Yolande de Flandre

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Yolande de Flandre
Titre(s) Comtesse de Bar
Dame de Cassel
Conjoint(s) Henri IV, comte de Bar
Philippe de Navarre-Longueville
Biographie
Date de naissance 1326
Date de décès 1395
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Michelle Bubenicek, 2008

Unique héritière de Jeanne de Bretagne et de Robert de Flandre, sire de Cassel, Yolande de Flandre est née le 15 septembre 1326, dans le Perche, au château d’Alluye. Elle n’entre véritablement dans l’histoire des femmes de pouvoir qu’en 1344, lorsque, veuve à dix-huit ans de son premier mari, le comte de Bar Henri IV, elle devient, pour près de vingt ans, régente à la place de ses deux fils, Edouard et Robert. Sa haute naissance et sa situation d’héritière de son père, apanagé en Flandre maritime, ont toutefois déjà fait d’elle l’objet d’enjeux importants: avant d’épouser le comte de Bar, Yolande a été promise à son cousin Louis de Male, futur comte de Flandre. En dépit du testament défavorable de son époux qui l’écarte officiellement du gouvernement du Barrois, la jeune comtesse met à profit des circonstances politiques propices, ainsi que le vide juridique créé par l’absence de règles précises dans la dévolution du bail des enfants mineurs, pour s’approprier ce bail et entamer, dans le comté de Bar, un gouvernement pratiquement ininterrompu de 1345 à 1360. Certes, diverses oppositions se présentent à elle rapidement -celle des cousins de ses fils, les sires de Pierrefort et de Pierrepont, puis celle de leur grand-tante, Jeanne de Warren-, mais Yolande parvient à en triompher en jouant des discordes internes au lignage de Bar, ainsi que de la situation de double mouvance du Barrois, pour partie terre française, pour partie terre d’empire.

Son remariage en 1353 avec un ennemi notoire de la couronne française, Philippe de Navarre-Longueville, le propre frère de Charles le Mauvais, menace cependant de changer la donne. Mais le nouvel époux, loin de se révéler le champion espéré par Yolande, ne tarde pas à décevoir ses ambitions politiques, et leur union évolue rapidement en séparation de corps, ce qui permet à la dame, en échappant au «bail» de ce second époux, de retrouver une totale liberté d’action. En 1363, elle n’est pas même présente au lit de mort de Philippe, faute grave assimilée à l’époque à l’adultère. Le règlement de la succession de Philippe de Navarre la place ensuite au coeur du jeu politique: pour pouvoir récupérer ses joyaux et obtenir son douaire sur les biens de Philippe, Yolande doit ainsi faire face au puissant clan navarrais et à Bertrand Du Guesclin, nouveau comte de Longueville par don royal (le comté de Longueville, jadis propriété de Philippe, lui avait été confisqué par Charles V pour trahison): le règlement patrimonial prend alors l’allure d’une affaire d’Etat.

La confrontation politique la plus grave a toutefois lieu quelques années plus tard, en 1371: pour avoir arrêté de son propre chef son ennemi mortel, Henri de Bar-Pierrefort, dans le périmètre du château de Vincennes, donc sous les fenêtres du roi, Yolande est arrêtée et emprisonnée au Temple pendant près de trois ans. Elle n’en sort qu’au prix d’une renonciation quasi-totale à son patrimoine, qui revient dès l’instant en toute propriété à son fils unique, gendre de Charles V. Pour Yolande de Flandre, l’épisode est à juste titre vécu comme une mise à la retraite prématurée, ce dont témoigne de façon exceptionnelle l’iconographie de ses sceaux: de l’ancienne à la nouvelle matrice de son grand sceau, la dame troque ostensiblement une mise de femme jeune, coquette et élégante, contre celle de la veuve retirée. Le temps des luttes, pour autant, n’est pas achevé: dans ses dernières années, Yolande de Flandre trouve encore la force de se battre pour défendre l’autonomie de son apanage de Flandre maritime, la seigneurie de Cassel, contre les visées annexionnistes du nouveau comte de Flandre, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, qui emploie les méthodes les plus diverses pour tenter de réduire cette enclave du comté de Flandre. Sa mort en 1395 met donc fin à une existence tout entière consacrée à des luttes politiques.

Dame de haut lignage, Yolande de Flandre, comtesse de Bar et dame de Cassel a longtemps souffert d’une historiographie embryonnaire et contradictoire qui donnait d’elle l’image réductrice d’une femme violente et autoritaire. L’exceptionnelle richesse des documents qui la concernent, de l’espace flamand aux marches lorraines, a toutefois permis récemment de réviser ce jugement caricatural: loin de la légende noire à laquelle elle a donné naissance, Yolande de Flandre apparaît désormais comme une femme de pouvoir audacieuse, dont l’autonomie d’action n’est bientôt plus compatible avec les progrès fulgurants de la souveraineté.

Choix bibliographique

- Bubenicek, Michelle, Quand les femmes gouvernent. Droit et politique au XIVe siècle: Yolande de Flandre, Paris, Ecole des chartes, «Mémoires et documents de l’Ecole des chartes», 64, 2002.

- Cockerell, Sydney Carlyle, The Book of Hours of Yoland of Flanders, Londres, Chiswick Press, 1905.

- De Smyterre, P. J. E., Essai historique sur Yolande de Flandre, Lille, sn, 1877.

- Schneider, Jean, «Yolande de Flandre (1326-1395), comtesse de Bar, dame de Cassel et les pouvoirs de son temps », dans La femme au Moyen Age, Actes du colloque de Maubeuge (1988), éd. Michel Rouche et Jean Heudin, Maubeuge, Ville de Maubeuge, 1990, p.353-362.

Jugements

- «La comtesse douairière Yolande fut habile dans l’art de gouverner, hardie, entreprenante et capable des plus grandes choses.» (Dom Calmet, Histoire de Lorraine, 2e éd., Nancy, sn, 1745-1757, t.2, p.530)

- (A propos de la régence en Barrois) «Cette princesse impérieuse, ambitieuse et méchante ne tarda guère à donner des marques particulières de ce caractère.» (De Maillet, Essai chronologique sur l’histoire du Barrois, Paris, sn, 1757, p.71)

- «Iolande de Flandre donna, presqu’au début de l’année [1371], de nouvelles preuves de son caractère haineux et violent […]. Iolande de Flandre, princesse fière et courageuse, mais vindicative, fit la guerre, après la mort du comte Henri IV, pour gouverner le comté de Bar [...]. Nos archives, d’accord avec l’histoire, la représentent comme un femme douée d’une activité prodigieuse et d’une rare énergie.» (Victor Servais, Annales historiques du Barrois de 1352 à 1411, Bar-le-Duc, sn, 1867, t.1, p.231 et t. 2, p.228)

- «Son caractère indiscipliné, semblable du reste à celui de son père, révélait, à côté d’excellentes qualités du coeur, telles que la charité, la piété et la générosité, des dispositions à une violence irréfléchie, et une ténacité de volonté parfois aussi préjudiciable à ses intérêts qu’à ceux d’autrui.» (P. J. E. de Smyterre, Essai historique..., voir supra, choix bibliographique, p.III)

- «Dans l’histoire du nord de la France, peu de figures attirent aussi vivement l’attention que celle de Yolande de Flandre.... Vertus et crimes, puissance et faiblesse, richesse et gêne... se rencontrent dans l’existence agitée de cette princesse, mêlée à tous les faits importants de l’histoire de la France et de la Flandre durant la seconde moitié du XIVe siècle.» (Chanoine Dehaisnes, Documents et extraits divers concernant l’histoire de l’art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le milieu du XVe siècle, Lille, sn, 1886, t.1, p.469-470)

- «D’une étude plus poussée de la vie de Yolande se dégagerait sans doute une image plus nuancée que celle retenue jusqu’ici par l’historiographie.» (Jean Schneider, «Yolande de Flandre...», voir supra, choix bibliographique, p.363)

- «on sait que Philippe de Navarre était l’époux de la terrible Yolande de Flandre, comtesse douairière de Bar, qui en 1354 battait monnaie et ne tarda pas à être excommuniée pour fausse monnaie […]. Robert [1er, duc de Bar] a perdu son père à deux ans et [...] sa mère est la tumultueuse Yolande de Flandre, dame de Cassel, veuve de son second époux, Philippe de Navarre. [...] En octobre [1380], on fêta les fiançailles de la nièce du roi, Yolande de Bar, fille de Marie de France, soeur de Charles V, et du duc Robert de Bar, petite-fille donc de la fameuse Yolande de Flandre qui jadis avait épousé en secondes noces Philippe de Navarre et que l’on appelait maintenant la dame de Cassel.» (Françoise Autrand, Charles V, Paris, Fayard, 1994, p.133, 532 et 837)

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