Mademoiselle Certain : Différence entre versions
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Mlle Certain est une poétesse galante du XVIIe qui serait née autour des années 1640 et morte en 1690. Elle publie en 1665 un recueil, dédié au roi, intitulé ''Nouvelles poésies'' chez Estienne Loyson, à Paris (le privilège, à son nom, est daté du 28 juin 1665). Son adresse au lecteur laisse entendre qu’elle est mariée ; elle précise toutefois signer de son nom de fille afin de protéger son nom marital de la critique. Tout au long de son recueil, Mlle Certain évoque sa jeunesse, sa « naissante veine » et fait le projet dans son adresse au lecteur d’écrire un second recueil quand son génie poétique se sera perfectionné. Il n’est jamais paru ou a été perdu. <br/> | Mlle Certain est une poétesse galante du XVIIe qui serait née autour des années 1640 et morte en 1690. Elle publie en 1665 un recueil, dédié au roi, intitulé ''Nouvelles poésies'' chez Estienne Loyson, à Paris (le privilège, à son nom, est daté du 28 juin 1665). Son adresse au lecteur laisse entendre qu’elle est mariée ; elle précise toutefois signer de son nom de fille afin de protéger son nom marital de la critique. Tout au long de son recueil, Mlle Certain évoque sa jeunesse, sa « naissante veine » et fait le projet dans son adresse au lecteur d’écrire un second recueil quand son génie poétique se sera perfectionné. Il n’est jamais paru ou a été perdu. <br/> | ||
− | Composant dans l’entourage de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, Mlle Certain fréquente la cour et place son recueil sous le signe de la sociabilité. Elle multiplie les noms propres pour se représenter comme entourée des plus grands et affiche ainsi une « stratégie de conquête » (D. Denis, p. 143) pour parvenir au plus près du roi : sa muse souhaite en effet ardemment « hanter la Cour » (''Nouvelles poésies'', p. 58). Protégée par le duc de Saint-Aignan, elle rédige de nombreuses pièces de circonstance qui évoquent l’actualité de la vie à la cour, comme son élégie adressée à Anne Chabanceau de La Barre, célèbre chanteuse partie rejoindre la reine Christine de Suède en 1652 ou ses stances au roi « pour Monsieur le Dauphin », rédigées lors de la naissance de son premier fils, en 1661. De même, dans « L’Habile Égyptienne », elle fait écho à la première représentation de la comédie-ballet de Molière, ''Le Mariage forcé'', qui a lieu le 29 janvier 1664 dans l’appartement d’[[Anne | + | Composant dans l’entourage de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, Mlle Certain fréquente la cour et place son recueil sous le signe de la sociabilité. Elle multiplie les noms propres pour se représenter comme entourée des plus grands et affiche ainsi une « stratégie de conquête » (D. Denis, p. 143) pour parvenir au plus près du roi : sa muse souhaite en effet ardemment « hanter la Cour » (''Nouvelles poésies'', p. 58). Protégée par le duc de Saint-Aignan, elle rédige de nombreuses pièces de circonstance qui évoquent l’actualité de la vie à la cour, comme son élégie adressée à Anne Chabanceau de La Barre, célèbre chanteuse partie rejoindre la reine Christine de Suède en 1652 ou ses stances au roi « pour Monsieur le Dauphin », rédigées lors de la naissance de son premier fils, en 1661. De même, dans « L’Habile Égyptienne », elle fait écho à la première représentation de la comédie-ballet de Molière, ''Le Mariage forcé'', qui a lieu le 29 janvier 1664 dans l’appartement d’ [[Anne d'Autriche]]. Dans ses vers « au roy, déguisé », elle évoque Louis XIV travesti en Égyptienne et dansant dans le ballet qui accompagne la pièce.<br/> |
Mlle Certain fréquente les salons littéraires et mondains de son temps, notamment le cercle de Mme de La Suze (Henriette de Coligny). D’après Y. Fukui, elle introduit le poète René Le Pays (1636-1690) dans les salons parisiens (p. 292, note 20). Son oeuvre très variée s’inscrit dans l’esthétique galante en vogue à Paris et participe du renouvellement des grands genres traditionnels, comme l’ode, qui lui permet de célébrer discrètement sa propre poésie, et l’élégie, grâce à laquelle elle déploie une esthétique de la douceur et du naturel qui caractérise le genre élégiaque développé par les poétesses à cette période. Émule de Mme de La Suze, Mlle Certain « pouss[e] hautement & le tendre & le doux » (''Nouvelles poésies'', p. 83). Une de ses chansons, « Mon cœur est tout prest de ceder », est publiée une seconde fois en 1678, chez Christophe Ballard dans son ''Livre d’airs''. Elle se prête aussi aux petits genres mondains à la mode comme le madrigal, l’impromptu ou encore l’épigramme dans lequel elle manie le trait d’esprit. Ses stances « Conseil d’Iris à sa muse » révèlent sa veine satirique : elle conseille à sa muse de se méfier de « l’air de cour », de l’ambition qu’on y nourrit et critique ainsi les courtisans à la « vaine gloire » et au « credit flateur qui trompe vostre espoir ». Elle dénonce les « sçavans » qui manquent de sincérité dans leur jugement et s’approprient tous les mérites. | Mlle Certain fréquente les salons littéraires et mondains de son temps, notamment le cercle de Mme de La Suze (Henriette de Coligny). D’après Y. Fukui, elle introduit le poète René Le Pays (1636-1690) dans les salons parisiens (p. 292, note 20). Son oeuvre très variée s’inscrit dans l’esthétique galante en vogue à Paris et participe du renouvellement des grands genres traditionnels, comme l’ode, qui lui permet de célébrer discrètement sa propre poésie, et l’élégie, grâce à laquelle elle déploie une esthétique de la douceur et du naturel qui caractérise le genre élégiaque développé par les poétesses à cette période. Émule de Mme de La Suze, Mlle Certain « pouss[e] hautement & le tendre & le doux » (''Nouvelles poésies'', p. 83). Une de ses chansons, « Mon cœur est tout prest de ceder », est publiée une seconde fois en 1678, chez Christophe Ballard dans son ''Livre d’airs''. Elle se prête aussi aux petits genres mondains à la mode comme le madrigal, l’impromptu ou encore l’épigramme dans lequel elle manie le trait d’esprit. Ses stances « Conseil d’Iris à sa muse » révèlent sa veine satirique : elle conseille à sa muse de se méfier de « l’air de cour », de l’ambition qu’on y nourrit et critique ainsi les courtisans à la « vaine gloire » et au « credit flateur qui trompe vostre espoir ». Elle dénonce les « sçavans » qui manquent de sincérité dans leur jugement et s’approprient tous les mérites. | ||
L’apologie du féminin qu’elle met en place dans son oeuvre constitue l’originalité de sa production. Malgré une stratégie de modestie convenue, elle entend légitimer son recueil et revendique régulièrement la reconnaissance de son sexe, affirmant au sujet des femmes dans un sonnet adressé à Christine de Suède : « Peut-estre qu’entre nous il est de beaux esprits ». Elle déplore que la reine refuse aux femmes « un peu de conference » et dénonce « le mêpris qu’elle fait de l’Esprit des Femmes » (Nouvelles poésies, p. 69). Dans son adresse au lecteur, elle rappelle toutes les accusations faites à son sexe (« Ce seroit dans mon Sexe un excès de bonheur, / De produire un travail qui n’eust point de Censeur »). Si elle répète la difficulté pour une femme de publier, cette mise en scène de soi écrivant lui permet bel et bien d’affirmer son désir absolu d’écrire. <br/> | L’apologie du féminin qu’elle met en place dans son oeuvre constitue l’originalité de sa production. Malgré une stratégie de modestie convenue, elle entend légitimer son recueil et revendique régulièrement la reconnaissance de son sexe, affirmant au sujet des femmes dans un sonnet adressé à Christine de Suède : « Peut-estre qu’entre nous il est de beaux esprits ». Elle déplore que la reine refuse aux femmes « un peu de conference » et dénonce « le mêpris qu’elle fait de l’Esprit des Femmes » (Nouvelles poésies, p. 69). Dans son adresse au lecteur, elle rappelle toutes les accusations faites à son sexe (« Ce seroit dans mon Sexe un excès de bonheur, / De produire un travail qui n’eust point de Censeur »). Si elle répète la difficulté pour une femme de publier, cette mise en scène de soi écrivant lui permet bel et bien d’affirmer son désir absolu d’écrire. <br/> |
Version du 31 janvier 2025 à 17:39
Mademoiselle Certain | ||
Dénomination(s) | Certain (Mlle), demoiselle Certain | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 1640 ? | |
Date de décès | 1690 ? | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
[masquer]Notice de Élise Legendre, 2025
Mlle Certain est une poétesse galante du XVIIe qui serait née autour des années 1640 et morte en 1690. Elle publie en 1665 un recueil, dédié au roi, intitulé Nouvelles poésies chez Estienne Loyson, à Paris (le privilège, à son nom, est daté du 28 juin 1665). Son adresse au lecteur laisse entendre qu’elle est mariée ; elle précise toutefois signer de son nom de fille afin de protéger son nom marital de la critique. Tout au long de son recueil, Mlle Certain évoque sa jeunesse, sa « naissante veine » et fait le projet dans son adresse au lecteur d’écrire un second recueil quand son génie poétique se sera perfectionné. Il n’est jamais paru ou a été perdu.
Composant dans l’entourage de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, Mlle Certain fréquente la cour et place son recueil sous le signe de la sociabilité. Elle multiplie les noms propres pour se représenter comme entourée des plus grands et affiche ainsi une « stratégie de conquête » (D. Denis, p. 143) pour parvenir au plus près du roi : sa muse souhaite en effet ardemment « hanter la Cour » (Nouvelles poésies, p. 58). Protégée par le duc de Saint-Aignan, elle rédige de nombreuses pièces de circonstance qui évoquent l’actualité de la vie à la cour, comme son élégie adressée à Anne Chabanceau de La Barre, célèbre chanteuse partie rejoindre la reine Christine de Suède en 1652 ou ses stances au roi « pour Monsieur le Dauphin », rédigées lors de la naissance de son premier fils, en 1661. De même, dans « L’Habile Égyptienne », elle fait écho à la première représentation de la comédie-ballet de Molière, Le Mariage forcé, qui a lieu le 29 janvier 1664 dans l’appartement d’ Anne d'Autriche. Dans ses vers « au roy, déguisé », elle évoque Louis XIV travesti en Égyptienne et dansant dans le ballet qui accompagne la pièce.
Mlle Certain fréquente les salons littéraires et mondains de son temps, notamment le cercle de Mme de La Suze (Henriette de Coligny). D’après Y. Fukui, elle introduit le poète René Le Pays (1636-1690) dans les salons parisiens (p. 292, note 20). Son oeuvre très variée s’inscrit dans l’esthétique galante en vogue à Paris et participe du renouvellement des grands genres traditionnels, comme l’ode, qui lui permet de célébrer discrètement sa propre poésie, et l’élégie, grâce à laquelle elle déploie une esthétique de la douceur et du naturel qui caractérise le genre élégiaque développé par les poétesses à cette période. Émule de Mme de La Suze, Mlle Certain « pouss[e] hautement & le tendre & le doux » (Nouvelles poésies, p. 83). Une de ses chansons, « Mon cœur est tout prest de ceder », est publiée une seconde fois en 1678, chez Christophe Ballard dans son Livre d’airs. Elle se prête aussi aux petits genres mondains à la mode comme le madrigal, l’impromptu ou encore l’épigramme dans lequel elle manie le trait d’esprit. Ses stances « Conseil d’Iris à sa muse » révèlent sa veine satirique : elle conseille à sa muse de se méfier de « l’air de cour », de l’ambition qu’on y nourrit et critique ainsi les courtisans à la « vaine gloire » et au « credit flateur qui trompe vostre espoir ». Elle dénonce les « sçavans » qui manquent de sincérité dans leur jugement et s’approprient tous les mérites.
L’apologie du féminin qu’elle met en place dans son oeuvre constitue l’originalité de sa production. Malgré une stratégie de modestie convenue, elle entend légitimer son recueil et revendique régulièrement la reconnaissance de son sexe, affirmant au sujet des femmes dans un sonnet adressé à Christine de Suède : « Peut-estre qu’entre nous il est de beaux esprits ». Elle déplore que la reine refuse aux femmes « un peu de conference » et dénonce « le mêpris qu’elle fait de l’Esprit des Femmes » (Nouvelles poésies, p. 69). Dans son adresse au lecteur, elle rappelle toutes les accusations faites à son sexe (« Ce seroit dans mon Sexe un excès de bonheur, / De produire un travail qui n’eust point de Censeur »). Si elle répète la difficulté pour une femme de publier, cette mise en scène de soi écrivant lui permet bel et bien d’affirmer son désir absolu d’écrire.
Si « [s]on sexe en fait peu d’ordinaire », son recueil constitue l’un des premiers signés du nom d’une femme au XVIIe. Exemplaire de l’esthétique galante du temps, Mlle Certain est toutefois oubliée et parfois confondue avec la claveciniste Marie-Françoise Certain (1662-1711).
Oeuvres
- 1665 : Nouvelles Poésies, ou diverses pièces choisies, tant en Vers qu’en Prose, Paris, Estienne Loyson, 1665 ]https://books.google.fr/books?id=baxdAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false]
- Livre d’airs de différents auteurs, XXI, Paris, Christophe Ballard, 1678, f. 37v-38, F-Pa / Rés Vm7 283 [13].
Principales sources
- Joseph de Laporte, Histoire littéraire des femmes françoises, ou lettres historiques et critiques, tome III, Paris, Lacombe, 1769, p. 453.
- Fortunée Briquet, Dictionnaire historique littéraire et bibliographique des Françaises, Paris, chez Treuttel et Würtz, 1804, p. 83.
Choix bibliographique
- D. Denis, Le Parnasse galant, Institution d’une catégorie littéraire au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2001.
- M. Dufour-Maître, Les Précieuses, naissance des femmes de lettres en France au XVIIe siècle, Paris, Champion classiques, 2008. - Y. Fukui, Raffinement précieux dans la poésie française du XVIIe siècle, Paris, Nizet, 1964. - A.-M. Goulet, Poésie, musique et sociabilité au XVIIe siècle, Les Livres d’airs de différents auteurs publiés chez Ballard de 1658 à 1694, Paris, Honoré champion, 2004. - A.-M. Goulet, Paroles de musique, (1658-1694), catalogue des « Livres d’airs de différents auteurs » publiés chez Ballard, Bruxelles, Mardaga, 2007. Salon, cour, cercle Musique, chant