Marie-Anne de La Trémoille : Différence entre versions
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− | Fille de Louis II de La Trémoille, marquis puis duc de Noirmoutier et de Renée fille de Jean Aubery, seigneur de Tilleport, elle suit son mari, le comte de Chalais – sans argent et sans permission royale -- lorsqu’il s’enfuit en Espagne après un duel (1666). Commence une vie mouvementée en Espagne où elle se familiarise avec la langue et les mœurs, puis à Rome d’où elle apprend la mort de son mari (1670). Bien accueillie par les cardinaux français, introduite dans les premiers salons de la société romaine, elle tient bientôt salon elle-même. Son aptitude aux affaires est signalée à Louis XIV qui approuve la demande en mariage du duc de Bracciano et prince des Ursins. Elle devient «l’agente» française au Vatican et rend de multiples services. En 1682, Louis XIV fait proclamer la ''Déclaration du clergé de France'', charte du gallicanisme: le pape refuse d’investir les évêques nommés par le roi. L’influence de la princesse devient essentielle et celle-ci, qui faisait un séjour à Versailles, retourne, avec une rente viagère, défendre les intérêts français à Rome. Avec l’autorisation du pape, elle fait jouer ''Tartuffe'' dans son palais : manière de simuler la puissance du roi qui, véritable ''deus ex machina'', met de l’ordre dans les domaines de la foi. Elle ne cessera d’appuyer la politique française. Lorsqu’elle a environ soixante ans, la succession du petit-fils de Louis XIV au trône espagnol lui donne une nouvelle chance : elle est envoyée en Espagne pour y assurer les intérêts français (1701). Nommée ''Camarera mayor'' de la jeune reine Marie-Louise de Savoie (13 ans) et conseillère de Philippe V (17 ans), elle se rend indispensable au jeune couple. Il s’agit de le faire accepter par les Espagnols, de respecter les coutumes, sans rien brusquer. Elle établit son crédit en le dissimulant. En 1705, à cause des dénonciations de sa conduite par ses ennemis et aussi de sa propre imprudence, le roi lui ordonne de quitter l’Espagne. Elle ne perd pas son sang-froid et se justifie sans mal à Versailles. Louis XIV et [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] la voient seule tous les jours ; elle repart avec les pleins pouvoirs ayant rédigé, à la demande des ministres, un mémoire sur les affaires d’Espagne où elle traite des principaux problèmes du pays. Le roi signe un contrat précisant qu’elle ne tiendra pas compte d’ordres ne provenant pas directement de lui, qu’elle aura les coudées franches pour instaurer des réformes et… une nouvelle pension. À la suite d’une victoire espagnole (Almanza : 1707), elle aide à réformer le chaos administratif de l’Espagne et à instaurer un constitution centrale à Madrid : elle écrit à [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]], « [n]ous voici débarrassés des grands, plût à Dieu qu’il nous fût aussi facile de prendre le dessus sur les prêtres et sur les moines qui sont la cause de toutes les révoltes que vous voyez ». En 1709, la France, encerclée et exténuée par les guerres, est prête à lâcher l’Espagne et à « désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés » comme l’écrit [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]]. La fermeté, le courage et l’audace de la princesse des Ursins se dévoilent. Elle inspire à Philippe V la résolution de ne pas abandonner sa couronne et ses sujets. La victoire de Villa-Viciosa (1710) lui permet d’aider à mettre en place d’autres réformes mais les relations avec la France s’aigrissent. [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] l’accuse d’avoir cessé d’être française pour devenir espagnole mais la suite démontre que la princesse a objectivement raison en tant que française de ne pas vouloir que la France abandonne l’Espagne. La paix d’Utrecht (1714) assure la sauvegarde des conquêtes de la France et l’existence de l’Espagne des Bourbons. La mort de Marie-Louise de Savoie (1714) et l’arrivée d’une nouvelle reine, annonce la fin de l’influence de la princesse. Congédiée brutalement, et menée aux frontières, sans hardes, sans bien, sans nourriture, elle ne se plaint pas. À au moins soixante-treize ans, elle quitte Paris quelques semaines avant la mort du roi (août 1715) et finit sa vie à Rome, toujours alerte, avec toute sa « tête politique ». Elle meurt en 1722. | + | Fille de Louis II de La Trémoille, marquis puis duc de Noirmoutier et de Renée, fille de Jean Aubery, seigneur de Tilleport, elle suit son mari, le comte de Chalais – sans argent et sans permission royale -- lorsqu’il s’enfuit en Espagne après un duel (1666). Commence une vie mouvementée en Espagne où elle se familiarise avec la langue et les mœurs, puis à Rome d’où elle apprend la mort de son mari (1670). Bien accueillie par les cardinaux français, introduite dans les premiers salons de la société romaine, elle tient bientôt salon elle-même. Son aptitude aux affaires est signalée à Louis XIV qui approuve la demande en mariage du duc de Bracciano et prince des Ursins. Elle devient «l’agente» française au Vatican et rend de multiples services. En 1682, Louis XIV fait proclamer la ''Déclaration du clergé de France'', charte du gallicanisme: le pape refuse d’investir les évêques nommés par le roi. L’influence de la princesse devient essentielle et celle-ci, qui faisait un séjour à Versailles, retourne, avec une rente viagère, défendre les intérêts français à Rome. Avec l’autorisation du pape, elle fait jouer ''Tartuffe'' dans son palais : manière de simuler la puissance du roi qui, véritable ''deus ex machina'', met de l’ordre dans les domaines de la foi. Elle ne cessera d’appuyer la politique française. Lorsqu’elle a environ soixante ans, la succession du petit-fils de Louis XIV au trône espagnol lui donne une nouvelle chance : elle est envoyée en Espagne pour y assurer les intérêts français (1701). Nommée ''Camarera mayor'' de la jeune reine Marie-Louise de Savoie (13 ans) et conseillère de Philippe V (17 ans), elle se rend indispensable au jeune couple. Il s’agit de le faire accepter par les Espagnols, de respecter les coutumes, sans rien brusquer. Elle établit son crédit en le dissimulant. En 1705, à cause des dénonciations de sa conduite par ses ennemis et aussi de sa propre imprudence, le roi lui ordonne de quitter l’Espagne. Elle ne perd pas son sang-froid et se justifie sans mal à Versailles. Louis XIV et [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] la voient seule tous les jours ; elle repart avec les pleins pouvoirs ayant rédigé, à la demande des ministres, un mémoire sur les affaires d’Espagne où elle traite des principaux problèmes du pays. Le roi signe un contrat précisant qu’elle ne tiendra pas compte d’ordres ne provenant pas directement de lui, qu’elle aura les coudées franches pour instaurer des réformes et… une nouvelle pension. À la suite d’une victoire espagnole (Almanza : 1707), elle aide à réformer le chaos administratif de l’Espagne et à instaurer un constitution centrale à Madrid : elle écrit à [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]], « [n]ous voici débarrassés des grands, plût à Dieu qu’il nous fût aussi facile de prendre le dessus sur les prêtres et sur les moines qui sont la cause de toutes les révoltes que vous voyez ». En 1709, la France, encerclée et exténuée par les guerres, est prête à lâcher l’Espagne et à « désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés » comme l’écrit [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]]. La fermeté, le courage et l’audace de la princesse des Ursins se dévoilent. Elle inspire à Philippe V la résolution de ne pas abandonner sa couronne et ses sujets. La victoire de Villa-Viciosa (1710) lui permet d’aider à mettre en place d’autres réformes mais les relations avec la France s’aigrissent. [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] l’accuse d’avoir cessé d’être française pour devenir espagnole mais la suite démontre que la princesse a objectivement raison en tant que française de ne pas vouloir que la France abandonne l’Espagne. La paix d’Utrecht (1714) assure la sauvegarde des conquêtes de la France et l’existence de l’Espagne des Bourbons. La mort de Marie-Louise de Savoie (1714) et l’arrivée d’une nouvelle reine, annonce la fin de l’influence de la princesse. Congédiée brutalement, et menée aux frontières, sans hardes, sans bien, sans nourriture, elle ne se plaint pas. À au moins soixante-treize ans, elle quitte Paris quelques semaines avant la mort du roi (août 1715) et finit sa vie à Rome, toujours alerte, avec toute sa « tête politique ». Elle meurt en 1722. |
Dénigrée comme intrigante par Saint-Simon, ce n’est qu’au dix-neuvième siècle avec les publications de ses lettres et en particulier de sa correspondance avec [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] que l’importance de son rôle historique a commencé à être reconnu. Au XXe siècle, on continua à explorer sa biographie mais une étude de cette femme d’exception qui la situerait parmi les véritables esprits politiques de l’époque manque encore. | Dénigrée comme intrigante par Saint-Simon, ce n’est qu’au dix-neuvième siècle avec les publications de ses lettres et en particulier de sa correspondance avec [[Françoise d'Aubigné|Madame de Maintenon]] que l’importance de son rôle historique a commencé à être reconnu. Au XXe siècle, on continua à explorer sa biographie mais une étude de cette femme d’exception qui la situerait parmi les véritables esprits politiques de l’époque manque encore. | ||
Version actuelle en date du 25 avril 2014 à 09:10
Marie-Anne de La Trémoille | ||
Titre(s) | comtesse de Chalais, princesse des Ursins | |
---|---|---|
Conjoint(s) | 1659: Blaise, comte de Talleyrand-Chalais 1675: Flavio Orsini, duc de Bracciano | |
Dénomination(s) | princesse des Ursins | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1635 ou 1642 | |
Date de décès | 1722 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Sommaire
Notice de Danielle Haase-Dubosc, 2013
Fille de Louis II de La Trémoille, marquis puis duc de Noirmoutier et de Renée, fille de Jean Aubery, seigneur de Tilleport, elle suit son mari, le comte de Chalais – sans argent et sans permission royale -- lorsqu’il s’enfuit en Espagne après un duel (1666). Commence une vie mouvementée en Espagne où elle se familiarise avec la langue et les mœurs, puis à Rome d’où elle apprend la mort de son mari (1670). Bien accueillie par les cardinaux français, introduite dans les premiers salons de la société romaine, elle tient bientôt salon elle-même. Son aptitude aux affaires est signalée à Louis XIV qui approuve la demande en mariage du duc de Bracciano et prince des Ursins. Elle devient «l’agente» française au Vatican et rend de multiples services. En 1682, Louis XIV fait proclamer la Déclaration du clergé de France, charte du gallicanisme: le pape refuse d’investir les évêques nommés par le roi. L’influence de la princesse devient essentielle et celle-ci, qui faisait un séjour à Versailles, retourne, avec une rente viagère, défendre les intérêts français à Rome. Avec l’autorisation du pape, elle fait jouer Tartuffe dans son palais : manière de simuler la puissance du roi qui, véritable deus ex machina, met de l’ordre dans les domaines de la foi. Elle ne cessera d’appuyer la politique française. Lorsqu’elle a environ soixante ans, la succession du petit-fils de Louis XIV au trône espagnol lui donne une nouvelle chance : elle est envoyée en Espagne pour y assurer les intérêts français (1701). Nommée Camarera mayor de la jeune reine Marie-Louise de Savoie (13 ans) et conseillère de Philippe V (17 ans), elle se rend indispensable au jeune couple. Il s’agit de le faire accepter par les Espagnols, de respecter les coutumes, sans rien brusquer. Elle établit son crédit en le dissimulant. En 1705, à cause des dénonciations de sa conduite par ses ennemis et aussi de sa propre imprudence, le roi lui ordonne de quitter l’Espagne. Elle ne perd pas son sang-froid et se justifie sans mal à Versailles. Louis XIV et Madame de Maintenon la voient seule tous les jours ; elle repart avec les pleins pouvoirs ayant rédigé, à la demande des ministres, un mémoire sur les affaires d’Espagne où elle traite des principaux problèmes du pays. Le roi signe un contrat précisant qu’elle ne tiendra pas compte d’ordres ne provenant pas directement de lui, qu’elle aura les coudées franches pour instaurer des réformes et… une nouvelle pension. À la suite d’une victoire espagnole (Almanza : 1707), elle aide à réformer le chaos administratif de l’Espagne et à instaurer un constitution centrale à Madrid : elle écrit à Madame de Maintenon, « [n]ous voici débarrassés des grands, plût à Dieu qu’il nous fût aussi facile de prendre le dessus sur les prêtres et sur les moines qui sont la cause de toutes les révoltes que vous voyez ». En 1709, la France, encerclée et exténuée par les guerres, est prête à lâcher l’Espagne et à « désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés » comme l’écrit Madame de Maintenon. La fermeté, le courage et l’audace de la princesse des Ursins se dévoilent. Elle inspire à Philippe V la résolution de ne pas abandonner sa couronne et ses sujets. La victoire de Villa-Viciosa (1710) lui permet d’aider à mettre en place d’autres réformes mais les relations avec la France s’aigrissent. Madame de Maintenon l’accuse d’avoir cessé d’être française pour devenir espagnole mais la suite démontre que la princesse a objectivement raison en tant que française de ne pas vouloir que la France abandonne l’Espagne. La paix d’Utrecht (1714) assure la sauvegarde des conquêtes de la France et l’existence de l’Espagne des Bourbons. La mort de Marie-Louise de Savoie (1714) et l’arrivée d’une nouvelle reine, annonce la fin de l’influence de la princesse. Congédiée brutalement, et menée aux frontières, sans hardes, sans bien, sans nourriture, elle ne se plaint pas. À au moins soixante-treize ans, elle quitte Paris quelques semaines avant la mort du roi (août 1715) et finit sa vie à Rome, toujours alerte, avec toute sa « tête politique ». Elle meurt en 1722. Dénigrée comme intrigante par Saint-Simon, ce n’est qu’au dix-neuvième siècle avec les publications de ses lettres et en particulier de sa correspondance avec Madame de Maintenon que l’importance de son rôle historique a commencé à être reconnu. Au XXe siècle, on continua à explorer sa biographie mais une étude de cette femme d’exception qui la situerait parmi les véritables esprits politiques de l’époque manque encore.
Oeuvres
Toutes les lettres de la princesse des Ursins ne sont pas publiées. Voir Cermakian, infra, Choix bibliographique, pour la bibliographie des lettres manuscrites.
- 1778: Mémoires pour servir à l’Histoire de Madame de Maintenon et à celle du Siècle passé suivis de Lettres de Madame de Maintenon, éd. La Beaumelle, Maestricht, 8 vol.
- 1806: Lettres inédites de la Princesse des Ursins à M. le Maréchal de Villeroy, suivies de sa correspondances avec Mme de Maintenon, éd. L. Collin, Paris .
- 1826: Lettres inédites de Mme de Maintenon et de la Princesse des Ursins, Paris, Bossange Frères, 4 vols. (Les lettres de la princesse des Ursins se trouvent dans le troisième et le quatrième volumes).
- 1859: Lettres inédites de la Princesse des Ursins, intr. et éd. M.A. Geffroy, Paris, Didier. (Très bonne introduction).
- 1860: Une lettre inédite de la Princesse des Ursins, éd. Sénemand, Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, Paris, 1860.
- 1862: Lettres inédites de la Princesse des Ursins, éd. C. Hippeau, Mémoires de l’Académie de Caen.
- 1867: Lettres de la Princesse des Ursins au comte de Pont-chartrain, éd. A. JAL, Cabinet Historique, t. XI, p. 303-309, Paris.
- 1868: Lettres extraites des manuscrits du cardinal Gualterio, éd. G. Masson, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 2e partie, p. 89-117.
- 1879: Lettres inédites de la Princesse des Ursins au Maréchal de Tessé, éd. G. Masson, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, p.177-248.
- 1902-1907: Madame des Ursins et la Succession d’Espagne, fragments de correspondance, éd. L. de la TRÉMOILLE, Nantes-Paris, 6 vol.
- 1922: "La Princesse des Ursins à Rome et en villégiature, d’après des lettres inédites (1683-1687", éd. F. Boyer, Nouvelle Revue d’Italie, Rome, janvier et février, p. 21-40 et 156-166.
- 1922: "Le second séjour de la Princesse des Ursins à Paris d’après des lettres inédites (1687-1695", éd. F. Boyer, Nouvelle Revue d’Italie, Rome, octobre, p. 259-298.
- 1926: "Lettere inédite della Principessa degli Orsini alla sorella Luisa Agnelica Lanti", éd. P. Egidi, Studi di Soria Napolitana in onore di Michelangelo Schipa, Napoli, p. 482-491.
Choix bibliographique
- Cermakian, Marianne, La princesse des Ursins : sa vie, ses lettres, Paris, Didier, 1969.
- Geoffroy, M.A., « Introduction », Lettres inédites de la Princesse des Ursins, Paris, Didier, 1859.
- Ribardière, Diane, La Princesse des Ursins : Dame de fer et de velours, Paris, Perrin, 1988.
- Sainte-Beuve, Charles-Augustin, Causeries du lundi, Paris, Garnier, 1853, vol. 5, p.316-347.
- Saint-Simon, Mémoires, éd. Yves Coirault, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983-1988 (Voir en particulier, vol. II, p. 100-104).
Choix iconographique
- 1670: École française du XVIIe s., huile sur toile, Musée Condé, Chantilly
- Ca 1700: René Antoine Houasse, huile sur toile 82,5 x 66,5, Musée Lambinet, Versailles
Jugements
- «C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes sortes; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire. Avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréable, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion. Un grand choix des meilleures compagnies, un grand usage de les tenir et même une Cour ; une grande politesse, mais avec une grande distinction, et surtout une grande attention à ne s’avancer qu’avec dignité et discrétion. D’ailleurs, la personne du monde la plus propre à l’intrigue, et qui y avait passé sa vie à Rome par gon goût. Beaucoup d’ambition, mais de ces ambitions vastes, fort au-dessus de son sexe, et de l’ambition ordinaire des hommes, et un désir pareil d’être et de gouverner». (Saint Simon, Voir supra Choix bibliographique, vol. II, p.52-53)
- «Je crois que Mme des Ursins s’inquiétait un peu moins de ses confesseurs que Mme de Maintenon ne faisait des siens. Mais, dans ces querelles où celle-ci était si attentive et si initiée, comme on sent chez l’autre une personne qui prend naturellement le dessus, et qui mène le tout, haut la main! C’est ainsi qu’elle dira, à propos des cabales de la cour et de directions de conscience qui trouvaient moyen de s’immiscer autour du duc de Bourgogne jusque dans les camps et au milieu des plus grands périls : 'Qu’est-il question, Madame, quand il s’agit d’un roi qu’on veut détrôner, d’un autre dont on veut abattre la puissance, enfin des plus grandes choses du monde, d’y mêler M. de Cambrai, les Jésuites, les libertins et les Jansénistes ? Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu’. En tout, l’esprit de Mme des Ursins est un esprit naturellement élevé au-dessus des petites choses […]» Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Voir supra Choix bibliographique, 1853, p.334-335.
- «Mme des Ursins a écrit comme elle a vécu. Elle n’a point ambitionné cette gloire de marquer un jour parmi nos écrivains. Tandis que Mme de Maintenon apprenait de bonne heure tout le prix du bon style et s’armait de cette nouvelle majesté, Mme des Ursins n’a jamais eu d’autre inspiration que la passion ou l’intérêt du moment. Son style y gagne en naturel et en liberté ce qu’il y perd d’étude et de soin habituel « […] »Par son ardeur généreuse, par la franchise de son sens pratique, par son énergique dévouement à la cause qui lui était confiée, elle est sortie du personnage secondaire, du rôle d’agent où elle s’était placée d’elle-même […]». (M.A. Geffroy, Introduction, Voir supra Choix bibliographique, 1859, p. XXVIII et LXIII)
- «La seule action politique décisive, incontestablement personnelle et directe, de la princesse se situe alors, dans cette terrible année où tout semble se liguer contre elle et contre les Bourbons d’Espagne. Elle tient tête à l’adversité avec toute la puissance de son orgueil et de son courage, mais ce courage n’est pas aveugle ; il se fonde sur une évaluation exacte des forces en présence, avec leurs faiblesses cachées ou leurs ressources insoupçonnées. La princesse des Ursins a incarné, à cette heure tragique de la France et de l’Espagne, l’esprit de résistance réaliste qui mènera à Villaviciosa et à Denain, et c’est là son plus pur titre de gloire aux yeux de la postérité » (M. Cermakian, Voir supra Choix bibliographique, 1969, p. 616)
- «On ne rêve pas comme a vécu la princesse des Ursins.» (Y. Coirault éd., Mémoires de Saint-Simon, Voir supra Choix bibliographique, 1983-1988, vol. 2, note 6, p. 1205)