Électre : Différence entre versions

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(Article de Marie Saint-Martin, 2012)
 
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| naissance = Epoque de la Guerre de Troie
 
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| région d'origine = Mycènes, Argos
 
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| domaines de notoriété = Personnage de théâtre grec
 
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== Article de Marie Saint-Martin, 2012 ==
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== Article de [[Marie Saint-Martin]], 2012 ==
  
Après le meurtre de son père Agamemnon, Électre sauve la vie de son jeune frère, Oreste, menacé par l'assassin, Égisthe, qui devient le nouvel époux de sa mère Clytemnestre. Elle attend ensuite des années durant le retour de ce frère vengeur contraint à l'exil, soumise à la tyrannie de son beau-père. Dans certaines versions, elle aide Oreste à tuer Clytemnestre et Égisthe.
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Électre est une fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, sœur d’Oreste (Atrides), belle-fille d’Égishte. Après le meurtre de son père Agamemnon, Électre sauve la vie de son jeune frère, Oreste, menacé par l'assassin, Égisthe, qui devient le nouvel époux de sa mère Clytemnestre. Elle attend ensuite des années durant le retour de ce frère vengeur contraint à l'exil, soumise à la tyrannie de son beau-père. Dans certaines versions, elle aide Oreste à tuer Clytemnestre et Égisthe.  
  
 
Électre connaît dès l’époque antique plusieurs avatars. La jeune fille, chez Eschyle, conserve sa pudeur virginale et rentre à l’intérieur du palais dès l’arrivée de son frère. Chez Sophocle, elle est plus vindicative et s’oppose à Clytemnestre dans un affrontement verbal brutal. Elle incite Oreste à « frapper une deuxième fois » cette mère haïe. Chez Euripide, Électre va jusqu'à tenir le glaive en même temps que son frère. Très rapidement, ces deux dernières versions du personnage sont perçues comme anormales, voire monstrueuses. L’opposition entre mère et fille est interprétée comme l’opposition entre deux monstuosités, celle de l’adultère et celle de la fille chaste au point de refuser le mariage (on rapproche le nom d’Électre de l’adjectif ἄλεκτρα, « celle qui ne connaît pas la couche d’un époux »).
 
Électre connaît dès l’époque antique plusieurs avatars. La jeune fille, chez Eschyle, conserve sa pudeur virginale et rentre à l’intérieur du palais dès l’arrivée de son frère. Chez Sophocle, elle est plus vindicative et s’oppose à Clytemnestre dans un affrontement verbal brutal. Elle incite Oreste à « frapper une deuxième fois » cette mère haïe. Chez Euripide, Électre va jusqu'à tenir le glaive en même temps que son frère. Très rapidement, ces deux dernières versions du personnage sont perçues comme anormales, voire monstrueuses. L’opposition entre mère et fille est interprétée comme l’opposition entre deux monstuosités, celle de l’adultère et celle de la fille chaste au point de refuser le mariage (on rapproche le nom d’Électre de l’adjectif ἄλεκτρα, « celle qui ne connaît pas la couche d’un époux »).
  
La jeune fille apparaît dans quelques ''Agamemnon'' du XVIe siècle, inspirés de Sénèque. Sophocle reste la source principale des auteurs modernes qui mettent Électre en scène, bien qu'il reste méconnu jusqu'à une date très tardive (la traduction de Lazare de Baïf, en 1537, suscite peu d’émules, et il faut attendre André Dacier, en 1692, puis le père Brumoy en 1730, pour voir de nouveau la pièce traduite). Dacier résume la difficulté posée par le personnage, lorsqu’il avoue : « Je suis persuadé que le sujet de cette pièce paroîtra aujourd’huy trop horrible, et que l’on ne pourra souffrir un fils qui tue sa mère, et une fille qui exhorte son frère à ce meurtre. […] il est certain que cette action seroit trop atroce pour notre théâtre, et qu’elle ne réussiroit point du tout » (Dacier, ''Électre'', 1692, p. 253-254). Trop « atroce », l’action ne convient pas à une jeune fille au moment où La Mesnardière réclame une stricte adéquation entre la qualité du personnage (son statut de jeune fille) et son ethos (le caractère rancunier d’Électre). Selon lui, « pour la propriété des mœurs, le poëte doit considérer qu’il ne faut jamais introduire sans nécessité absolue […] une fille vaillante » (''Poétique'', p. 137). La dureté d’Électre, au moment du matricide, suscite chez Dacier le commentaire suivant : « ce caractère est trop outré » et le spectateur ne peut que ressentir de « l’horreur » à la vue d’une « fille qui exhorte si inhumainement son frère à plonger le poignard dans le sein de sa mère » (p. 500).
 
  
Cependant, les traductions de Dacier et de Brumoy, mieux diffusées, inaugurent un siècle de réécritures constantes de la pièce, qui contrastent avec le silence gêné des siècles précédents. Si les pièces de Pradon (1677, non publiée) et de Longepierre (1702) rencontrent peu de succès, le texte de Crébillon (1708) demeure sur le théâtre jusqu’à la fin du siècle et inspire en réaction un Oreste à Voltaire (1750). Électre, incarnée par Mlle Clairon, est l’instrument de la réapparition, sur le théâtre, de la tragédie « à la grecque », sans amour et en costume antique. Mais la jeune fille est également, à partir de Voltaire, une figure politique, la seule capable de guider le peuple pour renverser les tyrans et de légitimer son frère Oreste – ce qui explique peut-être son succès à l’époque révolutionnaire. Électre est ainsi l’une des premières figures féminines à se détacher des intrigues amoureuses tant appréciées du théâtre classique, pour porter des valeurs plus politiques. Elle introduit ainsi une réorientation des options dramaturgiques qui s’offraient dans le traitement des rôles féminins. Enfin, dans son opposition à sa sœur Chrysothémis, elle est la jeune fille qui rejette les commodités d’une vie de plaisir pour conserver la liberté de clamer ses revendications.
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La jeune fille apparaît dans quelques ''Agamemnon'' du XVIe siècle, inspirés de Sénèque. Sophocle reste la source principale des auteurs modernes qui mettent Électre en scène, bien qu'il reste méconnu jusqu'à une date très tardive (la traduction de Lazare de Baïf, en 1537, suscite peu d’émules, et il faut attendre André Dacier, en 1692, puis le père Brumoy en 1730, pour voir de nouveau la pièce traduite). Dacier résume la difficulté posée par le personnage, lorsqu’il avoue : « Je suis persuadé que le sujet de cette pièce paroîtra aujourd’huy trop horrible, et que l’on ne pourra souffrir un fils qui tue sa mère, et une fille qui exhorte son frère à ce meurtre. […] il est certain que cette action seroit trop atroce pour notre théâtre, et qu’elle ne réussiroit point du tout » (Dacier, ''Électre'', 1692, p. 253-254). La dureté d’Électre, au moment du matricide, suscite chez Dacier le commentaire suivant : « ce caractère est trop outré » et le spectateur ne peut que ressentir de « l’horreur » à la vue d’une « fille qui exhorte si inhumainement son frère à plonger le poignard dans le sein de sa mère » (p. 500). Trop « atroce », l’action ne convient pas à une jeune fille au moment où La Mesnardière réclame une stricte adéquation entre la qualité du personnage (son statut de jeune fille) et son ethos (le caractère rancunier d’Électre). Selon lui, « pour la propriété des mœurs, le poëte doit considérer qu’il ne faut jamais introduire sans nécessité absolue […] une fille vaillante » (''Poétique'', p. 137).
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Cependant, les traductions de Dacier et de Brumoy, mieux diffusées, inaugurent un siècle de réécritures constantes de la pièce, qui contrastent avec le silence gêné des siècles précédents. Si les pièces de Pradon (1677, non publiée) et de Longepierre (1702) rencontrent peu de succès, le texte de Crébillon (1708) demeure sur le théâtre jusqu’à la fin du siècle et inspire en réaction un ''Oreste'' à Voltaire (1750), qui restera également extrêmement populaire pendant tout le XVIIIe siècle. Chez Voltaire, Électre est incarnée par Mlle Clairon : elle est l’instrument de la réapparition, sur le théâtre, de la tragédie « à la grecque », sans amour et en costume antique. Mais la jeune fille est également, à partir de Voltaire, une figure politique, la seule capable de guider le peuple pour renverser les tyrans et de légitimer son frère Oreste – ce qui explique peut-être son succès à l’époque révolutionnaire. Certes, il n'y a plus de nouvelles adaptations entre une pièce de Rocherfort datant de 1783 et une autre de Jean-Charles Thilorier datant de 1808, mais le succès des pièces de Crébillon et de Voltaire est inaltérable. Électre est ainsi l’une des premières figures féminines à se détacher des intrigues amoureuses tant appréciées du théâtre classique, pour porter des valeurs plus politiques. Elle introduit ainsi une réorientation des options dramaturgiques qui s’offraient dans le traitement des rôles féminins. Enfin, dans son opposition à sa sœur Chrysothémis, elle est la jeune fille qui rejette les commodités d’une vie de plaisir pour conserver la liberté de clamer ses revendications.
  
 
== Bibliographie sélective ==
 
== Bibliographie sélective ==

Version actuelle en date du 4 décembre 2018 à 17:16

Électre
Biographie
Naissance Epoque de la Guerre de Troie
Région d'origine Mycènes, Argos
Dénomination(s) Électre
Electra
Elektra
Conjoint(s) Pylade (ou aucun)
Activités
Domaines de notoriété Personnage de théâtre grec




Sources antiques principales

Homère mentionne le mythe lorsqu’il fait allusion aux personnages d’Oreste et de Clytemnestre (Odyssée, I. 29-43), sans nommer Électre. Elle est mentionnée chez Hésiode, dans un vers peut-être interpolé (Catalogue des femmes, Fr. 23a, éd. West, v. 13-30). Eschyle consacre à l’histoire de la jeune fille sa pièce les Choéphores (458) ; Sophocle et Euripide écrivent chacun une Électre. On retrouve brièvement la jeune fille dans les derniers vers de l'Agamemnon de Sénèque (v. 910-1000).


Article de Marie Saint-Martin, 2012

Électre est une fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, sœur d’Oreste (Atrides), belle-fille d’Égishte. Après le meurtre de son père Agamemnon, Électre sauve la vie de son jeune frère, Oreste, menacé par l'assassin, Égisthe, qui devient le nouvel époux de sa mère Clytemnestre. Elle attend ensuite des années durant le retour de ce frère vengeur contraint à l'exil, soumise à la tyrannie de son beau-père. Dans certaines versions, elle aide Oreste à tuer Clytemnestre et Égisthe.

Électre connaît dès l’époque antique plusieurs avatars. La jeune fille, chez Eschyle, conserve sa pudeur virginale et rentre à l’intérieur du palais dès l’arrivée de son frère. Chez Sophocle, elle est plus vindicative et s’oppose à Clytemnestre dans un affrontement verbal brutal. Elle incite Oreste à « frapper une deuxième fois » cette mère haïe. Chez Euripide, Électre va jusqu'à tenir le glaive en même temps que son frère. Très rapidement, ces deux dernières versions du personnage sont perçues comme anormales, voire monstrueuses. L’opposition entre mère et fille est interprétée comme l’opposition entre deux monstuosités, celle de l’adultère et celle de la fille chaste au point de refuser le mariage (on rapproche le nom d’Électre de l’adjectif ἄλεκτρα, « celle qui ne connaît pas la couche d’un époux »).


La jeune fille apparaît dans quelques Agamemnon du XVIe siècle, inspirés de Sénèque. Sophocle reste la source principale des auteurs modernes qui mettent Électre en scène, bien qu'il reste méconnu jusqu'à une date très tardive (la traduction de Lazare de Baïf, en 1537, suscite peu d’émules, et il faut attendre André Dacier, en 1692, puis le père Brumoy en 1730, pour voir de nouveau la pièce traduite). Dacier résume la difficulté posée par le personnage, lorsqu’il avoue : « Je suis persuadé que le sujet de cette pièce paroîtra aujourd’huy trop horrible, et que l’on ne pourra souffrir un fils qui tue sa mère, et une fille qui exhorte son frère à ce meurtre. […] il est certain que cette action seroit trop atroce pour notre théâtre, et qu’elle ne réussiroit point du tout » (Dacier, Électre, 1692, p. 253-254). La dureté d’Électre, au moment du matricide, suscite chez Dacier le commentaire suivant : « ce caractère est trop outré » et le spectateur ne peut que ressentir de « l’horreur » à la vue d’une « fille qui exhorte si inhumainement son frère à plonger le poignard dans le sein de sa mère » (p. 500). Trop « atroce », l’action ne convient pas à une jeune fille au moment où La Mesnardière réclame une stricte adéquation entre la qualité du personnage (son statut de jeune fille) et son ethos (le caractère rancunier d’Électre). Selon lui, « pour la propriété des mœurs, le poëte doit considérer qu’il ne faut jamais introduire sans nécessité absolue […] une fille vaillante » (Poétique, p. 137).

Cependant, les traductions de Dacier et de Brumoy, mieux diffusées, inaugurent un siècle de réécritures constantes de la pièce, qui contrastent avec le silence gêné des siècles précédents. Si les pièces de Pradon (1677, non publiée) et de Longepierre (1702) rencontrent peu de succès, le texte de Crébillon (1708) demeure sur le théâtre jusqu’à la fin du siècle et inspire en réaction un Oreste à Voltaire (1750), qui restera également extrêmement populaire pendant tout le XVIIIe siècle. Chez Voltaire, Électre est incarnée par Mlle Clairon : elle est l’instrument de la réapparition, sur le théâtre, de la tragédie « à la grecque », sans amour et en costume antique. Mais la jeune fille est également, à partir de Voltaire, une figure politique, la seule capable de guider le peuple pour renverser les tyrans et de légitimer son frère Oreste – ce qui explique peut-être son succès à l’époque révolutionnaire. Certes, il n'y a plus de nouvelles adaptations entre une pièce de Rocherfort datant de 1783 et une autre de Jean-Charles Thilorier datant de 1808, mais le succès des pièces de Crébillon et de Voltaire est inaltérable. Électre est ainsi l’une des premières figures féminines à se détacher des intrigues amoureuses tant appréciées du théâtre classique, pour porter des valeurs plus politiques. Elle introduit ainsi une réorientation des options dramaturgiques qui s’offraient dans le traitement des rôles féminins. Enfin, dans son opposition à sa sœur Chrysothémis, elle est la jeune fille qui rejette les commodités d’une vie de plaisir pour conserver la liberté de clamer ses revendications.

Bibliographie sélective

Brunel, Pierre : Pour Électre,  Paris, Colin, 1982, repris dans Le Mythe d'Électre, Paris, Honoré Champion, 1995.

Moreau, Alain : « Naissance d’Électre  », Pallas, Revue d’études antiques, 1984, XXXI, p. 63 à 82.

Dupont, Florence : L’insignifiance tragique, Paris, Le Promeneur, 2001.

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