Yolande Bonhomme : Différence entre versions
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− | == Notice == | + | == Notice de [[Thierry Claerr]], 2013 == |
− | <br /> | + | Petite-fille de Pasquier Bonhomme, l’un des premiers libraires jurés de l’université de Paris (actif entre 1468 à 1501), fille de Jean Ier Bonhomme, libraire de 1475 à 1529, Yolande Bonhomme épouse, entre 1508 et 1510, le libraire imprimeur Thielman Kerver, dont elle est veuve en 1522. Mère de cinq enfants, dont Jacques Kerver, libraire imprimeur de 1535 à 1583, femme de forte personnalité, pleine de force et de détermination, elle reste à la tête de l’entreprise jusqu’à sa mort, en 1557. Elle poursuit avec énergie ses créanciers, prend des risques, gagne de l’argent et en investit avec un sens financier aigu. Elle a visiblement les connaissances juridiques nécessaires pour protéger ses intérêts. L’officine familiale possédant cinq presses, elle emploie sans doute entre quinze et vingt-cinq travailleurs et apprentis. En 1539, par exemple, elle prend pour serviteur et apprenti pendant quatre ans Jacques Cocharot, âgé de treize ans et demi; en 1549, elle engage pour la même durée Alain Alcial, fils d’un laboureur de Sceaux. En 1540, avec Charlotte Guillard, une autre veuve d’éditeur parisien, elle prête serment devant l’Université de Paris dans une affaire de plainte relative à la mauvaise qualité du papier à Paris et aux difficultés des libraires pour en obtenir un meilleur.<br /> |
+ | Yolande Bonhomme vit dans son grand hôtel de la rue Saint-Jacques, entourée de sa famille, de serviteurs, d’employés et de collègues. Sa réussite professionnelle est marquée par l’évolution des qualificatifs qui la désignent dans les contrats: «veuve Kerver» en 1539, elle est en 1549 «marchande libraire» et en 1554 «bourgeoise de Paris». | ||
+ | Yolande Bonhomme publie plus de 200 titres entre 1523 et 1557. La grande majorité relève de la liturgie: 56 éditions différentes de livres d’Heures, 50 bréviaires et 35 missels. Le passage progressif des livres d’Heures aux bréviaires et aux missels reflète le changement général dans le goût et les intérêts du public. L’imprimeuse fait aussi œuvre de mécène. Soucieuse d’assurer le repos de son âme et de montrer la réussite de sa famille, elle commande un certain nombre d’œuvres d’art destinées à orner les églises du quartier : une mise au tombeau en septembre 1539, une tapisserie en décembre 1547, une pièce de cuivre comprenant une crosse et quatre piliers garnis d’anges en novembre 1549, une verrière pour l’église des Filles-Dieu représentant notamment «les marques de la maison de ladite Bonhomme» en mai 1552.<br /> | ||
+ | Entre 1541 et 1550, Yolande Bonhomme passe cinq testaments devant notaires. Les directives pour ses funérailles ne varient jamais. Pieuse et consciente d’être une notabilité du quartier, elle demande dans chacun chandelles, torches, eau bénite, et ''de profundis'' prononcé sur sa tombe. Elle réserve ses donations aux membres de sa propre famille, à l’exception de petits legs à ses serviteurs, mais à condition qu’ils continuent à travailler pour elle jusqu’à sa mort. Ayant elle même dirigé sa maison jusqu’au bout, elle s’éteint le 9 juillet 1557 et est enterrée, comme elle le demandait dans ses testaments, dans l’église des Mathurins, près de son mari et de ses parents.<br /> | ||
+ | La longue et fructueuse carrière de Yolande Bonhomme illustre l’indépendance des veuves dans le monde du livre parisien au XVIe siècle, qui possèdent la capacité juridique pour exercer pleinement le métier d’imprimeur libraire. Elle fait partie de ces femmes dont les recherches menées depuis le dernier quart du XXe siècle ont permis de retrouver la trace, de préciser la position au sein de la société et de mettre en valeur l’importance commerciale et entrepreneuriale.<br /> | ||
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+ | ==Sources== | ||
+ | * Paris, Archives nationales, Minutier central des notaires parisiens, étude LXXIII 1, 13 (contrats); LXXIII 1, 11, 14, 46 (achats); LXXIII 2 (20 septembre 1541), 5 (20 février 1544/45), 9 (20 janvier 1546/47), 11 (8 décembre 1547), 16 (9 mai 1550), 21 (28 juin 1555) (testaments). | ||
+ | * éditions publiées par Yolande Bonhomme. | ||
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+ | ==Choix bibliographique== | ||
+ | * Arbour, Roméo, ''Dictionnaire des femmes libraires (1470-1870)'', Paris, Droz, 2003. | ||
+ | * Beatrice Hibbard Beech, «Yolande Bonhomme: A Renaissance Printer», dans ''Medieval Prosopography'', 1985, vol. 6, p. 79-100. | ||
+ | * Claerr, Thierry, «Les monographies d’imprimeurs et de libraires parisiens des XVe et XVIe siècles: exemple de la famille Kerver» dans ''Le Berceau du livre imprimé: autour des incunables'', Pierre Aquilon et Thierry Claerr (dir.), Turnhout, Brepols, 2010. | ||
+ | * Parent-Charon, Annie, ''Les Métiers du livre à Paris au XVIe siècle (1535-1560)'', Genève, Droz, 1974. | ||
+ | * Parent-Charon, Annie, «Associations dans la librairie parisienne au XVIe siècle», dans ''L’Europe et le livre. Réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVIe-XIXe siècles'', dir. Frédéric Barbier, Sabine Juratic, Dominique Varry, Paris, 1996. | ||
+ | * Parent-Charon, Annie, «À propos des femmes et des métiers du livre dans le Paris de la Renaissance», in ''Des femmes et des livres. France et Espagnes, XIVe-XVIIe siècle'', dir. Dominique de Courcelles et Carmen Val Julian, 1999, p.137-148. | ||
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Version actuelle en date du 25 janvier 2014 à 17:20
Yolande Bonhomme | ||
Conjoint(s) | Thielman Kerver (m. 1522), imprimeur libraire parisien | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Veuve Kerver | |
Biographie | ||
Date de naissance | vers 1490 | |
Date de décès | 9 juillet 1557 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Thierry Claerr, 2013
Petite-fille de Pasquier Bonhomme, l’un des premiers libraires jurés de l’université de Paris (actif entre 1468 à 1501), fille de Jean Ier Bonhomme, libraire de 1475 à 1529, Yolande Bonhomme épouse, entre 1508 et 1510, le libraire imprimeur Thielman Kerver, dont elle est veuve en 1522. Mère de cinq enfants, dont Jacques Kerver, libraire imprimeur de 1535 à 1583, femme de forte personnalité, pleine de force et de détermination, elle reste à la tête de l’entreprise jusqu’à sa mort, en 1557. Elle poursuit avec énergie ses créanciers, prend des risques, gagne de l’argent et en investit avec un sens financier aigu. Elle a visiblement les connaissances juridiques nécessaires pour protéger ses intérêts. L’officine familiale possédant cinq presses, elle emploie sans doute entre quinze et vingt-cinq travailleurs et apprentis. En 1539, par exemple, elle prend pour serviteur et apprenti pendant quatre ans Jacques Cocharot, âgé de treize ans et demi; en 1549, elle engage pour la même durée Alain Alcial, fils d’un laboureur de Sceaux. En 1540, avec Charlotte Guillard, une autre veuve d’éditeur parisien, elle prête serment devant l’Université de Paris dans une affaire de plainte relative à la mauvaise qualité du papier à Paris et aux difficultés des libraires pour en obtenir un meilleur.
Yolande Bonhomme vit dans son grand hôtel de la rue Saint-Jacques, entourée de sa famille, de serviteurs, d’employés et de collègues. Sa réussite professionnelle est marquée par l’évolution des qualificatifs qui la désignent dans les contrats: «veuve Kerver» en 1539, elle est en 1549 «marchande libraire» et en 1554 «bourgeoise de Paris».
Yolande Bonhomme publie plus de 200 titres entre 1523 et 1557. La grande majorité relève de la liturgie: 56 éditions différentes de livres d’Heures, 50 bréviaires et 35 missels. Le passage progressif des livres d’Heures aux bréviaires et aux missels reflète le changement général dans le goût et les intérêts du public. L’imprimeuse fait aussi œuvre de mécène. Soucieuse d’assurer le repos de son âme et de montrer la réussite de sa famille, elle commande un certain nombre d’œuvres d’art destinées à orner les églises du quartier : une mise au tombeau en septembre 1539, une tapisserie en décembre 1547, une pièce de cuivre comprenant une crosse et quatre piliers garnis d’anges en novembre 1549, une verrière pour l’église des Filles-Dieu représentant notamment «les marques de la maison de ladite Bonhomme» en mai 1552.
Entre 1541 et 1550, Yolande Bonhomme passe cinq testaments devant notaires. Les directives pour ses funérailles ne varient jamais. Pieuse et consciente d’être une notabilité du quartier, elle demande dans chacun chandelles, torches, eau bénite, et de profundis prononcé sur sa tombe. Elle réserve ses donations aux membres de sa propre famille, à l’exception de petits legs à ses serviteurs, mais à condition qu’ils continuent à travailler pour elle jusqu’à sa mort. Ayant elle même dirigé sa maison jusqu’au bout, elle s’éteint le 9 juillet 1557 et est enterrée, comme elle le demandait dans ses testaments, dans l’église des Mathurins, près de son mari et de ses parents.
La longue et fructueuse carrière de Yolande Bonhomme illustre l’indépendance des veuves dans le monde du livre parisien au XVIe siècle, qui possèdent la capacité juridique pour exercer pleinement le métier d’imprimeur libraire. Elle fait partie de ces femmes dont les recherches menées depuis le dernier quart du XXe siècle ont permis de retrouver la trace, de préciser la position au sein de la société et de mettre en valeur l’importance commerciale et entrepreneuriale.
Sources
- Paris, Archives nationales, Minutier central des notaires parisiens, étude LXXIII 1, 13 (contrats); LXXIII 1, 11, 14, 46 (achats); LXXIII 2 (20 septembre 1541), 5 (20 février 1544/45), 9 (20 janvier 1546/47), 11 (8 décembre 1547), 16 (9 mai 1550), 21 (28 juin 1555) (testaments).
- éditions publiées par Yolande Bonhomme.
Choix bibliographique
- Arbour, Roméo, Dictionnaire des femmes libraires (1470-1870), Paris, Droz, 2003.
- Beatrice Hibbard Beech, «Yolande Bonhomme: A Renaissance Printer», dans Medieval Prosopography, 1985, vol. 6, p. 79-100.
- Claerr, Thierry, «Les monographies d’imprimeurs et de libraires parisiens des XVe et XVIe siècles: exemple de la famille Kerver» dans Le Berceau du livre imprimé: autour des incunables, Pierre Aquilon et Thierry Claerr (dir.), Turnhout, Brepols, 2010.
- Parent-Charon, Annie, Les Métiers du livre à Paris au XVIe siècle (1535-1560), Genève, Droz, 1974.
- Parent-Charon, Annie, «Associations dans la librairie parisienne au XVIe siècle», dans L’Europe et le livre. Réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVIe-XIXe siècles, dir. Frédéric Barbier, Sabine Juratic, Dominique Varry, Paris, 1996.
- Parent-Charon, Annie, «À propos des femmes et des métiers du livre dans le Paris de la Renaissance», in Des femmes et des livres. France et Espagnes, XIVe-XVIIe siècle, dir. Dominique de Courcelles et Carmen Val Julian, 1999, p.137-148.