Marie-Anne Magnan : Différence entre versions
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+ | Fille de Jean-Antoine Magnan, marchand bourgeois, et de Marie-Louise Lecompte Dupré, Marie-Anne Magnan est née à Montréal le 1er mai 1721. Elle est la deuxième d’une famille de onze enfants, dont cinq seulement sont parvenus à l’âge adulte. Le 29 janvier 1753, elle épouse à Montréal François-Marie Picoté de Belestre. Par son mariage avec cet officier des troupes de la Marine, Marie-Anne intègre le groupe de la noblesse canadienne. Elle devient aussi la belle-mère de trois enfants, issus de la première union de son époux. Elle donne naissance à deux enfants, un garçon et une fille, mais seule cette dernière survivra. En 1753, Marie-Anne est investie d’une procuration de son mari afin de gérer ses affaires en son absence. Son époux est à ce moment très loin de sa famille car il est alors commandant pour le roi au fort de Kiekonga, village de la nation amérindienne des Miamis et poste pour la traite des fourrures dans l’actuel état étatsunien de l’Indiana. Picoté de Belestre est nommé chevalier de Saint-Louis en 1759. Il est très actif durant la guerre de Sept Ans en Amérique, étant notamment le dernier commandant de Détroit, avant d’être fait prisonnier durant sa reddition en septembre 1760. Comme plusieurs de ses compatriotes, Picoté de Belestre est emmené en Europe, où il vivra un exil forcé jusqu’à son retour dans la colonie en 1763. | ||
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+ | Pendant l’absence de son époux, Marie-Anne doit gérer des problèmes familiaux liés au mariage de ses belles-filles avec des militaires britanniques. Rappelons que depuis 1760, un régime militaire britannique est établi en Nouvelle-France en attendant la fin du conflit en Europe. Marie-Anne et Marie-Josèphe Picoté de Belestre profitent de l’absence de leur père pour épouser les capitaines John Warton et William Evans, respectivement vers 1761 et 1763. Ces mariages ont été célébrés par un ministre protestant, probablement par un aumônier d’un régiment britannique, et alors que le sort de la colonie est inconnu. Ce type de mariage constitue à ce moment un phénomène rarissime chez la population canadienne. S’opposant à la reddition de compte demandée par ses gendres protestants, Marie-Anne Magnan veut faire invalider ces unions, sans succès. Elle se tourne vers la justice pour tenter d’annuler le mariage de Marie-Anne avec John Warton en raison de l’absence de contrat de mariage et de consentement parental. La Chambre des milices a ordonné que le couple présente un consentement par écrit du père de l’épouse pour reconnaître le mariage. Warton va en appel, car il juge qu’en soutenant la thèse de l’invalidité, Marie-Anne Magnan veut porter atteinte à leur honneur et à celui de leurs futurs enfants. Par arrêt, le gouverneur militaire de Montréal, Thomas Gage, se range derrière le couple en février 1762, renversant ainsi la première sentence rendue dans cette cause. Vers 1763, Thomas Gage octroie également au capitaine William Evans la permission d’épouser Marie-Josèphe Picoté de Belestre. Sur le plan juridique, pour qu’un mariage soit contracté, les lois françaises exigent le consentement parental alors qu’en Angleterre seul celui des futurs époux est nécessaire. Ce cas ébranle donc les habitudes canadiennes et révèle que les administrateurs militaires se servent parfois des pratiques britanniques pour passer outre le respect de l’autorité parentale, essentielle sous le régime français sous peine d’exhérédation. | ||
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+ | C'est la question du consentement parental qui semble être au cœur du conflit plutôt que l'origine géographique des conjoints. Leur appartenance au protestantisme a peut-être également influencé l'opposition de la belle-mère. En effet, lorsque sa propre fille Marie-Anne-Angélique épouse en 1791l’Écossais catholique Angus MacDonell, ancien lieutenant de l’armée britannique, c’est Marie-Anne Magnan qui donne le consentement parental après avoir reçu l’autorisation de son mari, absent à la signature du contrat. Dans son testament, signé aussi en 1791, Marie-Anne Magnan fait de sa fille la légatrice universelle de ses biens et il n’est nullement question de ses belles-filles, mais on ignore la date de décès de ces dernières. Marie-Anne Magnan décède quant à elle le 29 octobre 1793. | ||
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+ | Même si elle a échoué à faire invalider les unions interculturelles de ses belles-filles, Marie-Anne Magnan a fait preuve d’agentivité en cette période de bouleversements et d’incertitudes. Elle a voulu faire respecter les droits parentaux de son mari ainsi que les lois civiles françaises. L’exemple de son parcours met en lumière l’impact de l’après-guerre de Sept Ans sur la capacité d’action de certaines femmes nobles canadiennes à l’égard de leur famille. | ||
Version du 12 décembre 2017 à 17:56
Marie-Anne Magnan | ||
Conjoint(s) | François-Marie Picoté de Belestre | |
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Dénomination(s) | Marie-Anne Magnan Lesperance, Marie-Anne Magnan dit L’Espérance, Marie Anne Maignan, Marie Anne Magna | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1er mai 1721 | |
Date de décès | 29 octobre 1793 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Karine Pépin, 2017
Fille de Jean-Antoine Magnan, marchand bourgeois, et de Marie-Louise Lecompte Dupré, Marie-Anne Magnan est née à Montréal le 1er mai 1721. Elle est la deuxième d’une famille de onze enfants, dont cinq seulement sont parvenus à l’âge adulte. Le 29 janvier 1753, elle épouse à Montréal François-Marie Picoté de Belestre. Par son mariage avec cet officier des troupes de la Marine, Marie-Anne intègre le groupe de la noblesse canadienne. Elle devient aussi la belle-mère de trois enfants, issus de la première union de son époux. Elle donne naissance à deux enfants, un garçon et une fille, mais seule cette dernière survivra. En 1753, Marie-Anne est investie d’une procuration de son mari afin de gérer ses affaires en son absence. Son époux est à ce moment très loin de sa famille car il est alors commandant pour le roi au fort de Kiekonga, village de la nation amérindienne des Miamis et poste pour la traite des fourrures dans l’actuel état étatsunien de l’Indiana. Picoté de Belestre est nommé chevalier de Saint-Louis en 1759. Il est très actif durant la guerre de Sept Ans en Amérique, étant notamment le dernier commandant de Détroit, avant d’être fait prisonnier durant sa reddition en septembre 1760. Comme plusieurs de ses compatriotes, Picoté de Belestre est emmené en Europe, où il vivra un exil forcé jusqu’à son retour dans la colonie en 1763.
Pendant l’absence de son époux, Marie-Anne doit gérer des problèmes familiaux liés au mariage de ses belles-filles avec des militaires britanniques. Rappelons que depuis 1760, un régime militaire britannique est établi en Nouvelle-France en attendant la fin du conflit en Europe. Marie-Anne et Marie-Josèphe Picoté de Belestre profitent de l’absence de leur père pour épouser les capitaines John Warton et William Evans, respectivement vers 1761 et 1763. Ces mariages ont été célébrés par un ministre protestant, probablement par un aumônier d’un régiment britannique, et alors que le sort de la colonie est inconnu. Ce type de mariage constitue à ce moment un phénomène rarissime chez la population canadienne. S’opposant à la reddition de compte demandée par ses gendres protestants, Marie-Anne Magnan veut faire invalider ces unions, sans succès. Elle se tourne vers la justice pour tenter d’annuler le mariage de Marie-Anne avec John Warton en raison de l’absence de contrat de mariage et de consentement parental. La Chambre des milices a ordonné que le couple présente un consentement par écrit du père de l’épouse pour reconnaître le mariage. Warton va en appel, car il juge qu’en soutenant la thèse de l’invalidité, Marie-Anne Magnan veut porter atteinte à leur honneur et à celui de leurs futurs enfants. Par arrêt, le gouverneur militaire de Montréal, Thomas Gage, se range derrière le couple en février 1762, renversant ainsi la première sentence rendue dans cette cause. Vers 1763, Thomas Gage octroie également au capitaine William Evans la permission d’épouser Marie-Josèphe Picoté de Belestre. Sur le plan juridique, pour qu’un mariage soit contracté, les lois françaises exigent le consentement parental alors qu’en Angleterre seul celui des futurs époux est nécessaire. Ce cas ébranle donc les habitudes canadiennes et révèle que les administrateurs militaires se servent parfois des pratiques britanniques pour passer outre le respect de l’autorité parentale, essentielle sous le régime français sous peine d’exhérédation.
C'est la question du consentement parental qui semble être au cœur du conflit plutôt que l'origine géographique des conjoints. Leur appartenance au protestantisme a peut-être également influencé l'opposition de la belle-mère. En effet, lorsque sa propre fille Marie-Anne-Angélique épouse en 1791l’Écossais catholique Angus MacDonell, ancien lieutenant de l’armée britannique, c’est Marie-Anne Magnan qui donne le consentement parental après avoir reçu l’autorisation de son mari, absent à la signature du contrat. Dans son testament, signé aussi en 1791, Marie-Anne Magnan fait de sa fille la légatrice universelle de ses biens et il n’est nullement question de ses belles-filles, mais on ignore la date de décès de ces dernières. Marie-Anne Magnan décède quant à elle le 29 octobre 1793.
Même si elle a échoué à faire invalider les unions interculturelles de ses belles-filles, Marie-Anne Magnan a fait preuve d’agentivité en cette période de bouleversements et d’incertitudes. Elle a voulu faire respecter les droits parentaux de son mari ainsi que les lois civiles françaises. L’exemple de son parcours met en lumière l’impact de l’après-guerre de Sept Ans sur la capacité d’action de certaines femmes nobles canadiennes à l’égard de leur famille.