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On ne connaît d’Ide de Louvain que ce qu’en dit l’auteur anonyme de sa ''Vie'', écrite peu après sa mort. Née vers 1212, Ide est issue d’une famille fortunée de Louvain. Dès son plus jeune âge, elle manifeste sa répulsion pour cette nouvelle société marchande dont l’apparition dans les villes du Nord provoque la paupérisation galopante d’une population réduite à la mendicité. En profond conflit avec sa famille, Ide se dépense sans compter pour soulager les miséreux, alors qu’elle s’inflige un nombre impressionnant de macérations, dans une démarche pénitentielle visant à la réparation des outrages infligés au Christ. Elle devient ensuite cistercienne à l’abbaye du Val-des-Roses, proche de Malines. Sa biographie, composée probablement à la fin du XIIIe siècle et fondée sur les témoignages de son confesseur, met en scène une femme en odeur de sainteté chez les cisterciens mais dont la renommée a largement dépassé l’espace clos de son monastère. Dominicains et franciscains qui la côtoient reconnaissent ses mérites et l’on ne peut manquer de percevoir l’influence de la spiritualité franciscaine dans l’évocation de cette mystique: à l’image de François d’Assise (†1226), sa familiarité avec les animaux témoigne de son emprise, jugée miraculeuse, sur la Création; son corps percé de cinq plaies résonne de son amour débordant pour le Christ souffrant. Dès avant son entrée au couvent et par opposition à l’opulence et à l’impiété paternelle, Ide conjugue un dégoût profond pour les nourritures terrestres avec un désir insatiable de dévorer littéralement l’Eucharistie.  
 
On ne connaît d’Ide de Louvain que ce qu’en dit l’auteur anonyme de sa ''Vie'', écrite peu après sa mort. Née vers 1212, Ide est issue d’une famille fortunée de Louvain. Dès son plus jeune âge, elle manifeste sa répulsion pour cette nouvelle société marchande dont l’apparition dans les villes du Nord provoque la paupérisation galopante d’une population réduite à la mendicité. En profond conflit avec sa famille, Ide se dépense sans compter pour soulager les miséreux, alors qu’elle s’inflige un nombre impressionnant de macérations, dans une démarche pénitentielle visant à la réparation des outrages infligés au Christ. Elle devient ensuite cistercienne à l’abbaye du Val-des-Roses, proche de Malines. Sa biographie, composée probablement à la fin du XIIIe siècle et fondée sur les témoignages de son confesseur, met en scène une femme en odeur de sainteté chez les cisterciens mais dont la renommée a largement dépassé l’espace clos de son monastère. Dominicains et franciscains qui la côtoient reconnaissent ses mérites et l’on ne peut manquer de percevoir l’influence de la spiritualité franciscaine dans l’évocation de cette mystique: à l’image de François d’Assise (†1226), sa familiarité avec les animaux témoigne de son emprise, jugée miraculeuse, sur la Création; son corps percé de cinq plaies résonne de son amour débordant pour le Christ souffrant. Dès avant son entrée au couvent et par opposition à l’opulence et à l’impiété paternelle, Ide conjugue un dégoût profond pour les nourritures terrestres avec un désir insatiable de dévorer littéralement l’Eucharistie.  
  
C’est l’un des thèmes majeurs développés dans sa ''Vie'', tandis qu’à l’initiative de Julienne de Cornillon, la fête du ''Corpus Christi'' est officiellement célébrée au diocèse de Liège depuis 1246 et que se multiplient les récits d’épisodes extraordinaires témoignant de la grande dévotion des femmes pour le Saint-Sacrement. Sa biographie présente aussi de nombreuses analogies avec celles d’autres cisterciennes du diocèse de Liège, Ide de Nivelles, Lutgarde d’Aywières, Béatrice de Nazareth ou Ide de Gorsleeuw, avec lesquelles cette mystique, également en lien avec le milieu béguinal, partage une même intimité avec l’Enfant-Dieu ou le Christ crucifié. Véritable interprète de ses expériences, son corps devient le support où se gravent ses expériences. Jouissances et souffrances ponctuent ses rencontres avec un Christ qui se fait voir, entendre, sentir et toucher. Il se révèle amour incarné, qui blesse en même temps qu’il guérit. Il lui offre son «Cœur», lui dévoile sa «Beauté», célèbre pour elle une messe solennelle. Transportée dans le chœur des Séraphins, elle approche le mystère de la Trinité, toute ignorante qu’elle soit. Et son biographe de rappeler ainsi, à mots couverts, la délimitation des territoires de compétence dans l’Église: aux femmes, les expériences du cœur, vécues à l’abri des cloîtres, aux clercs, le savoir théologique acquis dans les écoles. Si son héroïne parvient à traduire les textes de la liturgie en langue vernaculaire, c’est bien sous la dictée de l’Esprit Saint et non parce qu’elle serait instruite.
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C’est l’un des thèmes majeurs développés dans sa ''Vie'', tandis qu’à l’initiative de [[Julienne de Cornillon]], la fête du ''Corpus Christi'' est officiellement célébrée au diocèse de Liège depuis 1246 et que se multiplient les récits d’épisodes extraordinaires témoignant de la grande dévotion des femmes pour le Saint-Sacrement. Sa biographie présente aussi de nombreuses analogies avec celles d’autres cisterciennes du diocèse de Liège, [[Ide de Nivelles]], Lutgarde d’Aywières, [[Béatrice de Nazareth]] ou Ide de Gorsleeuw, avec lesquelles cette mystique, également en lien avec le milieu béguinal, partage une même intimité avec l’Enfant-Dieu ou le Christ crucifié. Véritable interprète de ses expériences, son corps devient le support où se gravent ses expériences. Jouissances et souffrances ponctuent ses rencontres avec un Christ qui se fait voir, entendre, sentir et toucher. Il se révèle amour incarné, qui blesse en même temps qu’il guérit. Il lui offre son «Cœur», lui dévoile sa «Beauté», célèbre pour elle une messe solennelle. Transportée dans le chœur des Séraphins, elle approche le mystère de la Trinité, toute ignorante qu’elle soit. Et son biographe de rappeler ainsi, à mots couverts, la délimitation des territoires de compétence dans l’Église: aux femmes, les expériences du cœur, vécues à l’abri des cloîtres, aux clercs, le savoir théologique acquis dans les écoles. Si son héroïne parvient à traduire les textes de la liturgie en langue vernaculaire, c’est bien sous la dictée de l’Esprit Saint et non parce qu’elle serait instruite.
 
   
 
   
 
Le profil de la cistercienne du Val-des-Roses, ainsi décrite par une plume masculine, rassemble bien toutes les caractéristiques acceptables de la piété féminine du XIIIe siècle, telle que la conçoivent les gens d’Église: jeûnes pénitentiels, distribution de nourriture aux pauvres, participation aux souffrances du Christ, dévotion eucharistique: bref, une forme très incarnée de l’''imitatio Christi''. Reste à savoir si le portrait n’est pas forcé et si l’exacerbation des manifestations sensibles de l’expérience ne sert pas, fut-ce de manière inconsciente, une certaine propension des clercs à cantonner les femmes dans l’unique registre des émotions. Ce qui n’a pas empêché le biographe d’Ide de Louvain d’exprimer ouvertement son admiration pour une femme dont, louange suprême, il reconnaît au final toutes les qualités viriles! Remise à l’honneur au XVIIe siècle tant par les hagiographes cisterciens que par les jésuites bollandistes, Ide fait partie de ces figures abondamment traitées depuis trente ans par les spécialistes de la mystique et des rapports de genre au Moyen Âge.
 
Le profil de la cistercienne du Val-des-Roses, ainsi décrite par une plume masculine, rassemble bien toutes les caractéristiques acceptables de la piété féminine du XIIIe siècle, telle que la conçoivent les gens d’Église: jeûnes pénitentiels, distribution de nourriture aux pauvres, participation aux souffrances du Christ, dévotion eucharistique: bref, une forme très incarnée de l’''imitatio Christi''. Reste à savoir si le portrait n’est pas forcé et si l’exacerbation des manifestations sensibles de l’expérience ne sert pas, fut-ce de manière inconsciente, une certaine propension des clercs à cantonner les femmes dans l’unique registre des émotions. Ce qui n’a pas empêché le biographe d’Ide de Louvain d’exprimer ouvertement son admiration pour une femme dont, louange suprême, il reconnaît au final toutes les qualités viriles! Remise à l’honneur au XVIIe siècle tant par les hagiographes cisterciens que par les jésuites bollandistes, Ide fait partie de ces figures abondamment traitées depuis trente ans par les spécialistes de la mystique et des rapports de genre au Moyen Âge.
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Version actuelle en date du 6 avril 2013 à 13:20

Ide de Louvain
Ide de Louvain.jpg
Titre(s) Bienheureuse
Dénomination(s) Ida van Leuven, Ida Lovaniensis
Biographie
Date de naissance vers 1212
Date de décès après 1262
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Marie-Elisabeth Henneau, 2011

On ne connaît d’Ide de Louvain que ce qu’en dit l’auteur anonyme de sa Vie, écrite peu après sa mort. Née vers 1212, Ide est issue d’une famille fortunée de Louvain. Dès son plus jeune âge, elle manifeste sa répulsion pour cette nouvelle société marchande dont l’apparition dans les villes du Nord provoque la paupérisation galopante d’une population réduite à la mendicité. En profond conflit avec sa famille, Ide se dépense sans compter pour soulager les miséreux, alors qu’elle s’inflige un nombre impressionnant de macérations, dans une démarche pénitentielle visant à la réparation des outrages infligés au Christ. Elle devient ensuite cistercienne à l’abbaye du Val-des-Roses, proche de Malines. Sa biographie, composée probablement à la fin du XIIIe siècle et fondée sur les témoignages de son confesseur, met en scène une femme en odeur de sainteté chez les cisterciens mais dont la renommée a largement dépassé l’espace clos de son monastère. Dominicains et franciscains qui la côtoient reconnaissent ses mérites et l’on ne peut manquer de percevoir l’influence de la spiritualité franciscaine dans l’évocation de cette mystique: à l’image de François d’Assise (†1226), sa familiarité avec les animaux témoigne de son emprise, jugée miraculeuse, sur la Création; son corps percé de cinq plaies résonne de son amour débordant pour le Christ souffrant. Dès avant son entrée au couvent et par opposition à l’opulence et à l’impiété paternelle, Ide conjugue un dégoût profond pour les nourritures terrestres avec un désir insatiable de dévorer littéralement l’Eucharistie.

C’est l’un des thèmes majeurs développés dans sa Vie, tandis qu’à l’initiative de Julienne de Cornillon, la fête du Corpus Christi est officiellement célébrée au diocèse de Liège depuis 1246 et que se multiplient les récits d’épisodes extraordinaires témoignant de la grande dévotion des femmes pour le Saint-Sacrement. Sa biographie présente aussi de nombreuses analogies avec celles d’autres cisterciennes du diocèse de Liège, Ide de Nivelles, Lutgarde d’Aywières, Béatrice de Nazareth ou Ide de Gorsleeuw, avec lesquelles cette mystique, également en lien avec le milieu béguinal, partage une même intimité avec l’Enfant-Dieu ou le Christ crucifié. Véritable interprète de ses expériences, son corps devient le support où se gravent ses expériences. Jouissances et souffrances ponctuent ses rencontres avec un Christ qui se fait voir, entendre, sentir et toucher. Il se révèle amour incarné, qui blesse en même temps qu’il guérit. Il lui offre son «Cœur», lui dévoile sa «Beauté», célèbre pour elle une messe solennelle. Transportée dans le chœur des Séraphins, elle approche le mystère de la Trinité, toute ignorante qu’elle soit. Et son biographe de rappeler ainsi, à mots couverts, la délimitation des territoires de compétence dans l’Église: aux femmes, les expériences du cœur, vécues à l’abri des cloîtres, aux clercs, le savoir théologique acquis dans les écoles. Si son héroïne parvient à traduire les textes de la liturgie en langue vernaculaire, c’est bien sous la dictée de l’Esprit Saint et non parce qu’elle serait instruite.

Le profil de la cistercienne du Val-des-Roses, ainsi décrite par une plume masculine, rassemble bien toutes les caractéristiques acceptables de la piété féminine du XIIIe siècle, telle que la conçoivent les gens d’Église: jeûnes pénitentiels, distribution de nourriture aux pauvres, participation aux souffrances du Christ, dévotion eucharistique: bref, une forme très incarnée de l’imitatio Christi. Reste à savoir si le portrait n’est pas forcé et si l’exacerbation des manifestations sensibles de l’expérience ne sert pas, fut-ce de manière inconsciente, une certaine propension des clercs à cantonner les femmes dans l’unique registre des émotions. Ce qui n’a pas empêché le biographe d’Ide de Louvain d’exprimer ouvertement son admiration pour une femme dont, louange suprême, il reconnaît au final toutes les qualités viriles! Remise à l’honneur au XVIIe siècle tant par les hagiographes cisterciens que par les jésuites bollandistes, Ide fait partie de ces figures abondamment traitées depuis trente ans par les spécialistes de la mystique et des rapports de genre au Moyen Âge.

Sources

  • «Vita de venerabili Ida Lovaniensi. Ordinis Cisterciensis…», Bibliothèque nationale de Vienne, Series nova 12707, f°167r°-197r°.
  • «Vita de venerabili Ida Lovaniensi. Ordinis Cisterciensis…», éd. Daniel Papebroch, Acta sanctorum, Avril, t.II, 1866, p.156-198.
  • Ida the Eager of Louvain, Medieval Cistercian Nun, trad. Martinus Cawley, Lafayette, Guadalupe, 2000.
  • Herman Vekeman (éd.), Ida van Leuven (ca 1211-1290), Latijnse vita, vertalig, inleiding en commentar, Budel, Daman, 2006.


Choix bibliographique

  • Bynum, Caroline, Jeûnes et festins sacrés. Les femmes et la nourriture dans la spiritualité médiévale, Paris, Cerf 1994.
  • Lauwers, Michel, «Les femmes et l’eucharistie dans l’Occident médiéval: interdits, transgressions, dévotions», dans Nicole Bériou, Béatrice Caseau, Dominique Rigaux (éds), Pratiques de l'eucharistie dans les Églises d'Orient et d'Occident (Antiquité et Moyen Age), Paris, Institut d'études augustiniennes, 2009, t.I, p.445-480.
  • Mikkers, Edmond, «Ida», dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t.7, 1969. col.1239-1241.
  • Roisin, Simone, «L’efflorescence cistercienne et le courant féminin de piété», dans Revue d’Histoire ecclésiastique, t.XXIX, 1943, p.342-378.
  • Simons, Walter, «Holy Women of the Low Countries: A Survey», dans Alastair Minnis et Rosalynn Voaden (éds), Medieval Holy Women in the Christian Tradition c. 1100-c.1500, Turnhout, Brepols, 2010, p.625-662.


Choix iconographique

  • 1635: Anonyme, [Ide de Louvain en médaillon], Saintes de l’Ordre de Cîteaux, huile sur bois, 180x127cm, Kerniel (Belgique), Prieuré de Marienlof -- Filles de Cîteaux au pays mosan, Catalogue d’exposition, Huy, Crédit communal, 1990, Couverture et p.69.
  • XVIIe s.: Joost Stevaert, La bienheureuse Ide de Louvain, huile sur panneau, 67x57cm, Kerniel (Belgique), Prieuré de Marienlof – Le Jardin clos de l’âme. L’imaginaire des religieuses dans les Pays-Bas du Sud depuis le 13e siècle, Catalogue d’exposition, Bruxelles, Martial et Snoeck, 1994, p. 24 et 248.

Choix électroniques

  • The Holy Women of Liège: A Bibliography Compiled by Margot H. King & Ludo Jongen [1]
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