Thérèse Marquise de Gorla

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Thérèse Marquise de Gorla
Conjoint(s) René Berthelot, dit Du Parc, dit Gros-René
Dénomination(s) Mlle Du Parc, « la Duparc », Marquise
Biographie
Date de naissance 1633
Date de décès 11 décembre 1668
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution


Notice de Claudine Nédelec, 2022

Thérèse Marquise est issue du mariage de Marguerite Jacquart et de Giacomo de Gorla, d’origine italo-suisse, bonimenteur de foires, ayant reçu l’autorisation d’installer un théâtre et de vendre ses marchandises sur la place des Jacobins à Lyon en 1644. Marquise a sans doute commencé par attirer le chaland pour son père en dansant. Lorsque la troupe du duc d’Épernon, que dirigent désormais Madeleine Béjart et Molière, arrive fin 1652 à Lyon, René Berthelot, dit Du Parc et Gros-René, spécialisé dans les rôles de valet, décide de l’épouser : le contrat est signé en février 1653. Elle apporte une dot de 3 000 livres : son père était donc à son aise. Devenue membre de la troupe sous le nom de Mlle Du Parc, elle en suit les pérégrinations. Selon les Mémoires de Daniel de Cosnac, elle joue un rôle dans l’adoption de la troupe par le prince de Conti, son secrétaire, le poète Jean-François Sarasin, en étant devenu amoureux.
Lors du séjour à Rouen, où se prépare le retour de la troupe à Paris, elle rencontre Pierre et Thomas Corneille, tous deux dramaturges. Certains des poèmes galants publiés par « Corneille » dans les Poésies choisies de Messieurs [...] (dit recueil Sercy, t. V, 1660), lui sont sans doute dédiés, dont les fameuses « Stances » (« Marquise, si mon visage... »), mises en musique par Brassens avec une railleuse strophe supplémentaire de Tristan Bernard. Mais il s’agit d’un jeu littéraire, voire professionnel, Corneille cherchant alors à se rapprocher des milieux galants parisiens.
Selon une lettre de Chapelle, il y a alors quelques dissensions entre les actrices principales de la troupe, Madeleine Béjart, Catherine de Brie et Marquise, qui se trouvait un peu reléguée aux seconds rôles. De plus, les frères Corneille, voulant contribuer au redressement du théâtre du Marais, usent de leur influence pour y faire entrer le couple Du Parc. À Pâques 1659, tous deux quittent la troupe de Molière ; mais cette expérience fut sans doute décevante, et un an plus tard, ils la réintègrent. Les contemporains ne parlent pas de son jeu ; elle brille surtout par sa beauté et par ses talents de danseuse dans les comédies-ballets et les spectacles de cour. Elle est sans doute la bergère du ballet du 3ème acte des Fâcheux (1661) ; dans Le Mariage forcé (1664), elle joue Dorimène, la femme de Sganarelle, et danse dans la VIIIe entrée (alors que, dans les ballets de cour, les rôles féminins sont presque toujours dansés par des hommes).
Après avoir joué Elvire dans Dom Juan (1665) et Arsinoé dans Le Misanthrope (1666), elle obtient enfin un premier grand rôle, celui d’Axiane dans Alexandre le Grand de Racine (créé le 14 décembre 1665). Mais Racine avait aussi confié sa pièce, contre tous les usages, à l’Hôtel de Bourgogne, qui, en la créant à son tour le 18, fait chuter la mise en scène du Palais-Royal. On ne sait pas si Racine était déjà l’amant de Marquise, dont le mari est mort en 1664. En tout cas, il obtient de la faire recruter par l’Hôtel de Bourgogne (mars 1667) : elle y crée le rôle d’Andromaque (novembre 1667), c’est un triomphe.
Après avoir eu plusieurs enfants de Du Parc (dont un seul survécut), elle donne naissance à une fille (baptisée en mai 1668, morte en 1676), probablement de Racine. En décembre 1668, Marquise Du Parc meurt des suites d’une fausse couche ou d’un avortement, à 35 ans. Lors de l’affaire des poisons, en 1679, « la Voisin » (Catherine Deshayes) accuse Racine de l’avoir fait empoisonner, par jalousie ; très en cour, il n’est pas inquiété. Le service funèbre de la comédienne fut suivi par une foule d’admirateurs désespérés, selon le récit du gazetier Robinet. Elle est inhumée en l’église des Carmes des Billettes.

Marquise Du Parc a donné lieu à plusieurs fictions récentes (un film : Marquise, Véra Belmont, 1997 ; un roman historique : Marquise ou la vie sensuelle d’une comédienne, Christophe Mory, 2012 ; une pièce de théâtre : Adieu Marquise, Monique Lancel, 2015...). Mais on ne sait en fait pas grand-chose de sa personnalité, en dehors de sa beauté, unanimement célébrée : rien par exemple sur ses nombreuses maternités, qui finissent par causer sa mort, comme pour beaucoup de femmes de l’époque. Molière en fait, non sans quelque ironie, une « Marquise façonnière » dans L’Impromptu de Versailles (1663) et une jeune fille galante et coquette dans Le Mariage forcé (1664). Sans doute la troupe profita-t-elle davantage de ses talents de danseuse, qui font d’elle en quelque sorte une première figure de danseuse professionnelle avant celles formées par l’Académie royale de musique (Lafontaine, 1655-1738 ; Marie-Thérèse Perdou de Subligny, 1666-1740).

Principales sources

  • Acte de mariage, Archives municipales de Lyon ; Contrat de mariage du XIX février 1653 passé devant le notaire royal Thomazet en présence de témoins dont J.-B. Poquelin, Archives départementales du Rhône, cote 3E//958, fol.222-223.
  • Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle, Lettre à Molière (printemps 1659), Recueil des plus belles pièces des poètes français tant anciens que modernes, 1692, t. V, p. 40-45.
  • Registres de Saint-Roch (cités par Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, SEVPEN, 1963, p. 617): « Du 13 décembre 1668, Marquise, Thérèse de Gorla, veuve de feu René Berthelot, vivant sieur Du parc, l’une des comédiennes de la troupe royale, âgée d’environ 25 [35 en fait] ans, décédée le onzième du présent mois, rue de Richelieu ; son corps porté et inhumé aux religieux carmes des Billettes de cette ville de Paris ».

Choix bibliographique

  • Georges Forestier, Jean Racine, Paris, Gallimard, 2006.
  • Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe [1]
  • Virginia Scott, Molière : A Theatrical Life, Cambridge University Press, 2000

Jugements

  • « D’une brillante grâce / Vos traits sont embellis, / Et votre teint efface / Les roses et les lys / De nos jeunes Phyllis ; / L’esprit, l’air agréable, / Et la taille admirable, / En vous se trouvent joints : / Après cela, Marquise, / Ne soyez point surprise, / Si je vous rends des soins, / L’on en rendrait à moins. » (Poésie attribuée à Molière (vers 1660 ?), Recueil des plus beaux vers qui ont été mis en chant, 1668 [Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 2010, t. II, p. 1110])
  • « La DU PARC, cette belle Actrice, / Avec son port d’Impératrice, / Soit en récitant, ou dansant, / N’a rien qui ne soit ravissant ; / Et comme sa taille et sa tête / Qui font mainte et mainte conquête, / Mille soupirants sont témoins, / Que ses beaux pas n’en sont pas moins. » (Jean Loret, Lettre en vers à son Altesse Mlle de Longueville, 20 novembre 1661 (compte rendu de la création des Fâcheux à Paris)
  • « Vous allez être à moi depuis la tête jusqu’aux pieds ; et je serai Maître de tout : De vos petits yeux éveillés ; de votre petit nez fripon ; de vos lèvres appétissantes ; de vos oreilles amoureuses ; de votre petit menton joli ; de vos petits tétons rondelets ; de votre... Enfin toute votre Personne sera à ma discrétion » (Molière, Le Mariage forcé, sc. 2 (Sganarelle, à Dorimène/ Marquise Du Parc)
  • « J’ai vu la Pièce toute neuve, / D’ANDROMAQUE, d’Hector, la Veuve, / Qui, maint Siècle, après son Trépas, / Se remontre pleine d’Appas, / Sous le Visage d’une Actrice, / Des Humains, grande Tentatrice, / Et qui, dans un Deuil très pompeux, / Par sa voix, son geste et ses yeux, / Remplit, j’en donne ma parole, / Admirablement bien, son Rôle. / C’est Mademoiselle du PARC, / Par qui le Petit Dieu Porte-Arc, / Qui lui sert de fidèle Escorte, / Fait des Siennes d’étrange sorte. » (Charles Robinet, Lettre en vers à Madame, 26 novembre 1667)
  • « J’admire l’étoile de la Duparc qui a donné mille passions à mille gens, et jamais une médiocre. Si le Chevalier de *** l’épouse, ce sera un grand triomphe pour l’amour ; il est beau pour son honneur qu’il arrive de temps en temps des choses extraordinaires dans son empire ; cela le fait respecter. » (Lettre de Bussy-Rabutin à Mme de Montmorency, 17 juillet 1668, p. 55-56 (Nouvelles lettres de Messire Roger de Rabutin [...], t. V, Paris, F. Delaulne, 1727).)
  • « M. Racine était amoureux de la du Parc, qui était grande, bien faite, et qui n’était pas bonne actrice. Il fit Andromaque pour elle, il lui apprit ce rôle ; il la faisait répéter comme une écolière. » (Nicolas Boileau, conversation du 12 décembre 1703 avec Claude Brossette, dans son Recueil des mémoires touchant la vie et les ouvrages de Boileau, cité par Paul Mesnard, J. Racine, Œuvres, Paris, Hachette, 1885, « Notice biographique », t. 1, p. 78.)
  • « L’HÔTEL de BOURGOGNE est en Deuil, / Depuis peu, voyant au Cercueil, / Son Andromaque si brillante, / Si charmante, et si triomphante, / Autrement, la belle du PARC, / Par qui l’Amour tirait de l’Arc, / Sur les Cœurs, avec tant d’adresse [...] ». (Charles Robinet, Lettre en vers à Madame, 15 décembre 1668)
  • « Elle était belle et bien faite, et dansait très bien ; elle brillait aux ballets du roi dans les danses hautes ; elle faisait certaines caprioles remarquables, car on voyait ses jambes et partie de ses cuisses par le moyen de sa jupe fendue des deux côtés, avec des bas de soie, attachés au haut d’une petite culotte ». (Lettre au Mercure de France, mai 1740, p. 845-846 (attribuée à Marie-Angélique Poisson, fille de Philibert Gassot du Croisy et de Marie Claveau, dite Mlle du Croisy, tous deux de la troupe de Molière ; elle entra très jeune dans la troupe, après la mort de Molière, et fut sociétaire de la Comédie-Française de 1680 à 1694)
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