Julie de Lespinasse : Différence entre versions
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* Sainte-Beuve (Charles Augustin de), « Lettres de Mlle de Lespinasse », dans ''Causeries du lundi'', Paris, Garnier, 1857, t.II, p.121-152. | * Sainte-Beuve (Charles Augustin de), « Lettres de Mlle de Lespinasse », dans ''Causeries du lundi'', Paris, Garnier, 1857, t.II, p.121-152. | ||
* Ségur, Pierre de, ''Julie de Lespinasse'', Paris, C-Lévy, 1906. | * Ségur, Pierre de, ''Julie de Lespinasse'', Paris, C-Lévy, 1906. | ||
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+ | == Choix iconographique == | ||
+ | *1760 : Louis Carrogis de Carmontelle, ''Portrait de Mlle Julie de Lespinasse'', mine de plomb, sanguine, aquarelle, gouache, papier, H. 28 X l. 17.5, Chantilly, Musée Condé (Inv. CAR 289) -- Lettres, éd. établie et présentée par Jacques Dupont, Paris, La Table Ronde, 1997. | ||
+ | * s.d. : Jean-Marc Nattier ( ?), ''Portrait présumé de Julie de Lespinasse'', huile sur toile, 40.9 X 33.6, Musée des Beaux-Arts de La Rochelle. | ||
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+ | == Jugements == | ||
+ | * « L’excellence de votre ton ne serait point un éloge pour une personne née de la cour […] en vous c’est un mérite très réel, et même très rare ; vous l’avez apporté du fond de votre province, où vous n’aviez trouvé personne qui vous l’enseignât. Vous étiez sur ce point aussi parfaite le lendemain de votre arrivée à Paris que vous l’êtes aujourd’hui » (D’Alembert, 1771, cité par Janine Bouissounouse, ''Julie de Lespinasse, ses amitiés, sa passion'', Paris, Hachette, 1958, p. 45). | ||
+ | * « À la mémoire de Claire-Françoise de Lespinasse, enlevée, le 23 mai 1776, à ses amis dont elle faisait le bonheur […]. Elle mourut à l’âge de 42 ans. Mais si penser, aimer et souffrir, est ce qui compose la vie, elle vécut dans ce petit nombre d’années plusieurs siècles » (Comte de Guibert, « Éloge d’Eliza », dans ''Lettres de Mademoiselle de Lespinasse, précédées d’une notice de Sainte-Beuve, suivies d’un choix de textes de Julie de Lespinasse, d’Alembert et J.-A.-H. de Guibert'', Plan-de-la-Tour, Éd. d’Aujourd’hui, 1978, p.419). | ||
+ | * « Mademoiselle de Lespinasse est morte cette nuit à deux heures après minuit ; ç’aurait été pour moi autrefois un événement, aujourd’hui, ce n’est rien du tout. » (Mme du Deffand, 22 mai 1776, ''Lettres de la Marquise du Deffand à Horace Walpole'' ''(1766-1780)''. Première édition complète, augmentée d'environ 500 lettres inédites, publiées d'après les originaux, avec une introduction, des notes et une table des noms par Mrs Paget Toynbee, Londres, Methuen et Cie, 3 vol., 1912, t. III, lettre 585, p. 218). | ||
+ | * « À propos des grâces, parlons d'une personne qui en avait tous les dons dans l'esprit et dans le langage, et qui était la seule femme que Mme Geoffrin eût admise à son dîner des gens de lettres ; c'était l'amie de d'Alembert, Mlle de Lespinasse, étonnant composé de bienséance, de raison, de sagesse, avec la tête la plus vive, l'âme la plus ardente, l'imagination la plus inflammable qui ait existé depuis Sapho. Ce feu qui circulait dans ses veines et dans ses nerfs, et qui donnait à son esprit tant d'activité, de brillant et de charme, l'a consumée avant le temps. Je dirai dans la suite quels regrets elle nous laissa. Je ne marque ici que la place qu'elle occupait à nos dîners, où sa présence était d'un intérêt inexprimable. Continuel objet d'attention, soit qu'elle écoutât, soit qu'elle parlât elle-même (et personne ne parlait mieux), sans coquetterie, elle nous inspirait l'innocent désir de lui plaire ; sans pruderie, elle faisait sentir à la liberté des propos jusqu'où elle pouvait aller sans inquiéter la pudeur et sans effleurer la décence. […] Nulle part la conversation n'était plus vive, ni plus brillante, ni mieux réglée que chez elle. C'était un rare phénomène que ce degré de chaleur tempérée et toujours égale où elle savait l'entretenir, soit en la modérant, soit en l'animant tour à tour. La continuelle activité de son âme se communiquait à nos esprits, mais avec mesure; son imagination en était le mobile, sa raison le régulateur. […] Son talent de jeter en avant la pensée et de la donner à débattre à des hommes de cette classe ; son talent de la discuter elle-même, et, comme eux, avec précision, quelquefois avec éloquence ; son talent d'amener de nouvelles idées et de varier l’entretien, toujours avec l'aisance et la facilité d'une fée qui, d'un coup de baguette, change à son gré la scène de ses enchantements ; ce talent, dis-je, n'était pas celui d'une femme vulgaire. Ce n'était pas avec les niaiseries de la mode et de la vanité que, tous les jours, durant quatre heures de conversation, sans langueur et sans vide, elle savait se rendre intéressante pour un cercle de bons esprits. Il est vrai que l'un de ses charmes était ce naturel brûlant qui passionnait son langage, et qui communiquait à ses opinions la chaleur, l'intérêt, l'éloquence du sentiment. Souvent aussi chez elle, et très souvent, la raison s'égayait ; une douce philosophie s'y permettait un léger badinage […] » (Jean-François Marmontel, ''Mémoires'' [1799], publiés avec préface, note et table par Maurice Tourneux, t. II, Paris, Librairie des bibliophiles, 1891, livre VI, p. 94-95 et livre VII, p. 229-230). | ||
+ | * « Ainsi tout pour elle se rapporte à la passion, tout l’y ramène, et c'est la passion seule qui donne la clé de ce cœur étrange et de cette destinée si combattue. Le mérite inappréciable des lettres de Mlle de Lespinasse, c'est qu'on n’éprouve point ce que l'on trouve dans les livres ni dans les romans ; on y a le drame pur au naturel, tel qu'il se révèle çà et là chez quelques êtres doués : la surface de la vie tout à coup se déchire, et on lit à nu. Il est impossible de rencontrer de tels êtres, victimes d'une passion sacrée et capables d'une douleur si généreuse, sans éprouver un sentiment de respect et d'admiration, au milieu de la profonde pitié qu'ils inspirent » (Charles Augustin de Sainte-Beuve, « Lettres de Mlle de Lespinasse », voir supra, « Choix bibliographique », p.141). | ||
+ | * « Authentiquement malheureuse, Mlle de Lespinasse se veut l’héroïne d’un roman ou d’une tragédie du malheur parfait » (Robert Mauzi, « Les Maladies de l’âme au XVIIIème siècle », ''Revue des Sciences humaines'', 1960, p. 481). | ||
+ | * « La plus romanesque apothéose qui soit, celle de la mort par amour. Personne n’a encore envisagé le texte de Julie comme un texte littéraire. Son œuvre appartient au genre du roman à formule monophonique. […] Julie de Lespinasse est un écrivain de génie qui a su « arranger » les péripéties de son existence de femme pour la rédaction d’un superbe roman d’amour et de mort. » (Jean-Noël Pascal, ''Le Soliloque de la passion féminine ou le dialogue illusoire : étude d’une formule monophonique de la littérature épistolaire'', Études littéraires françaises, n°12, Tübingen, G. Narr et Paris, J. M. Place, 1982, p.102). | ||
+ | * « Lespinasse […] sought to differenciate herself as a superior but tragic heroïne. Critical efforts have focused on her transformation into a literary figure, bridging the gap between truth and fiction and acting out a feminine destiny of love, abandonment, suffering and death. However, in her writing, Lespinasse refused the role of victim. Writing, for her, constituted a source of strength and self-realization within masculine power structures. The letters explore the parameters of a woman’s search of truth, focusing on Lespinasse’s ability to express herself and interpret feelings » (Felicia B. Sturzer, « Lespinasse, Julie-Jeanne-Eléonore (1732-1776 », in Eva Martin Sartori ed., ''The Feminist Encyclopedia of French Literature'', Westport (Conn.), Greenwood Press, 1999, p. 321). | ||
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Version actuelle en date du 2 mars 2018 à 16:39
Julie de Lespinasse | ||
Dénomination(s) | Mademoiselle de Lespinasse | |
---|---|---|
Biographie | ||
Date de naissance | 1732 | |
Date de décès | 1776 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de Bénédicte Peralez Peslier, 2017
Fille présumée de la comtesse Julie d’Albon (1695-1748) et de Gaspard III de Vichy (1699-1781), comte de Champrond et frère de Marie du Deffand, Julie-Jeanne Éléonore de Lespinasse est née à Lyon, le 9 novembre 1732. Son nom de famille est inspiré d’une certaine Alix de L’Espinasse qui aurait apporté une terre à la famille d’Albon, au XVe siècle. Jusqu’à ses seize ans, Mlle de Lespinasse est élevée par sa mère, au château d’Avauges, propriété de la famille d’Albon située dans le Beaujolais. À la mort de celle-ci, elle s’installe à Champrond et prend en charge l’éducation des enfants de Gaspard III et de Diane, sa propre demi-sœur, fille du comte et de la comtesse d’Albon. Studieuse, autodidacte, elle suscite l’intérêt de Mme du Deffand, sa tante par alliance, venue séjourner à Champrond de mai à décembre 1752. La marquise, frappée de cécité, engage Julie comme demoiselle de compagnie, à partir d’avril 1754, et l’emmène à Paris. Dès lors, la jeune femme côtoie les habitués du salon du couvent des Filles de Saint-Joseph, situé rue Saint-Dominique, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Elle ne tarde pas à séduire, par son intelligence et son goût de la conversation, tout ce cercle et notamment d’Alembert (1717-1783), qui en tombe éperdument amoureux. Peu à peu, les réunions clandestines qui s’organisent chez elle conduisent Mme du Deffand à la congédier, au bout de dix ans, et à renoncer à la compagnie de plusieurs hôtes, tels Marmontel, d’Alembert ou le Président Hénault. Grâce à l’aide financière de quelques protecteurs, parmi lesquels Mme Geoffrin, Julie finit par tenir son propre salon, à l’angle de la rue Saint-Dominique et de la rue de Bellechasse. Peu à peu, ses réunions deviennent le lieu de rassemblement des philosophes, en particulier des Encyclopédistes. Elles attirent également des diplomates et des militaires. C’est ainsi qu’en 1766, Julie rencontre Don José y Gonzaga, marquis de Mora (1744–1774), fils du comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne en France. Épris d’elle, le marquis doit renoncer à l’épouser en raison de la désapprobation de ses ambitieux parents. En outre, la tuberculose le frappe et l’astreint au repos le plus strict en Espagne, l’éloignant de Julie. De cette idylle, qui s’achève à la mort du marquis, en 1774, il ne reste que les témoignages pétris de tendresse et de culpabilité que Julie adresse par lettres à Jacques Antoine Hyppolite de Guibert (1743-1790). Célèbre pour son Essai général de tactique publié en Angleterre en 1770, le comte fait la connaissance de Lespinasse en septembre 1772, au Moulin-Joli, dans le Val d’Oise, chez Henri Watelet. Il partage avec elle le goût du théâtre et de l’opéra, obtenant d’elle un soutien sans faille pour faire couronner son Éloge de Catinat par l’Académie, en 1775. Cependant, le comte est loin de vouer à Julie la passion exclusive qu’elle éprouve pour lui. Le décès de Mora, le mariage de Guibert avec Alexandrine-Louise de Courcelles, le 1er juin 1775, et les symptômes de la tuberculose plongent Mlle de Lespinasse dans une telle détresse qu’elle tente de s’empoisonner. Sa passion pour Guibert restera clandestine, comme ses lettres d’ailleurs, que d’Alembert découvrira avec consternation, à la mort de la jeune femme, survenue le 23 mai 1776.
Mlle de Lespinasse a laissé à la postérité deux visages : celui de l’amante éplorée dont les nombreuses éditions de sa correspondance déclinent les accents lyriques. C’est à ce titre qu’elle incarne tour à tour la nouvelle Sapho, la Phèdre d’Euripide, la Médée d’Apollonius de Rhodes, la Didon de Virgile et l’Ariane de Catulle (selon Sainte-Beuve, « Lettres de Mlle de Lespinasse »). Cette image a donné lieu à plusieurs études à caractère psychologique comparant son chant à la monodie de la Religieuse portugaise. Sa fin tragique a été immortalisée par l’hommage posthume que lui a rendu Guibert dans l’Éloge d’Éliza et par deux textes rédigés par d’Alembert : Aux Mânes de Mademoiselle de Lespinasse et Sur la Tombe de Mademoiselle de Lespinasse.
Tardivement exhumées et publiées, ses lettres rendent également justice à une autre facette de l’épistolière : son érudition et son intelligence lui ont permis d’être surnommée, certes avec mépris, la « Muse de l’Encyclopédie » par Mme du Deffand dans ses Lettres à Horace Walpole, 1766-1780. Mlle de Lespinasse donne avec brio la réplique au médecin Bordeu dans Le Rêve de d’Alembert de Diderot (1769), s’interrogeant sur les aspects philosophiques et scientifiques de la thèse matérialiste de l’auteur. En quête de sa vérité, Lespinasse a d’ailleurs toujours refusé la posture de victime que lui a longtemps attribuée la critique.
Œuvres
- Suite du Voyage sentimental de Sterne, dans le style du Voyage sentimental à travers la France et l’Italie (1768), dans Œuvres complètes de d’Alembert, t. II, Paris, Pougens, 1799, p.22 sqq.
- Lettres écrites depuis l’année 1773 jusqu’à l’année 1776, suivies de deux chapitres dans le genre du Voyage sentimental de Sterne par le même auteur, Paris, L. Collin, 1809.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, écrites depuis l’année 1773 jusqu’à l’année 1776, suivies de deux chapitres dans le genre du Voyage sentimental de Sterne, par le même auteur, augmentées de son Éloge sous le nom d’Eliza par le Comte de Guibert, et de deux opuscules de d’Alembert, édition établie par la comtesse de Guibert, Paris, Longchamp, 1811 ; Ménard et Desenne Fils, 1815.
- Nouvelles lettres de Mlle de Lespinasse, suivies du « Portrait de M. de Mora » et d’autres opuscules inédits du même auteur, Paris, Maradan, 1820.
- Apologie d’une pauvre personne accablée, opprimée par ses amis, publiée pour la première fois dans les Nouvelles lettres de Mlle de Lespinasse, suivies du « Portrait de M. de Mora » et d’autres opuscules inédits du même auteur, Paris, Maradan, 1820, p.275-292.
- Nouvelles lettres de Mlle de Lespinasse, avec une notice biographique de Jules Janin (documents apocryphes et authentiques), Paris, Amyot, 1847.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, nouvelle édition augmentée de dix lettres inédites, accompagnée d’une notice sur la vie de Mlle de Lespinasse et sur sa société, de notes et d’un index analytique, par Gustave Isambert, Paris, A. Lemerre, 1876.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, suivies de ses autres œuvres et de lettres de Mme du Deffand, de Turgot, de Bernardin de Saint-Pierre, revues sur les éditions originales, augmentées de variantes, de nombreuses notes, d’un appendice comprenant les écrits de d’Alembert, de Guibert, de Voltaire, de Frédéric II, sur Mlle de Lespinasse, d’un index, et précédées d’une notice bibliographique et littéraire par Eugène Asse, Paris, Charpentier, 1876 -- 1994.
- Lettres inédites de Mlle de Lespinasse à Condorcet, à d’Alembert, à Guibert, au comte de Crillon, publiées avec des lettres de ses amis, des documents nouveaux et une étude par Charles Henry, Paris, E. Dentu, 1887.
- Lettres choisies de Mlle de Lespinasse, précédées d’une notice et d’une étude par M.E. de Pompéry, Paris, Librairie de la bibliothèque nationale, 1889.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, précédées d’une notice de Sainte-Beuve et suivies des autres écrits de l’auteur et des principaux documents qui le concernent, Paris, Garnier Frères, 1893.
- Correspondance entre Mlle de Lespinasse et le comte de Guibert, publiée pour la première fois d’après le texte original, par le comte de Villeneuve-Guibert, Paris, C-Lévy, 1906.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, Paris, A. Michel, 1923.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, avec une préface d’Henry Frichet, Paris, Les œuvres galantes, 1924.
- Letters to and from Madame du Deffand and Julie de Lespinasse, éd. Warren Hunting Smith, New Haven, Conn., Yale University press, 1938.
- Les plus belles lettres de Mlle de Lespinasse, présentée par Claude Roy, Paris, C-Lévy, 1962.
- Lettres inédites à Condorcet, à d’Alembert, à Guibert, au comte de Crillon, publiées avec des lettres de ses amis, des documents nouveaux et une étude par Charles Henry, Genève, Slatkine et Paris, Champion, 1971.
- Lettres de Mlle de Lespinasse, précédées d’une notice de Sainte-Beuve, suivies d’un choix de textes de Julie de Lespinasse, d’Alembert et J.A.H. de Guibert, Plan-de la-Tour, Ed. d’Aujourd’hui, 1978.
- Lettres à Condorcet, suivies du Portrait de Condorcet, éd. présentée et annotée par Jean-Noël Pascal, Paris, Desjonquères, 1990.
- Mon ami, je vous aime ; choix de lettres de Julie de Lespinasse, éd. présentée par Chantal Thomas, Paris, Mercure de France, 1996.
- Lettres, éd. établie et présentée par Jacques Dupont, Paris, La Table Ronde, 1997.
- Je vous aime avec excès, folie, transport et désespoir, préface de Marie-Christine d'Aragon, Bruxelles, A. Versaille, 2010.
Choix bibliographique
- Bouissounouse, Janine, Julie de Lespinasse, ses amitiés, sa passion, Paris, Hachette, 1958.
- Castries, René de la Croix de, Julie de Lespinasse, le drame d’un double amour, Paris, A. Michel, 1985.
- Lacouture, Jean, Aragon Marie Christine d’, Julie de Lespinasse : mourir d’amour, Paris, Ramsay, 1980.
- Sainte-Beuve (Charles Augustin de), « Lettres de Mlle de Lespinasse », dans Causeries du lundi, Paris, Garnier, 1857, t.II, p.121-152.
- Ségur, Pierre de, Julie de Lespinasse, Paris, C-Lévy, 1906.
Choix iconographique
- 1760 : Louis Carrogis de Carmontelle, Portrait de Mlle Julie de Lespinasse, mine de plomb, sanguine, aquarelle, gouache, papier, H. 28 X l. 17.5, Chantilly, Musée Condé (Inv. CAR 289) -- Lettres, éd. établie et présentée par Jacques Dupont, Paris, La Table Ronde, 1997.
- s.d. : Jean-Marc Nattier ( ?), Portrait présumé de Julie de Lespinasse, huile sur toile, 40.9 X 33.6, Musée des Beaux-Arts de La Rochelle.
Jugements
- « L’excellence de votre ton ne serait point un éloge pour une personne née de la cour […] en vous c’est un mérite très réel, et même très rare ; vous l’avez apporté du fond de votre province, où vous n’aviez trouvé personne qui vous l’enseignât. Vous étiez sur ce point aussi parfaite le lendemain de votre arrivée à Paris que vous l’êtes aujourd’hui » (D’Alembert, 1771, cité par Janine Bouissounouse, Julie de Lespinasse, ses amitiés, sa passion, Paris, Hachette, 1958, p. 45).
- « À la mémoire de Claire-Françoise de Lespinasse, enlevée, le 23 mai 1776, à ses amis dont elle faisait le bonheur […]. Elle mourut à l’âge de 42 ans. Mais si penser, aimer et souffrir, est ce qui compose la vie, elle vécut dans ce petit nombre d’années plusieurs siècles » (Comte de Guibert, « Éloge d’Eliza », dans Lettres de Mademoiselle de Lespinasse, précédées d’une notice de Sainte-Beuve, suivies d’un choix de textes de Julie de Lespinasse, d’Alembert et J.-A.-H. de Guibert, Plan-de-la-Tour, Éd. d’Aujourd’hui, 1978, p.419).
- « Mademoiselle de Lespinasse est morte cette nuit à deux heures après minuit ; ç’aurait été pour moi autrefois un événement, aujourd’hui, ce n’est rien du tout. » (Mme du Deffand, 22 mai 1776, Lettres de la Marquise du Deffand à Horace Walpole (1766-1780). Première édition complète, augmentée d'environ 500 lettres inédites, publiées d'après les originaux, avec une introduction, des notes et une table des noms par Mrs Paget Toynbee, Londres, Methuen et Cie, 3 vol., 1912, t. III, lettre 585, p. 218).
- « À propos des grâces, parlons d'une personne qui en avait tous les dons dans l'esprit et dans le langage, et qui était la seule femme que Mme Geoffrin eût admise à son dîner des gens de lettres ; c'était l'amie de d'Alembert, Mlle de Lespinasse, étonnant composé de bienséance, de raison, de sagesse, avec la tête la plus vive, l'âme la plus ardente, l'imagination la plus inflammable qui ait existé depuis Sapho. Ce feu qui circulait dans ses veines et dans ses nerfs, et qui donnait à son esprit tant d'activité, de brillant et de charme, l'a consumée avant le temps. Je dirai dans la suite quels regrets elle nous laissa. Je ne marque ici que la place qu'elle occupait à nos dîners, où sa présence était d'un intérêt inexprimable. Continuel objet d'attention, soit qu'elle écoutât, soit qu'elle parlât elle-même (et personne ne parlait mieux), sans coquetterie, elle nous inspirait l'innocent désir de lui plaire ; sans pruderie, elle faisait sentir à la liberté des propos jusqu'où elle pouvait aller sans inquiéter la pudeur et sans effleurer la décence. […] Nulle part la conversation n'était plus vive, ni plus brillante, ni mieux réglée que chez elle. C'était un rare phénomène que ce degré de chaleur tempérée et toujours égale où elle savait l'entretenir, soit en la modérant, soit en l'animant tour à tour. La continuelle activité de son âme se communiquait à nos esprits, mais avec mesure; son imagination en était le mobile, sa raison le régulateur. […] Son talent de jeter en avant la pensée et de la donner à débattre à des hommes de cette classe ; son talent de la discuter elle-même, et, comme eux, avec précision, quelquefois avec éloquence ; son talent d'amener de nouvelles idées et de varier l’entretien, toujours avec l'aisance et la facilité d'une fée qui, d'un coup de baguette, change à son gré la scène de ses enchantements ; ce talent, dis-je, n'était pas celui d'une femme vulgaire. Ce n'était pas avec les niaiseries de la mode et de la vanité que, tous les jours, durant quatre heures de conversation, sans langueur et sans vide, elle savait se rendre intéressante pour un cercle de bons esprits. Il est vrai que l'un de ses charmes était ce naturel brûlant qui passionnait son langage, et qui communiquait à ses opinions la chaleur, l'intérêt, l'éloquence du sentiment. Souvent aussi chez elle, et très souvent, la raison s'égayait ; une douce philosophie s'y permettait un léger badinage […] » (Jean-François Marmontel, Mémoires [1799], publiés avec préface, note et table par Maurice Tourneux, t. II, Paris, Librairie des bibliophiles, 1891, livre VI, p. 94-95 et livre VII, p. 229-230).
- « Ainsi tout pour elle se rapporte à la passion, tout l’y ramène, et c'est la passion seule qui donne la clé de ce cœur étrange et de cette destinée si combattue. Le mérite inappréciable des lettres de Mlle de Lespinasse, c'est qu'on n’éprouve point ce que l'on trouve dans les livres ni dans les romans ; on y a le drame pur au naturel, tel qu'il se révèle çà et là chez quelques êtres doués : la surface de la vie tout à coup se déchire, et on lit à nu. Il est impossible de rencontrer de tels êtres, victimes d'une passion sacrée et capables d'une douleur si généreuse, sans éprouver un sentiment de respect et d'admiration, au milieu de la profonde pitié qu'ils inspirent » (Charles Augustin de Sainte-Beuve, « Lettres de Mlle de Lespinasse », voir supra, « Choix bibliographique », p.141).
- « Authentiquement malheureuse, Mlle de Lespinasse se veut l’héroïne d’un roman ou d’une tragédie du malheur parfait » (Robert Mauzi, « Les Maladies de l’âme au XVIIIème siècle », Revue des Sciences humaines, 1960, p. 481).
- « La plus romanesque apothéose qui soit, celle de la mort par amour. Personne n’a encore envisagé le texte de Julie comme un texte littéraire. Son œuvre appartient au genre du roman à formule monophonique. […] Julie de Lespinasse est un écrivain de génie qui a su « arranger » les péripéties de son existence de femme pour la rédaction d’un superbe roman d’amour et de mort. » (Jean-Noël Pascal, Le Soliloque de la passion féminine ou le dialogue illusoire : étude d’une formule monophonique de la littérature épistolaire, Études littéraires françaises, n°12, Tübingen, G. Narr et Paris, J. M. Place, 1982, p.102).
- « Lespinasse […] sought to differenciate herself as a superior but tragic heroïne. Critical efforts have focused on her transformation into a literary figure, bridging the gap between truth and fiction and acting out a feminine destiny of love, abandonment, suffering and death. However, in her writing, Lespinasse refused the role of victim. Writing, for her, constituted a source of strength and self-realization within masculine power structures. The letters explore the parameters of a woman’s search of truth, focusing on Lespinasse’s ability to express herself and interpret feelings » (Felicia B. Sturzer, « Lespinasse, Julie-Jeanne-Eléonore (1732-1776 », in Eva Martin Sartori ed., The Feminist Encyclopedia of French Literature, Westport (Conn.), Greenwood Press, 1999, p. 321).