Françoise de Blacas de Robert d’Escragnolle : Différence entre versions

De SiefarWikiFr

[version vérifiée][version vérifiée]
 
Ligne 38 : Ligne 38 :
 
[[Catégorie:Personnage]]
 
[[Catégorie:Personnage]]
 
[[Catégorie:Dictionnaire Siefar]]
 
[[Catégorie:Dictionnaire Siefar]]
[[Catégorie:Gestion]]
+
[[Catégorie:Gestion]] [[Catégorie: Correspondance]]
  
 
__FORCETOC__
 
__FORCETOC__

Version actuelle en date du 12 décembre 2017 à 17:44

Françoise de Blacas de Robert d’Escragnolle
Titre(s) Françoise de Blacas, Dame d’Escragnolles
Conjoint(s) Alexandre-Joseph de Robert d’Escragnolle(s)
Biographie
Date de naissance 1724
Date de décès 1793
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Camille Caparos, 2017

Née à Grasse en 1724, Françoise de Blacas est la fille du procureur du roi de la sénéchaussée, Jean-Joseph de Blacas, et de Marie Funel du Villard. Élevée dans un hôtel particulier de la place aux Aires, la jeune fille reçoit, au vu de son écriture, une éducation soignée dont on ignore tout. Si elle mène une vie mondaine pendant sa jeunesse, Françoise, une fois mariée, délaisse ces plaisirs et ceux du jeu pour se consacrer à la gestion de son ménage et à l’éducation de ses trois enfants En effet, elle est mariée à l’âge de vingt-quatre ans à un jeune capitaine de cavalerie, Alexandre-Joseph de Robert, qui devient bientôt seigneur du domaine d’Escragnolles. Cette petite seigneurie semi-montagnarde, au nord de Grasse, est, l’année de leur union, confiée à la jeune-femme qui en devient la « procuratrice ». Françoise quitte donc la ville pour endosser ses responsabilités de « Dame d’Escargnolles » (sic), tandis que son époux rejoint son régiment dont il ne reviendra que six ans plus tard. La vie de Françoise nous est principalement connue par la correspondance qu’elle entretient, pendant une durée approximative de vingt-cinq ans, avec son mari qui ne rentre en Provence que tous les six ou sept ans. Ces longues absences ne lui permettent pas de connaître tous ses enfants : deux décèdent prématurément et Antoine est le seul à pouvoir bénéficier de la présence épisodique de son père.

Seule, elle devient l’unique autorité officielle de la seigneurie, prend part à toutes les affaires qui relèvent de celle-ci, fait preuve d’autorité face à ses tenanciers et tente de mener à bien les procès qui menacent la pérennité de ses biens. Ces préoccupations politico-économiques sont au cœur de toutes les lettres. Mais celles-ci nous font aussi entrer dans l’intimité d’une femme souvent malheureuse et isolée : Françoise de Blacas y livre ses moments de bonheur, mais également ses maladies, sa solitude, ses angoisses et surtout un désespoir qui ne cesse de croître au fil de la correspondance. Par là, ce volumineux ensemble de deux-cent-quatre-vingt missives offre un exemple singulier d’activité épistolaire à mi-chemin entre « correspondance d’affaires » et correspondance dite féminine, celle qui traiterait avant tout de la vie quotidienne, des nouvelles du village et de la famille. Grâce à ce double usage de la lettre, la dame d’Escragnolles s’est finalement détachée des contraintes pesant sur les femmes en matière d’écriture ordinaire et de gestion économique et fait la preuve de la capacité d’action des femmes à l’époque moderne. Toujours prompte à utiliser l’instrument épistolaire comme une arme contre son entourage, y compris son mari, Françoise fait de ses lettres un dispositif lui permettant de prendre le pouvoir et de s’instaurer durablement dans son rôle de « Dame », tout en assurant, à la fin de sa vie, sa liberté. En effet, lasse de s’adonner à des tâches qui lui pèsent, et dans la perspective d’échapper à un époux qui l’a abandonnée, Françoise décide de confier la gestion du domaine à son fils et proclame sa volonté de se retirer de la vie publique pour finir ses jours dans un couvent à l’Isle-sur-la-Sorgue.

La Révolution française, qui entraîne le démembrement du domaine des Robert vendu comme bien national en 1794, met un terme à ce rêve de « liberté ». Françoise se réinstalle, avec sa petite-fille, Marie-Louise, dans une petite maison à Grasse. Sa date de décès n’est pas connue, non plus que celle d’Alexandre-Joseph démissionnaire de l’armée en 1792. Finalement, leur fils, Antoine de Robert d’Escragnolle, ainsi que ses enfants et sa femme, Catherine de Suffret de Villeneuve, quittent la France pour se réfugier en Italie, puis au Portugal où ils embarquent pour le Brésil. Les Robert d’Escragnolle y feront une brillante carrière militaire et leurs descendants, qui résident toujours au Brésil, occupent aujourd’hui de hautes fonctions dans l’administration du pays.

Amoureuse éplorée, il ne fait aucun doute que l’épistolière fut la victime d’un mariage malheureux. Femme de caractère, il semble qu’elle sut aussi, consciemment ou non, tirer parti de l’indépendance relative que lui donnait son rôle de procuratrice loin d’un mari indifférent. Elle est l’exemple même de l’épouse en situation de procuration, une situation bien étudiée notamment par Emmanuelle Charpentier et Benoît Grenier à propos des femmes de marins ou de marchands en Bretagne et au Québec.

Principales sources

  • Archives départementales des Alpes Maritimes : Fonds de la famille de Robert d’Escragnolle, ADAM (correspondance de Françoise de Blacas avec son époux Alexandre-Joseph de Robert d’Escragnolle ; papiers de la famille de Robert d’Escragnolle).

Choix bibliographique

  • CAPAROS Camille, « Quan-ece que je serois delivrée de vous ecrire mon dieu que je le desire… ». Pratiques féminines de l’épistolarité (France, XVIIe-XVIIIe siècle), mémoire de Master 2 sous la direction d’Isabelle LUCIANI, Aix-Marseille Université, 2016.
  • CHARPENTIER Emmanuelle et GRENIER Benoît (dir.), Femmes face à l’absence, Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Canada, Centre interuniversitaire d’études québécoises, 2015.
  • CHARPENTIER Emmanuelle, « Incertitude et stratégies de (sur)vie », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 117-3, 2010, p. 39-54.
  • GRASSI Marie-Claire, La mémoire d’Escragnolles 1718-1792, Monaco, éd. du Rocher, 1994.
  • GRASSI Marie-Claire, « Quand les épouses parlent d’amour... », dans SILVER Marie-France et GIROU SWIDERSKI Marie-Laure, Femmes en toutes lettres. Les épistolières du XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2000/04, p. 229-242 et 250.

Jugements

  • « De l’amour passion à l’amour résignation en passant par l’amour paisible, quelques épouses de la moyenne noblesse française dévoilent l’intimité d’un discours amoureux qui témoigne, sans doute de leurs égarements bien spécifiques. […] La souscription […] est souvent annoncée par un adieu répétitif, ‘à la portugaise’. C’est essentiellement le cas des lettres de Françoise de Blacas […] qui introduisent le lecteur au cœur d’une situation conjugale marquée par la résignation non seulement à l’absence, mais à l’abandon. […] Le style est familier […], imagé de proverbes qui relèvent du domaine de l’action. […] Parce qu’elle semble perdue, elle utilise souvent les métaphores de l’errance, : labyrinthe, souterrain, désert, intervalle. ‘Quand y aura-t-il lumière à finir ?’  » (GRASSI Marie-Claire, « Quand les épouses parlent d’amour... », dans SILVER Marie-France et GIROU SWIDERSKI Marie-Laure, Femmes en toutes lettres. Les épistolières du XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 229-231).
Outils personnels