Catherine-Nicole Lemaure/Henri Lyonnet : Différence entre versions
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Sa camarade, '''Mademoiselle Catherine-Nicole Lemaure''', de trois ans plus âgée, née à Paris, était petite, laide, mal [78] bâtie et «bête comme un pot», selon Mademoiselle Aïssé. Par contre, elle avait une admirable voix, une articulation parfaite et des accents pathétiques. Après avoir débuté dans les choeurs, elle avait conquis la première place au moment où apparaissait Mademoiselle Pélissier. Une rivalité terrible éclata entre ces deux femmes. La Lemaure a «beaucoup d'entrailles», avait-on coutume de dire, et la Pélissier beaucoup d'art. D'un caractère fantasque, la Lemaure fut célèbre par ses fugues. Le 10 mars 1735, elle quitte la scène au milieu d'une représentation. Monsieur de Maurepas l'envoie au For-l'Evêque, mais elle refuse de rentrer à l'Opéra. On la dit retirée au Couvent du Précieux Sang où elle reste plusieurs mois. Revenue à l'Opéra, elle y retrouva tout son succès. Dorat écrit dans son poème de la ''Déclamation:'' | Sa camarade, '''Mademoiselle Catherine-Nicole Lemaure''', de trois ans plus âgée, née à Paris, était petite, laide, mal [78] bâtie et «bête comme un pot», selon Mademoiselle Aïssé. Par contre, elle avait une admirable voix, une articulation parfaite et des accents pathétiques. Après avoir débuté dans les choeurs, elle avait conquis la première place au moment où apparaissait Mademoiselle Pélissier. Une rivalité terrible éclata entre ces deux femmes. La Lemaure a «beaucoup d'entrailles», avait-on coutume de dire, et la Pélissier beaucoup d'art. D'un caractère fantasque, la Lemaure fut célèbre par ses fugues. Le 10 mars 1735, elle quitte la scène au milieu d'une représentation. Monsieur de Maurepas l'envoie au For-l'Evêque, mais elle refuse de rentrer à l'Opéra. On la dit retirée au Couvent du Précieux Sang où elle reste plusieurs mois. Revenue à l'Opéra, elle y retrouva tout son succès. Dorat écrit dans son poème de la ''Déclamation:'' | ||
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+ | La céleste Le Maure, honneur de notre scène,<br /> | ||
Asservissoit Euterpe aux lois de Melpomène.<br /> | Asservissoit Euterpe aux lois de Melpomène.<br /> | ||
Elle phrasoit son chant, sans jamais le charger, <br /> | Elle phrasoit son chant, sans jamais le charger, <br /> | ||
− | Ce qui languissoit trop, elle osoit l'abréger. | + | Ce qui languissoit trop, elle osoit l'abréger. |
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Mademoiselle Lemaure devait quitter l'Opéra en 1744, à peine âgée de 40 ans. Près de la soixantaine, elle épousa un jeune homme, Chevalier de Saint-Louis, Monsieur de Montbruel, puis, à 67 ans, elle eut l'idée fantasque de se représenter en public au Colysée, établissement qui venait d'être fondé et qui jouissait alors d'une grande vogue. Succès éphémère dont on se fatigua vite. On annonça sa mort, survenue en 1786, à l'âge de 82 ans.<br /> | Mademoiselle Lemaure devait quitter l'Opéra en 1744, à peine âgée de 40 ans. Près de la soixantaine, elle épousa un jeune homme, Chevalier de Saint-Louis, Monsieur de Montbruel, puis, à 67 ans, elle eut l'idée fantasque de se représenter en public au Colysée, établissement qui venait d'être fondé et qui jouissait alors d'une grande vogue. Succès éphémère dont on se fatigua vite. On annonça sa mort, survenue en 1786, à l'âge de 82 ans.<br /> | ||
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Version actuelle en date du 18 mai 2011 à 16:39
[76] Mademoiselle Erremans, chanteuse de second plan, mais fort utile, d'une bonne famille, et mariée à la basse-taille Le Page, belle femme à qui l'on confia plusieurs fois le rôle de Vénus, peut encore se ranger parmi les sérieuses. Nous ne pouvons pas en dire autant de sa camarade Mademoiselle Pélissier, dont on met toujours le nom au premier rang.
Mademoiselle Pélissier était une fille naturelle de Mademoiselle de Meneton et de Marion de Druis. Elle était née en 1707. Peu jolie, comme nous pouvons le voir par le portrait de Drouais, sans esprit, elle avait par contre une très belle voix. Sur ce point, tous les contemporains sont d'accord. Elle épousa un de ses camarades, nommé Pélissier, homme absolument sans scrupules, et qui comptait bien tirer profit de ce mariage. Après avoir suivi son mari à Rouen, où il fut directeur, elle vint débuter à Paris, à l'Opéra, en 1726. Trois ans plus tard, un juif d'origine portugaise, mais né à Amsterdam, François Lopez, dit Dulys, banquier fort riche, et trafiquant en diamants, vit la dame, et la convoita. En homme pra-[77]tique qui n'a pas de temps à perdre, il s'adressa à Mademoiselle du Tort, soeur du Comte de Nocé, laquelle, paraît-il, se chargeait de ces négociations louches. La noble entremetteuse demanda dix milles livres pour ses bons services. Affaire rompue. Renseignements pris, le banquier engagea des pourparlers avec le mari en personne. Le marché fut conclu pour une somme totale de vingt-cinq milles livres, commission comprise. La Pélissier ayant appris que son acquéreur faisait le commerce de diamants, commença par se faire couvrir de pierres précieuses des pieds à la tête. Mais voici que Dulys, de retour en Hollande, a le mauvais goût de réclamer ses diamants. Refus de les rendre, comme il fallait s'y attendre. Pressée de trop près, la Pélissier fait courir le bruit qu'elle en a fait l'abandon au curé de Saint-Sulpice pour ses pauvres. La Comédie italienne, qui guette toujours l'actualité, s'empare de l'incident et joue le Triomphe de l'intérêt, de Boissy, comédie satirique où se trouvent aussi des scènes relatives au ménage de la Duclos, dont nous avons parlé. Dulys ne désarme pas. Il envoie à Paris un aventurier, François Aline, dit Joinville, avec la mission d'aller taillader le visage de la Pélissier. Le complot est découvert, et Joinville, après une effroyable scène de torture, est pendu, tandis que Dulys est condamné et brûlé en effigie. Ninétis fut la dernière création de Mademoiselle Pélissier (14 avril 1741). Retirée du théâtre à cette époque, elle mourut obscurément six ans plus tard.
Sa camarade, Mademoiselle Catherine-Nicole Lemaure, de trois ans plus âgée, née à Paris, était petite, laide, mal [78] bâtie et «bête comme un pot», selon Mademoiselle Aïssé. Par contre, elle avait une admirable voix, une articulation parfaite et des accents pathétiques. Après avoir débuté dans les choeurs, elle avait conquis la première place au moment où apparaissait Mademoiselle Pélissier. Une rivalité terrible éclata entre ces deux femmes. La Lemaure a «beaucoup d'entrailles», avait-on coutume de dire, et la Pélissier beaucoup d'art. D'un caractère fantasque, la Lemaure fut célèbre par ses fugues. Le 10 mars 1735, elle quitte la scène au milieu d'une représentation. Monsieur de Maurepas l'envoie au For-l'Evêque, mais elle refuse de rentrer à l'Opéra. On la dit retirée au Couvent du Précieux Sang où elle reste plusieurs mois. Revenue à l'Opéra, elle y retrouva tout son succès. Dorat écrit dans son poème de la Déclamation:
La céleste Le Maure, honneur de notre scène,
Asservissoit Euterpe aux lois de Melpomène.
Elle phrasoit son chant, sans jamais le charger,
Ce qui languissoit trop, elle osoit l'abréger.
Mademoiselle Lemaure devait quitter l'Opéra en 1744, à peine âgée de 40 ans. Près de la soixantaine, elle épousa un jeune homme, Chevalier de Saint-Louis, Monsieur de Montbruel, puis, à 67 ans, elle eut l'idée fantasque de se représenter en public au Colysée, établissement qui venait d'être fondé et qui jouissait alors d'une grande vogue. Succès éphémère dont on se fatigua vite. On annonça sa mort, survenue en 1786, à l'âge de 82 ans.