Alix Le Clerc : Différence entre versions
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− | + | Alix Le Clerc naît le 2 février 1576, à Remiremont, dans le duché de Lorraine, ville célèbre pour son chapitre noble de chanoinesses séculières, haut lieu de sociabilité. On connaît peu de choses sur ses parents: son père, marchand, devenu officier de justice, s’appelle Jean, sa mère, Anne. Intelligente et jolie, la jeune fille aime danser et s’entourer d’amis mais, encore adolescente, elle se sent «l’âme fort triste parmi les vanités». La famille s’installe à Hymont, où Alix s’étourdit à nouveau, puis, se convertit. Éprise d’absolu, elle décide alors de rechercher «tout ce qu’elle saura être plus agréable à Dieu, quand ce sera pour mourir» et conçoit le projet d’une nouvelle congrégation religieuse. «Quand je priais Dieu, dit-elle, il me tombait toujours en l’esprit qu’il faudrait faire une maison nouvelle pour y pratiquer tout le bien possible.» Elle se confie à un pionnier de la Réforme catholique, Pierre Fourier, curé de Mattaincourt, novateur en matière de pédagogie et épistolier de talent. Alix obtient qu’il la laisse s’engager dans la vie consacrée, avec quatre compagnes, le 25 décembre 1597. De son côté, Fourier, persuadé que l’éducation chrétienne est capable de transformer les familles et la société tout entière, cherche comment procurer aux filles des milieux populaires l’instruction qui les sauvera de l’ignorance et de la misère. De cette volonté de rénovation sociale et de l’intuition première d’Alix va naître la congrégation Notre-Dame. Les femmes qui y entrent sont appelées à vivre en communauté et à réciter l’office divin, mais leur apostolat premier est l’instruction gratuite des filles, «tant pauvres que riches», à qui elles sont tenues, en véritables «apostresses», d’apprendre à «vivre et à bien vivre». Au programme: le catéchisme, mais aussi l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et d’un métier. Remarquable organisatrice, Alix participe aux premières fondations: Poussay (1598), Mattaincourt (1599), Saint-Mihiel (1602), Nancy (1603), Pont-à-Mousson (1604), Verdun (1612) et Châlons (1613). Supérieure à Nancy, elle entretient d’excellentes relations avec la cour de Lorraine. L’obligation de la clôture, réclamée par Rome, entraîne la construction de monastères bien séparés des écoles qui leur sont adjointes: pensionnats fréquentés par des élèves de milieu aisé et externat gratuit pour les autres. Avec Fourier, Alix élabore des constitutions, approuvées en 1617, puis développées par le fondateur en 1640. C’est à elle que revient l’adoption de la règle de saint Augustin qu’elle juge mieux convenir à une congrégation apostolique que celle de saint Benoît. Visionnaire animée d’un «amour brûlant» pour Dieu et le prochain, Alix Le Clerc rédige le récit de son itinéraire spirituel, à la demande de son confesseur (1618). Dans cette ''Relation'', elle se révèle une authentique mystique, à la fois énergique et douce, parvenant à surmonter l’épreuve de ces expériences spirituelles bouleversantes. Dévote à Marie, elle vénère l’Enfant-Jésus, dont la considération nourrit son engagement d’éducatrice: «Le zèle de l’instruction est le sujet de ma vocation». Alix meurt le 9 janvier 1622, sans connaître l’aboutissement de ses démarches. Rome met trente ans à ratifier le projet de la congrégation, qui unit contemplation et action, notions alors jugées incompatibles (1628). Si, en raison des exigences romaines imposant la clôture aux religieuses, les soeurs de Notre-Dame n’ont pu développer des écoles de village, elles sont restées fidèles au projet d’origine en adjoignant à leurs pensionnats des classes gratuites pour les externes. | |
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Alix Le Clerc est perçue en Lorraine comme le principal agent féminin de la Réforme catholique. Son action en faveur de l’éducation des filles a retenu l’attention des historiens de l’enseignement, qui ont cru voir en elle un précurseur de Jules Ferry. On tente aujourd’hui de préciser l’originalité de son rôle de femme face à la personnalité de Pierre Fourier. Béatifiée le 4 mai 1947, elle demeure une référence spirituelle pour sa congrégation et fait l’objet d’un culte à Nancy, où elle est inhumée. | Alix Le Clerc est perçue en Lorraine comme le principal agent féminin de la Réforme catholique. Son action en faveur de l’éducation des filles a retenu l’attention des historiens de l’enseignement, qui ont cru voir en elle un précurseur de Jules Ferry. On tente aujourd’hui de préciser l’originalité de son rôle de femme face à la personnalité de Pierre Fourier. Béatifiée le 4 mai 1947, elle demeure une référence spirituelle pour sa congrégation et fait l’objet d’un culte à Nancy, où elle est inhumée. | ||
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== Oeuvres == | == Oeuvres == | ||
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- 1618 : ''Relation autobiographique'' -- suivie de ''Notes des cahiers'', éd. Marie-Claire Tihon et Paule Sagot, Paris, Cerf, «Sagesses chrétiennes», 2004. | - 1618 : ''Relation autobiographique'' -- suivie de ''Notes des cahiers'', éd. Marie-Claire Tihon et Paule Sagot, Paris, Cerf, «Sagesses chrétiennes», 2004. | ||
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- ''La Vie de la vénérable mère Alix Le Clerc... contenant la relation d’icelle... par les supérieure et religieuses du premier monastère de la congrégation à Nancy'', Nancy, Les Charlots imprimeurs, 1666 (réécriture de la ''Relation autobiographique'', avec de nombreuses variantes). | - ''La Vie de la vénérable mère Alix Le Clerc... contenant la relation d’icelle... par les supérieure et religieuses du premier monastère de la congrégation à Nancy'', Nancy, Les Charlots imprimeurs, 1666 (réécriture de la ''Relation autobiographique'', avec de nombreuses variantes). | ||
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- ''Écrits spirituels de la bienheureuse Alix Le Clerc'', éd. Madeleine Cord’homme, ''sl'', Publication Congrégation Notre-Dame, 1968. | - ''Écrits spirituels de la bienheureuse Alix Le Clerc'', éd. Madeleine Cord’homme, ''sl'', Publication Congrégation Notre-Dame, 1968. | ||
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- [Mère Louis de Gonzague], ''Alix Le Clerc, dite en religion Mère Thérèse de Jésus, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame'', Liège, ''sn'', 1889. | - [Mère Louis de Gonzague], ''Alix Le Clerc, dite en religion Mère Thérèse de Jésus, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame'', Liège, ''sn'', 1889. | ||
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- Rappley, Elizabeth, ''Les Dévotes. Les femmes et l’Église en France au XVIIe siècle'', Paris, Bellarmin, 1995, p.94-111. | - Rappley, Elizabeth, ''Les Dévotes. Les femmes et l’Église en France au XVIIe siècle'', Paris, Bellarmin, 1995, p.94-111. | ||
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- Remiremont, A. de, ''Vie d’Alix Le Clerc'', Paris, Procure généralice de la Congrégation Notre-Dame, 1946. | - Remiremont, A. de, ''Vie d’Alix Le Clerc'', Paris, Procure généralice de la Congrégation Notre-Dame, 1946. | ||
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- Renard, Edmond, ''La Mère Alix Le Clerc'', Paris, J. de Gigord, 1935. | - Renard, Edmond, ''La Mère Alix Le Clerc'', Paris, J. de Gigord, 1935. | ||
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+ | - Tihon, Marie-Claire, ''La Bienheureuse Alix Le Clerc'', Paris, Cerf, «Épiphanie», 2004. | ||
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- 1622 : Claude Deruet, ''Portrait d’Alix'' (huile sur toile, 46, 5 x 56,5 cm), Nancy, Couvent des Soeurs de Notre-Dame. | - 1622 : Claude Deruet, ''Portrait d’Alix'' (huile sur toile, 46, 5 x 56,5 cm), Nancy, Couvent des Soeurs de Notre-Dame. | ||
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- 1784 : Charles Munier, ''Saint Pierre Fourier faisant hommage à la Vierge de son ordre de religieuses'', (huile sur toile, 3,10 x 2, 25 m), Épinal, basilique Saint-Maurice. | - 1784 : Charles Munier, ''Saint Pierre Fourier faisant hommage à la Vierge de son ordre de religieuses'', (huile sur toile, 3,10 x 2, 25 m), Épinal, basilique Saint-Maurice. | ||
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+ | - 1956 : Atelier Benoit (Nancy), ''Alix en pied, tenant le berceau et la tige d’avoine, Alix et deux petites filles'' (vitrail), Remiremont, église de Saint-Étienne-lès-Remiremont -- Marie-Claire Tihon,''La Bienheureuse...'' voir ''supra'', Choix bibliographique, ill. hors texte. | ||
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== Jugements == | == Jugements == | ||
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+ | - «Sans cesse, on voit s’affirmer les deux caractères: Alix va de l’avant, insiste pour les réalisations rapides, Pierre Fourier déclare qu’il ne faut pas “s’accommoder aux empressements”. Alix est attachée de toute son âme à l’oeuvre qui est celle de sa vie; Pierre Fourier, qui en a conçu l’idée, qui de tout son vaste esprit, en voit le prix et mesure la portée, temporise pourtant, remet les décisions, semble trouver que l’épreuve n’a jamais été menée assez loin, ni la prière continuée avec assez d’insistance; à tel jour, on dirait qu’il est prêt à tout abandonner, et Alix paraît alors, de sa volonté décidée, avoir seule sauvé l’avenir. Mais est-on sûr que ce n’est pas là ce qu’attendait et voulait au fond provoquer, avec ses silences et ses apparentes retraites, cet habile homme, aussi habile au traitement spirituel des consciences féminines qu’il se montra entendu aux jeux déliés de la diplomatie?» (Mgr Blanchet, ''Panégyrique de la bienheureuse Alix Le Clerc'', Bruxelles, Van Vinckeroy, 1947)<br/> | ||
- «Alix a connu l’impression très humaine de l’échec et surmonté la tentation de découragement. Sa liberté intérieure apparaît dans sa manière d’aborder les obstacles qui viennent de sa famille, de l’entourage, de nombreux ecclésiastiques, de la congrégation elle-même. Elle les évoque discrètement ou fortement, mais sans amertume.» (Paule Sagot, «Commentaire de la ''Relation'' ''autobiographique''», dans Alix Le Clerc, ''Relation autobiographique''..., voir ''supra'', oeuvres, p.85) | - «Alix a connu l’impression très humaine de l’échec et surmonté la tentation de découragement. Sa liberté intérieure apparaît dans sa manière d’aborder les obstacles qui viennent de sa famille, de l’entourage, de nombreux ecclésiastiques, de la congrégation elle-même. Elle les évoque discrètement ou fortement, mais sans amertume.» (Paule Sagot, «Commentaire de la ''Relation'' ''autobiographique''», dans Alix Le Clerc, ''Relation autobiographique''..., voir ''supra'', oeuvres, p.85) | ||
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- «La première chose qui m’a frappée comme féministe, en lisant et relisant la ''Relation''fut de découvrir: d’une part, combien Alix a été une femmes troublée par des démons, des craintes et des scrupules, sans parler de fréquents évanouissements, visions et cauchemars; mais d’autre part, combien elle a été volontaire, courageuse, tenace, créative et humble. Ce double aspect de sa nature, parfois contradictoire et pleine d’ambiguïtés, est une marque de sa riche personnalité.» (témoignage de Soeur Ivone Gebara (Brésil), ''CND'', 114, Publications de la Congrégation Notre-Dame, 2004) | - «La première chose qui m’a frappée comme féministe, en lisant et relisant la ''Relation''fut de découvrir: d’une part, combien Alix a été une femmes troublée par des démons, des craintes et des scrupules, sans parler de fréquents évanouissements, visions et cauchemars; mais d’autre part, combien elle a été volontaire, courageuse, tenace, créative et humble. Ce double aspect de sa nature, parfois contradictoire et pleine d’ambiguïtés, est une marque de sa riche personnalité.» (témoignage de Soeur Ivone Gebara (Brésil), ''CND'', 114, Publications de la Congrégation Notre-Dame, 2004) | ||
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+ | - «Si l’angoisse et le scrupule menacent constamment de mutiler son âme, ils ne pétrifient pas pour autant son élan et son obstination. Alix fait partie de ces “folles de Dieu”, amoureusement agissante, en dépit de la “nuit” et d’une libido -“ce feu de la rébellion de la chair si fort allumé”- sans doute maladroitement refoulée. À la fois candide et lucide, Alix comprend par l’étrange pouvoir d’un nouveau songe, qu’elle est appelée à bâtir en Église “une nouvelle maison de filles”. Désormais son destin ne s’enroule plus que sur elle seule; il en implique des milliers d’autres.» (Michel Fiévet, «Alix le Clerc, entre terre et ciel», dans ''L’Invention de l’école des filles'', Paris, 2006, p.80) | ||
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Version du 18 mai 2011 à 19:42
Alix Le Clerc | ||
Dénomination(s) | Mère Thérèse de Jésus Bienheureuse Alix Le Clerc | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 1576 | |
Date de décès | 1622 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Marie-Claire Tihon, 2007.
Alix Le Clerc naît le 2 février 1576, à Remiremont, dans le duché de Lorraine, ville célèbre pour son chapitre noble de chanoinesses séculières, haut lieu de sociabilité. On connaît peu de choses sur ses parents: son père, marchand, devenu officier de justice, s’appelle Jean, sa mère, Anne. Intelligente et jolie, la jeune fille aime danser et s’entourer d’amis mais, encore adolescente, elle se sent «l’âme fort triste parmi les vanités». La famille s’installe à Hymont, où Alix s’étourdit à nouveau, puis, se convertit. Éprise d’absolu, elle décide alors de rechercher «tout ce qu’elle saura être plus agréable à Dieu, quand ce sera pour mourir» et conçoit le projet d’une nouvelle congrégation religieuse. «Quand je priais Dieu, dit-elle, il me tombait toujours en l’esprit qu’il faudrait faire une maison nouvelle pour y pratiquer tout le bien possible.» Elle se confie à un pionnier de la Réforme catholique, Pierre Fourier, curé de Mattaincourt, novateur en matière de pédagogie et épistolier de talent. Alix obtient qu’il la laisse s’engager dans la vie consacrée, avec quatre compagnes, le 25 décembre 1597. De son côté, Fourier, persuadé que l’éducation chrétienne est capable de transformer les familles et la société tout entière, cherche comment procurer aux filles des milieux populaires l’instruction qui les sauvera de l’ignorance et de la misère. De cette volonté de rénovation sociale et de l’intuition première d’Alix va naître la congrégation Notre-Dame. Les femmes qui y entrent sont appelées à vivre en communauté et à réciter l’office divin, mais leur apostolat premier est l’instruction gratuite des filles, «tant pauvres que riches», à qui elles sont tenues, en véritables «apostresses», d’apprendre à «vivre et à bien vivre». Au programme: le catéchisme, mais aussi l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et d’un métier. Remarquable organisatrice, Alix participe aux premières fondations: Poussay (1598), Mattaincourt (1599), Saint-Mihiel (1602), Nancy (1603), Pont-à-Mousson (1604), Verdun (1612) et Châlons (1613). Supérieure à Nancy, elle entretient d’excellentes relations avec la cour de Lorraine. L’obligation de la clôture, réclamée par Rome, entraîne la construction de monastères bien séparés des écoles qui leur sont adjointes: pensionnats fréquentés par des élèves de milieu aisé et externat gratuit pour les autres. Avec Fourier, Alix élabore des constitutions, approuvées en 1617, puis développées par le fondateur en 1640. C’est à elle que revient l’adoption de la règle de saint Augustin qu’elle juge mieux convenir à une congrégation apostolique que celle de saint Benoît. Visionnaire animée d’un «amour brûlant» pour Dieu et le prochain, Alix Le Clerc rédige le récit de son itinéraire spirituel, à la demande de son confesseur (1618). Dans cette Relation, elle se révèle une authentique mystique, à la fois énergique et douce, parvenant à surmonter l’épreuve de ces expériences spirituelles bouleversantes. Dévote à Marie, elle vénère l’Enfant-Jésus, dont la considération nourrit son engagement d’éducatrice: «Le zèle de l’instruction est le sujet de ma vocation». Alix meurt le 9 janvier 1622, sans connaître l’aboutissement de ses démarches. Rome met trente ans à ratifier le projet de la congrégation, qui unit contemplation et action, notions alors jugées incompatibles (1628). Si, en raison des exigences romaines imposant la clôture aux religieuses, les soeurs de Notre-Dame n’ont pu développer des écoles de village, elles sont restées fidèles au projet d’origine en adjoignant à leurs pensionnats des classes gratuites pour les externes.
Alix Le Clerc est perçue en Lorraine comme le principal agent féminin de la Réforme catholique. Son action en faveur de l’éducation des filles a retenu l’attention des historiens de l’enseignement, qui ont cru voir en elle un précurseur de Jules Ferry. On tente aujourd’hui de préciser l’originalité de son rôle de femme face à la personnalité de Pierre Fourier. Béatifiée le 4 mai 1947, elle demeure une référence spirituelle pour sa congrégation et fait l’objet d’un culte à Nancy, où elle est inhumée.
Oeuvres
- 1618 : Relation autobiographique -- suivie de Notes des cahiers, éd. Marie-Claire Tihon et Paule Sagot, Paris, Cerf, «Sagesses chrétiennes», 2004.
- La Vie de la vénérable mère Alix Le Clerc... contenant la relation d’icelle... par les supérieure et religieuses du premier monastère de la congrégation à Nancy, Nancy, Les Charlots imprimeurs, 1666 (réécriture de la Relation autobiographique, avec de nombreuses variantes).
- Écrits spirituels de la bienheureuse Alix Le Clerc, éd. Madeleine Cord’homme, sl, Publication Congrégation Notre-Dame, 1968.
Choix bibliographique
- [Mère Louis de Gonzague], Alix Le Clerc, dite en religion Mère Thérèse de Jésus, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame, Liège, sn, 1889.
- Rappley, Elizabeth, Les Dévotes. Les femmes et l’Église en France au XVIIe siècle, Paris, Bellarmin, 1995, p.94-111.
- Remiremont, A. de, Vie d’Alix Le Clerc, Paris, Procure généralice de la Congrégation Notre-Dame, 1946.
- Renard, Edmond, La Mère Alix Le Clerc, Paris, J. de Gigord, 1935.
- Tihon, Marie-Claire, La Bienheureuse Alix Le Clerc, Paris, Cerf, «Épiphanie», 2004.
Choix iconographique
- 1622 : Claude Deruet, Portrait d’Alix (huile sur toile, 46, 5 x 56,5 cm), Nancy, Couvent des Soeurs de Notre-Dame.
- 1784 : Charles Munier, Saint Pierre Fourier faisant hommage à la Vierge de son ordre de religieuses, (huile sur toile, 3,10 x 2, 25 m), Épinal, basilique Saint-Maurice.
- 1956 : Atelier Benoit (Nancy), Alix en pied, tenant le berceau et la tige d’avoine, Alix et deux petites filles (vitrail), Remiremont, église de Saint-Étienne-lès-Remiremont -- Marie-Claire Tihon,La Bienheureuse... voir supra, Choix bibliographique, ill. hors texte.
Jugements
- «Sans cesse, on voit s’affirmer les deux caractères: Alix va de l’avant, insiste pour les réalisations rapides, Pierre Fourier déclare qu’il ne faut pas “s’accommoder aux empressements”. Alix est attachée de toute son âme à l’oeuvre qui est celle de sa vie; Pierre Fourier, qui en a conçu l’idée, qui de tout son vaste esprit, en voit le prix et mesure la portée, temporise pourtant, remet les décisions, semble trouver que l’épreuve n’a jamais été menée assez loin, ni la prière continuée avec assez d’insistance; à tel jour, on dirait qu’il est prêt à tout abandonner, et Alix paraît alors, de sa volonté décidée, avoir seule sauvé l’avenir. Mais est-on sûr que ce n’est pas là ce qu’attendait et voulait au fond provoquer, avec ses silences et ses apparentes retraites, cet habile homme, aussi habile au traitement spirituel des consciences féminines qu’il se montra entendu aux jeux déliés de la diplomatie?» (Mgr Blanchet, Panégyrique de la bienheureuse Alix Le Clerc, Bruxelles, Van Vinckeroy, 1947)
- «Alix a connu l’impression très humaine de l’échec et surmonté la tentation de découragement. Sa liberté intérieure apparaît dans sa manière d’aborder les obstacles qui viennent de sa famille, de l’entourage, de nombreux ecclésiastiques, de la congrégation elle-même. Elle les évoque discrètement ou fortement, mais sans amertume.» (Paule Sagot, «Commentaire de la Relation autobiographique», dans Alix Le Clerc, Relation autobiographique..., voir supra, oeuvres, p.85)
- «La première chose qui m’a frappée comme féministe, en lisant et relisant la Relationfut de découvrir: d’une part, combien Alix a été une femmes troublée par des démons, des craintes et des scrupules, sans parler de fréquents évanouissements, visions et cauchemars; mais d’autre part, combien elle a été volontaire, courageuse, tenace, créative et humble. Ce double aspect de sa nature, parfois contradictoire et pleine d’ambiguïtés, est une marque de sa riche personnalité.» (témoignage de Soeur Ivone Gebara (Brésil), CND, 114, Publications de la Congrégation Notre-Dame, 2004)
- «Si l’angoisse et le scrupule menacent constamment de mutiler son âme, ils ne pétrifient pas pour autant son élan et son obstination. Alix fait partie de ces “folles de Dieu”, amoureusement agissante, en dépit de la “nuit” et d’une libido -“ce feu de la rébellion de la chair si fort allumé”- sans doute maladroitement refoulée. À la fois candide et lucide, Alix comprend par l’étrange pouvoir d’un nouveau songe, qu’elle est appelée à bâtir en Église “une nouvelle maison de filles”. Désormais son destin ne s’enroule plus que sur elle seule; il en implique des milliers d’autres.» (Michel Fiévet, «Alix le Clerc, entre terre et ciel», dans L’Invention de l’école des filles, Paris, 2006, p.80)