Julie de Lespinasse : Différence entre versions
De SiefarWikiFr
[version vérifiée] | [version vérifiée] |
Ligne 3 : | Ligne 3 : | ||
| titres = | | titres = | ||
| conjoints = | | conjoints = | ||
− | | dénominations = | + | | dénominations = Mademoiselle de Lespinasse |
| naissance = 1732 | | naissance = 1732 | ||
| décès = 1776 | | décès = 1776 | ||
Ligne 9 : | Ligne 9 : | ||
| enligne = | | enligne = | ||
}} | }} | ||
+ | __FORCETOC__ | ||
− | == Notice == | + | == Notice de [[Bénédicte Peralez Peslier]], 2017 == |
− | + | ||
+ | Fille présumée de la comtesse Julie d’Albon (1695-1748) et de Gaspard III de Vichy (1699-1781), comte de Champrond et frère de Marie du Deffand, Julie-Jeanne Éléonore de Lespinasse est née à Lyon, le 9 novembre 1732. Son nom de famille est inspiré d’une certaine Alix de L’Espinasse qui aurait apporté une terre à la famille d’Albon, au XVe siècle. Jusqu’à ses seize ans, Mlle de Lespinasse est élevée par sa mère, au château d’Avauges, propriété de la famille d’Albon située dans le Beaujolais. À la mort de celle-ci, elle s’installe à Champrond et prend en charge l’éducation des enfants de Gaspard III et de Diane, sa propre demi-sœur, fille du comte et de la comtesse d’Albon. Studieuse, autodidacte, elle suscite l’intérêt de Mme du Deffand, sa tante par alliance, venue séjourner à Champrond de mai à décembre 1752. La marquise, frappée de cécité, engage Julie comme demoiselle de compagnie, à partir d’avril 1754, et l’emmène à Paris. Dès lors, la jeune femme côtoie les habitués du salon du couvent des Filles de Saint-Joseph, situé rue Saint-Dominique, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Elle ne tarde pas à séduire, par son intelligence et son goût de la conversation, tout ce cercle et notamment d’Alembert (1717-1783), qui en tombe éperdument amoureux. Peu à peu, les réunions clandestines qui s’organisent chez elle conduisent Mme du Deffand à la congédier, au bout de dix ans, et à renoncer à la compagnie de plusieurs hôtes, tels Marmontel, d’Alembert ou le Président Hénault. Grâce à l’aide financière de quelques protecteurs, parmi lesquels Mme Geoffrin, Julie finit par tenir son propre salon, à l’angle de la rue Saint-Dominique et de la rue de Bellechasse. Peu à peu, ses réunions deviennent le lieu de rassemblement des philosophes, en particulier des Encyclopédistes. Elles attirent également des diplomates et des militaires. C’est ainsi qu’en 1766, Julie rencontre Don José y Gonzaga, marquis de Mora (1744–1774), fils du comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne en France. Épris d’elle, le marquis doit renoncer à l’épouser en raison de la désapprobation de ses ambitieux parents. En outre, la tuberculose le frappe et l’astreint au repos le plus strict en Espagne, l’éloignant de Julie. De cette idylle, qui s’achève à la mort du marquis, en 1774, il ne reste que les témoignages pétris de tendresse et de culpabilité que Julie adresse par lettres à Jacques Antoine Hyppolite de Guibert (1743-1790). Célèbre pour son ''Essai général de tactique'' publié en Angleterre en 1770, le comte fait la connaissance de Lespinasse en septembre 1772, au Moulin-Joli, dans le Val d’Oise, chez Henri Watelet. Il partage avec elle le goût du théâtre et de l’opéra, obtenant d’elle un soutien sans faille pour faire couronner son Éloge de Catinat par l’Académie, en 1775. Cependant, le comte est loin de vouer à Julie la passion exclusive qu’elle éprouve pour lui. Le décès de Mora, le mariage de Guibert avec Alexandrine-Louise de Courcelles, le 1er juin 1775, et les symptômes de la tuberculose plongent Mlle de Lespinasse dans une telle détresse qu’elle tente de s’empoisonner. Sa passion pour Guibert restera clandestine, comme ses lettres d’ailleurs, que d’Alembert découvrira avec consternation, à la mort de la jeune femme, survenue le 23 mai 1776. <br/> | ||
+ | Mlle de Lespinasse a laissé à la postérité deux visages : celui de l’amante éplorée dont les nombreuses éditions de sa correspondance déclinent les accents lyriques. C’est à ce titre qu’elle incarne tour à tour la nouvelle Sapho, la Phèdre d’Euripide, la Médée d’Apollonius de Rhodes, la Didon de Virgile et l’Ariane de Catulle (selon Sainte-Beuve, « Lettres de Mlle de Lespinasse »). Cette image a donné lieu à plusieurs études à caractère psychologique comparant son chant à la monodie de la ''Religieuse portugaise''. Sa fin tragique a été immortalisée par l’hommage posthume que lui a rendu Guibert dans l’''Éloge d’Éliza'' et par deux textes rédigés par d’Alembert : ''Aux Mânes de Mademoiselle de Lespinasse'' et ''Sur la Tombe de Mademoiselle de Lespinasse''.<br/> | ||
+ | Tardivement exhumées et publiées, ses lettres rendent également justice à une autre facette de l’épistolière : son érudition et son intelligence lui ont permis d’être surnommée, certes avec mépris, la « Muse de l’Encyclopédie » par Mme du Deffand dans ses ''Lettres à Horace Walpole'', 1766-1780. Mlle de Lespinasse donne avec brio la réplique au médecin Bordeu dans ''Le Rêve de d’Alembert de Diderot'' (1769), s’interrogeant sur les aspects philosophiques et scientifiques de la thèse matérialiste de l’auteur. En quête de sa vérité, Lespinasse a d’ailleurs toujours refusé la posture de victime que lui a longtemps attribuée la critique. | ||
{{DEFAULTSORT:Lespinasse, Julie de}} | {{DEFAULTSORT:Lespinasse, Julie de}} | ||
[[Catégorie:Personnage]] | [[Catégorie:Personnage]] | ||
− | [[Catégorie: | + | [[Catégorie:Dictionnaire Siefar]] |
+ | [[Catégorie:Correspondance]] |
Version du 2 mars 2018 à 16:11
Julie de Lespinasse | ||
Dénomination(s) | Mademoiselle de Lespinasse | |
---|---|---|
Biographie | ||
Date de naissance | 1732 | |
Date de décès | 1776 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Bénédicte Peralez Peslier, 2017
Fille présumée de la comtesse Julie d’Albon (1695-1748) et de Gaspard III de Vichy (1699-1781), comte de Champrond et frère de Marie du Deffand, Julie-Jeanne Éléonore de Lespinasse est née à Lyon, le 9 novembre 1732. Son nom de famille est inspiré d’une certaine Alix de L’Espinasse qui aurait apporté une terre à la famille d’Albon, au XVe siècle. Jusqu’à ses seize ans, Mlle de Lespinasse est élevée par sa mère, au château d’Avauges, propriété de la famille d’Albon située dans le Beaujolais. À la mort de celle-ci, elle s’installe à Champrond et prend en charge l’éducation des enfants de Gaspard III et de Diane, sa propre demi-sœur, fille du comte et de la comtesse d’Albon. Studieuse, autodidacte, elle suscite l’intérêt de Mme du Deffand, sa tante par alliance, venue séjourner à Champrond de mai à décembre 1752. La marquise, frappée de cécité, engage Julie comme demoiselle de compagnie, à partir d’avril 1754, et l’emmène à Paris. Dès lors, la jeune femme côtoie les habitués du salon du couvent des Filles de Saint-Joseph, situé rue Saint-Dominique, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Elle ne tarde pas à séduire, par son intelligence et son goût de la conversation, tout ce cercle et notamment d’Alembert (1717-1783), qui en tombe éperdument amoureux. Peu à peu, les réunions clandestines qui s’organisent chez elle conduisent Mme du Deffand à la congédier, au bout de dix ans, et à renoncer à la compagnie de plusieurs hôtes, tels Marmontel, d’Alembert ou le Président Hénault. Grâce à l’aide financière de quelques protecteurs, parmi lesquels Mme Geoffrin, Julie finit par tenir son propre salon, à l’angle de la rue Saint-Dominique et de la rue de Bellechasse. Peu à peu, ses réunions deviennent le lieu de rassemblement des philosophes, en particulier des Encyclopédistes. Elles attirent également des diplomates et des militaires. C’est ainsi qu’en 1766, Julie rencontre Don José y Gonzaga, marquis de Mora (1744–1774), fils du comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne en France. Épris d’elle, le marquis doit renoncer à l’épouser en raison de la désapprobation de ses ambitieux parents. En outre, la tuberculose le frappe et l’astreint au repos le plus strict en Espagne, l’éloignant de Julie. De cette idylle, qui s’achève à la mort du marquis, en 1774, il ne reste que les témoignages pétris de tendresse et de culpabilité que Julie adresse par lettres à Jacques Antoine Hyppolite de Guibert (1743-1790). Célèbre pour son Essai général de tactique publié en Angleterre en 1770, le comte fait la connaissance de Lespinasse en septembre 1772, au Moulin-Joli, dans le Val d’Oise, chez Henri Watelet. Il partage avec elle le goût du théâtre et de l’opéra, obtenant d’elle un soutien sans faille pour faire couronner son Éloge de Catinat par l’Académie, en 1775. Cependant, le comte est loin de vouer à Julie la passion exclusive qu’elle éprouve pour lui. Le décès de Mora, le mariage de Guibert avec Alexandrine-Louise de Courcelles, le 1er juin 1775, et les symptômes de la tuberculose plongent Mlle de Lespinasse dans une telle détresse qu’elle tente de s’empoisonner. Sa passion pour Guibert restera clandestine, comme ses lettres d’ailleurs, que d’Alembert découvrira avec consternation, à la mort de la jeune femme, survenue le 23 mai 1776.
Mlle de Lespinasse a laissé à la postérité deux visages : celui de l’amante éplorée dont les nombreuses éditions de sa correspondance déclinent les accents lyriques. C’est à ce titre qu’elle incarne tour à tour la nouvelle Sapho, la Phèdre d’Euripide, la Médée d’Apollonius de Rhodes, la Didon de Virgile et l’Ariane de Catulle (selon Sainte-Beuve, « Lettres de Mlle de Lespinasse »). Cette image a donné lieu à plusieurs études à caractère psychologique comparant son chant à la monodie de la Religieuse portugaise. Sa fin tragique a été immortalisée par l’hommage posthume que lui a rendu Guibert dans l’Éloge d’Éliza et par deux textes rédigés par d’Alembert : Aux Mânes de Mademoiselle de Lespinasse et Sur la Tombe de Mademoiselle de Lespinasse.
Tardivement exhumées et publiées, ses lettres rendent également justice à une autre facette de l’épistolière : son érudition et son intelligence lui ont permis d’être surnommée, certes avec mépris, la « Muse de l’Encyclopédie » par Mme du Deffand dans ses Lettres à Horace Walpole, 1766-1780. Mlle de Lespinasse donne avec brio la réplique au médecin Bordeu dans Le Rêve de d’Alembert de Diderot (1769), s’interrogeant sur les aspects philosophiques et scientifiques de la thèse matérialiste de l’auteur. En quête de sa vérité, Lespinasse a d’ailleurs toujours refusé la posture de victime que lui a longtemps attribuée la critique.