Jeanne de France (1608-1670) : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
[version vérifiée] | [version vérifiée] |
m (a renommé Jeanne de France en Jeanne de France (1608-1670) : Homonymie) |
|||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
+ | {{Voir homonymes|Jeanne de France}} | ||
{{Infobox Siefar | {{Infobox Siefar | ||
| image = | | image = | ||
Ligne 8 : | Ligne 9 : | ||
| enligne = | | enligne = | ||
}} | }} | ||
− | == Notice de Patricia Lusseau, 2007 == | + | == Notice de [[Patricia Lusseau]], 2007 == |
Fille naturelle du roi Henri IV et de sa maîtresse, Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin, Jeanne-Baptiste naît à Paris le 22 février 1608. Elle est légitimée fille de France le 30 mai 1608. Rapidement destinée à la vie monastique, elle est accueillie par l’abbesse Marie de Lorraine, en 1617, à l’abbaye de Chelles, comme pensionnaire. Elle y reçoit instruction et formation spirituelle, dispensée notamment par François de Sales. Elle en conserve la pratique des oraisons jaculatoires tout au long de sa vie. Le 12 mai 1624, elle prend l’habit de religieuse et le nom de Saint-Maur. Au mois de décembre de la même année, elle quitte Chelles pour l’abbaye de Fontevraud (diocèse de Poitiers), où elle est nommée coadjutrice. En 1637, elle y devient abbesse mais ne reçoit la bénédiction abbatiale que le 22 mai 1639. En tant que chef et générale, elle gouverne, en souveraine absolue, un ordre autocéphale et double (original et unique en France au XVIIe siècle) dont les femmes suivent la Règle de saint Benoît et les hommes celle de saint Augustin. De plus, elle tient son autorité de la papauté et de la monarchie. Son ordre dépend directement de Rome ce qui lui permet d’être autonome par rapport à l’Eglise de France et exempte de toute juridiction épiscopale. Quant à la protection royale, elle se traduit par de nombreuses exemptions fiscales et surtout la possibilité de pouvoir faire évoquer les procès de l’ordre au Grand Conseil. Fervente religieuse, voire mystique, Jeanne-Baptiste de Bourbon incarne par sa rigueur l’idéal de la Réforme catholique. Ses lectures se rapportent essentiellement au domaine spirituel et elle n’y mêle aucun auteur profane. Elle cultive l’esprit de mortification et aime aussi donner l’exemple en se rendant la première à l’office de matines ou à l’oraison du matin. En plus d’une dévotion à la Passion du Christ, très à l’honneur à Fontevraud, Jeanne-Baptiste manifeste un attachement particulier au culte du Saint-Sacrement. En 1648, elle rédige un «Voyage de la Passion de Notre-Seigneur», à l’intention de sa communauté. Elle s’intéresse à la formation de ses moniales et rédige pour elles une vie de saint Jérôme, avec des instructions spirituelles. Elle compose aussi des méditations. En tant que responsable de la liturgie et avec autorisation pontificale, elle fait imprimer, en 1644, le ''Calendrier des Fêtes particulières'' à Fontevraud, qui traduit sa fidélité au rite romain, son attachement profond à la spiritualité de la croix et son dévouement à la monarchie. Elle décide également des constructions et embellissements des bâtiments. Elle passe non seulement des commandes de décor religieux à des sculpteurs terracottistes de l’école du Mans, comme Gervais de la Barre et Charles Hoyau, mais elle a aussi le souci de faire rénover le choeur de l’abbatiale dans le style baroque, représentatif de la Réforme catholique. Remarquable administratrice, elle intente de multiples procès, lorsqu’elle juge ses prérogatives et son ordre lésé, que ce soit par des particuliers, des officiers du roi ou des évêques. Femme volontaire et inflexible, elle met fin aux revendications des religieux de son ordre qui supportent de plus en plus mal l’omnipotence de l’abbesse et rejettent ce pouvoir féminin qu’ils considèrent comme dominateur. Elle fait face à la contestation et, après plusieurs appels au pape, impose son autorité avec le soutien des jésuites et surtout celui du roi Louis XIII, son demi-frère. Pour sa défense, elle fait rédiger un mémoire dans lequel elle justifie son pouvoir et présente les droits des femmes, en rappelant leurs actions depuis l’Antiquité. Elle réussit à obtenir un arrêt du conseil d’Etat qui la maintient dans ses privilèges. Forte de l’appui du roi, elle anéantit les prétentions des religieux et pacifie l’ordre. En 1642, elle fait imprimer la ''Règle de l’ordre.'' Plus tard, elle tente de faire béatifier Robert d’Arbrissel, le fondateur de Fontevraud. Son décès, le 16 janvier 1670, interrompt son action, restée jusque-là infructueuse. Jeanne-Baptiste est enterrée dans la crypte des abbesses à l’intérieur de l’église abbatiale. | Fille naturelle du roi Henri IV et de sa maîtresse, Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin, Jeanne-Baptiste naît à Paris le 22 février 1608. Elle est légitimée fille de France le 30 mai 1608. Rapidement destinée à la vie monastique, elle est accueillie par l’abbesse Marie de Lorraine, en 1617, à l’abbaye de Chelles, comme pensionnaire. Elle y reçoit instruction et formation spirituelle, dispensée notamment par François de Sales. Elle en conserve la pratique des oraisons jaculatoires tout au long de sa vie. Le 12 mai 1624, elle prend l’habit de religieuse et le nom de Saint-Maur. Au mois de décembre de la même année, elle quitte Chelles pour l’abbaye de Fontevraud (diocèse de Poitiers), où elle est nommée coadjutrice. En 1637, elle y devient abbesse mais ne reçoit la bénédiction abbatiale que le 22 mai 1639. En tant que chef et générale, elle gouverne, en souveraine absolue, un ordre autocéphale et double (original et unique en France au XVIIe siècle) dont les femmes suivent la Règle de saint Benoît et les hommes celle de saint Augustin. De plus, elle tient son autorité de la papauté et de la monarchie. Son ordre dépend directement de Rome ce qui lui permet d’être autonome par rapport à l’Eglise de France et exempte de toute juridiction épiscopale. Quant à la protection royale, elle se traduit par de nombreuses exemptions fiscales et surtout la possibilité de pouvoir faire évoquer les procès de l’ordre au Grand Conseil. Fervente religieuse, voire mystique, Jeanne-Baptiste de Bourbon incarne par sa rigueur l’idéal de la Réforme catholique. Ses lectures se rapportent essentiellement au domaine spirituel et elle n’y mêle aucun auteur profane. Elle cultive l’esprit de mortification et aime aussi donner l’exemple en se rendant la première à l’office de matines ou à l’oraison du matin. En plus d’une dévotion à la Passion du Christ, très à l’honneur à Fontevraud, Jeanne-Baptiste manifeste un attachement particulier au culte du Saint-Sacrement. En 1648, elle rédige un «Voyage de la Passion de Notre-Seigneur», à l’intention de sa communauté. Elle s’intéresse à la formation de ses moniales et rédige pour elles une vie de saint Jérôme, avec des instructions spirituelles. Elle compose aussi des méditations. En tant que responsable de la liturgie et avec autorisation pontificale, elle fait imprimer, en 1644, le ''Calendrier des Fêtes particulières'' à Fontevraud, qui traduit sa fidélité au rite romain, son attachement profond à la spiritualité de la croix et son dévouement à la monarchie. Elle décide également des constructions et embellissements des bâtiments. Elle passe non seulement des commandes de décor religieux à des sculpteurs terracottistes de l’école du Mans, comme Gervais de la Barre et Charles Hoyau, mais elle a aussi le souci de faire rénover le choeur de l’abbatiale dans le style baroque, représentatif de la Réforme catholique. Remarquable administratrice, elle intente de multiples procès, lorsqu’elle juge ses prérogatives et son ordre lésé, que ce soit par des particuliers, des officiers du roi ou des évêques. Femme volontaire et inflexible, elle met fin aux revendications des religieux de son ordre qui supportent de plus en plus mal l’omnipotence de l’abbesse et rejettent ce pouvoir féminin qu’ils considèrent comme dominateur. Elle fait face à la contestation et, après plusieurs appels au pape, impose son autorité avec le soutien des jésuites et surtout celui du roi Louis XIII, son demi-frère. Pour sa défense, elle fait rédiger un mémoire dans lequel elle justifie son pouvoir et présente les droits des femmes, en rappelant leurs actions depuis l’Antiquité. Elle réussit à obtenir un arrêt du conseil d’Etat qui la maintient dans ses privilèges. Forte de l’appui du roi, elle anéantit les prétentions des religieux et pacifie l’ordre. En 1642, elle fait imprimer la ''Règle de l’ordre.'' Plus tard, elle tente de faire béatifier Robert d’Arbrissel, le fondateur de Fontevraud. Son décès, le 16 janvier 1670, interrompt son action, restée jusque-là infructueuse. Jeanne-Baptiste est enterrée dans la crypte des abbesses à l’intérieur de l’église abbatiale. | ||
Version du 27 août 2010 à 17:12
Jeanne de France (1608-1670) | ||
Titre(s) | Abbesse de Fontevrault | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Jeanne-Baptiste de Saint-Maur | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1608 | |
Date de décès | 1670 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Patricia Lusseau, 2007
Fille naturelle du roi Henri IV et de sa maîtresse, Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin, Jeanne-Baptiste naît à Paris le 22 février 1608. Elle est légitimée fille de France le 30 mai 1608. Rapidement destinée à la vie monastique, elle est accueillie par l’abbesse Marie de Lorraine, en 1617, à l’abbaye de Chelles, comme pensionnaire. Elle y reçoit instruction et formation spirituelle, dispensée notamment par François de Sales. Elle en conserve la pratique des oraisons jaculatoires tout au long de sa vie. Le 12 mai 1624, elle prend l’habit de religieuse et le nom de Saint-Maur. Au mois de décembre de la même année, elle quitte Chelles pour l’abbaye de Fontevraud (diocèse de Poitiers), où elle est nommée coadjutrice. En 1637, elle y devient abbesse mais ne reçoit la bénédiction abbatiale que le 22 mai 1639. En tant que chef et générale, elle gouverne, en souveraine absolue, un ordre autocéphale et double (original et unique en France au XVIIe siècle) dont les femmes suivent la Règle de saint Benoît et les hommes celle de saint Augustin. De plus, elle tient son autorité de la papauté et de la monarchie. Son ordre dépend directement de Rome ce qui lui permet d’être autonome par rapport à l’Eglise de France et exempte de toute juridiction épiscopale. Quant à la protection royale, elle se traduit par de nombreuses exemptions fiscales et surtout la possibilité de pouvoir faire évoquer les procès de l’ordre au Grand Conseil. Fervente religieuse, voire mystique, Jeanne-Baptiste de Bourbon incarne par sa rigueur l’idéal de la Réforme catholique. Ses lectures se rapportent essentiellement au domaine spirituel et elle n’y mêle aucun auteur profane. Elle cultive l’esprit de mortification et aime aussi donner l’exemple en se rendant la première à l’office de matines ou à l’oraison du matin. En plus d’une dévotion à la Passion du Christ, très à l’honneur à Fontevraud, Jeanne-Baptiste manifeste un attachement particulier au culte du Saint-Sacrement. En 1648, elle rédige un «Voyage de la Passion de Notre-Seigneur», à l’intention de sa communauté. Elle s’intéresse à la formation de ses moniales et rédige pour elles une vie de saint Jérôme, avec des instructions spirituelles. Elle compose aussi des méditations. En tant que responsable de la liturgie et avec autorisation pontificale, elle fait imprimer, en 1644, le Calendrier des Fêtes particulières à Fontevraud, qui traduit sa fidélité au rite romain, son attachement profond à la spiritualité de la croix et son dévouement à la monarchie. Elle décide également des constructions et embellissements des bâtiments. Elle passe non seulement des commandes de décor religieux à des sculpteurs terracottistes de l’école du Mans, comme Gervais de la Barre et Charles Hoyau, mais elle a aussi le souci de faire rénover le choeur de l’abbatiale dans le style baroque, représentatif de la Réforme catholique. Remarquable administratrice, elle intente de multiples procès, lorsqu’elle juge ses prérogatives et son ordre lésé, que ce soit par des particuliers, des officiers du roi ou des évêques. Femme volontaire et inflexible, elle met fin aux revendications des religieux de son ordre qui supportent de plus en plus mal l’omnipotence de l’abbesse et rejettent ce pouvoir féminin qu’ils considèrent comme dominateur. Elle fait face à la contestation et, après plusieurs appels au pape, impose son autorité avec le soutien des jésuites et surtout celui du roi Louis XIII, son demi-frère. Pour sa défense, elle fait rédiger un mémoire dans lequel elle justifie son pouvoir et présente les droits des femmes, en rappelant leurs actions depuis l’Antiquité. Elle réussit à obtenir un arrêt du conseil d’Etat qui la maintient dans ses privilèges. Forte de l’appui du roi, elle anéantit les prétentions des religieux et pacifie l’ordre. En 1642, elle fait imprimer la Règle de l’ordre. Plus tard, elle tente de faire béatifier Robert d’Arbrissel, le fondateur de Fontevraud. Son décès, le 16 janvier 1670, interrompt son action, restée jusque-là infructueuse. Jeanne-Baptiste est enterrée dans la crypte des abbesses à l’intérieur de l’église abbatiale.
A sa mort, son entourage a mis en valeur sa piété, son rigorisme, son action en faveur de la pacification de l’ordre et son caractère inflexible. Ses détracteurs, par contre, ont dénoncé son autorité excessive, notamment à propos de sa supériorité spirituelle. Ces louanges et ces critiques permettent de comprendre le personnage.
Oeuvres
- 1642 : Regula ordinis Fontis-Ebraldi, la reigle de l’Ordre de Fontevraud, imprimée par l'ordonnance de très-illustre et religieuse princesse, Madame Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille L. de France, abbesse, chef et générale dudit ordre, Paris, A. Vitray.
- 1644 : Calendrier des festes particulières qui se célèbrent en l’Ordre de Fontevraud, Paris, sn.
-1647 :'«Lettre autographe de Jeanne-Baptiste de Bourbon», Angers, Archives départementales de Maine-et-Loire, 125H2.
- 1648 : Voyage de la Passion de Notre-Seigneur, Saumur, F. Ernou, 1668.
- 16** : Mémoire touchant à l’Institut de l’Ordre de Fontevraud présentez par la Dame Abbesse dudit Ordre, éd. Picault, Angers, Archives départementales du Maine-et-Loire, sd.
Choix bibliographique
- Darricau, Robert, «Une fille d’Henri IV abbesse de Fontevraud, Jeanne-Baptiste de Bourbon», Bulletin de la société des Amis du château de Pau, 3e trimestre, 1977, p.105-114.
- Lusseau, Patricia, L’abbaye royale de Fontevraud aux XVIIe et XVIIIe siècles, Maulévrier, Hérault-Editions, 1986.
- Melot, Michel, «Le pouvoir des abbesses de Fontevraud et la révolte des hommes», dans Royaume de fémynie, éd. Eliane Viennot et Kathleen Wilson-Chevalier, Paris, Champion, 1999, p.135-148.
- Viguerie, Jean de, «Un beau cas de népotisme. Les Bourbons et l’Ordre de Fontevraud (XVIe-XVIIe siècles)», Enquêtes et documents publiés par le Centre de recherches sur l’histoire de la France Atlantique, 4, 1978, p.25-37.
Choix iconographique
- 1642 : F. Poitty, Frontispice de la Règle de l’Ordre de Madame Jeanne-Baptiste de Bourbon (gravure, 13 x 7 cm), Angers, Archives départementales de Maine-et-Loire.
- 167* : Jeanne-Baptiste de Bourbon (huile sur toile, 80 x 70 cm, non signé, non daté), Ville de Saumur -- Musea, Université d’Angers, http://musea.univ-angers.fr.
- 16** : La descente de croix, avec Jeanne-Baptiste de Bourbon(peinture murale, mur Est de la salle capitulaire, non signé, non daté), abbaye Royale de Fontevraud -- Musea, Université d’Angers, http://musea.univ-angers.fr
Liens électroniques
- «Jeanne-Baptiste de Bourbon, 31e abbesse de Fontevraud», exposition virtuelle réalisée par Patricia Lusseau, http://musea.univ-angers.fr
Ce site est le premier musée virtuel français sur l’histoire des femmes et du genre, édité par l’Université d’Angers. Une exposition virtuelle est consacrée à l’abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon ainsi qu’au fonctionnement de l’ordre au XVIIe siècle.
- La lettre volée. Le manuscrit 193 de la Bibliothèque municipale de Vendôme, éd. Jacques Dalarun, Paris, site web de l'IRHT, «AEdilis, publications scientifiques», 1, 2003, http://lettrevolee.irht.cnrs.fr