Henriette-Julie de Castelnau : Différence entre versions

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Henriette-Julie de Castelnau
Titre(s) Comtesse de Murat
Conjoint(s) Nicolas de Murat, comte de Gilbertez
Biographie
Date de naissance Vers 1668
Date de décès 1716
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Geneviève Patard, 2007.

Fille de Michel de Castelnau, descendant de la haute aristocratie du comté de Bigorre, et de Louise-Marie Foucault, originaire du Limousin, Henriette-Julie, née vers 1668, est issue de familles reconnues pour leur passé militaire glorieux, puisque ses deux grands-pères, Jacques de Castelnau et Louis Foucault de Saint-Germain, sont maréchaux de France. Son enfance est marquée par la mort de son père, gouverneur de Brest, tué le 2 décembre 1672, à la tête de son régiment, près d’Utrecht en Hollande. La famille regagne Paris, contrairement à ce qu’a fait longtemps croire la légende d’une jeunesse bretonne. Elle épouse en 1691 Nicolas de Murat, comte de Gilbertez et colonel d’un régiment d’infanterie. En 1696, alors qu’elle n’a pas trente ans, elle rédige ses Mémoires. Tout en faisant le récit de sa vie, elle prend la défense des femmes, afin de répliquer à un texte tout juste publié et qu’elle considère comme nuisible à l’image du sexe féminin, les Mémoires de la vie du Comte D* avant sa retraite rédigés par Saint-Evremont. Elle pense ainsi convaincre le monde «que très souvent, il y a beaucoup plus de malheur que de dérèglement dans la conduite des femmes». Elle fréquente alors le salon de Mme de Lambert et participe activement à la mode du conte de fées littéraire, avec les Contes de fées et Les Nouveaux Contes des Fées (1698), suivis des Histoires sublimes et allégoriques(1699). Ces dernières sont introduites par une épître aux «Fées modernes» que la conteuse appelle à se distinguer des «anciennes», dont les occupations étaient «basses et puériles». Elle insère également un conte dans le Voyage de campagne (1699), récit des conversations d’un groupe d’aristocrates dans un décor champêtre. La même année, elle est élue à l’Académie des Ricovrati de Padoue avec, entre autres, Mlles Chéron, de La Force, Deshoulières et Bernard, rejoignant ainsi Mlle de Scudéry, Mme d’Aulnoy et Mlle Lhéritier. Cependant les rumeurs de scandales ne cessent de croître à son sujet. En témoignent les rapports du lieutenant de police René d’Argenson, dès le 29 septembre 1698. Divers «désordres» lui sont reprochés, en particulier ses tendances homosexuelles. Avertie à plusieurs reprises, elle est finalement arrêtée le 19 avril 1702 et conduite au château de Loches. Après une évasion manquée le 14 mars 1706, elle est transférée au château de Saumur, au régime plus sévère, puis séjourne au château d’Angers en 1707, avant d’être ramenée à Loches la même année. Il s’agit cette fois d’un simple exil dans la ville, dont elle fréquente la bonne société. Cette période de sa vie est mieux connue grâce au journal quotidien adressé sous forme de lettres à sa cousine, Mlle de Menou, entre le 14 avril 1708 et le 5 mars 1709. Mme de Murat parvient finalement à attirer l’attention de Philippe d’Orléans, par l’intermédiaire de sa maîtresse, la comtesse d’Argenton, pour qui elle écrit un poème. Le 15 mai 1709, elle obtient alors une semi-liberté, étant tenue de demeurer chez une tante en Limousin. Elle publie encore Les Lutins du château de Kernosy, une nouvelle historique parue en 1710. À la mort de Louis XIV, le Régent l’autorise à revenir à Paris, mais elle se retire dans le Maine, au château de la Buzardière. Affaiblie par la maladie, elle y meurt l’année suivante, le 29 septembre 1716.

En s'appropriant des formes génériques aux frontières floues, qu'il s'agisse des mémoires, du conte littéraire ou de la nouvelle, Madame de Murat témoigne d'une étonnante liberté d'écriture. N'hésitant pas à varier ses sources d'inspiration au gré de ses lectures, elle renouvelle des motifs empruntés à l'Italien Straparole ou à l'abbé de Villars et à son Comte de Gabalis afin d'exprimer ses préoccupations, dans une oeuvre teintée de préciosité, où se mêlent rêves enjoués de scénarios galants et dénonciation de l'asservissement social de la femme.

Jusqu’à leur réédition dans le Cabinet des Fées (1785), les premiers contes de Mme de Murat ont connu un certain succès au XVIIIe siècle. Une édition de l’ensemble de ses oeuvres, comprenant la compilation de sa correspondance manuscrite, annoncée dans la Bibliothèque universelle des Romans (1775), ne voit jamais le jour. Par la suite, son personnage suscite l’intérêt des Gay and Lesbian Studies. Mais c’est dans le cadre du renouvellement de la critique sur le conte de fées littéraire à la fin du Grand Siècle, et, notamment, par le biais de l’entreprise éditoriale de la Bibliothèque des Génies et des Fées, que l’oeuvre de Mme de Murat bénéficie d’une attention renouvelée.

Oeuvres

  • 1697 : Mémoires de Madame la Comtesse de M***, Paris, C. Barbin.
  • 1698 : Contes de Fées. Dediez à Son Altesse Sérénissime Madame la Princesse Douairière de Conty. Par Mad. La Comtesse de M****, Paris, C. Barbin -- éd. Geneviève Patard, Paris, H. Champion, 2006.
  • 1698 : Les Nouveaux Contes des Fées. Par Madame de M**, Paris, C. Barbin.
  • 1699 : Histoires sublimes et allégoriques. Par Madame la Comtesse D***, Dédiées aux Fées Modernes, Paris, F. et P. Delaulne.
  • 1699 : Voyage de campagne. Par Madame la Comtesse de M***, Paris, Vve de C. Barbin.
  • 1708-1709 : Ouvrages de Mme la C. de Murat,inédit, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 3471 (contient le Journal pour Mademoiselle de Menou, 14 avril 1708-8 juin 1709, et un ensemble ayant fait l'objet d'une édition en 1703 (Paris, P. Ribou), intitulé Zatide, histoire arabe, et attribué à E. Le Noble).
  • 1710 : Les Lutins du château de Kernosy, nouvelle historique. Par Madame la Comtesse de M***, Paris, J. Le Febvre.
  • 1714 : L'Esprit folet, ou Le Sylphe amoureux, dans Avantures choisies, contenant L'Amour innocent persécuté. L'Esprit folet, ou Le Sylphe amoureux. Le Coeur volant, ou L'Amant etourdy. Et La Belle Avanturière, Paris, P. Prault.
  • Poésies diverses: un sonnet dans Recueil de pièces curieuses et nouvelles..., La Haye, A. Moetjens, 1695, t.III, 1re partie, p.61-62; une élégie, une épître, une églogue dans Nouveau choix de pièces de poésie..., La Haye, H. van Bulderen, 1715, t.I, p.220-222 et t.II, p.157-161, 161-164; une chanson, une épître dans Choix de chansons..., Paris, sn, 1755, p.45-46; un sonnet, une chanson dans Recueil de Maurepas, Leyde, sn, 1865, t.II, p.225-226 et t.V, p.56.
  • (autrefois attribué à la comtesse de Murat): Le Comte de Dunois, Paris, C. Barbin, 1671.
  • (autrefois attribué à la comtesse de Murat): La Comtesse de Chateaubriant ou les Effets de la jalousie, Paris, Th. Guillain, 1695.

Choix bibliographique

  • Cromer, Sylvie, «"Le Sauvage". Histoire sublime et allégorique de Mme de Murat», Merveilles et Contes, vol.I, 1, mai 1987, p.2-18.
  • Démoris, René, Le Roman à la première personne: du classicisme aux Lumières, Genève, Droz, 2002 [1975], p.263-292.
  • Genieys-Kirk, Séverine, «Narrating the Self in Mme de Murat’s Mémoires de Madame la Comtesse de M*** avant sa retraite. Servant de réponse aux Mémoires de Mr. Evremond (1697)», dans Narrating the Self in Early Modern Europe. L’Écriture de soi dans l’Europe moderne, dir. Bruno Tribout et Ruth Wheland, Bern, Peter Lang, «European Connections», 2007, p.161-176.
  • Rivara, Annie, «Le Voyage de campagne comme machine à produire et à détruire des contes d’esprits», dans Le Conte merveilleux au XVIIIe siècle. Une poétique expérimentale, dir. Régine Jomand-Baudry et Jean-François Perrin, Paris, Kimé, «Détours littéraires», 2002, p.353-369.
  • Ségalen, Auguste-Pierre, «Mme de Murat et le Limousin», Le Limousin au XVIIe siècle, Colloque de Limoges, Trames, no spécial, 1976, p.77-94.

Choix iconographique

- v.1698 : Jacques Harrewyn, Portrait de Henriette-Julie de Castelnau, comtesse de Murat (gravure, 9 x 12 cm, signée), Paris, Bibliothèque nationale de France (N2 MURAT, 55A7037).

Liens électroniques

- Les Lutins du château de Kernosy, Henriette-Julie de Castelnau, comtesse de Murat[1]
Ce site propose le texte intégral de l’édition de 1710 des Lutins du château de Kernosy (orthographe et ponctuation modernisées) ainsi qu’une bibliographie et des liens utiles.

Jugements

- «Le beau partage que l’esprit,
Et que Murat en est pourvue!
On ne l’a pourtant jamais vue
Se vanter de ce qu’elle écrit.»
(Claude-Charles Guyonnet de Vertron, «Madrigal pour Madame la Comtesse de Murat auparavant Mademoiselle de Castelnau», dans La Nouvelle Pandore, Paris, Vve C. Mazuel, 1698, p.452)

- (à propos des Lutins du château de Kernosy) «Ce petit roman n’a pas été fort recherché par le peu que promet le titre, il est cependant écrit avec beaucoup de génie, d’agrément et de goût. Il plaît par la diversité amusante des événements et la singularité des caractères. Il est encore de Madame la Comtesse de Murat, autrefois connue dans le monde galant et remuant.» (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, De l’usage des romans..., Amsterdam, Vve Poilras, 1734, t.II, p.101)

- «Le style de quelques-uns de ses ouvrages tient beaucoup de son caractère. Il est léger, spirituel, vif et enjoué. Madame de Murat badine plus qu’elle ne travaille.» (Antoine-René de Voyer d’Argenson, Bibliothèque universelle des romans..., Paris, Bureau/Demonville, juillet 1775, p.211)

- «La réputation brillante que ses ouvrages lui acquirent d’abord ne s’est pas soutenue. C’est assez le sort des auteurs qui s’attachent à des productions frivoles, et qui n’ont que les ressources de l’esprit pour se garantir de l’oubli.» (François-Xavier de Feller, Biographie universelle..., nouvelle éd., Lyon, J.-B. Pélagaud, 1851, t.II, p.382)

«Ses vers, en petit nombre, se distinguent par la facilité, et elle aurait pu se faire un nom parmi les poètes érotiques, si elle s’était livrée uniquement à la poésie.» (Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne..., nouvelle éd., Paris, C. Delagrave, 1856, t.29, p.587)

- (à propos des contes) «[Ils] ne doivent pas être confondus avec les productions ordinaires de ce genre: écrits avec beaucoup d’esprit, ils cachent, sous une fiction agréable, une morale d’autant plus piquante qu’elle s’appuie sur une connaissance profonde du monde, principalement de la cour.» (Prosper Levot, Biographie bretonne, Vannes, Cauderan, 1852-1857, t.II, p.99)

- «Cette moderne Sappho [...].» (Alfred Boulay de la Meurthe, Les Prisonniers du roi à Loches sous Louis XIV, Tours, J. Allard, 1911, p.76)

- «[L]a petite révoltée aux dispositions anarchistes qu’est cette plus séduisante que recommandable comtesse de Murat» (Lucie Félix-Faure-Goyau, La Vie et la mort des fées, essai d’histoire littéraire, Paris, Perrin, 1910, p.276)

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