Marguerite de Provence : Différence entre versions
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− | * «La fille au conte de Provence | + | * «La fille au conte de Provence // […] estoit de tel nassence // Qu’il n’avoit feme plus gentil // Entre II mers, ce dient cil // Qui le connoisent, ne plus bièle // Ne plus courtoise damoisièle» |
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(''Chronique rimée de Philippe Mousket'', RHF, t.22, p.53, v.28691 sq.) | (''Chronique rimée de Philippe Mousket'', RHF, t.22, p.53, v.28691 sq.) | ||
* «Marguerite de Provence n’a pas été une de ces femmes fortes, au caractère viril, aux allures énergiques, dont Blanche de Castille est la plus haute personnification; elle ne fut pas non plus une de ces natures douces et humbles, qui ne savent qu’aimer et souffrir, une Ingeburge ou une sainte Élisabeth. Elle est, comme femme, ce que saint Louis a été comme homme: le type d’une époque; c’est la femme féodale par excellence. Elle est tendre, gracieuse, compatissante, mais elle se sent des droits auxquels elle tient.» (Edgard Boutaric, «Marguerite de Provence. Son caractère, son rôle politique», ''Revue des questions historiques'', 1867, p.457). | * «Marguerite de Provence n’a pas été une de ces femmes fortes, au caractère viril, aux allures énergiques, dont Blanche de Castille est la plus haute personnification; elle ne fut pas non plus une de ces natures douces et humbles, qui ne savent qu’aimer et souffrir, une Ingeburge ou une sainte Élisabeth. Elle est, comme femme, ce que saint Louis a été comme homme: le type d’une époque; c’est la femme féodale par excellence. Elle est tendre, gracieuse, compatissante, mais elle se sent des droits auxquels elle tient.» (Edgard Boutaric, «Marguerite de Provence. Son caractère, son rôle politique», ''Revue des questions historiques'', 1867, p.457). |
Version du 22 mars 2021 à 13:54
Marguerite de Provence | ||
Titre(s) | Reine de France | |
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Conjoint(s) | Louis IX | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1221 | |
Date de décès | 1295 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Notice de Gaëlle Audéon, 2020
Marguerite de Provence, née en 1221, est la fille aînée de Béatrice de Savoie, fille du comte de Savoie, et de Raimond Béranger V, comte de Provence et petit-fils du roi d’Aragon, Alphonse II. À peine nubile, elle épouse le roi de France Louis IX, le 27 mai 1234. Le couple aura onze enfants entre 1240 et 1260, dont trois nés lors de la Septième croisade, notamment: Isabelle comtesse de Champagne et reine de Navarre, le futur Philippe III, Jean Tristan comte de Nevers, Blanche de France, Pierre comte d’Alençon, Agnès duchesse de Bourgogne et Robert comte de Clermont. Ses trois sœurs contractent également des unions prestigieuses, avec le roi d’Angleterre Henri III, son frère Richard de Cornouailles, et le frère du roi de France, Charles d’Anjou, qui devient alors comte de Provence.
Le rôle politique de Marguerite semble inexistant, le roi gouvernant avec sa mère, la reine douairière Blanche de Castille. Lors d’une grave maladie en 1244, Louis IX a pris la croix pour la Septième croisade, première des deux entreprises sous son règne. La reine et plusieurs princesses sont du voyage et suivent l’armée qui s’ébranle au printemps 1248, hiberne à Chypre, gagne l’Égypte. Elles résident à Damiette, tandis que les Francs se dirigent vers Le Caire, mais restent bloqués à La Mansourah. Après des batailles à l’issue incertaine en février 1250, l’épidémie et la famine déciment le camp. Louis IX ne décide pourtant la retraite qu’après plusieurs semaines et un lourd bilan humain. Lui-même, atteint de dysenterie et du scorbut, est bientôt fait prisonnier par les musulmans. En avril 1250, le rôle de Marguerite est déterminant pour la libération du roi et de ses barons, alors qu’elle vient d’accoucher. Elle convainc les marchands italiens sur le départ de rester à Damiette avec leur flotte. La cité est en effet la seule monnaie d’échange possible contre les prisonniers, et les navires, les seuls disponibles pour l’évacuation des chrétiens vers Acre. Le couple royal y débarque finalement en mai 1250. Le séjour en Terre sainte dure quatre ans, Louis IX refusant le retour en France malgré la mort de la régente, Blanche de Castille, en 1252. Sur ce séjour syrien, Joinville rapporte l’indifférence de Louis IX vis-à-vis de sa famille, confirmée par les faits (absence de vie commune, suppliques de la reine «médiatrice» ignorées, mise en danger de leur vie en mer). Marguerite qualifie son époux de «divers», adjectif dont le sens est très débattu par les historien·nes (contrariant? bizarre? capricieux? autoritaire? cruel?).
À plusieurs reprises, elle agit pour un rapprochement entre la France et l’Angleterre, où règne sa sœur Éléonore. En 1261 notamment, elle assure une mission diplomatique à la demande de seigneurs anglais. Toutefois lorsque le roi repart pour la croisade de Tunis, en 1270, Marguerite qui reste en France ne se voit pas confier la régence.
Devenue veuve la même année, loin de se retirer dans un couvent comme l’affirment encore des historien·nes, elle défend énergiquement ses droits face aux agents royaux qui veulent soustraire certains fiefs de son douaire. L’affaire qui lui tient le plus à cœur est l’héritage du comté de Provence, dont elle n’a jamais accepté qu’il échoie à sa sœur Béatrice. Après la mort de celle-ci, elle s’oppose par tous les moyens à son beau-frère Charles d’Anjou. Elle prête hommage pour le comté à l’empereur Rodolphe de Habsbourg (1274), demande le soutien de son neveu Édouard Ier d’Angleterre (v. 1276), et entame même la préparation d’une campagne militaire à laquelle met fin le soulèvement connu sous le nom de Vêpres siciliennes (1282). Un accord est alors trouvé avec Charles d’Anjou. C’est aussi l’année où sont menés des entretiens en vue du procès en canonisation de Louis IX, mais la reine ne témoigne pas. Elle a le temps de voir mourir son fils Philippe III (1285) et s’installer au pouvoir son petit-fils Philippe le Bel. Elle meurt en décembre 1295 dans sa résidence de Saint-Marcel, qu’elle lègue aux Clarisses de Longchamp.
Les biographies de Marguerite de Provence souffrent de naïveté et de partialité, en raison de sa proximité avec un homme canonisé en 1297. Les informations délivrées par les études sur le roi sont généralement minorées (son rôle à Damiette) ou à charge (elle aurait contrarié la politique française par ambition politique). Marguerite de Provence mériterait une biographie nouvelle, fondée sur des travaux récents, une relecture de Joinville, et une critique moderne du règne de Louis IX, dont l’abondante historiographie est encore largement hagiographique.
Choix bibliographique
- Allirot, Anne-Hélène, Filles de roy de France, Princesses royales, mémoire de saint Louis et conscience dynastique (de 1270 à la fin du XIVe siècle), Turnhout, Brepols, 2010.
- Boutaric, Edgard, « Marguerite de Provence. Son caractère, son rôle politique », in Revue des questions historiques, 1867, pp. 417-458.
- Goldstone, Nancy, Four Queens, The Provençal sisters who ruled Europe, Phoenix, 2009.
- Sivéry, Gérard, Marguerite de Provence, Paris, Fayard, 1987.
Choix iconographique
- Dessin en couleur, «Registre d’armes» ou armorial d’Auvergne, dédié par le hérault Guillaume Revel au roi Charles VII [1]
Jugements
- «La fille au conte de Provence // […] estoit de tel nassence // Qu’il n’avoit feme plus gentil // Entre II mers, ce dient cil // Qui le connoisent, ne plus bièle // Ne plus courtoise damoisièle»
(Chronique rimée de Philippe Mousket, RHF, t.22, p.53, v.28691 sq.)
- «Marguerite de Provence n’a pas été une de ces femmes fortes, au caractère viril, aux allures énergiques, dont Blanche de Castille est la plus haute personnification; elle ne fut pas non plus une de ces natures douces et humbles, qui ne savent qu’aimer et souffrir, une Ingeburge ou une sainte Élisabeth. Elle est, comme femme, ce que saint Louis a été comme homme: le type d’une époque; c’est la femme féodale par excellence. Elle est tendre, gracieuse, compatissante, mais elle se sent des droits auxquels elle tient.» (Edgard Boutaric, «Marguerite de Provence. Son caractère, son rôle politique», Revue des questions historiques, 1867, p.457).
- «[…], la reine douairière, Marguerite de Provence, maintenue sévèrement par Louis IX, qui redoutait son ambition, à l'écart des affaires publiques, chercha à se dédommager, sous le règne de son fils, de l'effacement où elle avait vécu jusqu'alors. C'était une femme impérieuse; comme la reine Blanche de Castille, elle avait un cœur viril.» (Charles-Victor Langlois, Le règne de Philippe III le Hardi, 1887, p.35).
- «Saint Louis avait clairement perçu que son héritier n’avait pas les qualités pour gouverner et se méfiait aussi des intuitions politiques de son épouse, Marguerite» (Gérard Sivéry, Saint Louis et son siècle, Tallandier, 1983, p.508).
- (Sur son rôle à Damiette) «Ce faisant, Marguerite de Provence a tout simplement sauvé le roi et ce qui restait de l’armée, la cité de Damiette étant remise en échange de leurs vies et de leur libération» (Régine Pernoud, La femme aux temps des croisades, Stock, Livre de Poche, 1990, p.230).
- (En introduction au chapitre «L’épouse») «Dans une image presque idyllique d’une famille royale, il manque sinon une brebis galeuse, sinon une fausse note, du moins une note quelque peu discordante» (Jacques Le Goff, Saint Louis, folio histoire, 1996, p.837). - (à propos de Jeanne de Blois-Châtillon) «[…] une riche héritière ne saurait rester sans protecteur. Et si elle ne veut pas se remarier, elle n’a qu’à choisir Dieu, abandonner le pouvoir et se retirer dans un couvent. C’est ce qu’avaient fait la reine Marguerite de Provence […]» (Colette Beaune, «Jeanne de Châtillon, la bonne comtesse», Mémoires de la Société des Sciences & Lettres de Loir-et-Cher, t. 62, 2007, p.4).