Louise Marie Madeleine Fontaine : Différence entre versions
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− | Ce | + | Louise Dupin (1706-1799) a tenu l’un des salons les plus brillants de son temps. Elle recevait entre autres célébrités Voltaire, Montesquieu, Buffon, Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre dont elle fut la protégée. Elle est fille de comédienne, petite-fille du dramaturge Dancourt et arrière-petite-fille de La Thorillière, compagnon de Molière. Si elle a été reconnue par J.-L. Guillaume de Fontaine, elle a pour véritable père Samuel Bernard, l’un des banquiers les plus riches d’Europe, issu d’une famille d’artistes-peintres protestants très aisés. Ce dernier, père généreux, lui fait épouser en 1722 Claude Dupin dont il assure l’ascension sociale jusqu’à faire de lui un fermier général en 1728. Mme Dupin tient salon dans son hôtel particulier à Paris mais aussi au château de Chenonceau dont le couple est propriétaire à partir de 1733. Sur le plan littéraire, elle s’essaie d’abord à de petits opuscules moraux. Dans les années 1740, elle se lance dans la rédaction d’un essai visant à défendre la cause des femmes, à vocation encyclopédique (''Des femmes''). Elle emploie alors comme secrétaire Jean-Jacques Rousseau, encore inconnu, principalement entre 1745 et 1751. C’est par l’entremise de Louise Dupin et à sa demande que Rousseau a entrepris un abrégé des œuvres de l’abbé de Saint-Pierre. ''Des femmes'' ne sera jamais publié mais l’autrice a laissé de volumineux dossiers de brouillons manuscrits. En fidèle disciple du philosophe cartésien et « féministe » Poulain de la Barre (1645-1725), elle est partisane de la stricte égalité entre les sexes. ''Des femmes'' tel qu’il nous est parvenu (sous forme de 47 chapitres) envisageait successivement la condition des femmes sous l’angle physique, historique, juridique et moral. Après avoir soutenu qu’il n’y a ni infériorité physique ni infériorité intellectuelle des femmes, Louise Dupin engage son lecteur dans un parcours historique et géographique. Elle cherche à prouver que les femmes n’ont pas toujours été tenues en infériorité comme elles le sont en France à son époque. Elle date principalement la détérioration de la condition féminine du concile de Trente (1545-1563). Après une étude des législations relatives aux femmes (principalement le droit romain), elle en vient ensuite aux réformes qu’elle souhaite voir adopter. Il faut abolir la loi salique. Les femmes doivent pouvoir accéder à toutes les professions et disposer de leurs biens. Favorable au divorce, Louise Dupin envisage le mariage comme une sorte de contrat renouvelable qui n’enchaîne pas les individus. Elle envisage aussi une réforme de l’état civil : le parent qui donne son nom à l’enfant serait désormais le plus âgé. On voit donc que Louise Dupin propose une réforme d’ampleur pour rétablir l’égalité entre les sexes : réforme des institutions, du droit matrimonial et successoral et de l’état civil. Pour redonner leur place aux femmes, il faut aussi changer les représentations mentales : les « ouvrages de l’esprit » mais aussi les arts comme le théâtre ou l’opéra, le langage lui-même confortent le préjugé de l’infériorité des femmes. Enfin, une réforme éducative s’impose pour offrir le même enseignement aux deux sexes. <br /> |
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+ | Louise Dupin met visiblement un terme à ses projets littéraires dans les années 1750, tout en continuant à tenir salon. Elle perd son fils unique en 1767 et son mari en 1769. Pendant la Révolution, déjà âgée, elle quitte Paris en 1792 pour se réfugier à Chenonceau dont elle parviendra à rester propriétaire et qu’elle préservera. Elle y meurt en 1799, à l’âge de 93 ans. Elle y est inhumée. Son beau-fils, Louis Dupin de Francueil, est le grand-père de George Sand. En 1884, G. de Villeneuve-Guibert publie la correspondance et certains des écrits de L. Dupin. Dans les années 1950 a lieu la vente aux enchères de ses manuscrits par les héritiers. L'édition scientifique de son ouvrage majeur, ''Des femmes'', a eu lieu en 2022. | ||
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Version du 12 décembre 2022 à 14:13
Louise Marie Madeleine Fontaine | ||
Conjoint(s) | Claude Dupin (1686-1769) | |
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Dénomination(s) | Madame Dupin de Chenonceaux | |
Biographie | ||
Date de naissance | 28 octobre 1706 | |
Date de décès | 20 novembre 1799 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Frédéric Marty,
Louise Dupin (1706-1799) a tenu l’un des salons les plus brillants de son temps. Elle recevait entre autres célébrités Voltaire, Montesquieu, Buffon, Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre dont elle fut la protégée. Elle est fille de comédienne, petite-fille du dramaturge Dancourt et arrière-petite-fille de La Thorillière, compagnon de Molière. Si elle a été reconnue par J.-L. Guillaume de Fontaine, elle a pour véritable père Samuel Bernard, l’un des banquiers les plus riches d’Europe, issu d’une famille d’artistes-peintres protestants très aisés. Ce dernier, père généreux, lui fait épouser en 1722 Claude Dupin dont il assure l’ascension sociale jusqu’à faire de lui un fermier général en 1728. Mme Dupin tient salon dans son hôtel particulier à Paris mais aussi au château de Chenonceau dont le couple est propriétaire à partir de 1733. Sur le plan littéraire, elle s’essaie d’abord à de petits opuscules moraux. Dans les années 1740, elle se lance dans la rédaction d’un essai visant à défendre la cause des femmes, à vocation encyclopédique (Des femmes). Elle emploie alors comme secrétaire Jean-Jacques Rousseau, encore inconnu, principalement entre 1745 et 1751. C’est par l’entremise de Louise Dupin et à sa demande que Rousseau a entrepris un abrégé des œuvres de l’abbé de Saint-Pierre. Des femmes ne sera jamais publié mais l’autrice a laissé de volumineux dossiers de brouillons manuscrits. En fidèle disciple du philosophe cartésien et « féministe » Poulain de la Barre (1645-1725), elle est partisane de la stricte égalité entre les sexes. Des femmes tel qu’il nous est parvenu (sous forme de 47 chapitres) envisageait successivement la condition des femmes sous l’angle physique, historique, juridique et moral. Après avoir soutenu qu’il n’y a ni infériorité physique ni infériorité intellectuelle des femmes, Louise Dupin engage son lecteur dans un parcours historique et géographique. Elle cherche à prouver que les femmes n’ont pas toujours été tenues en infériorité comme elles le sont en France à son époque. Elle date principalement la détérioration de la condition féminine du concile de Trente (1545-1563). Après une étude des législations relatives aux femmes (principalement le droit romain), elle en vient ensuite aux réformes qu’elle souhaite voir adopter. Il faut abolir la loi salique. Les femmes doivent pouvoir accéder à toutes les professions et disposer de leurs biens. Favorable au divorce, Louise Dupin envisage le mariage comme une sorte de contrat renouvelable qui n’enchaîne pas les individus. Elle envisage aussi une réforme de l’état civil : le parent qui donne son nom à l’enfant serait désormais le plus âgé. On voit donc que Louise Dupin propose une réforme d’ampleur pour rétablir l’égalité entre les sexes : réforme des institutions, du droit matrimonial et successoral et de l’état civil. Pour redonner leur place aux femmes, il faut aussi changer les représentations mentales : les « ouvrages de l’esprit » mais aussi les arts comme le théâtre ou l’opéra, le langage lui-même confortent le préjugé de l’infériorité des femmes. Enfin, une réforme éducative s’impose pour offrir le même enseignement aux deux sexes.
Parallèlement à Des femmes, Louise Dupin a aussi œuvré, dès 1749, avec son mari et deux autres collaborateurs (dont le jésuite Berthier, historien et journaliste) à la première critique d’envergure de De l’Esprit des lois de Montesquieu (1748). Le livre des Dupin, tiré à très peu d’exemplaires, a connu deux versions, dont la seconde s’intitule Observations sur un livre intitulé 'De l’Esprit des lois' (imprimée en 1757-1758). On peut mesurer l’apport personnel de Louise Dupin à ce travail collectif par le dossier préparatoire qu’elle a fourni. D’un point de vue politique, il s’agit d’une défense de la monarchie face à un Montesquieu soupçonné de républicanisme. En outre, Louise Dupin dénonce chez le philosophe ce qu’elle considère être des positions très défavorables aux femmes. Par une lecture serrée de Montesquieu et de ses sources, elle parvient à donner du poids à certaines de ses critiques.
Louise Dupin met visiblement un terme à ses projets littéraires dans les années 1750, tout en continuant à tenir salon. Elle perd son fils unique en 1767 et son mari en 1769. Pendant la Révolution, déjà âgée, elle quitte Paris en 1792 pour se réfugier à Chenonceau dont elle parviendra à rester propriétaire et qu’elle préservera. Elle y meurt en 1799, à l’âge de 93 ans. Elle y est inhumée. Son beau-fils, Louis Dupin de Francueil, est le grand-père de George Sand. En 1884, G. de Villeneuve-Guibert publie la correspondance et certains des écrits de L. Dupin. Dans les années 1950 a lieu la vente aux enchères de ses manuscrits par les héritiers. L'édition scientifique de son ouvrage majeur, Des femmes, a eu lieu en 2022.