin lettré. Il est l’époux d’Henriette de Monbielle d'Hus, la principale correspondante d’Angélique (entre 1770 et 1792, 70 des 78 lettres familières actuellement connues lui sont adressées, mais les réponses manquent).
Après un premier mariage (22 avril 1765), arrangé par son père avec un anobli fort riche qui meurt en 1772, elle se remarie, le 23 février 1775, par inclination, avec un personnage qui est peu apprécié de son entourage : le frère d’Angélique lui reproche « son extrême aristocratie », son esprit « passablement intéressé » et son départ en émigration en septembre 1791. Aucun enfant ne naît de ces deux unions. Les époux partagent agréablement leur vie entre une maison de ville à Poitiers, le domaine seigneurial voisin d’Aslonnes-La-Villedieu-du-Clain et les châteaux d’une parentèle nobiliaire nombreuse. Ils entreprennent aussi, quelques voyages à Paris, Vichy et finalement en Allemagne. Partie en janvier 1792 un an après son mari, Angélique erre longtemps à ses côtés entre Brabant, Rhénanie et Basse-Saxe, avant de mourir à Hambourg en 1799. Un « journal », tenu de janvier 1792 à la fin 1794, narrerait les péripéties de cette émigrée contrainte, mais il est aujourd’hui inaccessible, tout comme les manuscrits de la partie publiée de sa correspondance. Cette publication est riche d’annotations généalogiques mais fut entreprise selon des critères contestables : coupures, modernisation de l’orthographe et de la ponctuation, etc.
Ces textes révèlent une femme cultivée : vivacité du style, précision du vocabulaire (termes poitevins et langue classique), piquant des narrations, toutes qualités dont on ignore d’où elle les tient (elle évoque seulement et très vite des « souvenirs agréables qui tiennent [à un] premier âge » passé à l’abbaye royale de Sainte-Croix de Poitiers). C’est une musicienne appréciée (chant et harpe) et une lectrice assidue de périodiques (nationaux et locaux), de factums, de contes de fées, de livres non nommés de Montesquieu, Mably et Genlis, de romans (Richardson et Wieland), des poèmes de son amie Mme Petiteau de La Férandière, des œuvres de son frère, etc.
Sa correspondance contient une foule d’informations sur les mœurs de la noblesse provinciale et les plaisirs intellectuels et charnels de celle-ci : repas, promenades, spectacles, modes, soins médicaux, amours licites ou non, celles de son père notamment. Ses lettres décrivent longuement aussi « les malheurs des temps » : intempéries, disettes, émeutes, maladies « populaires », incertitudes politiques. Angélique, très au fait du prix de toutes choses, montant des héritages et des dots compris, sait diriger seule les travaux qu’exige la direction de ses domaines agricoles et de ses demeures. Marieuse obsessionnelle, « la grande affaire » de 1788 est l‘organisation du mariage de sa nièce aînée, Séraphine, avec Joseph-Louis Frotier de La Messelière, et elle se soucie à peine moins, cette année-là, des espoirs de réforme politique et de « l’inquiétude publique » alors si marquée en Poitou. En émigration, elle critique vivement « l’empire du point d’honneur » de ses compatriotes monarchistes, comme elle a su dénoncer les travers de ses proches avant 1789. Aigrie par une vie adulte insatisfaisante, Angélique révèle les tensions intra-familiales propres à un milieu privilégié qui court après l’argent et se déchire bien avant d’avoir à choisir d’émigrer ou non : son père est dépensier et chérit des servantes-maîtresses ; son second mari, bien que choisi par elle, n’a ni culture ni fortune ; son frère est brillant, riche et bien marié.
Les 78 lettres familières écrites par Angélique de Ferrières sont une source exceptionnelle pour comprendre les préoccupations d’une aristocrate de province, passionnée de nouveautés et observatrice critique des transformations socio-économiques d’un Ancien régime finissant. Mais, par-delà la chroniqueuse des mondanités provinciales et de quelques évènements pré-révolutionnaires - image à laquelle ont voulu la cantonner ses premiers éditeurs poitevins -, Angélique de Ferrières-Médel s’avère une épistolière hors-pair qu’il faudrait apprendre à mieux connaître en la comparant à ses contemporain-e-s.
Oeuvres
- 1770-1789: « Correspondance de Madame de Médel, 1770-1789 », éd. Henri Carré et Pierre de Monsabert, Archives historiques du Poitou, t. LXVII, 1931, p. 1-165.
- 1792-1794: « Journal d’émigration » [extraits commentés] in Henri Carré, « Le journal d’émigration de Madame de Médel, 1792-1794 », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 2e trim.. 1930, p. 663-678.
Principales sources
- Ferrières, Charles-Elie de , Correspondance inédite, Paris, Colin, 1932.
- [Monbielle d'Hus, Henriette, marquise de Ferrières], Mémoires de la marquise de Ferrières née en 1748, recueillis par Henri Frotier de la Messelière et présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Les Gorgones, 1998.
Choix bibliographique
- Guillemet, Dominique, Pellegrin, Nicole et Peret, Jacques, Le Haut-Poitou au XVIIIe siècle. - La société d’une paroisse rurale : La Villedieu-du-Clain, Poitiers, CRDP, 1981
- Pellegrin, Nicole, « Châteaux d’Harlowe et de Grandisson, je vous connais comme la maison de mon père. Conventions littéraires et convenances sociales : l’amour conjugal selon les Ferrières en Poitou au XVIIIe siècle », in A.-M. Cocula et M. Combet dir.., L’Amour au château, Bordeaux, Ausonius, 2013, pp. 165-180.
- Salvini, J., « Deux souvenirs de la famille de Ferrières », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1968, p. 651-653.
Choix iconographique
- 1784: Pierre Lagleire, Portrait avec armoiries,(coll. privée)
Jugements
- Son frère, dans une lettre du 15 mai 1791 et de juin de la même année : « Ma sœur, livrée à elle-même, mettrait de la noblesse dans ses procédés, mais il n’y a rien à attendre de son mari. […] Les Medel […] sont tracassiers et minutieux ; il faut avoir pitié des petites âmes ». (Marquis de Ferrières, Correspondance inédite, Paris, Colin, 1932, p. 341, 348).
- Sa belle-sœur, désormais veuve, en 1809 : « La sœur était petite, point jolie, mais beaucoup d’esprit et le ton important ; […] mon beau-père chanta ainsi que ma belle-sœur ; ils étaient l’un et l’autre, parfaits musiciens […]. Ma sœur était peu communicative, mais on voyait qu’elle avait une peine secrète ; elle disait que l’état de son mari l’affligeait […]. Elle a toujours eu une fierté de caractère qui lui a fait cacher ses sentiments. J’étais assez avancée dans une nouvelle grossesse, elle me voyait adorée d’un mari spirituel, aimable, caressant ; tout cela lui faisait un retour affligeant sur sa position. Elle avait un cœur aimant, beaucoup de sensibilité, un esprit cultivé ; toutes ces aimables qualités étaient perdues avec un mari qui était seulement un bonhomme et qui ne pouvait apprécier sa femme. […] Elle désirait se remarier et elle avait quelque projet en tête dont elle ne nous faisait pas part. Naturellement elle ne dit pas tout ce qu’elle pense, elle craint toujours qu’on ne veuille prendre de l’empire sur son esprit et que l’on décide ce qu’elle doit faire. Avec beaucoup d’esprit, elle a cette petitesse, qui met beaucoup de gêne dans la société journalière. […] Ma belle-sœur, après ses deux années de veuvage, se laissa prendre à l’air doucereux, aux petites attentions d’un cadet qui n’avait ni fortune ni naissance. Elle forma cette liaison sans que sa famille se doute de cette inclination. Ce monsieur était de son âge, d’un esprit fort ordinaire, mais il s’en faisait imaginer beaucoup plus par un ton demi important et ayant l’air froid et de réfléchir. Il avait été une espèce de bel homme et si bien auprès des belles que sa santé en avait souffert, et qu’il cachait la faiblesse de son tempérament sous un air tendre et langoureux qui séduisit absolument ma belle-sœur. Cependant elle avait trop d’esprit pour ne pas sentir combien un pareil mari lui était inférieur […] ; elle avait pris un doux entêté, qui avait très bonne opinion de son jugement et ne se départait jamais de ce qu’il avait résolu. Cependant elle a toujours paru avec nous, et surtout vis-à-vis du public, contente de son mari et a su plier son esprit et ses penchants aux siens. Etait-ce de bonne foi ou seulement par la force de son esprit et par vanité, personne n’a pu le savoir, car elle n’a jamais eu d’épanchements de cœur avec qui que ce soit, cela a toujours été dans son caractère » (Mémoires de la marquise de Ferrières née en 1748, recueillis par Henri Frotier de la Messelière et présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Les Gorgones, 1998, p. 19, 20, 38, 51, 58-60 ).