Marie de Hautefort : Différence entre versions

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== Notice de [[Claudine Nédelec]], 2018 ==
 
== Notice de [[Claudine Nédelec]], 2018 ==
Marie de Hautefort, cadette de sept enfants, est fille de Charles-François, marquis de Hautefort (Périgord), et de Renée du Bellay (apparentée au poète Joachim du Bellay). Les deux familles sont d’ancienne noblesse, et proches de la Cour. Aussi, très tôt orpheline, y est-elle introduite dès 1628 par sa grand-mère maternelle, Mme de La Flotte, et nommée fille d’honneur de [[Marie de Médicis]]. Le conflit de celle-ci avec Louis XIII, et son ministre Richelieu, aurait pu lui coûter cher ; mais, à partir d’avril 1630, selon Bassompierre, Louis XIII trouve à son goût cette charmante adolescente, que la Cour surnommait « l’Aurore » pour son très beau teint de blonde. Il l’impose alors à [[Anne d’Autriche]] comme fille d’honneur, puis dame d’atours. Celle-ci, d’abord méfiante envers la jeune fille, s’y attache, tant elle est « de ses dévotions et de tous ses divertissements » (''Vie de Marie de Hautefort''). Et Marie prend si nettement en charge ses intérêts dans les graves conflits qui divisent le couple royal, ainsi que dans son inimitié pour Richelieu, qu’elle finit par tenir une grande place auprès de la reine, jusqu’à lui servir en quelque sorte d’espionne (non sans intelligence ni courage) dans les intrigues complexes de 1637, où [[Anne d’Autriche]] est soupçonnée de relations avec l’Espagne contraires aux intérêts de la France. Selon [[Françoise Bertaut|Mme de Motteville]], « la Reine aima Madame de Hautefort pour l’amour d’elle-même, et [...] cette belle et sage fille estimant les belles qualités de la Reine, et assez dégoûtée de l’humeur du Roi, se donna entièrement à elle, et lui fut fidèle dans tous ses malheurs ». En effet, Louis XIII lui porte une attention amoureuse complexe (elle n’a pas été sa maîtresse au sens sexuel du terme, selon tous les mémorialistes), jouant avec elle à « je t’aime je te hais », ce qui a un impact notable sur la vie de cour. Une énième crise, liée à la faveur montante de Cinq-Mars, que Marie n’apprécie pas, et aux manœuvres de Richelieu, qui sait bien qu’elle lui est hostile, conduit le roi à l’exiler. Elle quitte Paris en décembre 1639, avec un de ses frères et une sœur, Mlle Descars, pour le château de La Flotte (Sarthe). Ce séjour provincial lui donne l’occasion de rencontrer deux poètes, Jean Mairet, et surtout Paul Scarron dont elle devient la mécène, comme elle le sera de Jean Loret (plus tard, elle a protégé aussi le jeune Bossuet). <br/>
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Marie de Hautefort, cadette de sept enfants, est fille de Charles-François, marquis de Hautefort (Périgord), et de Renée du Bellay (apparentée au poète Joachim du Bellay). Les deux familles sont d’ancienne noblesse, et proches de la Cour. Aussi, très tôt orpheline, y est-elle introduite dès 1628 par sa grand-mère maternelle, Mme de La Flotte, et nommée fille d’honneur de [[Marie de Médicis]]. Le conflit de celle-ci avec Louis XIII, et son ministre Richelieu, aurait pu lui coûter cher ; mais, à partir d’avril 1630, selon Bassompierre, Louis XIII trouve à son goût cette charmante adolescente, que la Cour surnommait « l’Aurore » pour son très beau teint de blonde. Il l’impose alors à [[Anne d'Autriche]] comme fille d’honneur, puis dame d’atours. Celle-ci, d’abord méfiante envers la jeune fille, s’y attache, tant elle est « de ses dévotions et de tous ses divertissements » (''Vie de Marie de Hautefort''). Et Marie de Hautefort prend si nettement en charge ses intérêts dans les graves conflits qui divisent le couple royal, ainsi que dans son inimitié pour Richelieu, qu’elle finit par tenir une grande place auprès de la reine, jusqu’à lui servir en quelque sorte d’espionne (non sans intelligence ni courage) dans les intrigues complexes de 1637, où [[Anne d'Autriche]] est soupçonnée de relations avec l’Espagne contraires aux intérêts de la France. Selon [[Françoise Bertaut|Mme de Motteville]], « la Reine aima Madame de Hautefort pour l’amour d’elle-même, et [...] cette belle et sage fille estimant les belles qualités de la Reine, et assez dégoûtée de l’humeur du Roi, se donna entièrement à elle, et lui fut fidèle dans tous ses malheurs ». En effet, Louis XIII lui porte une attention amoureuse complexe (elle n’a pas été sa maîtresse au sens sexuel du terme, selon tous les mémorialistes), jouant avec elle à « je t’aime je te hais », ce qui a un impact notable sur la vie de cour. Une énième crise, liée à la faveur montante de Cinq-Mars, que Marie de Hautefort n’apprécie pas, et aux manœuvres de Richelieu, qui sait bien qu’elle lui est hostile, conduit le roi à l’exiler. Elle quitte Paris en décembre 1639, avec un de ses frères et une sœur, Mlle Descars, pour le château de La Flotte (Sarthe). Ce séjour provincial lui donne l’occasion de rencontrer deux poètes, Jean Mairet, et surtout Paul Scarron dont elle devient la mécène, comme elle le sera de Jean Loret (plus tard, elle a protégé aussi le jeune Bossuet). <br/>
Marie est rappelée à la Cour trois jours après la mort du roi par Anne d’Autriche, qui désormais se trouve « en état de récompenser tous ceux qui l’avaient servie » (F. de Motteville). Cependant, elle se laisse plus ou moins entraîner dans les intrigues de la haute noblesse (la cabale des Importants), du côté des dévots ; s’insurgeant avec eux contre l’influence de Mazarin auprès de la régente, elle se permet de le railler ouvertement et de critiquer la conduite de la reine. Anne d’Autriche supporte mal les orgueilleuses incartades de Marie, dont l’esprit « commençait à prendre par beaucoup de dévotion des sentiments qui la rendaient sévère, un peu contrariante et trop critique » (F. de Motteville). Elle lui signifie son congé de la Cour en avril 1644. Très affligée, car elle aime la reine, Marie songe un temps à se faire religieuse, mais son goût de la vie mondaine l’emporte, et elle épouse en 1646 le maréchal de Schomberg, veuf d’Anne, duchesse d’Halluin.<br/>  
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Marie de Hautefort est rappelée à la Cour trois jours après la mort du roi par Anne d’Autriche, qui désormais se trouve « en état de récompenser tous ceux qui l’avaient servie » ([[Françoise Bertaut|Mme de Motteville]]). Cependant, elle se laisse plus ou moins entraîner dans les intrigues de la haute noblesse (la cabale des Importants), du côté des dévots ; s’insurgeant avec eux contre l’influence de Mazarin auprès de la régente, elle se permet de le railler ouvertement et de critiquer la conduite de la reine. [[Anne d'Autriche]] supporte mal les orgueilleuses incartades de Marie de Hautefort, dont l’esprit « commençait à prendre par beaucoup de dévotion des sentiments qui la rendaient sévère, un peu contrariante et trop critique » ([[Françoise Bertaut|Mme de Motteville]]). Elle lui signifie son congé de la Cour en avril 1644. Très affligée, car elle aime la reine, Marie de Hautefort songe un temps à se faire religieuse, mais son goût de la vie mondaine l’emporte, et elle épouse en 1646 le maréchal de Schomberg, veuf d’Anne, duchesse d’Halluin.<br/>  
Pendant la crise de la Fronde, Schomberg reste neutre, se cantonnant au service militaire du roi, puis le couple s’installe en 1652 à Metz, dont le maréchal est gouverneur. Marie revient à Paris après sa mort (1656), et se remet à fréquenter les salons (chez Mme de Sablé, Mme de Lafayette). Anne d’Autriche reprend contact avec elle après la mort de Mazarin, et elles restent liées, au point que la reine a écrit dans une lettre à Louis XIV : « je ne trouve rien où je sois plus engagée par honneur, par conscience et par reconnaissance qu’à Mme de Schomberg qui m’a servie avec une fidélité tout extraordinaire » (''Vie manuscrite''). Louis XIV accueille toujours avec beaucoup de courtoisie Mme de Schomberg lors de ses rares visites à la Cour, en souvenir de l’amitié qu’il avait eue pour elle dans son enfance. Elle consacre la fin de sa vie à des œuvres de charité, ce qui lui vaut la réputation d’une bonne chrétienne.
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Pendant la crise de la Fronde, Schomberg reste neutre, se cantonnant au service militaire du roi, puis le couple s’installe en 1652 à Metz, dont le maréchal est gouverneur. Marie de Hautefort revient à Paris après sa mort (1656), et se remet à fréquenter les salons (chez [[Madeleine de Souvré|Mme de Sablé]], [[Marie-Madeleine Pioche de La Vergne|Mme de Lafayette]]). [[Anne d'Autriche]] reprend contact avec elle après la mort de Mazarin, et elles restent liées, au point que la reine a écrit dans une lettre à Louis XIV : « je ne trouve rien où je sois plus engagée par honneur, par conscience et par reconnaissance qu’à Mme de Schomberg qui m’a servie avec une fidélité tout extraordinaire » (''Vie manuscrite''). Louis XIV accueille toujours avec beaucoup de courtoisie Mme de Schomberg lors de ses rares visites à la Cour, en souvenir de l’amitié qu’il avait eue pour elle dans son enfance. Elle consacre la fin de sa vie à des œuvres de charité, ce qui lui vaut la réputation d’une bonne chrétienne.
Les nombreux témoignages qui nous sont parvenus dessinent une personnalité complexe : générosité, fidélité et dévotion d’une part, orgueil aristocratique, goût du monde et propension à la raillerie de l’autre. Victor Cousin l’a mise au nombre de ses « femmes illustres » du XVIIe siècle (avec Jacqueline Pascal, Mme de Sablé, Mme de Chevreuse, Mlle de Scudéry et Mme de Longueville), la décrivant comme « une glorieuse et une précieuse, visant toujours au délicat et au grand », et d’une « fierté généreuse, à moitié chevaleresque, à moitié chrétienne » (''Nouvelles études sur les femmes illustres'').
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Les nombreux témoignages qui nous sont parvenus dessinent une personnalité complexe : générosité, fidélité et dévotion d’une part, orgueil aristocratique, goût du monde et propension à la raillerie de l’autre. Victor Cousin l’a mise au nombre de ses « femmes illustres » du XVIIe siècle (avec [[Jacqueline Pascal]], [[Madeleine de Souvré|Mme de Sablé]], [[Marie de Rohan|Mme de Chevreuse]], [[Madeleine de Scudéry|Mlle de Scudéry]] et [[Anne-Geneviève de Bourbon|Mme de Longueville]]), la décrivant comme « une glorieuse et une précieuse, visant toujours au délicat et au grand », et d’une « fierté généreuse, à moitié chevaleresque, à moitié chrétienne » (''Nouvelles études sur les femmes illustres'').
  
 
==Principales sources==
 
==Principales sources==
 
* Françoise de Motteville, ''Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII'', dans ''Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France [...]'', Paris, Foucault, 1824, t. 36-37.
 
* Françoise de Motteville, ''Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII'', dans ''Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France [...]'', Paris, Foucault, 1824, t. 36-37.
 
* ''La Vie de Marie de Hautefort, duchesse de Schomberg [...] par une de ses amies, ouvrage imprimé pour la première fois par G. É. J. M. A. L.'' [Guyonne-Élisabeth-Josèphe de Montmorency-Luynes], sur un manuscrit tiré de la bibliothèque de Monsieur Beaucousin, avec une préface et des notes par I. F. A. O. [Jean-Félicissime Adry, oratorien], an VIII [1799].
 
* ''La Vie de Marie de Hautefort, duchesse de Schomberg [...] par une de ses amies, ouvrage imprimé pour la première fois par G. É. J. M. A. L.'' [Guyonne-Élisabeth-Josèphe de Montmorency-Luynes], sur un manuscrit tiré de la bibliothèque de Monsieur Beaucousin, avec une préface et des notes par I. F. A. O. [Jean-Félicissime Adry, oratorien], an VIII [1799].
* Vie manuscrite, publiée par Victor Cousin en annexe à ses ''Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort'', Paris, Didier et Cie, 1856, p. 168-267.
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* "Vie manuscrite", publiée par Victor Cousin en annexe à ses ''Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort'', Paris, Didier et Cie, 1856, p. 168-267.[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k201452c/f513.image.r=Victor%20Cousin%20Hautefort]
  
 
==Choix bibliographique==
 
==Choix bibliographique==
 
* Victor Cousin, ''Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort'', Paris, Didier et Cie, 1856.
 
* Victor Cousin, ''Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort'', Paris, Didier et Cie, 1856.
Victor Cousin, "Madame de Hautefort", Revue des Deux Mondes, 2e période, t. 1, 1856, p. 225-276  [https://fr.wikisource.org/wiki/Madame_de_Hautefort]
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* Victor Cousin, "Madame de Hautefort", ''Revue des Deux Mondes'', 2e période, t. 1, 1856, p. 225-276  [https://fr.wikisource.org/wiki/Madame_de_Hautefort]
 
* Jacques Magne, ''Marie de Hautefort. Le grand amour de Louis XIII'', Paris, Perrin, 2000.
 
* Jacques Magne, ''Marie de Hautefort. Le grand amour de Louis XIII'', Paris, Perrin, 2000.
  
==Choix de liens électroniques==
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==Choix iconographique==
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* XVIIe siècle, anonyme : miniature (bronze, peinture sur papier, velin/parchemin, H 5cm x L 3,2 cm) -- Chantilly, Musée Condé (inv. 0A 1381)
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* XVIIe siècle, anonyme : estampe (H 14,5 cm x L 9,9 cm) -- Versailles (inv. LP 20.83.4).[https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/marie-de-hautefort-duchesse-de-schomberg-1616-1691_burin-estampe]
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==Jugements==
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* « Malheureuse Hautefort,// Tu vas courir les bois ;// Pitoyable est ton sort // Auprès d’un faible roi,// Turelure !// Lorsque le temps est froid // Et lui rougit les doigts // D’engelure // Il souffle ou se frotte // Pour se chauffer un brin ;// Mais jamais sous ta cotte // Il n’a glissé la main // Turelure ! » (Chanson, citée par Jacques Magne, ''Marie de Hautefort'', voir ''supra'' Choix bibliographique, p. 37-38).
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* « Toute la France sait assez ce que je vous dois, Madame, et je sais, Monsieur, que je vous ai des obligations qui ne sont pas petites. [...] Je vous donne tout ce que je vous puis donner. Si ce n’est pas tout ce que je vous dois, c’est vous payer en mauvaise monnaie. Mais il faut tirer d’un mauvais payeur ce que l’on peut. [...] Je crois, Madame, que les vers burlesques que j’ai mis en lumière jusqu’à cette heure ne serviront pas peu à vous faire croire ce que je dis maintenant en prose. » (Paul Scarron, "Dédicace à M. et Mme de Schomberg", ''Virgile travesti'', Livre IV, [1649], Jean Serroy éd., Paris, Classiques Garnier, 1988, p. 301).
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* « Olympe a la conversation vive, toujours divertissante, et jamais ennuyeuse. Ses reparties sont à propos, et spirituelles, et dans la justesse. [...] Jamais personne n’eut un meilleur goût pour les bonnes choses : elle a le don de discernement pour toutes ; et la peine qu’elle ne prend point de s’instruire en feuilletant les Livres, lui donne le plaisir d’entendre avec attachement les gens qui en ont la connaissance. Elle s’applique assez volontiers aux ouvrages qui courent les Ruelles, et qui volent parmi le beau Monde. Elle ne passe point par les beaux endroits de Prose, qu’elle ne les remarque en toutes leurs circonstances ; et c’est sans doute ce qui est cause qu’elle fait des Lettres si jolies. Pour les Vers, c’est sa passion ; et quoiqu’elle n’en fasse point, elle les récite comme si elle les faisait, et de cette manière qui vient d’elle, c’est-à-dire toujours tendre et passionnée : aussi prend-elle un particulier divertissement à la Comédie, et aux concerts des Violons, qui touchent les sens, et réveillent si agréablement les belles idées [...]. » (''La Galerie des peintures, ou recueil des portraits en vers et en prose dédié à son Altesse Royale Mademoiselle'', Paris, C. de Sercy et C. Barbin, 1659, p. 252-254).
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* « Telle fut, il y a quelque temps, la disgrâce d’une Personne illustre, et qui a des Étoiles l’innocence, la pureté, et l’inclination à bien faire. Jamais elle ne fut plus lumineuse ni plus regardée : et la fortune même qui avait été la perpétuelle rivale de sa vertu, l’a respectée, et a consenti à son élévation depuis cette chute. » (Pierre Le Moyne, ''De l’art des devises. Avec divers recueils de Devises du même Auteur'', Paris, Cramoisy, 1666, p. 278-279).
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* « Mme de Hautefort est grande et d’une très belle taille ; le front large en son contour, qui n’avance guère plus que les yeux, dont le fond est bleu et les coins bien fendus ; leur vivacité est surprenante et leurs regards modestes ; ses sourcils sont blonds, assez bien fournis, se séparant les uns des autres à l’endroit où se joint le front ; le nez aquilin, la bouche ni trop grande ni trop resserrée, mais bien façonnée ; les lèvres belles et d’un rouge vif et beau ; les dents blanches et bien rangées. Deux petits trous aux côtés de la bouche achèvent la perfection et lui rendent le rire fort agréable ; elle a les joues bien remplies : la nature s’est complu à y mêler le blanc et le vermeil avec tant de mignardise, que les roses semblent s’y jouer avec les lis ; elle a les cheveux du plus beau blond cendré du monde, en quantité et fort longs, et les tempes bien garnies ; elle a la gorge bien faite, assez formée et fort blanche, le cou rond et bien fait, le bras beau et bien rond, les doigts menus et la main pleine. Elle a l’air libre et aisé, et quoiqu’elle n’affecte pas de certains airs que la plupart des belles veulent avoir pour faire remarquer leur beauté, elle ne laisse pas d’avoir un air de majesté dans toute sa personne qui imprime à la fois le respect et l’amitié. Voilà à peu près ce qui est de sa personne ; il reste à dire quelque chose des qualités de son esprit. Elle en a infiniment : elle s’explique simplement ; elle a de la présence d’esprit au delà de l’imagination : elle donne un tour agréable à tout ce qu’elle dit, et qui fait paroître un enjouement accompagné de tant de modestie que ceux qui l’écoutent semblent prendre plaisir à l’entendre. Elle est naturellement railleuse, et entend la raillerie la plus fine ; mais comme elle a beaucoup de piété, elle la sait si bien régler qu’elle n’a jamais offensé personne. Cette personne si belle a le cœur d’une reine et d’une héroïne, et si remplie de bontés que l’on peut dire avec vérité que jamais personne malheureuse n’est sortie d’auprès elle sans en être consolée et de ses conseils et de ses présents [...]. Cependant elle étoit née avec une fierté et une ambition extraordinaires ; mais l’amour de la véritable gloire et la vertu faisoient qu’elle sacrifioit toute chose à sa réputation. » (''Vie manuscrite'', voir ''supra'' Principales sources, p. 168-171).
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* « C’était à la fois une glorieuse et une précieuse, visant toujours au délicat et au grand, et tournant un peu à l’outré et au romanesque, comme Mme de Longueville et les héroïnes de Corneille. » (Victor Cousin, ''Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle'', voir ''supra'' Choix bibliographique, p. 102).
  
  

Version actuelle en date du 9 octobre 2018 à 14:11

Marie de Hautefort
Titre(s) Mlle de Hautefort; duchesse d'Halluin
Conjoint(s) Charles de Schomberg, duc d'Halluin
Dénomination(s) Madame de Hautefort, dite « l’Aurore », Mme de Schomberg
Biographie
Date de naissance 1616
Date de décès 1691
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Claudine Nédelec, 2018

Marie de Hautefort, cadette de sept enfants, est fille de Charles-François, marquis de Hautefort (Périgord), et de Renée du Bellay (apparentée au poète Joachim du Bellay). Les deux familles sont d’ancienne noblesse, et proches de la Cour. Aussi, très tôt orpheline, y est-elle introduite dès 1628 par sa grand-mère maternelle, Mme de La Flotte, et nommée fille d’honneur de Marie de Médicis. Le conflit de celle-ci avec Louis XIII, et son ministre Richelieu, aurait pu lui coûter cher ; mais, à partir d’avril 1630, selon Bassompierre, Louis XIII trouve à son goût cette charmante adolescente, que la Cour surnommait « l’Aurore » pour son très beau teint de blonde. Il l’impose alors à Anne d'Autriche comme fille d’honneur, puis dame d’atours. Celle-ci, d’abord méfiante envers la jeune fille, s’y attache, tant elle est « de ses dévotions et de tous ses divertissements » (Vie de Marie de Hautefort). Et Marie de Hautefort prend si nettement en charge ses intérêts dans les graves conflits qui divisent le couple royal, ainsi que dans son inimitié pour Richelieu, qu’elle finit par tenir une grande place auprès de la reine, jusqu’à lui servir en quelque sorte d’espionne (non sans intelligence ni courage) dans les intrigues complexes de 1637, où Anne d'Autriche est soupçonnée de relations avec l’Espagne contraires aux intérêts de la France. Selon Mme de Motteville, « la Reine aima Madame de Hautefort pour l’amour d’elle-même, et [...] cette belle et sage fille estimant les belles qualités de la Reine, et assez dégoûtée de l’humeur du Roi, se donna entièrement à elle, et lui fut fidèle dans tous ses malheurs ». En effet, Louis XIII lui porte une attention amoureuse complexe (elle n’a pas été sa maîtresse au sens sexuel du terme, selon tous les mémorialistes), jouant avec elle à « je t’aime je te hais », ce qui a un impact notable sur la vie de cour. Une énième crise, liée à la faveur montante de Cinq-Mars, que Marie de Hautefort n’apprécie pas, et aux manœuvres de Richelieu, qui sait bien qu’elle lui est hostile, conduit le roi à l’exiler. Elle quitte Paris en décembre 1639, avec un de ses frères et une sœur, Mlle Descars, pour le château de La Flotte (Sarthe). Ce séjour provincial lui donne l’occasion de rencontrer deux poètes, Jean Mairet, et surtout Paul Scarron dont elle devient la mécène, comme elle le sera de Jean Loret (plus tard, elle a protégé aussi le jeune Bossuet).
Marie de Hautefort est rappelée à la Cour trois jours après la mort du roi par Anne d’Autriche, qui désormais se trouve « en état de récompenser tous ceux qui l’avaient servie » (Mme de Motteville). Cependant, elle se laisse plus ou moins entraîner dans les intrigues de la haute noblesse (la cabale des Importants), du côté des dévots ; s’insurgeant avec eux contre l’influence de Mazarin auprès de la régente, elle se permet de le railler ouvertement et de critiquer la conduite de la reine. Anne d'Autriche supporte mal les orgueilleuses incartades de Marie de Hautefort, dont l’esprit « commençait à prendre par beaucoup de dévotion des sentiments qui la rendaient sévère, un peu contrariante et trop critique » (Mme de Motteville). Elle lui signifie son congé de la Cour en avril 1644. Très affligée, car elle aime la reine, Marie de Hautefort songe un temps à se faire religieuse, mais son goût de la vie mondaine l’emporte, et elle épouse en 1646 le maréchal de Schomberg, veuf d’Anne, duchesse d’Halluin.
Pendant la crise de la Fronde, Schomberg reste neutre, se cantonnant au service militaire du roi, puis le couple s’installe en 1652 à Metz, dont le maréchal est gouverneur. Marie de Hautefort revient à Paris après sa mort (1656), et se remet à fréquenter les salons (chez Mme de Sablé, Mme de Lafayette). Anne d'Autriche reprend contact avec elle après la mort de Mazarin, et elles restent liées, au point que la reine a écrit dans une lettre à Louis XIV : « je ne trouve rien où je sois plus engagée par honneur, par conscience et par reconnaissance qu’à Mme de Schomberg qui m’a servie avec une fidélité tout extraordinaire » (Vie manuscrite). Louis XIV accueille toujours avec beaucoup de courtoisie Mme de Schomberg lors de ses rares visites à la Cour, en souvenir de l’amitié qu’il avait eue pour elle dans son enfance. Elle consacre la fin de sa vie à des œuvres de charité, ce qui lui vaut la réputation d’une bonne chrétienne. Les nombreux témoignages qui nous sont parvenus dessinent une personnalité complexe : générosité, fidélité et dévotion d’une part, orgueil aristocratique, goût du monde et propension à la raillerie de l’autre. Victor Cousin l’a mise au nombre de ses « femmes illustres » du XVIIe siècle (avec Jacqueline Pascal, Mme de Sablé, Mme de Chevreuse, Mlle de Scudéry et Mme de Longueville), la décrivant comme « une glorieuse et une précieuse, visant toujours au délicat et au grand », et d’une « fierté généreuse, à moitié chevaleresque, à moitié chrétienne » (Nouvelles études sur les femmes illustres).

Principales sources

  • Françoise de Motteville, Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, dans Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France [...], Paris, Foucault, 1824, t. 36-37.
  • La Vie de Marie de Hautefort, duchesse de Schomberg [...] par une de ses amies, ouvrage imprimé pour la première fois par G. É. J. M. A. L. [Guyonne-Élisabeth-Josèphe de Montmorency-Luynes], sur un manuscrit tiré de la bibliothèque de Monsieur Beaucousin, avec une préface et des notes par I. F. A. O. [Jean-Félicissime Adry, oratorien], an VIII [1799].
  • "Vie manuscrite", publiée par Victor Cousin en annexe à ses Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort, Paris, Didier et Cie, 1856, p. 168-267.[1]

Choix bibliographique

  • Victor Cousin, Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle. Madame de Hautefort, Paris, Didier et Cie, 1856.
  • Victor Cousin, "Madame de Hautefort", Revue des Deux Mondes, 2e période, t. 1, 1856, p. 225-276 [2]
  • Jacques Magne, Marie de Hautefort. Le grand amour de Louis XIII, Paris, Perrin, 2000.

Choix iconographique

  • XVIIe siècle, anonyme : miniature (bronze, peinture sur papier, velin/parchemin, H 5cm x L 3,2 cm) -- Chantilly, Musée Condé (inv. 0A 1381)
  • XVIIe siècle, anonyme : estampe (H 14,5 cm x L 9,9 cm) -- Versailles (inv. LP 20.83.4).[3]

Jugements

  • « Malheureuse Hautefort,// Tu vas courir les bois ;// Pitoyable est ton sort // Auprès d’un faible roi,// Turelure !// Lorsque le temps est froid // Et lui rougit les doigts // D’engelure // Il souffle ou se frotte // Pour se chauffer un brin ;// Mais jamais sous ta cotte // Il n’a glissé la main // Turelure ! » (Chanson, citée par Jacques Magne, Marie de Hautefort, voir supra Choix bibliographique, p. 37-38).
  • « Toute la France sait assez ce que je vous dois, Madame, et je sais, Monsieur, que je vous ai des obligations qui ne sont pas petites. [...] Je vous donne tout ce que je vous puis donner. Si ce n’est pas tout ce que je vous dois, c’est vous payer en mauvaise monnaie. Mais il faut tirer d’un mauvais payeur ce que l’on peut. [...] Je crois, Madame, que les vers burlesques que j’ai mis en lumière jusqu’à cette heure ne serviront pas peu à vous faire croire ce que je dis maintenant en prose. » (Paul Scarron, "Dédicace à M. et Mme de Schomberg", Virgile travesti, Livre IV, [1649], Jean Serroy éd., Paris, Classiques Garnier, 1988, p. 301).
  • « Olympe a la conversation vive, toujours divertissante, et jamais ennuyeuse. Ses reparties sont à propos, et spirituelles, et dans la justesse. [...] Jamais personne n’eut un meilleur goût pour les bonnes choses : elle a le don de discernement pour toutes ; et la peine qu’elle ne prend point de s’instruire en feuilletant les Livres, lui donne le plaisir d’entendre avec attachement les gens qui en ont la connaissance. Elle s’applique assez volontiers aux ouvrages qui courent les Ruelles, et qui volent parmi le beau Monde. Elle ne passe point par les beaux endroits de Prose, qu’elle ne les remarque en toutes leurs circonstances ; et c’est sans doute ce qui est cause qu’elle fait des Lettres si jolies. Pour les Vers, c’est sa passion ; et quoiqu’elle n’en fasse point, elle les récite comme si elle les faisait, et de cette manière qui vient d’elle, c’est-à-dire toujours tendre et passionnée : aussi prend-elle un particulier divertissement à la Comédie, et aux concerts des Violons, qui touchent les sens, et réveillent si agréablement les belles idées [...]. » (La Galerie des peintures, ou recueil des portraits en vers et en prose dédié à son Altesse Royale Mademoiselle, Paris, C. de Sercy et C. Barbin, 1659, p. 252-254).
  • « Telle fut, il y a quelque temps, la disgrâce d’une Personne illustre, et qui a des Étoiles l’innocence, la pureté, et l’inclination à bien faire. Jamais elle ne fut plus lumineuse ni plus regardée : et la fortune même qui avait été la perpétuelle rivale de sa vertu, l’a respectée, et a consenti à son élévation depuis cette chute. » (Pierre Le Moyne, De l’art des devises. Avec divers recueils de Devises du même Auteur, Paris, Cramoisy, 1666, p. 278-279).
  • « Mme de Hautefort est grande et d’une très belle taille ; le front large en son contour, qui n’avance guère plus que les yeux, dont le fond est bleu et les coins bien fendus ; leur vivacité est surprenante et leurs regards modestes ; ses sourcils sont blonds, assez bien fournis, se séparant les uns des autres à l’endroit où se joint le front ; le nez aquilin, la bouche ni trop grande ni trop resserrée, mais bien façonnée ; les lèvres belles et d’un rouge vif et beau ; les dents blanches et bien rangées. Deux petits trous aux côtés de la bouche achèvent la perfection et lui rendent le rire fort agréable ; elle a les joues bien remplies : la nature s’est complu à y mêler le blanc et le vermeil avec tant de mignardise, que les roses semblent s’y jouer avec les lis ; elle a les cheveux du plus beau blond cendré du monde, en quantité et fort longs, et les tempes bien garnies ; elle a la gorge bien faite, assez formée et fort blanche, le cou rond et bien fait, le bras beau et bien rond, les doigts menus et la main pleine. Elle a l’air libre et aisé, et quoiqu’elle n’affecte pas de certains airs que la plupart des belles veulent avoir pour faire remarquer leur beauté, elle ne laisse pas d’avoir un air de majesté dans toute sa personne qui imprime à la fois le respect et l’amitié. Voilà à peu près ce qui est de sa personne ; il reste à dire quelque chose des qualités de son esprit. Elle en a infiniment : elle s’explique simplement ; elle a de la présence d’esprit au delà de l’imagination : elle donne un tour agréable à tout ce qu’elle dit, et qui fait paroître un enjouement accompagné de tant de modestie que ceux qui l’écoutent semblent prendre plaisir à l’entendre. Elle est naturellement railleuse, et entend la raillerie la plus fine ; mais comme elle a beaucoup de piété, elle la sait si bien régler qu’elle n’a jamais offensé personne. Cette personne si belle a le cœur d’une reine et d’une héroïne, et si remplie de bontés que l’on peut dire avec vérité que jamais personne malheureuse n’est sortie d’auprès elle sans en être consolée et de ses conseils et de ses présents [...]. Cependant elle étoit née avec une fierté et une ambition extraordinaires ; mais l’amour de la véritable gloire et la vertu faisoient qu’elle sacrifioit toute chose à sa réputation. » (Vie manuscrite, voir supra Principales sources, p. 168-171).
  • « C’était à la fois une glorieuse et une précieuse, visant toujours au délicat et au grand, et tournant un peu à l’outré et au romanesque, comme Mme de Longueville et les héroïnes de Corneille. » (Victor Cousin, Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du XVIIe siècle, voir supra Choix bibliographique, p. 102).
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