Ève de Saint-Martin : Différence entre versions
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+ | Sans qu’il soit fait mention à son propos d’aucune expérience mystique, cette femme se retrouve à ce point en communion d’esprit avec Julienne et Isabelle que la postérité n’hésitera pas à l’inscrire à leurs côtés dans une même vision extatique du ''Corpus Christi''. Sa rupture spectaculaire avec la société, qui ne l’empêche pas pour autant de s’impliquer dans la vie ecclésiale, ses relations tant avec le monde clérical qu’avec d’autres femmes agissantes dans l’Église, son soutien à un projet visant à promouvoir la dévotion à l’Eucharistie font d’elle l’un des prototypes les plus représentatifs de la piété féminine du XIIIe siècle. | ||
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Version du 25 janvier 2014 à 17:27
Ève de Saint-Martin | ||
Dénomination(s) | Bienheureuse Ève de Saint-Martin, Ève de Liège | |
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Biographie | ||
Date de décès | morte après 1264 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Marie-Élisabeth Henneau, 2013
La renommée d’Ève de Saint-Martin est indissociable de celle de Julienne de Cornillon († 1258), dont la Vita fournit les rares éléments connus à son propos. Sa présence aux côtés de la promotrice liégeoise de la Fête-Dieu, mais aussi à proximité du milieu béguinal et des cisterciennes du diocèse de Liège témoigne des relations suivies qu’entretiennent les représentantes de ces différents choix de vie religieuse au XIIIe siècle. Beaucoup de ces femmes partagent une même propension à inaugurer leur quête du divin par une conversion à un mode de vie rigoureux et par l’adoption de pratiques pénitentielles éprouvantes. C’est l’option choisie par Ève, qui, toute jeune, songe au retrait du monde le plus absolu. L’enfermement dans une cellule adossée aux murs d’une église permet alors aux femmes d’opter pour une vie érémitique, tout en demeurant sous la protection et la surveillance de l’Église. La formule connaît un succès retentissant, notamment en Italie. Encouragée par Julienne, Ève persévère dans cette voie et s’isole à proximité de la collégiale Saint-Martin de Liège, non sans avoir fait promettre à son amie de la visiter régulièrement. De son côté, Julienne, religieuse au service de la léproserie du Mont-Cornillon (Liège), vit ses premières expériences mystiques qui la conduisent à souhaiter qu’une fête spécifique soit introduite dans le calendrier liturgique de l’Église pour honorer le Saint-Sacrement. À une époque où la dimension communautaire de l’Eucharistie tend à disparaître et où les fidèles assistent en témoins muets à la célébration de ce sacrement, d’aucuns, parmi lesquels de nombreuses femmes, éprouvent le besoin de voir et d’adorer l’hostie consacrée, à défaut de pouvoir communier régulièrement. Franchissant la Meuse qui les sépare, Julienne vient donc à plusieurs reprises prier dans la cellule d’Ève de Saint-Martin et lui confier son désir de voir conservé et vénéré le Corps du Christ, avant et après la messe. Malgré (ou grâce à) son statut particulier, Ève exerce alors une influence remarquée dans le paysage religieux liégeois. La Vita de Julienne souligne son intervention auprès d’ecclésiastiques influents invités par la recluse à faire bon accueil aux demandes de Julienne (1230-1235). La chambre de la recluse, où son amie pénètre sans difficulté, est le théâtre de certaines des extases de Julienne, mais aussi de la guérison « miraculeuse » d’Ève, qui recouvre santé du corps et apaisement de l’esprit grâce aux prières de sa compagne. Julienne s’y réfugie encore, quand elle se trouve aux prises avec son homologue masculin, le prieur du Mont-Cornillon, au sujet de la gestion temporelle de la léproserie. Alors que les controverses opposent partisans et opposants à l’institution de la Fête-Dieu, jugée superflue par les uns, essentielle par les autres, Ève offre un soutien sans faille à son amie et lui donne en outre l’occasion de rencontrer la béguine Isabelle de Huy, une interlocutrice bienveillante, elle-même visionnaire. Toutes trois se retrouvent ainsi associées, dans la mémoire collective, à l’histoire de la Fête-Dieu, introduite au diocèse de Liège en 1246. Après le départ précipité de Julienne, qui fuit Liège pour se réfugier dans le Namurois, Ève demeure une autorité écoutée par les clercs favorables à l’instauration du nouveau culte. En 1264, privilège insigne, elle est avertie personnellement par le pape Urbain IV, jadis archidiacre de Liège, de l’extension de la fête à l’Église universelle. Témoin privilégié des épisodes liégeois de la vie de Julienne de Cornillon, Ève aurait confié ses souvenirs au biographe, qui la mentionne à quatorze reprises à ses côtés. À la fin du XIXe siècle, des historiens locaux l’ont présentée comme la première autrice en langue wallonne, lui attribuant la maternité du texte original, ensuite traduit en latin. Sans qu’il soit fait mention à son propos d’aucune expérience mystique, cette femme se retrouve à ce point en communion d’esprit avec Julienne et Isabelle que la postérité n’hésitera pas à l’inscrire à leurs côtés dans une même vision extatique du Corpus Christi. Sa rupture spectaculaire avec la société, qui ne l’empêche pas pour autant de s’impliquer dans la vie ecclésiale, ses relations tant avec le monde clérical qu’avec d’autres femmes agissantes dans l’Église, son soutien à un projet visant à promouvoir la dévotion à l’Eucharistie font d’elle l’un des prototypes les plus représentatifs de la piété féminine du XIIIe siècle.
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