Marie Fontaine : Différence entre versions
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Née vers 1685, Marie Fontaine est la fille d’un maréchal ferrant parisien. En 1707, elle épouse Jean-Baptiste-Henri Bonnart, fils du marchand d’estampes Henri II Bonnart, installé rue Saint-Jacques dans la maison de L’Image de Saint-Séverin à l’enseigne du Coq. Elle emménage alors chez ses beaux-parents et, en attendant que son mari hérite de la boutique. Elle crée avec lui un premier négoce. Au moins cinq enfants naissent de leur union : Marie-Anne-Élisabeth, Françoise-Étiennette, Marie-Madeleine-Louise, Marie-Denise et Jean-Baptiste-Henri II. | Née vers 1685, Marie Fontaine est la fille d’un maréchal ferrant parisien. En 1707, elle épouse Jean-Baptiste-Henri Bonnart, fils du marchand d’estampes Henri II Bonnart, installé rue Saint-Jacques dans la maison de L’Image de Saint-Séverin à l’enseigne du Coq. Elle emménage alors chez ses beaux-parents et, en attendant que son mari hérite de la boutique. Elle crée avec lui un premier négoce. Au moins cinq enfants naissent de leur union : Marie-Anne-Élisabeth, Françoise-Étiennette, Marie-Madeleine-Louise, Marie-Denise et Jean-Baptiste-Henri II. | ||
− | Apprenant le commerce de l’estampe aux côtés de son mari, avec lequel elle jouit d’un banc numéroté dans l’église Saint-Séverin, elle en maîtrise rapidement les différents aspects et parvient à se faire une place dans l’entreprise de ses beaux-parents. Elle cohabite notamment avec sa belle-mère Marie-Madeleine Pierre, qui continue à s’occuper du Coq plusieurs années après la mort de Henri II en 1711, ainsi qu’avec la cousine de son mari, Françoise de La Caille, son époux et ses enfants. | + | Apprenant le commerce de l’estampe aux côtés de son mari, avec lequel elle jouit d’un banc numéroté dans l’église Saint-Séverin, elle en maîtrise rapidement les différents aspects et parvient à se faire une place dans l’entreprise de ses beaux-parents. Elle cohabite notamment avec sa belle-mère Marie-Madeleine Pierre, qui continue à s’occuper du Coq plusieurs années après la mort de Henri II en 1711, ainsi qu’avec la cousine de son mari, [[Françoise de La Caille]], son époux et ses enfants. <br /> |
− | À la mort de son époux, en février 1727, Marie Fontaine décide de continuer seule l’activité de la boutique. Elle s’inscrit dans la tradition familiale en produisant des « portraits en mode » et en recyclant de vieilles plaques gravées tout en déposant des demandes de privilège pour des sujets plus éloignés de la ligne éditoriale des Bonnart, : ainsi, elle édite sous le nom de veuve Bonnart des suites d’après Don Quichotte et Ragotin qu’elle édite sous le nom de « veuve Bonnart ». | + | À la mort de son époux, en février 1727, Marie Fontaine décide de continuer seule l’activité de la boutique. Elle s’inscrit dans la tradition familiale en produisant des « portraits en mode » et en recyclant de vieilles plaques gravées tout en déposant des demandes de privilège pour des sujets plus éloignés de la ligne éditoriale des Bonnart, : ainsi, elle édite sous le nom de veuve Bonnart des suites d’après Don Quichotte et Ragotin qu’elle édite sous le nom de « veuve Bonnart ». <br /> |
Mais elle rencontre rapidement des problèmes concernant le règlement de la succession de son mari, en particulier avec Nicolas II Bonnart, cousin de son défunt époux et tuteur de ses deux dernières filles. Ce dernier l’accuse d’avoir truqué les comptes de la boutique, puis se désiste de ses fonctions de tuteur en février 1736 face au refus des deux sœurs d’entrer au pensionnat jusqu’à leur mariage et à leur décision d’habiter avec leur mère ; en avril, il se désiste également de ses plaintes concernant les comptes de la boutique. Cependant, pour liquider la succession, Marie Fontaine est obligée de vendre le fonds du Coq aux enchères en septembre 1736 ; l’éditeur Antoine Malbouré achète la quasi-totalité des lots, et notamment la planche gravée de l’enseigne, avant de revendre l’ensemble à Nicolas II et Nicolas III Bonnart. | Mais elle rencontre rapidement des problèmes concernant le règlement de la succession de son mari, en particulier avec Nicolas II Bonnart, cousin de son défunt époux et tuteur de ses deux dernières filles. Ce dernier l’accuse d’avoir truqué les comptes de la boutique, puis se désiste de ses fonctions de tuteur en février 1736 face au refus des deux sœurs d’entrer au pensionnat jusqu’à leur mariage et à leur décision d’habiter avec leur mère ; en avril, il se désiste également de ses plaintes concernant les comptes de la boutique. Cependant, pour liquider la succession, Marie Fontaine est obligée de vendre le fonds du Coq aux enchères en septembre 1736 ; l’éditeur Antoine Malbouré achète la quasi-totalité des lots, et notamment la planche gravée de l’enseigne, avant de revendre l’ensemble à Nicolas II et Nicolas III Bonnart. | ||
− | Malgré cette opération de récupération de son fonds par sa belle-famille, Marie Fontaine ne renonce pas au commerce de l’estampe. Après avoir sous-loué la boutique du Coq à Françoise de La Caille, elle marie ses deux filles puis déménage rue de Bourbon. Le 23 décembre 1736, elle ratifie la vente des planches à Nicolas II et Nicolas III, dans un contrat accompagné d’une clause les obligeant à lui rendre l’enseigne « dans le cas où elle reprendroit ledit commerce et voudroit [en] user personnellement ». Elle se remarie en avril 1737 avec le maître de musique Louis Naudé sous le régime de la séparation de biens. Cette union semble avoir surtout été un moyen pour elle de reprendre son activité antérieure puisque, après avoir été « autorisée » par son nouvel époux, elle récupère la jouissance de l’enseigne du Coq et retourne habiter à L’Image de Saint-Séverin pour y exercer sous le nom de « Naudé ». Elle doit alors reconstituer un fonds et dépose des demandes de privilèges afin de pouvoir graver, publier et vendre de nouvelles estampes. | + | Malgré cette opération de récupération de son fonds par sa belle-famille, Marie Fontaine ne renonce pas au commerce de l’estampe. Après avoir sous-loué la boutique du Coq à Françoise de La Caille, elle marie ses deux filles puis déménage rue de Bourbon. Le 23 décembre 1736, elle ratifie la vente des planches à Nicolas II et Nicolas III, dans un contrat accompagné d’une clause les obligeant à lui rendre l’enseigne « dans le cas où elle reprendroit ledit commerce et voudroit [en] user personnellement ». Elle se remarie en avril 1737 avec le maître de musique Louis Naudé sous le régime de la séparation de biens. Cette union semble avoir surtout été un moyen pour elle de reprendre son activité antérieure puisque, après avoir été « autorisée » par son nouvel époux, elle récupère la jouissance de l’enseigne du Coq et retourne habiter à L’Image de Saint-Séverin pour y exercer sous le nom de « Naudé ». Elle doit alors reconstituer un fonds et dépose des demandes de privilèges afin de pouvoir graver, publier et vendre de nouvelles estampes.<br /> |
Son activité, menée dans une totale indépendance vis-à-vis de son ex-belle-famille et de son époux, est marquée par de nombreuses difficultés et plusieurs procès, qui, intentés par des fournisseurs ou par ses gendres, reprennent les accusations formulées par Nicolas II. | Son activité, menée dans une totale indépendance vis-à-vis de son ex-belle-famille et de son époux, est marquée par de nombreuses difficultés et plusieurs procès, qui, intentés par des fournisseurs ou par ses gendres, reprennent les accusations formulées par Nicolas II. | ||
− | Probablement Marie Fontaine cesse-t-elle son commerce peu de temps après la mort de Louis Naudé en 1747 ; elle déménage alors chez un maître chandelier rue Galande, avant de mourir dans le dénuement à l’Hôtel-Dieu. Sa boutique est alors reprise par l’éditeur Étienne Charpentier,qui en occupait probablement une partie dès 1736. | + | Probablement Marie Fontaine cesse-t-elle son commerce peu de temps après la mort de Louis Naudé en 1747 ; elle déménage alors chez un maître chandelier rue Galande, avant de mourir dans le dénuement à l’Hôtel-Dieu. Sa boutique est alors reprise par l’éditeur Étienne Charpentier,qui en occupait probablement une partie dès 1736.<br /> |
Si elle ne semble pas avoir gravé elle-même, Marie Fontaine joua un rôle important dans le commerce des estampes signées « Bonnart » en secondant ses beaux-parents et son mari. Elle fut, de plus, la conceptrice ou, au moins, l’initiatrice de plusieurs séries de gravures originales. Certaines d’entre elles, pourtant imaginées après la mort de Jean-Baptiste-Henri, furent publiées avec la signature de ce dernier. Sa carrière et ses tracas témoignent de la difficulté des femmes à s’imposer dans le commerce de l’estampe, dès lors qu’il ne s’agit plus pour elles de demeurer dans l’ombre de leur mari ou de lui donner un héritier. | Si elle ne semble pas avoir gravé elle-même, Marie Fontaine joua un rôle important dans le commerce des estampes signées « Bonnart » en secondant ses beaux-parents et son mari. Elle fut, de plus, la conceptrice ou, au moins, l’initiatrice de plusieurs séries de gravures originales. Certaines d’entre elles, pourtant imaginées après la mort de Jean-Baptiste-Henri, furent publiées avec la signature de ce dernier. Sa carrière et ses tracas témoignent de la difficulté des femmes à s’imposer dans le commerce de l’estampe, dès lors qu’il ne s’agit plus pour elles de demeurer dans l’ombre de leur mari ou de lui donner un héritier. | ||
Version actuelle en date du 19 mai 2017 à 09:55
Marie Fontaine | ||
Conjoint(s) | Bonnart, Jean-Baptiste-Henri ; Naudé, Louis | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Marie Fontaine, Veuve Bonnart, Veuve Naudé | |
Biographie | ||
Date de naissance | vers 1685 | |
Date de décès | 15 avril 1751 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice par Pascale Cugy, 2016
Née vers 1685, Marie Fontaine est la fille d’un maréchal ferrant parisien. En 1707, elle épouse Jean-Baptiste-Henri Bonnart, fils du marchand d’estampes Henri II Bonnart, installé rue Saint-Jacques dans la maison de L’Image de Saint-Séverin à l’enseigne du Coq. Elle emménage alors chez ses beaux-parents et, en attendant que son mari hérite de la boutique. Elle crée avec lui un premier négoce. Au moins cinq enfants naissent de leur union : Marie-Anne-Élisabeth, Françoise-Étiennette, Marie-Madeleine-Louise, Marie-Denise et Jean-Baptiste-Henri II.
Apprenant le commerce de l’estampe aux côtés de son mari, avec lequel elle jouit d’un banc numéroté dans l’église Saint-Séverin, elle en maîtrise rapidement les différents aspects et parvient à se faire une place dans l’entreprise de ses beaux-parents. Elle cohabite notamment avec sa belle-mère Marie-Madeleine Pierre, qui continue à s’occuper du Coq plusieurs années après la mort de Henri II en 1711, ainsi qu’avec la cousine de son mari, Françoise de La Caille, son époux et ses enfants.
À la mort de son époux, en février 1727, Marie Fontaine décide de continuer seule l’activité de la boutique. Elle s’inscrit dans la tradition familiale en produisant des « portraits en mode » et en recyclant de vieilles plaques gravées tout en déposant des demandes de privilège pour des sujets plus éloignés de la ligne éditoriale des Bonnart, : ainsi, elle édite sous le nom de veuve Bonnart des suites d’après Don Quichotte et Ragotin qu’elle édite sous le nom de « veuve Bonnart ».
Mais elle rencontre rapidement des problèmes concernant le règlement de la succession de son mari, en particulier avec Nicolas II Bonnart, cousin de son défunt époux et tuteur de ses deux dernières filles. Ce dernier l’accuse d’avoir truqué les comptes de la boutique, puis se désiste de ses fonctions de tuteur en février 1736 face au refus des deux sœurs d’entrer au pensionnat jusqu’à leur mariage et à leur décision d’habiter avec leur mère ; en avril, il se désiste également de ses plaintes concernant les comptes de la boutique. Cependant, pour liquider la succession, Marie Fontaine est obligée de vendre le fonds du Coq aux enchères en septembre 1736 ; l’éditeur Antoine Malbouré achète la quasi-totalité des lots, et notamment la planche gravée de l’enseigne, avant de revendre l’ensemble à Nicolas II et Nicolas III Bonnart.
Malgré cette opération de récupération de son fonds par sa belle-famille, Marie Fontaine ne renonce pas au commerce de l’estampe. Après avoir sous-loué la boutique du Coq à Françoise de La Caille, elle marie ses deux filles puis déménage rue de Bourbon. Le 23 décembre 1736, elle ratifie la vente des planches à Nicolas II et Nicolas III, dans un contrat accompagné d’une clause les obligeant à lui rendre l’enseigne « dans le cas où elle reprendroit ledit commerce et voudroit [en] user personnellement ». Elle se remarie en avril 1737 avec le maître de musique Louis Naudé sous le régime de la séparation de biens. Cette union semble avoir surtout été un moyen pour elle de reprendre son activité antérieure puisque, après avoir été « autorisée » par son nouvel époux, elle récupère la jouissance de l’enseigne du Coq et retourne habiter à L’Image de Saint-Séverin pour y exercer sous le nom de « Naudé ». Elle doit alors reconstituer un fonds et dépose des demandes de privilèges afin de pouvoir graver, publier et vendre de nouvelles estampes.
Son activité, menée dans une totale indépendance vis-à-vis de son ex-belle-famille et de son époux, est marquée par de nombreuses difficultés et plusieurs procès, qui, intentés par des fournisseurs ou par ses gendres, reprennent les accusations formulées par Nicolas II.
Probablement Marie Fontaine cesse-t-elle son commerce peu de temps après la mort de Louis Naudé en 1747 ; elle déménage alors chez un maître chandelier rue Galande, avant de mourir dans le dénuement à l’Hôtel-Dieu. Sa boutique est alors reprise par l’éditeur Étienne Charpentier,qui en occupait probablement une partie dès 1736.
Si elle ne semble pas avoir gravé elle-même, Marie Fontaine joua un rôle important dans le commerce des estampes signées « Bonnart » en secondant ses beaux-parents et son mari. Elle fut, de plus, la conceptrice ou, au moins, l’initiatrice de plusieurs séries de gravures originales. Certaines d’entre elles, pourtant imaginées après la mort de Jean-Baptiste-Henri, furent publiées avec la signature de ce dernier. Sa carrière et ses tracas témoignent de la difficulté des femmes à s’imposer dans le commerce de l’estampe, dès lors qu’il ne s’agit plus pour elles de demeurer dans l’ombre de leur mari ou de lui donner un héritier.
Choix bibliographique
- Chasserant, Françoise dir., De Vernie à Sans-Souci, Le roman comique illustré, cat. exposition Le Mans, Musée de Tessé, 2004-2005. Le Mans, Cénomane/Musées du Mans, 2004, p.126.
- Cugy, Pascale, La dynastie Bonnart et les bonnarts. Étude d’une famille d’artistes et producteurs de « modes », Thèse de doctorat de l’Université Paris-Sorbonne, sous la direction de Marianne Grivel, 2013, 4 vol. (à paraître aux PUR en 2017).
- Préaud, Maxime, et al. Dictionnaire des éditeurs d'estampes à Paris sous l'Ancien Régime, Paris, Promodis/Cercle de la Librairie, 1987, p. 59.