Madame Latour/Philibert Riballier et Catherine Cosson : Différence entre versions
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[328] LATOUR, femme d’un Gentilhomme de ce nom, Gouverneur pour la France sur la fin du dernier siecle, dans l’Acadie, actuellement la Nouvelle-Ecosse. Charinsai, autre Gouverneur François dans la même Province, par des motifs de haine et de jalousie contre Latour, entreprit, à la faveur d’ordres qu’il avoit surpris, de le déposséder de vive force de son Gouvernement. Il prit un moment où Latour, avec une partie de sa garnison, étoit allé à plusieurs journées de là s’approvisionner de vivres et de fourrages, et fit avancer ses troupes pour investir le fort et s’en emparer. Un événement si imprévu répandit l’allarme et inquiéta étrangement la femme de Latour, qui ne se voyoit pour se défendre qu’un très-petit nombre de soldats. Cette brave femme, cependant, revenue bientôt de son premier étonnement, prit le parti de résister du mieux qu’elle le pourroit, et en effet, se comporta si bien, que pendant les trois premiers jours du siege qu’il lui fallut soutenir, les assiégeans furent toujours repoussés avec perte. Le quatrieme jour cette brave femme ayant appris que les ennemis se préparoient à escalader les murs, [329] monta sur les remparts à la tête de sa petite troupe, et rusa si bien, que par ses manoeuvres, non-seulement elle repoussa encore les assaillans, mais elle leur donna à croire par la vivacité de ses mouvemens, qu’ils avoient affaire à beaucoup plus de monde qu’ils ne l’avoient pensé. Malgré ces efforts de courage et de génie, la place se trouvant tout-à-la-fois dépourvue de munitions, de vivres et de combattans, il fallut songer à capituler, et Charnisai, sans se faire prier long-tems, en offrit lui-même les conditions les plus honorables; mais, par la plus atroce perfidie, voyant le petit nombre d’hommes auquel il avoit eu affaire, et combien il avoit été la dupe des artifices que la Dame avoit employés pour lui en imposer, il se dédit tout-à-coup de la capitulation, déclara la petite garnison prise à discrétion, et fit pendre tous les soldats à l’exception d’un seul, qu’il obligea d’être le bourreau des autres. Il poussa l’infamie jusqu’à faire assister Madame Latour à cette horrible expédition. | [328] LATOUR, femme d’un Gentilhomme de ce nom, Gouverneur pour la France sur la fin du dernier siecle, dans l’Acadie, actuellement la Nouvelle-Ecosse. Charinsai, autre Gouverneur François dans la même Province, par des motifs de haine et de jalousie contre Latour, entreprit, à la faveur d’ordres qu’il avoit surpris, de le déposséder de vive force de son Gouvernement. Il prit un moment où Latour, avec une partie de sa garnison, étoit allé à plusieurs journées de là s’approvisionner de vivres et de fourrages, et fit avancer ses troupes pour investir le fort et s’en emparer. Un événement si imprévu répandit l’allarme et inquiéta étrangement la femme de Latour, qui ne se voyoit pour se défendre qu’un très-petit nombre de soldats. Cette brave femme, cependant, revenue bientôt de son premier étonnement, prit le parti de résister du mieux qu’elle le pourroit, et en effet, se comporta si bien, que pendant les trois premiers jours du siege qu’il lui fallut soutenir, les assiégeans furent toujours repoussés avec perte. Le quatrieme jour cette brave femme ayant appris que les ennemis se préparoient à escalader les murs, [329] monta sur les remparts à la tête de sa petite troupe, et rusa si bien, que par ses manoeuvres, non-seulement elle repoussa encore les assaillans, mais elle leur donna à croire par la vivacité de ses mouvemens, qu’ils avoient affaire à beaucoup plus de monde qu’ils ne l’avoient pensé. Malgré ces efforts de courage et de génie, la place se trouvant tout-à-la-fois dépourvue de munitions, de vivres et de combattans, il fallut songer à capituler, et Charnisai, sans se faire prier long-tems, en offrit lui-même les conditions les plus honorables; mais, par la plus atroce perfidie, voyant le petit nombre d’hommes auquel il avoit eu affaire, et combien il avoit été la dupe des artifices que la Dame avoit employés pour lui en imposer, il se dédit tout-à-coup de la capitulation, déclara la petite garnison prise à discrétion, et fit pendre tous les soldats à l’exception d’un seul, qu’il obligea d’être le bourreau des autres. Il poussa l’infamie jusqu’à faire assister Madame Latour à cette horrible expédition. | ||
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+ | [[Catégorie:Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson]] |
Version actuelle en date du 6 mai 2011 à 19:20
[328] LATOUR, femme d’un Gentilhomme de ce nom, Gouverneur pour la France sur la fin du dernier siecle, dans l’Acadie, actuellement la Nouvelle-Ecosse. Charinsai, autre Gouverneur François dans la même Province, par des motifs de haine et de jalousie contre Latour, entreprit, à la faveur d’ordres qu’il avoit surpris, de le déposséder de vive force de son Gouvernement. Il prit un moment où Latour, avec une partie de sa garnison, étoit allé à plusieurs journées de là s’approvisionner de vivres et de fourrages, et fit avancer ses troupes pour investir le fort et s’en emparer. Un événement si imprévu répandit l’allarme et inquiéta étrangement la femme de Latour, qui ne se voyoit pour se défendre qu’un très-petit nombre de soldats. Cette brave femme, cependant, revenue bientôt de son premier étonnement, prit le parti de résister du mieux qu’elle le pourroit, et en effet, se comporta si bien, que pendant les trois premiers jours du siege qu’il lui fallut soutenir, les assiégeans furent toujours repoussés avec perte. Le quatrieme jour cette brave femme ayant appris que les ennemis se préparoient à escalader les murs, [329] monta sur les remparts à la tête de sa petite troupe, et rusa si bien, que par ses manoeuvres, non-seulement elle repoussa encore les assaillans, mais elle leur donna à croire par la vivacité de ses mouvemens, qu’ils avoient affaire à beaucoup plus de monde qu’ils ne l’avoient pensé. Malgré ces efforts de courage et de génie, la place se trouvant tout-à-la-fois dépourvue de munitions, de vivres et de combattans, il fallut songer à capituler, et Charnisai, sans se faire prier long-tems, en offrit lui-même les conditions les plus honorables; mais, par la plus atroce perfidie, voyant le petit nombre d’hommes auquel il avoit eu affaire, et combien il avoit été la dupe des artifices que la Dame avoit employés pour lui en imposer, il se dédit tout-à-coup de la capitulation, déclara la petite garnison prise à discrétion, et fit pendre tous les soldats à l’exception d’un seul, qu’il obligea d’être le bourreau des autres. Il poussa l’infamie jusqu’à faire assister Madame Latour à cette horrible expédition.