Elisabeth Julienne Pommereul : Différence entre versions
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− | | conjoints = | + | | conjoints = François-Alexis Fresnel sieur Dugage (1722 -1785) |
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+ | Née en 1733, Élisabeth Julienne est issue de la petite noblesse bretonne. Son père Guy-René Pommereul, sieur Des Longrais, est avocat au parlement de Bretagne et sénéchal de Brie et Janzé. Sa mère, Louise Thérèse Letort, dame de Navinal, est issue du même milieu. Élisabeth Julienne est la cousine de François-René-Jean de Pommereul (1745-1823) général de division pendant la période révolutionnaire et préfet sous le Premier Empire. En 1755, elle épouse François-Alexis Fresnel, sieur Dugage.<br/> | ||
+ | Élisabeth s’initie à la botanique dans la région de Rennes. Dans les années 1770, elle vit à Nantes, où elle fréquente la famille de François Bonamy, directeur du Jardin royal des plantes. Quelques années plus tard, entre 1775 et 1777, Mme Dugage de Pommereul vit à Paris et suit avec assiduité les cours de botanique d’Antoine-Laurent de Jussieu. En 1778, André Thouin, jardinier en chef au Jardin du roi, recourt à son aide pour dénombrer et identifier les graminées qui croissent dans les parterres du jardin de l’École de botanique. C’est sans doute à cette époque qu’elle essaie d’élaborer une classification conciliant le système de Tournefort avec celui de Linné. Selon Joseph Dombey, qu’elle a rencontré pendant son séjour au Jardin du roi à Paris avant qu’il ne parte au Pérou, Elisabeth est l’assistante de Jussieu. Durant la même période, elle est pressentie par Thouin et Jussieu, avec l’approbation de Daubenton, de Guettard et de Buffon, pour composer un ouvrage sur les graminées. Thouin la met en relation avec son réseau de correspondants. Mme Dugage écrit ainsi à Carl von Linné le Jeune, Antoine Gouan, Pierre-André Pourret, et Claude-Étienne Savary, alors en Égypte, par l’intermédiaire de son ami René Louiche Desfontaines, futur professeur de botanique. Selon son parent Desgenettes, elle vit seule dans un galetas au Jardin du roi et se consacre à ses projets de recherche. Témoins de son activité en botanique, trois spécimens botaniques qu’elle a récoltés lors de ses herborisations sont encore conservés dans les collections de l’Herbier national du Muséum national d’Histoire naturelle.<br/> | ||
+ | À l’annonce de la parution prochaine de cet ouvrage, Linné le Jeune la félicite et nomme une plante en son honneur, la ''Pommereulla cornucopiae'' l. f. La plante ainsi nommée selon la nomenclature linnéenne est insérée dans le système de Linné (''Supplément'' de 1781). Le geste est salué par la communauté des botanistes. Dombey lui dédie la ''Dugagesia margaritifera'', mais la plante avait déjà été nommée par les botanistes espagnols Ruiz et Pavón. L’Académie royale de médecine de Madrid, à l’initiative de Casimiro Gómez Ortega, correspondant de l’Académie royale des sciences depuis 1776, lui décerne un diplôme. Il est également prévu que Mme Dugage contribue à des articles d’histoire naturelle pour l’''Encyclopédie méthodique'', projetée par Panckoucke.<br/> | ||
+ | La publication de l’ouvrage sur les graminées est donnée pour imminente en 1779. On peut alors lire dans l’ouvrage ''De l’éducation physique et morale des femmes'' de Riballier et Cosson qu’elle « est actuellement occupée à enrichir le Public d’un ouvrage qui sera le fruit de ses profondes connaissances dans une science si intéressante » (Bruxelles, 1779, p. 232-233). L’éducateur Jean Verdier lui rend un hommage appuyé dans l’article « botanique » (''Encyclopédie méthodique'', t. IV). [[Fortunée Briquet]] assure en 1804 que Mme Dugage est bien l’auteur d’un ouvrage de botanique. En revanche, Palisot de Beauvois auteur d’un ''Essai d’une nouvelle Agrostographie'' en 1812, et peut-être mieux informé, confirme que l’ouvrage n’a jamais été publié et que « le manuscrit paraît être égaré » (Paris, 1812, p. 91). Il semble en effet que la maladie l’ait empêchée d’achever l’ouvrage projeté. Mme Dugage souffre d’un cancer du sein qu’elle tente vainement de soulager par l’apposition de plaques métalliques aimantées. Elle se prête aux expériences de magnétothérapie de l’abbé Le Noble, puis recherche les bienfaits du climat du sud de la France pendant l’hiver 1781. En compagnie d’un vieil ami, Lohier de La Saudraye, elle se joint à l’entourage de l’académicien Thomas. Élisabeth décède à Forcalquier le 3 juillet 1782.<br/> | ||
+ | L’existence de Mme Dugage est longtemps demeurée ignorée. L’absence d’ouvrage publié et sa pratique de la botanique dans l’entourage direct de Jussieu n’ont jusqu’à une date récente suscité qu’indifférence et dédain de la part des historiens de la botanique. | ||
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+ | ==Oeuvres== | ||
+ | Uniquement des manuscrits qui attestent de sa pratique et de ses compétences en botanique. | ||
+ | * sd. : « Acotyledones Classis prima Ordo primus fungi… » (Bibliothèque centrale du Museum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701). | ||
+ | * sd. : « 1er cahier comprend les 11 premieres classes. finit par les ombelliferes » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701). | ||
+ | * 1778 : « Catalogue des Graminées semées au Jardin du Roy en 1778 » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701) -- liste élaborée par A. Thouin accompagnée de notes de Mme Dugage. | ||
+ | * 1778 : « Liste des Seules Graminées qui ont fleuri cette année 1778 dans la pépinière et quelques autres de l’Ecole ou couches » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 1389). | ||
+ | * 1778 : Lettre à Carl von Linné le jeune, L6269 du 10 mars 1778 (''The Linnaean Correspondence Collection'', The Linnean Society of London). | ||
+ | * 1779 : Lettre à Carl von Linné le jeune, L6270 du 31 janvier 1779 (''The Linnaean Correspondence Collection'', The Linnean Society of London). | ||
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+ | ==Principales sources== | ||
+ | * Andry et Thouret, «Observations et recherches sur l’usage de l’aimant en médecine, ou Mémoire sur le magnétisme médicinal», ''Histoire de la Société royale de médecine'', 1779 (1782). | ||
+ | * Linné le jeune, Carl von, ''Supplementum plantarum systematis vegetabilium Editionis decimae tertiae, Generum Plantarum, Editionis sextae, et Specierum Plantarum Editionis secundae'', Brunswick, 1781. | ||
+ | * Dufriche Desgenettes, R.-N., ''Souvenirs de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, ou Mémoires de R.D.G''., Paris, 1835-1836, 2 vol. | ||
+ | * Gay, Jacques, «Observations de M. J. Gay après la séance du 26 décembre 1862», ''Bulletin de la Société botanique de France'', t. 9, 1862, p. 529-531. | ||
+ | * Hamy, E.-T., Joseph Dombey. ''Médecin, naturaliste, archéologue, explorateur du Pérou, du Chili et du Brésil (1778-1785). Sa vie, son oeuvre, sa correspondance'', Paris, 1905. | ||
+ | * Henriet, Maurice, «Correspondance inédite entre Thomas et Barthe 1759-1785», ''Revue d’Histoire littéraire de la France'', t. 39/2, 1932, p. 274-295. | ||
+ | * Chevalier, Auguste, ''La Vie et l’oeuvre de René Desfontaines fondateur de l’herbier du Muséum : la carrière d’un savant sous la Révolution'', Publications du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Éditions du Muséum, 1939. | ||
+ | * Laissus, Joseph, «Antoine-Laurent de Jussieu ‘l’aimable professeur’», ''89e Congrès des Sociétés savantes'', 1965, p. 27-39. | ||
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+ | ==Choix bibliographique== | ||
+ | * Benharrech, Sarah, « Botanical Palimpsests, or Erasure of Women in Science: The Case Study of Mme Dugage de Pommereul (1733-1782) », ''Harvard Papers in Botany'', 23, 1, 2018, p. 89-108. | ||
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+ | ==Choix de liens électroniques== | ||
+ | * Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (France). Collection: Vascular plants (P): Specimen P00661282 [http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00661282]; Specimen P00668650 [http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00668650]; Specimen P00668824 [http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00668824] | ||
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+ | ==Jugements== | ||
+ | *« Née avec tous les charmes de l’esprit et de la beauté, vous n’avez pas dédaigné la Science, qui ne semble recherchée par les autres femmes que comme le supplément de ces deux dons de la nature, et vous ne vous êtes appliquée qu’à celles qui ont un objet d’utilité réelle. Vous voulûtes savoir les Mathématiques, et vous les apprîtes avec la plus singulière facilité. L’étude de notre Langue et de sa Grammaire ne vous rebuta point, malgré sa sécheresse. Les malheureux Habitants de vos campagnes, trompés et souvent empoisonnés par des Charlatans punissables, vous firent naître le désir de connaître les Plantes et leurs propriétés ; vous y parvîntes bientôt avec la même aisance. L’humanité vous avait parlé pour eux, et la charité vous les fit secourir. Les bénédictions qu’ils vous donnent sont le plus bel éloge de vos vertus et de votre savoir. Auriez-vous pu avoir une âme si sensible et si belle, et manquer de goût ? Non. Les Ouvrages de ces hommes à jamais célèbres, qui ont assuré à la France une gloire immortelle, ont partagé avec ceux des anciens Romains l’avantage d’amuser votre solitude. J’ai vu souvent Voltaire, Virgile, Lucrèce et Buffon occuper sur votre toilette la place d’un pot de rouge ou d’une boëte à mouches, et j’en ai été moins surpris encore que de l’extrême modestie qui vous a fait cacher jusqu’ici des connaissances si rares et si approfondies » (F.-R.-J. de Pommereul, ''Lettres sur la littérature et la poésie italienne'', Florence, 1778, p. v-vii). | ||
+ | * « Je ne suis point surpris des égards que M. le comte de Buffon a pour elle. Ce savant sait apprécier les talents et ne fait que rendre justice à notre amie. Je n’aurai point de tranquillité jusqu’à ce que j’aie reçu son ouvrage imprimé par les soins de l’Académie. MM. Guettard Daubenton ajouteront à leur gloire en protégeant notre bonne amie qui ne devrait pas avoir besoin de protecteur. Je sais bon gré de ce que l’on ait engagé Me Dugage à travailler l’article « histoire naturelle » dans la nouvelle édition de l’Encyclopédie. Personne n’est plus capable de bien traiter ce sujet que notre respectable amie parce qu’elle connait bien la matière. A la beauté de la chose notre bonne amie y ajoutera le charme de son style qu’il n’est pas ordinaire de rencontrer aussi beau. C’est que les dames ont une touche délicate à laquelle n’atteignent pas les hommes, et notre bonne amie éclipsera toutes celles de son sexe qui ont joui de quelque célébrité. […] Savez-vous que dans un cercle d’hommes aimables et choisis, qui cultivent les sciences à l’extrémité du monde, savez-vous qu’on y célèbre madame Dugage. Ses lettres ont été traduites, et nos Péruviennes ne peuvent pas croire qu’il existe dans notre Europe un prodige semblable. Une plante consacrée à notre bonne amie rappellera aux siècles à venir le nom et les talents de Me. Dugage et exciteront l’émulation qui fait éclore les vertus » (Joseph Dombey à Charles-Joseph Lohier de La Saudraye, 11 décembre 1778, Archives nationales AJ/15/511). | ||
+ | * « Dès son enfance livrée par Goût et par instinct pour ainsi dire à cette curieuse partie de l’histoire naturelle, elle a deviné l’art d’observer ; De sorte que sans Guide sans autre Maître que la nature et son Génie, sans livres-mêmes et sans connaitre aucun Naturaliste, au fond d’une Campagne, [Mme Dugage] s’est trouvée avoir fait toutes les mêmes expériences que Réaumur, et elle a porté cette science au moins aussi loin que le Célèbre naturaliste et elle a même vu dans quelques parties plus loin que lui. Après cet heureux prélude de son enfance si étonnante, sa santé ayant exigé quelque exercice, elle s’est livrée par Régime à la Botanique, et en est venue au point de nous surpasser tous. Heureusement que sa jeunesse lui annonce une Carrière qui ne fait que commencer » (Lohier de La Saudraye à Linné fils, 30 janvier 1779, ''The Linnaean correspondence'', voir ''supra'' Choix de liens électroniques). | ||
+ | * « Mme Dugage avoit appris la botanique par les yeux et la réflexion, et sans livre; elle s'était fait un ordre particulier pour classer les plantes et les retenir, et elle avait acquis des connaissances distinguées: aussi quand on lui prêta des ouvrages de botanique, elle savait tout ce qui s'y trouvoit et beaucoup mieux, excepté les mots et les noms, et elle était même en état de corriger l'auteur. Cela prouve tout ce qu'on peut faire par le secours de la méditation et de l'attention » (Mme Necker, ''Mélanges extraits des manuscrits de Mme Necker'', t.III, Paris, Charles Pougens, an VI (1798), « Pensées et Traits », p. 28-29). | ||
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Elisabeth Julienne Pommereul | ||
Conjoint(s) | François-Alexis Fresnel sieur Dugage (1722 -1785) | |
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Dénomination(s) | Dugage, Dugage de Pommereul, Dugage de Pommereuil | |
Biographie | ||
Date de naissance | 5 juillet 1733 | |
Date de décès | 3 juillet 1782 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de Sarah Benharrech, 2019
Née en 1733, Élisabeth Julienne est issue de la petite noblesse bretonne. Son père Guy-René Pommereul, sieur Des Longrais, est avocat au parlement de Bretagne et sénéchal de Brie et Janzé. Sa mère, Louise Thérèse Letort, dame de Navinal, est issue du même milieu. Élisabeth Julienne est la cousine de François-René-Jean de Pommereul (1745-1823) général de division pendant la période révolutionnaire et préfet sous le Premier Empire. En 1755, elle épouse François-Alexis Fresnel, sieur Dugage.
Élisabeth s’initie à la botanique dans la région de Rennes. Dans les années 1770, elle vit à Nantes, où elle fréquente la famille de François Bonamy, directeur du Jardin royal des plantes. Quelques années plus tard, entre 1775 et 1777, Mme Dugage de Pommereul vit à Paris et suit avec assiduité les cours de botanique d’Antoine-Laurent de Jussieu. En 1778, André Thouin, jardinier en chef au Jardin du roi, recourt à son aide pour dénombrer et identifier les graminées qui croissent dans les parterres du jardin de l’École de botanique. C’est sans doute à cette époque qu’elle essaie d’élaborer une classification conciliant le système de Tournefort avec celui de Linné. Selon Joseph Dombey, qu’elle a rencontré pendant son séjour au Jardin du roi à Paris avant qu’il ne parte au Pérou, Elisabeth est l’assistante de Jussieu. Durant la même période, elle est pressentie par Thouin et Jussieu, avec l’approbation de Daubenton, de Guettard et de Buffon, pour composer un ouvrage sur les graminées. Thouin la met en relation avec son réseau de correspondants. Mme Dugage écrit ainsi à Carl von Linné le Jeune, Antoine Gouan, Pierre-André Pourret, et Claude-Étienne Savary, alors en Égypte, par l’intermédiaire de son ami René Louiche Desfontaines, futur professeur de botanique. Selon son parent Desgenettes, elle vit seule dans un galetas au Jardin du roi et se consacre à ses projets de recherche. Témoins de son activité en botanique, trois spécimens botaniques qu’elle a récoltés lors de ses herborisations sont encore conservés dans les collections de l’Herbier national du Muséum national d’Histoire naturelle.
À l’annonce de la parution prochaine de cet ouvrage, Linné le Jeune la félicite et nomme une plante en son honneur, la Pommereulla cornucopiae l. f. La plante ainsi nommée selon la nomenclature linnéenne est insérée dans le système de Linné (Supplément de 1781). Le geste est salué par la communauté des botanistes. Dombey lui dédie la Dugagesia margaritifera, mais la plante avait déjà été nommée par les botanistes espagnols Ruiz et Pavón. L’Académie royale de médecine de Madrid, à l’initiative de Casimiro Gómez Ortega, correspondant de l’Académie royale des sciences depuis 1776, lui décerne un diplôme. Il est également prévu que Mme Dugage contribue à des articles d’histoire naturelle pour l’Encyclopédie méthodique, projetée par Panckoucke.
La publication de l’ouvrage sur les graminées est donnée pour imminente en 1779. On peut alors lire dans l’ouvrage De l’éducation physique et morale des femmes de Riballier et Cosson qu’elle « est actuellement occupée à enrichir le Public d’un ouvrage qui sera le fruit de ses profondes connaissances dans une science si intéressante » (Bruxelles, 1779, p. 232-233). L’éducateur Jean Verdier lui rend un hommage appuyé dans l’article « botanique » (Encyclopédie méthodique, t. IV). Fortunée Briquet assure en 1804 que Mme Dugage est bien l’auteur d’un ouvrage de botanique. En revanche, Palisot de Beauvois auteur d’un Essai d’une nouvelle Agrostographie en 1812, et peut-être mieux informé, confirme que l’ouvrage n’a jamais été publié et que « le manuscrit paraît être égaré » (Paris, 1812, p. 91). Il semble en effet que la maladie l’ait empêchée d’achever l’ouvrage projeté. Mme Dugage souffre d’un cancer du sein qu’elle tente vainement de soulager par l’apposition de plaques métalliques aimantées. Elle se prête aux expériences de magnétothérapie de l’abbé Le Noble, puis recherche les bienfaits du climat du sud de la France pendant l’hiver 1781. En compagnie d’un vieil ami, Lohier de La Saudraye, elle se joint à l’entourage de l’académicien Thomas. Élisabeth décède à Forcalquier le 3 juillet 1782.
L’existence de Mme Dugage est longtemps demeurée ignorée. L’absence d’ouvrage publié et sa pratique de la botanique dans l’entourage direct de Jussieu n’ont jusqu’à une date récente suscité qu’indifférence et dédain de la part des historiens de la botanique.
Oeuvres
Uniquement des manuscrits qui attestent de sa pratique et de ses compétences en botanique.
- sd. : « Acotyledones Classis prima Ordo primus fungi… » (Bibliothèque centrale du Museum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701).
- sd. : « 1er cahier comprend les 11 premieres classes. finit par les ombelliferes » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701).
- 1778 : « Catalogue des Graminées semées au Jardin du Roy en 1778 » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 701) -- liste élaborée par A. Thouin accompagnée de notes de Mme Dugage.
- 1778 : « Liste des Seules Graminées qui ont fleuri cette année 1778 dans la pépinière et quelques autres de l’Ecole ou couches » (Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, Ms 1389).
- 1778 : Lettre à Carl von Linné le jeune, L6269 du 10 mars 1778 (The Linnaean Correspondence Collection, The Linnean Society of London).
- 1779 : Lettre à Carl von Linné le jeune, L6270 du 31 janvier 1779 (The Linnaean Correspondence Collection, The Linnean Society of London).
Principales sources
- Andry et Thouret, «Observations et recherches sur l’usage de l’aimant en médecine, ou Mémoire sur le magnétisme médicinal», Histoire de la Société royale de médecine, 1779 (1782).
- Linné le jeune, Carl von, Supplementum plantarum systematis vegetabilium Editionis decimae tertiae, Generum Plantarum, Editionis sextae, et Specierum Plantarum Editionis secundae, Brunswick, 1781.
- Dufriche Desgenettes, R.-N., Souvenirs de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, ou Mémoires de R.D.G., Paris, 1835-1836, 2 vol.
- Gay, Jacques, «Observations de M. J. Gay après la séance du 26 décembre 1862», Bulletin de la Société botanique de France, t. 9, 1862, p. 529-531.
- Hamy, E.-T., Joseph Dombey. Médecin, naturaliste, archéologue, explorateur du Pérou, du Chili et du Brésil (1778-1785). Sa vie, son oeuvre, sa correspondance, Paris, 1905.
- Henriet, Maurice, «Correspondance inédite entre Thomas et Barthe 1759-1785», Revue d’Histoire littéraire de la France, t. 39/2, 1932, p. 274-295.
- Chevalier, Auguste, La Vie et l’oeuvre de René Desfontaines fondateur de l’herbier du Muséum : la carrière d’un savant sous la Révolution, Publications du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Éditions du Muséum, 1939.
- Laissus, Joseph, «Antoine-Laurent de Jussieu ‘l’aimable professeur’», 89e Congrès des Sociétés savantes, 1965, p. 27-39.
Choix bibliographique
- Benharrech, Sarah, « Botanical Palimpsests, or Erasure of Women in Science: The Case Study of Mme Dugage de Pommereul (1733-1782) », Harvard Papers in Botany, 23, 1, 2018, p. 89-108.
Choix de liens électroniques
- Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (France). Collection: Vascular plants (P): Specimen P00661282 [1]; Specimen P00668650 [2]; Specimen P00668824 [3]
Jugements
- « Née avec tous les charmes de l’esprit et de la beauté, vous n’avez pas dédaigné la Science, qui ne semble recherchée par les autres femmes que comme le supplément de ces deux dons de la nature, et vous ne vous êtes appliquée qu’à celles qui ont un objet d’utilité réelle. Vous voulûtes savoir les Mathématiques, et vous les apprîtes avec la plus singulière facilité. L’étude de notre Langue et de sa Grammaire ne vous rebuta point, malgré sa sécheresse. Les malheureux Habitants de vos campagnes, trompés et souvent empoisonnés par des Charlatans punissables, vous firent naître le désir de connaître les Plantes et leurs propriétés ; vous y parvîntes bientôt avec la même aisance. L’humanité vous avait parlé pour eux, et la charité vous les fit secourir. Les bénédictions qu’ils vous donnent sont le plus bel éloge de vos vertus et de votre savoir. Auriez-vous pu avoir une âme si sensible et si belle, et manquer de goût ? Non. Les Ouvrages de ces hommes à jamais célèbres, qui ont assuré à la France une gloire immortelle, ont partagé avec ceux des anciens Romains l’avantage d’amuser votre solitude. J’ai vu souvent Voltaire, Virgile, Lucrèce et Buffon occuper sur votre toilette la place d’un pot de rouge ou d’une boëte à mouches, et j’en ai été moins surpris encore que de l’extrême modestie qui vous a fait cacher jusqu’ici des connaissances si rares et si approfondies » (F.-R.-J. de Pommereul, Lettres sur la littérature et la poésie italienne, Florence, 1778, p. v-vii).
- « Je ne suis point surpris des égards que M. le comte de Buffon a pour elle. Ce savant sait apprécier les talents et ne fait que rendre justice à notre amie. Je n’aurai point de tranquillité jusqu’à ce que j’aie reçu son ouvrage imprimé par les soins de l’Académie. MM. Guettard Daubenton ajouteront à leur gloire en protégeant notre bonne amie qui ne devrait pas avoir besoin de protecteur. Je sais bon gré de ce que l’on ait engagé Me Dugage à travailler l’article « histoire naturelle » dans la nouvelle édition de l’Encyclopédie. Personne n’est plus capable de bien traiter ce sujet que notre respectable amie parce qu’elle connait bien la matière. A la beauté de la chose notre bonne amie y ajoutera le charme de son style qu’il n’est pas ordinaire de rencontrer aussi beau. C’est que les dames ont une touche délicate à laquelle n’atteignent pas les hommes, et notre bonne amie éclipsera toutes celles de son sexe qui ont joui de quelque célébrité. […] Savez-vous que dans un cercle d’hommes aimables et choisis, qui cultivent les sciences à l’extrémité du monde, savez-vous qu’on y célèbre madame Dugage. Ses lettres ont été traduites, et nos Péruviennes ne peuvent pas croire qu’il existe dans notre Europe un prodige semblable. Une plante consacrée à notre bonne amie rappellera aux siècles à venir le nom et les talents de Me. Dugage et exciteront l’émulation qui fait éclore les vertus » (Joseph Dombey à Charles-Joseph Lohier de La Saudraye, 11 décembre 1778, Archives nationales AJ/15/511).
- « Dès son enfance livrée par Goût et par instinct pour ainsi dire à cette curieuse partie de l’histoire naturelle, elle a deviné l’art d’observer ; De sorte que sans Guide sans autre Maître que la nature et son Génie, sans livres-mêmes et sans connaitre aucun Naturaliste, au fond d’une Campagne, [Mme Dugage] s’est trouvée avoir fait toutes les mêmes expériences que Réaumur, et elle a porté cette science au moins aussi loin que le Célèbre naturaliste et elle a même vu dans quelques parties plus loin que lui. Après cet heureux prélude de son enfance si étonnante, sa santé ayant exigé quelque exercice, elle s’est livrée par Régime à la Botanique, et en est venue au point de nous surpasser tous. Heureusement que sa jeunesse lui annonce une Carrière qui ne fait que commencer » (Lohier de La Saudraye à Linné fils, 30 janvier 1779, The Linnaean correspondence, voir supra Choix de liens électroniques).
- « Mme Dugage avoit appris la botanique par les yeux et la réflexion, et sans livre; elle s'était fait un ordre particulier pour classer les plantes et les retenir, et elle avait acquis des connaissances distinguées: aussi quand on lui prêta des ouvrages de botanique, elle savait tout ce qui s'y trouvoit et beaucoup mieux, excepté les mots et les noms, et elle était même en état de corriger l'auteur. Cela prouve tout ce qu'on peut faire par le secours de la méditation et de l'attention » (Mme Necker, Mélanges extraits des manuscrits de Mme Necker, t.III, Paris, Charles Pougens, an VI (1798), « Pensées et Traits », p. 28-29).