Jeanne Flore : Différence entre versions

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==Article de [[Diane Desrosiers]] et [[Eliane Viennot]], 2014==
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Jeanne Flore est le nom qui figure sur la page de titre d’un petit recueil d’histoires en prose publié sans indication de lieu ni de date chez l’imprimeur lyonnais Denys de Harsy, au plus tôt en 1542 : ''Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent [condamnent] & meprisent le Vray Amour''. Il s’agit du premier recueil de nouvelles françaises enchâssées dans un cadre narratif comme celui du ''Decameron'' de Boccace. Ici, des femmes réunies à l’occasion des vendanges essaient, à l’aide de contes, de persuader l’une d’elles, qui n’est pas d’accord mais qui n’a jamais la parole, que l’Amour est un maître souverain, auquel il est impératif d’obéir. Les ''Comptes amoureux'' constituent une version remaniée et augmentée d’un ensemble de quatre contes paru en 1540 : ''La Pugnition de l’Amour contempne, extraict de L’amour fatal de madame Jane Flore'', ce dernier titre ne correspondant à rien de connu. Signataire de l’«Epître» liminaire et du poème adressé au lecteur sur lequel se clôt le livre, le personnage de Jeanne Flore assure également la narration de l’histoire-cadre qui réunit sept contes.
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Cependant, l’auteure Jeanne Flore n’a probablement jamais existé. Ce pseudonyme serait la version féminine française du nom de l’auteur espagnol Juan de Florès, dont le Lyonnais Maurice Scève avait traduit un ouvrage d’inspiration pétrarquiste sous le titre ''La Deplourable fin de Flamecte'', publié en 1535 à Lyon chez François Juste. Alors que ce texte mettait ses lecteurs en garde contre l’Amour, les Comptes amoureux prennent l’exact contre-pied de cette leçon, comme l’indique le sous-titre du recueil. Celles et ceux qui résistent à l’amour sont puni-es.<br/>
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La dernière édition de la ''Pugnition'' date de 1543, et les ''Comptes'' n’ont pas été réimprimés entre 1574 et 1870. Quant à Jeanne Flore, elle été intégrée à plusieurs dictionnaires de femmes célèbres, sans mention de doutes sur son identité. Depuis 1892, date de la parution de la première étude consacrée au texte, les érudits se sont surtout intéressés à ses sources littéraires italiennes, repérant successivement, outre le ''Decameron'' de Boccace, le ''Membriano'' de Francesco Bello, le ''Roland amoureux'' de Boiardo, le ''Songe de Poliphile'' de Francesco Colonna, le ''Pérégrin'' de Jacopo Caviceo (œuvres pour certaines non traduites en français à l’époque) ainsi que le roman médiéval ''Isaie le triste''. À la fin des années 1970, une équipe lyonnaise dirigée par Gabriel Pérouse préparant une nouvelle édition des ''Comptes'' a attiré l’attention sur l’identité problématique de Jeanne Flore. Depuis, les critiques se sont focalisé-es sur cette question ainsi que sur l’interprétation de la finalité morale de l’œuvre, des plus ambiguës. Certain-es y lisent l’expression des aspirations féminines en matière de plaisirs amoureux et privilégient l’hypothèse d’une plume féminine. D’autres y voient l’illustration d’une thèse contraire aux vues traditionnelles relatives à la chasteté féminine, les femmes devant céder aux désirs masculins. La critique s’accorde désormais pour reconnaître l’intervention de plusieurs scripteurs et compilateurs au sein de cette œuvre collective. Fruit de ce regain d’intérêt pour le texte et ses énigmes, une traduction des ''Comptes'' vient d’être donnée en anglais dans la collection «Other Voice in Early Modern Europe» (Kelly Digby Peebles et Marta Rijn Finch).
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==Oeuves portant la signature Jeanne Flore==
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* 1532-1542 : ''Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent & meprisent le Vray Amour'', Lyon, Denys de Harsy -- ''Les Contes amoureux par Madame Jeanne Flore'', éd. Régine Reynolds-Cornell, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005.
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* 1540 : ''La Pugnition de l’Amour contempne, extraict de L’amour fatal de madame Jane Flore'', Lyon, François Juste.
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== Bibliographie sélective ==
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* ''Actualité de Jeanne Flore'', dix-sept études réunies par Diane Desrosiers-Bonin & Éliane Viennot, avec la collaboration de Régine Reynolds-Cornell, Paris, H. Champion, 2004.
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* Clément, Michèle & Janine Incardona (dir.), ''Émergence littéraire des femmes à Lyon, 1520-1550'', Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008 (4 articles consacrés au sujet).
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* Mounier, Pascale, «Le montage textuel de Philandre (1544) et ses rapports avec les Comptes amoureux (c. 1542)», dans ''RHR'', 71, 2010, p.107-124.
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* Viennot, Éliane, «Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore (v.1540): discours “libérés”, discours libertins, discours masculins», dans Hélène Marquier & Noël Burch (dir.), ''Émancipation sexuelle ou contrainte des corps?'', Paris, L’Harmattan, 2006, p.89-109.
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* Yoshihiro, Kaji, «Recherche de la date de publication des Comptes amoureux portant la marque d’Icare, plus précisément la marque de Dédale, comme l’indique Rawles. Étude sur les Comptes amoureux», dans ''Bulletin de la société de langue et de littérature françaises de l’Université d’Osaka'', Gallia 43, 2004, p.1-7.
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Version actuelle en date du 10 février 2022 à 18:26

Jeanne Flore
Biographie
Naissance XVIe siècle
Activités
Domaines de notoriété autrice fictive de nouvelles
Oeuvres Les Comptes amoureux




Article de Diane Desrosiers et Eliane Viennot, 2014

Jeanne Flore est le nom qui figure sur la page de titre d’un petit recueil d’histoires en prose publié sans indication de lieu ni de date chez l’imprimeur lyonnais Denys de Harsy, au plus tôt en 1542 : Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent [condamnent] & meprisent le Vray Amour. Il s’agit du premier recueil de nouvelles françaises enchâssées dans un cadre narratif comme celui du Decameron de Boccace. Ici, des femmes réunies à l’occasion des vendanges essaient, à l’aide de contes, de persuader l’une d’elles, qui n’est pas d’accord mais qui n’a jamais la parole, que l’Amour est un maître souverain, auquel il est impératif d’obéir. Les Comptes amoureux constituent une version remaniée et augmentée d’un ensemble de quatre contes paru en 1540 : La Pugnition de l’Amour contempne, extraict de L’amour fatal de madame Jane Flore, ce dernier titre ne correspondant à rien de connu. Signataire de l’«Epître» liminaire et du poème adressé au lecteur sur lequel se clôt le livre, le personnage de Jeanne Flore assure également la narration de l’histoire-cadre qui réunit sept contes. Cependant, l’auteure Jeanne Flore n’a probablement jamais existé. Ce pseudonyme serait la version féminine française du nom de l’auteur espagnol Juan de Florès, dont le Lyonnais Maurice Scève avait traduit un ouvrage d’inspiration pétrarquiste sous le titre La Deplourable fin de Flamecte, publié en 1535 à Lyon chez François Juste. Alors que ce texte mettait ses lecteurs en garde contre l’Amour, les Comptes amoureux prennent l’exact contre-pied de cette leçon, comme l’indique le sous-titre du recueil. Celles et ceux qui résistent à l’amour sont puni-es.
La dernière édition de la Pugnition date de 1543, et les Comptes n’ont pas été réimprimés entre 1574 et 1870. Quant à Jeanne Flore, elle été intégrée à plusieurs dictionnaires de femmes célèbres, sans mention de doutes sur son identité. Depuis 1892, date de la parution de la première étude consacrée au texte, les érudits se sont surtout intéressés à ses sources littéraires italiennes, repérant successivement, outre le Decameron de Boccace, le Membriano de Francesco Bello, le Roland amoureux de Boiardo, le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, le Pérégrin de Jacopo Caviceo (œuvres pour certaines non traduites en français à l’époque) ainsi que le roman médiéval Isaie le triste. À la fin des années 1970, une équipe lyonnaise dirigée par Gabriel Pérouse préparant une nouvelle édition des Comptes a attiré l’attention sur l’identité problématique de Jeanne Flore. Depuis, les critiques se sont focalisé-es sur cette question ainsi que sur l’interprétation de la finalité morale de l’œuvre, des plus ambiguës. Certain-es y lisent l’expression des aspirations féminines en matière de plaisirs amoureux et privilégient l’hypothèse d’une plume féminine. D’autres y voient l’illustration d’une thèse contraire aux vues traditionnelles relatives à la chasteté féminine, les femmes devant céder aux désirs masculins. La critique s’accorde désormais pour reconnaître l’intervention de plusieurs scripteurs et compilateurs au sein de cette œuvre collective. Fruit de ce regain d’intérêt pour le texte et ses énigmes, une traduction des Comptes vient d’être donnée en anglais dans la collection «Other Voice in Early Modern Europe» (Kelly Digby Peebles et Marta Rijn Finch).

Oeuves portant la signature Jeanne Flore

  • 1532-1542 : Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent & meprisent le Vray Amour, Lyon, Denys de Harsy -- Les Contes amoureux par Madame Jeanne Flore, éd. Régine Reynolds-Cornell, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005.
  • 1540 : La Pugnition de l’Amour contempne, extraict de L’amour fatal de madame Jane Flore, Lyon, François Juste.


Bibliographie sélective

  • Actualité de Jeanne Flore, dix-sept études réunies par Diane Desrosiers-Bonin & Éliane Viennot, avec la collaboration de Régine Reynolds-Cornell, Paris, H. Champion, 2004.
  • Clément, Michèle & Janine Incardona (dir.), Émergence littéraire des femmes à Lyon, 1520-1550, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008 (4 articles consacrés au sujet).
  • Mounier, Pascale, «Le montage textuel de Philandre (1544) et ses rapports avec les Comptes amoureux (c. 1542)», dans RHR, 71, 2010, p.107-124.
  • Viennot, Éliane, «Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore (v.1540): discours “libérés”, discours libertins, discours masculins», dans Hélène Marquier & Noël Burch (dir.), Émancipation sexuelle ou contrainte des corps?, Paris, L’Harmattan, 2006, p.89-109.
  • Yoshihiro, Kaji, «Recherche de la date de publication des Comptes amoureux portant la marque d’Icare, plus précisément la marque de Dédale, comme l’indique Rawles. Étude sur les Comptes amoureux», dans Bulletin de la société de langue et de littérature françaises de l’Université d’Osaka, Gallia 43, 2004, p.1-7.
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